L'une des aventures les plus bizarres que j'aie vécues lorsque je me consacrais à la photographie du ciel à l'aide de vielles pellicules, a été sans doute celle que j'ai vécue aux années 80, quand j'utilisais la célèbre Kodak Technical Pan 2415, hypersensibilisée au forming gaz.

On sait bien que l'un des défauts les plus gênants de toute pellicule est connu comme le "défaut de réciprocité" (effet Schwartzschild), à la suite duquel la réponse de l'émulsion au stimulus lumineux n'est pas proportionnelle au temps d'exposition, mais diminue rapidement lorsque le temps d'exposition dépasse de quelques secondes. C'est pareil à ce qui arrive à notre peau lors d'une exposition solaire.

Il s'agit évidemment d'un inconvénient sérieux en photographie astronomique, où les temps d'exposition sont plutôt longs. Il y a deux raisons pour cela, dont deux à mentionner:

• Lorsque le stimulus lumineux est très faible, l'effet produit est réversible.
  Cela est dû à l'agitation moléculaire et augmente avec la température.
  A cet égard il convient de rappeler qu'une température du film par dessus 0°C doit être considérée comme élevée.
   

• L'humidité, toujours présente dans l'émulsion, est une autre raison de la perte de sensibilité.

Si bien que les méthodes utilisées pour "hypersensibiliser" les films doivent partir de la prise en compte de ces deux faits. Comment? Vous pouvez bien l'imaginer:

D'une part, on doit refroidir les pellicules à des températures très faibles (80-150° au dessous zéro), à l'aide soit de glace sèche, soit de gaz liquéfiés ou d'appareils électroniques (plaquette Peltier).
 

D'autre part, il faut enlever toute trace d'humidité sur le film; pour ce faire, on le place pendant 24 heures sous pression dans une atmosphère d'hydrogène, souvent mêlée à un gaz inerte afin d'éviter d'éventuelles explosions. Un mélange très sûr et qui donne de bons résultats est le forming gaz (92% d'azote avec 8% d'hydrogène).

Il existe plusieurs façons de sensibiliser les films, mais la description en dépasse les limites de cet article.

Pour photographier le ciel avec la 2415 il fallait faire au préalable bien des travaux.
La pellicule se présentait généralement en rouleaux de 30 mètres, et il fallait la passer, avec toutes les précautions, aux cartouches communes de 35 mm.

Ensuite, il fallait la mettre sur une spirale, du type de celle utilisée pour le développement, et la placer dans une chambre étanche (chambre d'hypersensibilisation) dans laquelle il fallait faire, à l'aide d'une pompe électrique, un vide élevé. Plus tard, il fallait pomper dans cette chambre le forming gaz, et la cuire pendant 24 heures à quelque 60 degrés.

Ce processus fini, la pellicule était pratiquement libre du défaut de réciprocité et, malgré son manque de sensibilité au niveau des photographies instantanées, elle devenait cependant apte pour les longues expositions et agissait comme une pellicule sensible. D'ailleurs, étant une pellicule au grain fin, sa haute résolution de 320 lignes/mm était intacte, ainsi que son excellent contraste. Qu'est-ce que l'on pouvait demander encore?

Malheureusement, pour une raison longtemps inconnue, et dont la découverte m'a conduit à en analyser 23 différentes, ce qui a entraîné une grande dépense de pellicule (environ 130 mètres...) et de temps (vous pouvez l'imaginer, entre la sensibilisation et de longues expositions...), les pellicules étant entachées et des centaines d'heures de travail détruites. J'ai découvert enfin la cause, qui était évidemment la numéro 23.

REGARDEZ CE QUI ÉTAIT ARRIVÉ! 
(animation)

Le petit tuyau central de la spirale, à travers lequel sont versés d'abord le révélateur, puis le fixateur, et qui devait être parfaitement noir et opaque, n'était en réalité qu'apparemment noir: vu à contre-jour –ce que je n'ai appris que par hasard car c'était impensable- il s'avérait en réalité couleur H-alpha, juste la radiation à laquelle la 2415 est plus sensible !!! (la sensibilité de la 2415 va vers le rouge, au-delà des pellicules panchromatiques).

Qu'est-ce que je peux vous dire encore?
Bravo pour le fabricant car, puisqu'il construisait des récipients de développement, il aurait dû connaître l'existence de la 2415! Et heureusement c'était une spirale d'une bonne qualité!

PELLICULE
01. Pellicule vieille
02. Entrée de lumière dans la cartouche
03. Entrée de lumière dans la spirale

CHAMBRE D'HYPERSENSIBILISATION:
04. Entrée de lumière lors de la charge
05. Vide insuffisant
06. Entrée d'air dans les valves
07. Perte de pression
08. Excès de pression
09. Excès de chaleur
10. Temps de cuisson trop long
13. Température inconstante

PHOTOCAMÉRA ET TÉLESCOPE:
11. Entrée de lumière dans la chambre
12. Entrée de lumière dans le télescope

CHAMBRE OBSCURE:
14. Entrée de lumière lors de la charge de la pellicule
15. Entrée de lumière dans le récipient de développement
16. Chambre obscure pas suffisamment obscure
17. Mauvaise préparation du révélateur
18. Température du révélateur incorrecte
19. Révélateur épuisé
20. Développement trop long
21. Fixation insuffisante
22. Lavage insuffisant
23. Partie centrale de la spirale transparente!!!