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FESTIVAL-MANIFESTE-PRESBYTE

L'Orateur. — A mon dernier manifeste cannibale, je vous ai dit que le cul le cul représente la vie comme les pommes frites et se vend comme l'honneur ? Eh bien, ce soir il se donne pour rien, voyez plutôt comme cette petite salle est pleine ?

Le Spectateur. — Alors, ça va recommencer, toujours des grossièretés, des obscénités ? Au lieu de vous exprimer en français !

L'Orateur. — L'Obscénité n'existe que dans votre pauvre imagination, il n'y a pas d'obscénité. La vie est-elle une obscénité ? Faire des enfants est-ce une obscénité ?

Le Spectateur. — La vie est ce qui est beau.

L'Orateur. — Ah oui ! un beau mariage ou une belle dote, ce qui est la même chose, ou une belle victoire que l'on obtient à coups de charognes.

Le Spectateur. — Impossible de nous entendre, vous ramenez tout à la matérialité.

L'Orateur. — je comprends ce que vous aimez, la gloire officielle ! Voulez-vous que je vous dise ce qui vous déplaît dans Dada ? c'est qu'il n'aime pas les boniments, les bourrages de crânes ; vous sentez qu'il se fout de vous.

Le Spectateur. — Voulez-vous me dire pourquoi il se fout de moi ?

L'Orateur. — Parce que vous êtes sérieux, donc idiot.

Le Spectateur. — Je ne vois pas très bien.....

L'Orateur. — Cet artiste ou ce bourgeois, n'est qu'un gigantesque inconscient, il prend sa timidité pour de l'honnêteté ! Vos charités et vos admirations, mon cher Monsieur, sont plus méprisables que les syphilis ou les blennoragies que vous distribuez à votre prochain, sous prétexte de tempérament ou d'amour.

Le Spectateur. — Il m'est impossible de continuer à me compromettre avec un individu tel que vous, et je vous invite tous, mes collègues spectateurs, à quitter cette salle en même temps que moi, nous ne pouvons rester en contact avec ce personnage.

L'Orateur. — Naturellement, tu as peur que le vent soulève ta jupe et que nous apercevions ton sexe qui est faux ; tes cheveux aussi sont faux, tes dents sont fausses ; tu as un œil de verre et c'est le seul qui me regarde franchement, l'autre est un caméléon d'Asnières, à 20.000 fr. le carrat, pour imbéciles.

Le Spectateur. — Monsieur, je m'en vais d'abord, et puis je n'ai pas de jupe, je suis un homme !

L'Orateur. — Oh ! pantalon ou jupe, c'est la même chose, il n'y a que le sexe qui change, mais chez toi et tes pareils il ne peut changer, puisqu'il est faux !

Le Spectateur. — Mais il n'y a rien de faux, c'est de moins une des théories que vous avez émises.

L'Orateur. — Tu as raison, il n'y a rien de faux.

Le Spectateur. — L'imitation, il me semble.....

L'Orateur. — L'imitation est vraie, un jardin en celluloïde est vrai, un perroquet en cristal de roche est vrai, un mouton en ruoltz est vrai.

Le Spectateur. — Vous ne me direz pas que DADA est vrai ?

L'Orateur. — C'est DADA qui te parle, il est tout, il comprend tout, il est de toutes les religions, il ne peut être ni victoire ni défaite, il vit dans l'espace et non dans le temps. — Mais pardon M. le Spectateur de quelle nationalité prétendez-vous être ?

Le Spectateur. — Je suis Français de Paris

L'Orateur. — De Paris

Le Spectateur. — Oui de Paris

L'Orateur. — C'est vrai, il y a les français de Marseille, de Bordeaux, de Besançon, de Paris, vous êtes comme certains habitants de la Terre, que se croient Russes, Américains, Allemand ou Anglais  c'est vrai, c'est vrai vous aimez les voyages en diligence.

Le Spectateur. — Misérable (il tire un coup de revolver sur l'orateur)

Francis PICABIA.

 
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