COMBAT textes pour le débat Comité de Paris « Domingos
Teixero » ____________________
LIGNE ROUGE No 2 octobre 1983 __________ Sommaire : Brigades
Rouges / P.G.P.M. : Communiqué no 1 au procès Moro. _____
BRIGADES ROUGES : COMMUNIQUÉ No 1 AU
PROCÈS MORO,
FAIRE LE PROCÈS DE LA RÉVOLUTION EST IMPOSSIBLE ! Le procès que la bourgeoisie impérialiste estime aujourdhui devoir et pouvoir célébrer est une étape fondamentale du procès de refondation de lÉtat impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale contre le prolétariat métropolitain. La bourgeoisie impérialiste sillusionne de pouvoir, de cette manière, liquider définitivement la stratégie de la lutte armée ! Depuis désormais des mois, un message est martelé à travers les scribes de régime, en un crescendo continu, à légard de tous les prolétaires : « La guérilla est désormais liquidée ! » Cela serait démontré selon la propagande bourgeoise par les centaines darrestations de ces derniers mois : la guérilla serait maintenant isolée des masses. La Campagne de Printemps 1 aurait été « le début de la fin ». À partir de là, les ruptures se seraient succédées et, en conséquence, même les secteurs de mouvement les plus proches de la guérilla auraient progressivement abandonné lhypothèse stratégique lancée par les Brigades Rouges avec la Campagne de Printemps et synthétisée dans les deux mots dordre : « Porter lattaque à lÉtat impérialiste des multinationales », et « Unifier le mouvement révolutionnaire en construisant le Parti communiste combattant ». Pour exagérer les défaites tactiques de la lutte armée, la bourgeoisie se fait forte des saloperies écrites par les traîtres que les médias bourgeois obstinent à appeler « repentis ». Le « projet repentis », qui sarticulait uniquement autour de lusage du tristement célèbre article 4 2, a été profondément désarticulé par une vaste et incisive initiative qui sest développée à lintérieur du mouvement révolutionnaire et des mouvements de masse contre les infâmes de tout acabit (de lexécution de Waccher à celle de Viele), qui a culminé avec la Campagne Peci et a ensuite été développée par les prolétaires prisonniers de Cuneo avec lexécution du crocodile infâme Soldati 3. Pour cela, la bourgeoisie redéfinit aujourdhui sa tentative de battre la guérilla de son sein autour dun nouveau projet : la stratégie de reddition. Les formes de la dissociation et de la collaboration active sarticulent ainsi du « projet repentis » jusquà la « solution politique au terrorisme », entendue comme tractation entre État et individus, entre État et Organisation communiste combattante. Et cest ainsi que les traîtres et les rendus sont utilisés pour soutenir les thèses de la bourgeoisie sur la liquidation de la guérilla : de Savasta à Buonavita, de Peci à Buzzati 4. LÉtat confie à chacun deux un rôle précis pour la reconstruction dune mémoire sur les Brigades Rouges et sur le mouvement révolutionnaire qui doit démontrer la faillite et labsence totale de perspectives de la stratégie guérillera. Nous ne connaissons que trop bien la rengaine : le bilan que les infâmes et les rendus tracent à partir de la mémoire hallucinée de leur expérience dans les Organisations communistes combattantes doit démontrer que la guérilla sest totalement détachée des motivations sociales qui lont produite. Une soudure gagnante entre initiative de Parti et mouvement de masse serait impossible, et pour cela la seule issue resterait la tractation de la reddition à travers la négociation politique avec lÉtat. La bourgeoisie veut à tout prix démontrer limpossibilité de la transition au communisme comme unique perspective pour le prolétariat métropolitain de sortir de la crise. Pour opérer cette mystification, elle utilise tous les instruments quelle a à sa disposition et elle na pas manqué de les mettre en uvre à loccasion de ce procès. Nous laissons aux idiots leurs illusions : le mouvement révolutionnaire et le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain se chargeront de démontrer quelle est la réalité. Dans cette conjoncture, la refondation de lÉtat impérialiste des multinationales est le programme à travers lequel la bourgeoisie impérialiste redéfinit par une série dinterventions économiques, politiques, militaires, etc. son État en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain. La contre-offensive bourgeoise qui sincarne dans ce projet est la réponse à la maturité politique atteinte par les mouvements de classe de notre pays et à la crise économique et sociale qui les produit, dans le cadre de la crise plus générale qui, de manière croissante, est en train de secouer violemment limpérialisme et le social-impérialisme. Le projet de refondation de lÉtat impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain est profondément défensif. En effet, il accentue encore plus les contradictions, tant au niveau économique en reproduisant à une échelle toujours plus grande les contradictions produites par la crise historique générale que nous sommes en train de traverser quau niveau social, puisque la crise de limpérialisme agonisant dans la phase de la domination réelle totale du capital se manifeste comme inimitié absolue entre bourgeoisie et prolétariat dans tous les rapports sociaux. Les puissantes causes objectives qui poussent la bourgeoisie impérialiste à anéantir le prolétariat métropolitain travaillent pour la révolution sociale totale et poussent le prolétariat métropolitain à anéantir la bourgeoisie. De la Campagne de Printemps 78 aux Campagnes Printemps-Été 81 5, la bourgeoisie est contrainte à suivre linitiative révolutionnaire ! En cela, la refondation de lÉtat a un caractère irrémédiablement défensif. Le projet de refondation de lÉtat impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain, justement parce que son contenu est profondément défensif, recouvre des formes extrêmement offensives. Comme dit Mao : « Tous les réactionnaires ont une double nature : ils sont en même temps de vrais tigres et des tigres de papier. » Le programme du gouvernement Spadolini, en particulier dans le saut de qualité développé en janvier, a montré et montre encore les « dents dacier » du vrai tigre. En effet, de janvier à aujourdhui, ce ne sont pas peu de cartes qui ont été jouées : linstitutionnalisation de la torture donnant carte blanche aux corps spéciaux antiguérilla ; lextension maxima de la différenciation et de lisolement des prisonniers à partir de lapplication de larticle 90 6 dans les prisons spéciales, à lisolement prolongé pour les nouveaux arrêtés, à labolition de fait de linstitution de lavocat défenseur ; la plus grande articulation de la différentiation dans les usines à travers lusage calibré et raffiné de la cassa integrazione, des licenciements, de la mobilité territoriale ; le développement toujours plus raffiné de la contre-guérilla psychologique à travers la création de faux repentis et lutilisation des saloperies des infâmes ; la mise en vigueur de la super-instruction pour insurrection armée contre lÉtat, gérée pour le compte de lExécutif par les diligents magistrats de guerre du Parquet de Rome qui ont la prétention dinstruire un procès définitif de la guérilla métropolitaine afin démettre une sentence de mort à lencontre de la guerre de classe pour le communisme. Mais, à la dialectique crise-restructuration-destruction-anéantissement de la bourgeoisie impérialiste soppose la dialectique destruction-construction du prolétariat métropolitain. Dans la destruction du système de pouvoir bourgeois vit la construction du système du pouvoir rouge ! Dans la construction du système du pouvoir rouge se concrétise la destruction du pouvoir bourgeois ! Pour battre la contre-offensive de lÉtat impérialiste des multinationales, relancer loffensive révolutionnaire ! Reprendre loffensive pour organiser la transition au communisme et construire le système du pouvoir rouge ! De nouveaux mouvements de masse se sont développés dans les derniers mois, produits par la radicalisation de la crise de limpérialisme. Le tournant dans la politique économique engagée par Reagan, centrée sur le soutien au dollar, a mené les U.S.A. à décharger sur les « alliés » les coûts de la crise. Notre pays, comme anneau faible de limpérialisme, se retrouve à payer les prix les plus lourds et à subir les contradictions les plus déchirantes. Tout cela produit des mouvements de masse qui, par-delà leur apparente absence dhomogénéité et les différents niveaux dantagonisme quils expriment, se définissent comme des mouvements durables et unitaires, parce quunifiés par la cause objective qui les produit : la crise historique générale du mode de production capitaliste actuel. De Turin à Naples, de la multinationale Fiat à celles de lÉtat, du cur de la classe aux marginaux, des grandes maisons darrêt métropolitaines au circuit des prisons spéciales, les mouvements de masse sannoncent plus vivaces que jamais en ce printemps 82 : cela en dépit des velléités de lÉtat qui voudrait assécher leau dans laquelle nage le poisson rouge de la guérilla, en dépit des funérailles que les infâmes voudraient faire au mouvement révolutionnaire, le plus vite possible. Ces mouvements se définissent potentiellement comme mouvement de masse révolutionnaire en ce quils sopposent de manière offensive au mouvement de restructuration-destruction du capital, en le bloquant ; en ce sens, ils se situent directement sur le terrain du pouvoir. Cest à partir de leur pratique que nous saisissons les aspirations profondes du prolétariat métropolitain, auxquelles seul le communisme, en tant que mouvement réel qui abolit lordre établi, peut donner une réponse. Cest à ces mouvements que nous nous adressons dans notre pratique sociale qui vit dans cette salle dans les formes du procès guérilla, et qui, de cette manière, contribue à construire le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain. En pratiquant le procès-guérilla, nous faisons vivre, aujourdhui ici, dans le concret de la pratique sociale, le mot dordre reprendre loffensive et nous dialectisons avec linitiative de la guérilla qui, avec lattaque contre ce bunker dans lequel vous êtes réduits à célébrer le procès, a plus que jamais démontré sa vitalité. Reprendre loffensive signifie développer les trois lignes directrices au long desquelles se réalise le Programme politique général de conjoncture : lattaque au cur de lÉtat, cest-à-dire lattaque au projet stratégique de la bourgeoisie impérialiste, dans sa dimension conjoncturelle. Ce qui signifie aujourdhui désarticuler et détruire le projet de refondation de lÉtat impérialiste des multinationales, en liquidant et dispersant le parti-régime, la D.C. La D.C. est laxe porteur de la refondation de lÉtat impérialiste des multinationales. Désarticuler et liquider la D.C. veut dire attaquer la refondation de lÉtat impérialiste des multinationales ! la recomposition du prolétariat métropolitain dans la construction du système du pouvoir rouge. Ce qui signifie, aujourdhui, dialectiser linitiative de parti avec les mouvements de masse du prolétariat métropolitain, en construisant lanneau manquant du système du pouvoir rouge les organismes de masse révolutionnaires. la redéfinition pratique dun authentique internationalisme prolétarien, à partir du développement de la révolution dans notre pays. Ce qui signifie aujourdhui, contre les asphyxiantes théorisations sur linternationalisme combattant, développer la dialectique entre Parti et mouvement de masse qui lutte contre limpérialisme et le social-impérialisme. Construire lunité des guérillas qui combattent au cur des métropoles pour le communisme. Soutenir la lutte des peuples et des pays qui luttent contre limpérialisme et le social-impérialisme. Anéantir tout type dimpérialisme. Ou il y aura le communisme pour tous, ou il ny aura de communisme pour personne ! Consolider le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, aller au-delà de lagir en Organisation communiste combattante. Dans le mouvement révolutionnaire, les derniers mois ont été riches de transformations et de développements. Nous avons assisté à la défaite du militarisme qui, à cause de son réductionnisme, ne peut que se vriller sur lui-même dans la reproduction dactions qui se préoccupent uniquement dattaquer lappareil de la bourgeoisie impérialiste, à des niveaux toujours plus élevés, en niant la dialectique entre parti et besoins immédiats du prolétariat métropolitain. À partir de la défaite politique et militaire subie avec laction Dozier, le militarisme campe sur la « retraite stratégique », en se faisant lillusion que lunique possibilité de définir une riposte adéquate à la contre-offensive bourgeoise soit en se « retirant », en se dissolvant au sein des masses et en arrêtant sa propre initiative pour élaborer une théorie révolutionnaire adéquate. Ces camarades ne comprennent pas que lunique théorie révolutionnaire ne peut naître et vivre que dans la dialectique constante avec la praxis révolutionnaire. Ils ne comprennent pas que la praxis est vérification de la théorie, mais aussi procès de transformation de la réalité et, en ce sens, procès de transformation du parti lui-même pour ladapter aux tâches complexes de transformation de la matière sociale. Il ny a pas de praxis révolutionnaire sans théorie révolutionnaire ! Il ny a pas de théorie révolutionnaire sans praxis révolutionnaire ! Mais, il y a plus : dans la métropole impérialiste, il nexiste pas de zones de neutralité ni de zones libérées dans lesquelles la guérilla pourrait se retirer. Là où le pouvoir rouge narrive pas à détruire le pouvoir bourgeois, le pouvoir bourgeois croît en extension et en profondeur ! Lexistence de la guérilla dans la métropole ne peut être donnée que par sa capacité à être constamment à loffensive et à la tête des mouvements de masse du prolétariat métropolitain. Il nexiste donc pas, pour la guérilla dans la métropole, de possibilités de se retirer dans le cours de la guerre de classe pour la transition au communisme et la construction du système du pouvoir rouge. Dans la métropole, la retraite à plus forte raison si elle est retraite stratégique est la mort pour le prolétariat ! Mort de ses rapports sociaux en transformation, mort des besoins évolués qui mûrissent dans les luttes, acceptation de la rationalité nécrophile du capital, jusquà la véritable mort physique La perspective de la retraite stratégique dans la métropole nest donc pas la condition de la reprise de loffensive, comme elle pouvait lêtre lors de la révolution chinoise, mais le plan incliné qui mène nécessairement à la liquidation du projet guérillero. Au cours de ces mois, nous avons assisté à limmobilisme forcené des lignes qui se sont arrêtées à lagir en Organisation communiste combattante, en sarrêtant dans le processus de construction du système du pouvoir rouge. Cet immobilisme est dû à lincapacité-impossibilité daffronter et de trancher les nuds que la guerre de classe met à lordre du jour, à travers les lignes subjectivistes oscillant constamment entre économisme et militarisme ou même des lignes néo-révisionnistes. Ces lignes finissent, en fait, par enfermer sa propre pratique sociale dans des secteurs de classe particuliers, à lintérieur desquels elles réussissent sûrement à consolider une dialectique concrète et propositive par rapport aux mouvements de masse particuliers par exemple le prolétariat prisonnier, ou même des secteurs particuliers de la classe ouvrière sans cependant réussir à pratiquer le terrain aujourdhui indispensable pour être parti : lattaque au cur de lÉtat à lintérieur de la recomposition du prolétariat métropolitain pour la construction du système du pouvoir rouge, dans la guerre de classe pour la transition au communisme. La ferme critique de Parti à ces lignes erronées, « dOrganisation communiste combattante », est aujourdhui le présupposé pour construire lunité de toutes les forces sincèrement révolutionnaires, en les positionnant sur la ligne aujourdhui la plus avancée. Mais lélément aujourdhui dominant dans le mouvement révolutionnaire est le saut de qualité que la guérilla a accompli au cours de ces mois en commençant à affirmer avec clarté lidentité politique du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain ! La ligne de Parti, même si elle vit parmi mille difficultés, sest construite à partir de la Campagne dUrso 7, à travers les Campagnes Cirillo et Peci, en se caractérisant par la continuité de lattaque au cur de lÉtat, en se caractérisant par la multi-dimensionnalité de sa pratique sociale, en se caractérisant par sa capacité à être le parti qui construit le parti en constante interaction dialectique avec les mouvements de masse et les organismes de masse révolutionnaires du prolétariat métropolitain, en se caractérisant enfin par limportance quelle assigne à létude de la conception matérialiste de lhistoire, du matérialisme dialectique et de son développement dans le cours de la révolution prolétarienne, comme base indispensable à la construction dune adéquate théorie révolutionnaire et de parti. Dans la lutte contre les lignes erronées, au cours de la dernière année sest construit un collectif de cadres communistes qui a dirigé les pratiques sociales les plus mûres des Campagnes Printemps-Été 81 et qui, à partir de cela, a déjà commencé à effectuer le saut de Organisation communiste combattante à Parti. Comme il ny a pas eu de continuité linéaire entre la naissance et lexplosion du mouvement de masse de 68/69, la naissance et la croissance des « groupes », la naissance de la lutte armée et des Brigades Rouges en particulier en 1970, de même aujourdhui, il ny a pas de linéarité dans le saut de Organisation communiste combattante à Parti ! Avec la rupture opérée par la ligne de Parti vis-à-vis des lignes erronées, dans le feu de la pratique sociale des Campagnes Printemps-Été 81, lavant-garde communiste na bien sûr pas construit le Parti, mais elle a démarré un processus de fondation-construction du Parti à partir dun corps de thèses organiques. La Résolution de la direction stratégique de 81, journal no 4 des Brigades Rouges 8, qui synthétise de manière organique ce corps de thèses, est pour nous un point darrivée décisif dans la bataille politique contre les lignes erronées, en particulier militaristes, organisativistes, subjectivistes et néo-révisionnistes. Elle est un instrument indispensable pour la fondation du Parti. Le saut de qualité est un processus de construction qui a un point de départ historiquement défini, objectif et subjectif. En ce sens, la rupture par laquelle nous avons affirmé la fin historique du cycle dOrganisation communiste combattante est déjà le début du Parti : le parti qui construit le Parti ! Après la rupture que représente la première étape du saut au parti, il y a le parti, mais il est encore une Organisation communiste combattante en ce sens quil représente le nouveau qui vit encore dans lancien. Saisir le nouveau qui avance et détruire le vieux qui nest pas encore mort et ne peut être mort, non seulement dans le rapport entre Parti et Organisation communiste combattante, mais aussi dans le Parti lui-même ! Rien ne doit subsister de lagir en Organisation communiste combattante ! Combien est longue et complexe la route pour atteindre cet objectif, le démontrent les défaites tactiques que la guérilla a subi après la grande offensive des Campagnes Printemps-Été. Ces défaites narrêtent pas la croissance du mouvement révolutionnaire, elles ne peuvent interrompre la construction du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, elles ne sont que des batailles perdues, des défaites tactiques inscrites dans le saut que lensemble du mouvement révolutionnaire, à partir de son avant-garde communiste, a fait et continue de faire. En 81, un cycle du processus révolutionnaire dans notre pays sest clos par une rupture avec le passé : les Brigades ont démontré, dans leur pratique sociale, la capacité à être parti, en se posant comme direction du mouvement révolutionnaire et en déterminant les lignes directrices portantes du Programme politique général de conjoncture. Le saut dOrganisation communiste combattante à Parti ne peut être refait à lenvers, il est définitivement fixé dans la pratique sociale et dans la théorie des Brigades Rouges. Le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain a commencé à parcourir sa route pour organiser la transition au communisme et construire le système du pouvoir rouge ! Les défaites tactiques sont des moments inévitables qui doivent être transformés en moments de réflexion et de croissance sur le plan stratégique. La défaite tactique de janvier nest pas le fruit derreurs techniques, militaires, mais la démonstration que le parti navait pas encore résolu les problèmes essentiels de son identité-capacité de projet. Apprendre de cette vague darrestations momentanée a signifié pour nous consolider le parti, en faisant un saut de qualité dans le processus de sa construction. Comme dit Mao : « Découvrir la vérité à travers la pratique et à travers la pratique développer la vérité et le point de vue de la vie, de la pratique, doit être le point de vue premier et fondamental de la théorie de la connaissance. » La défaite tactique de janvier 9 est le fruit dun rapport incorrect entre théorie et praxis qui vivait dans le parti. En ce sens, la consolidation du parti nest pas un moment organisationnel, mais un saut dialectique qui redéfinit un rapport correct entre théorie et praxis. Aux vautours idiots de la bourgeoisie impérialiste, à ceux qui croient pouvoir désarmer le prolétariat métropolitain et abattre les Brigades Rouges, nous rappelons que loccupation et le déménagement de Santa Maria Capua Vetere et lattaque contre ce bunker menée par des détachements armés de notre parti représentent la continuité et la relance de la guérilla à partir de la réaffirmation de la validité du Programme politique général de conjoncture, sanctionné par la Direction stratégique de 1981 10. Comme le disent justement les camarades dans le tract du 14 avril, « le cycle commencé en 68 ne peut maintenant continuer quen accomplissant un saut de qualité : de premiers noyaux de guérilla, les Brigades Rouges deviennent maintenant Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain ».
Ce qui est en cours de manière permanente est le procès de la révolution à la contre-révolution ! Comme le disent encore les camarades : « Avec le "procès Moro", la bourgeoisie impérialiste a tenté de libérer ses propres songes de lassaut de la guerre de classe. Le "procès Moro" devait et veut être non seulement le procès des Brigades Rouges, de la guérilla métropolitaine et du mouvement révolutionnaire, mais aussi le procès dune hypothèse révolutionnaire, la guerre de transition au communisme. Le "procès Moro" devait ratifier et sanctionner lacte de mort de la révolution, mais le procès de la révolution est impossible ! » Le procès dAldo Moro ne sest pas conclu il y a quatre ans, parce quil était en réalité le procès dune classe politique et du projet que celle-ci gère pour le compte de la bourgeoisie impérialiste. Le procès dAldo More a continué avec le procès Cirillo et continue sans interruption depuis quatre ans, même si les formes du projet ont changé : en 78, cétait le projet dunité nationale autour de lembrassade interclassiste D.C.-P.C.I., aujourdhui cest le projet de la refondation de lÉtat impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain, autour de linamovibilité forcenée confirmée par des culs-de-pierre démochrétiens. Le procès de cette classe politique qui gère le projet de la bourgeoisie impérialiste vit aujourdhui dans le pays, comme il vit dans les formes du procès guérilla à lintérieur de cette salle daudience. Tout comme le « procès Moro » est un moment de la refondation de lÉtat, notre procès guérilla est un moment de la construction du parti ! Pour nous, aujourdhui, pratiquer le procès guérilla ne signifie pas uniquement donner la parole aux mouvements de masse et relancer les mots dordre que la guérilla lance avec son initiative externe. Procès guérilla, pour nous, aujourdhui, signifie être un point de référence clair pour la classe en développant une pratique sociale de guerre jusquà lintérieur de cette salle daudience. À lintérieur des rapports de force plus généraux entre bourgeoisie et prolétariat, reprenons loffensive contre léphémère contre-offensive ennemie ! Nous travaillerons dans cette salle daudience pour reconstruire une mémoire prolétaire de 12 années de lutte armée : cest à partir de ce terrain que notre présence dans ce bunker recouvre un caractère offensif et fait peur aux esclaves de la bourgeoisie, en ce quil détruit le projet de lÉtat qui voudrait nier lhistoire, lidentité et les motivations sociales de la guérilla, en la réduisant à une histoire de crimes sans perspectives ! Le pouvoir sur la mémoire est un aspect fondamental du contrôle social dans la métropole. La mémoire est fonction de la projetualité et, pour cela, lissue de la révolution sociale dans la métropole dépend aussi de la solution de la lutte de classe sur ce terrain. La mémoire bourgeoise tente de programmer les comportements prolétaires avec lobjectif précis de rendre les tensions de classe compatibles, mais cette tentative butte inexorablement contre lirréductibilité de lantagonisme prolétarien, fruit du caractère irrésolvable de la crise. Le génocide de la mémoire prolétaire est pour la bourgeoisie la condition du contrôle préventif des comportements du prolétariat métropolitain. Cest la mémoire du possible pour ce mode de production, et non de celui de la transformation révolutionnaire qui avance sur le mot dordre : limpossible pour ce système est notre possible ! Le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, au contraire, doit être capable de stimuler la construction des multiples interconnexions entre Parti et mouvements de masse, entre les divers mouvements de masse, entre les divers organismes de masse révolutionnaires, en construisant la communication sociale transgressive et en reconstruisant à lintérieur de ces riches connexions, à partir et en fonction de celles-ci, une mémoire prolétaire de la lutte armée. Cette mémoire est un instrument indispensable pour transformer lantagonisme prolétarien en une stratégie politico-militaire, pour la construction du pouvoir-savoir social du prolétariat métropolitain. Cette mémoire nest donc pas uniquement reconstruction historique de notre passé : elle est mémoire tournée vers le futur. Plus encore : elle est mémoire dévènements futurs ! Elle est un instrument indispensable à la capacité de projet du parti, ou mieux, à sa capacité à résoudre le problèmes stratégiques de la transition et les problèmes des masses à travers la définition des programmes. Elle est un se rappeler pour transformer, non pour conserver ; se rappeler pour accélérer et massifier la transition au communisme. Combattre contre lusine bourgeoise de la mémoire collective et audiovisuelle, contre les rapports sociaux de sa production-circulation, pour une autre mémoire, est une question vraiment décisive. Cela signifie construire un rapport avec le passé tourné vers la transition révolutionnaire au communisme, en reconnaissant dans notre passé les germes des événements futurs ! Cest à partir de cette mémoire quaujourdhui nous voyons la grande et victorieuse Campagne de Printemps 78 comme loffensive qui a posé les présupposés pour le saut à une phase plus avancée de la guerre de classe pour la transition au communisme : de la phase de la propagande armée à la phase de la construction du système du pouvoir rouge, et en particulier du Parti et des organismes de masse révolutionnaires. La Campagne de Printemps est contemporainement un point darrivée et un point de départ. Un point darrivée de huit ans au cours desquels lavant-garde guérillera, avec à sa tête les Brigades Rouges, a su enraciner la stratégie de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain, à partir de la classe ouvrière des grandes usines, en sétendant progressivement au prolétariat marginal et extralégal et en abattant le mur qui divisait les prisons du reste de la société. Un point de départ pour de nouveaux pas en avant accomplis par la guérilla de 78 à aujourdhui et synthétisés avec une évidence particulière dans les Campagnes de Printemps-Été 81. Cest la Campagne de Printemps qui posa les éléments pour son propre dépassement, en imposant un saut de qualité dans le rapport masses-parti-masses et en mettant à lordre du jour le problème de la continuité de lattaque à lÉtat, entendue comme continuation du procès dAldo Moro dans ses plus profonds contenus. Ce sont justement les résultats politiques obtenus par la Campagne de Printemps et développés au cours des années suivantes que la bourgeoisie veut effacer avec ce procès. Lunique chose que cette cour puisse faire est administrer des siècles de prison ! Les seules qui puissant réaffirmer la vérité révolutionnaire sont les Brigades Rouges : cest cette vérité que nous voulons revendiquer dans ce procès, contre le génocide de la mémoire prolétaire perpétré parla justice bourgeoise ! Dans cette salle daudience, unis au mouvement révolutionnaire, nous continuons le procès du régime et de ses esclaves. Pour cela, nous navons aucun besoin davocats puisque nous navons à nous défendre de rien. Nous révoquons donc le mandat de nos avocats de confiance et nous défions quiconque de parler en notre nom ! Relancer loffensive prolétarienne sur le terrain du Programme politique général de conjoncture, pour battre la contre-offensive de lÉtat impérialiste des multinationales ! Rome, 26 avril 1982 Les militants du Parti-Guérilla
Notes : 1. La « Campagne de Printemps » est celle qui, en 1978, trouva son point le plus élevé dans le rapt dAldo Moro, Secrétaire général de la D.C., et lanéantissement de son escorte, via Fani à Rome, le 16 mars, alors quil se rendait à la séance inaugurale de la « majorité de solidarité nationale », avec lappui du P.C.I., construction dont il était le principal artisan. Il sera exécuté par les B.R. 55 jours plus tard, au terme dun retentissant procès prolétarien. 2. Larticle 4 de la loi spéciale sur les « repentis » prévoit de considérables réductions de peine pour les traîtres qui apportent « une contribution remarquable » à la lutte contre leurs camarades. Cest grâce à cette loi que plusieurs dentre eux, bien que reconnus coupables dhomicide, sont déjà en liberté. 3. La Campagne Peci est celle au cours de laquelle le « Front des prisons » des Brigades Rouges a enlevé, le 10 juin 1981, Roberto Peci, frère du traître Patrizio, qui fut exécuté au terme dun procès prolétarien, après avoir révélé que Patrizio Peci avait été recruté par la D.I.G.O.S. (police politique) plusieurs mois avant son arrestation « officielle », en février 1980. Giorgio Soldati, ancien militant de Prima Linea, a été exécuté dans la prison de Cuneo, le 10 décembre 1981, par des militants du Parti-Guérilla qui le soupçonnaient de trahison. 4. Il sagit danciens dirigeants des B.R. qui, dans des conditions toutefois différentes, sont passés à la collaboration avec lennemi. 5. Les Campagnes Printemps-Été 81 ont vu se dérouler, pour la première fois dans lhistoire de la guérilla italienne, quatre opérations contemporaines. Le 27 avril, la colonne napolitaine enlève Ciro Cirillo, conseiller D.C. de Campanie. Il sera libéré le 24 juillet, en échange de lattribution de nombreux logements aux victimes du tremblement de terre et dune forte rançon. Le 20 mai, à Mestre, cest la colonne de Vénétie qui séquestre le directeur de lusine pétrochimique Montedison, Giuseppe Taliercio, qui sera abattu le 6 juillet. Le 3 juin, cest au tour de Sandro Sandrucci, responsable de lorganisation du travail à lAlfa Romeo, dêtre enlevé par la Colonne Walter Alasia, à Milan. Il sera relâché après 51 jours de séquestration, après que les B.R. aient obtenu la suppression des mises en cassa integrazione dans les établissements Alfa. La dernière opération est celle citée plus haut contre Roberto Peci. 6. Larticle 90 prévoit lapplication provisoire, en situation durgence, de mesures extrêmement strictes à lintérieur des prisons, sur décision des administrations pénitenciaires. Appliqué de manière systématique et reconduit depuis plus dun an, il a pour effet de supprimer toute possibilité de contact avec lextérieur pour les détenus, de même que dune prison à lautre. 7. Le 12 décembre 1980, le juge Giovanni DUrso, haut fonctionnaire au Ministère de la Justice, où il est responsable des conditions de détention, est enlevé à Rome par un noyau des B.R. Cette initiative se dialectisera avec les prisonniers de la super-prison de Trani qui, au cours dune importante révolte, prendront 19 gardiens en otage. Dès lors, les exigences des B.R. et des prisonniers de Trani, rejoints par ceux du camp de Palmi, sont les mêmes : ils obtiendront ainsi la fermeture de la prison de lîle de lAsinara, véritable enfer. La révolte de Trani sera brutalement écrasée par les carabiniers, qui paieront néanmoins cet « exploit » de la viedun de leurs généraux, Enrico Galvaligi, exécuté deux jours plus tard à Rome par les B.R. Le juge DUrso sera finalement relâché le 15 janvier, après que les Comités de Lutte des prisonniers de Trani et de Palmi lui aient accordé la « suspension » de la condamnation à mort prononcée à son encontre par les B.R. 8. La Résolution de la Direction stratégique de décembre 1981 est un volumineux document par lequel le courant des Brigades rouges qui allait donner naissance au Parti-Guérilla sanctionne les divergences apparues au cours du débat qui traverse lOrganisation depuis de nombreux mois. 9. Au cours du mois de janvier 1982, à la suite de la découverte du lieu où les B.R. pour la construction du P.C.C. retenaient prisonnier le général yankee J-L.Dozier, et du passage immédiat à lennemi de plusieurs des militants qui le gardaient, plusieurs centaines de militants sont arrêtés dans toute lItalie. À Rome, un important coup est porté au Parti-Guérilla, dont plus de dix militants sont arrêtés, parmi lesquels des dirigeants, dont Giovanni Senzani, lun des fondateurs, tandis quun important matériel est saisi. Le groupe de militants arrêtés sapprêtait à effectuer dimportantes opérations. 10. Le 8 février, un noyau des B.R. pour le Parti-Guérilla attaque la caserne de Santa Maria Capua Venere, près de Naples, et y dérobe une importante quantité darmes lourdes. Lautre action à laquelle il est fait référence, et qui constitue le véritable acte de naissance du Parti-Guérilla, à lieu à la veille de louverture du « procès Moro ». Le 12 avril, alors que Rome est placée en état de siège, un noyau armé attaque le bunker du Foro Italico où doit se dérouler le procès et blessa trois carabiniers en mitraillant un de leurs camions. _____
BRIGADES ROUGES : COMMUNIQUÉ No 1
AU PROCÈS MORO,
À TOUT LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE, À TOUTES LES ORGANISATIONS COMMUNISTES COMBATTANTES, Ce qui se trouve dans cette salle, malgré tous les efforts que la bourgeoisie fait pour la nier, est une terrible contradiction politique. Une contradiction qui, du point de vue de la bourgeoisie, ne peut trouver de solution : laffirmation dans la métropole impérialiste de la stratégie de la lutte armée pour le communisme, en tant quantagonisme mortel au mode de production et au système de domination capitaliste. Dans dautres procès intentés aux Brigades Rouges, en dautres moments historiques, on cherchait à faire le procès de l« idée-force » de la guérilla comme stratégie révolutionnaire en condamnant des « individus » dont on voulait masquer lidentité de classe. Le « procès » en cours représente et une continuité et une rupture avec ceux-ci, justement parce quavec la capture dAldo Moro la guérilla a cassé dêtre une simple « idée force » pour devenir une force politique révolutionnaire, un projet politique global qui entre dans le vif de lhistoire comme proposition de pouvoir du prolétariat métropolitain. Lhistoire de ces dernières années de lutte prolétarienne dans notre pays le démontre de toute évidence. Ce sont des années au cours desquelles le système bourgeois a assisté impuissant, tout en étant férocement barricadé dans la défense de ses intérêts, à lavancée de la lutte armée qui a conquis des points dappui fondamentaux sur lesquels construira le système de pouvoir prolétaire. Ce sont des années au cours desquelles, avec dinévitables hésitations, limites et aussi erreurs, le projet de la guérilla a réussi à pénétrer dans le tissu prolétarien, à tel point quil nest désormais plus possible de len déraciner. La guérilla a pu poser daussi profondes racines parce que, issue du prolétariat métropolitain, elle sest développée, depuis sa naissance parmi les ouvriers de la Pirelli, à travers Sossi, Coco, etc. 1, en tendant à être un projet politico-militaire global pour la CONQUÊTE DU POUVOIR. Cest au cours de ces dernières années que la guérilla a concentré son offensive sur le terrain de laffrontement politique avec lÉtat impérialiste. Conjoncture après conjoncture, elle a déterminé le cur vital, le projet dominant qui a guidé les pratiques contre-révolutionnaires de tout lappareil de la bourgeoisie. En déclenchant lattaque contre le projet global de restructuration impérialiste, la guérilla a touché le « cur de lÉtat ». Une fois déterminé laspect dominant de la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat, plus rien na été épargné par lattaque de la guérilla. Depuis le pivot délégué pour mener politiquement la restructuration de lÉtat, limmonde Parti de la D.C. ; depuis les structures économiques qui devaient piloter cet État sur les rails obligés de la vorace et insatiable nécessité daccumulation du capital multinational ; depuis lensemble des appareils militaires, avec leurs sales mercenaires déchaînés dans une pratique terroriste et meurtrière ; jusquà lensemble des moyens de la « désinformation sociale », tant indispensables à la contre-révolution préventive et à lobscurcissement de la conscience des prolétaires, pour faire du mensonge et de la manipulation idéologique la philosophie de ce régime. Dans les principales zones prolétariennes où ce projet de domination sest articulé, il a trouvé sur sa route la guérilla, comme point le plus élevé du mouvement prolétaire de résistance offensive. Lindiscutable force de la guérilla au cours de ces années na donc pas été, ni seulement, ni principalement, de type militaire, mais réside dans sa capacité à exister et à se présenter comme projet politico-militaire pour la conquête du pouvoir. Ce nest donc pas la somme des épisodes singuliers qui constitue lessence de notre force, mais la proposition globale dalternative de pouvoir. La « Campagne de Printemps » de 78 constitue une étape fondamentale de ce parcours, comme authentique moment décisif dans lhistoire de la guérilla en Italie et pour lensemble du mouvement révolutionnaire dans notre pays. Elle clôt une phase, en en ouvrant dans le même temps une autre. Elle indique et trace les lignes directrices essentielles du parcours que le mouvement révolutionnaire doit entreprendre pour la construction du pouvoir prolétaire armé. Elle fonde les critères essentiels de lagir en Parti par le biais de lOrganisation combattante, sur lequel construira la direction politico-militaire du mouvement révolutionnaire. Dans cette période, le projet de refondation de lÉtat impérialiste trouve sa substance dans lambitieuse tentative dagréger autour de la D.C. un tas de forces et de partis, capable de gérer la crise en fonction des exigences du capital multinational et avec des intentions anti-prolétariennes déclarées. Cest le regroupement dun arc de forces qui comptera le parti de Berlinguer dans ses rangs, en plus des représentants traditionnels de la bourgeoisie. Bien que semblant être une nouveauté absolue par rapport aux alchimies habituelles de la classe politique au pouvoir, ceci correspond en réalité au vieux rêve de dévitaliser lantagonisme social, par la co-responsabilisation de ses présumés représentants institutionnels. À un P.C.I. avide de ronger los dun pouvoir dont il est exclu depuis toujours, on assigne le rôle de contrôleur, de gendarme de lÉtat infiltré dans la classe ouvrière. Une fois déclenchée lattaque contre la force politique principale, contre la D.C., et capturé le principal stratège de cet infâme projet, celui-ci commence irrémédiablement à agoniser le jour-même où il est inauguré. Laction de la guérilla, en attaquant le niveau le plus élevé du plan contre-révolutionnaire, enferre la bourgeoisie dans un dilemne qui na quune seule solution : SUBIR LA DÉFAITE ! Cest une défaite qui met en crise tout le dispositif des forces contre-révolutionnaires, qui en désagrège la cohésion, qui en défait irrévocablement les équilibres, qui réouvre des conflits dintérêts qui étaient en train de se résoudre autour de la D.C. Aujourdhui encore, ici, dans cette salle, nous pouvons le vérifier. Dans le même temps, la guérilla se met en évidence dans toute sa portée stratégique, elle se projette, par ses mots dordre, comme solution gagnante pour lensemble du prolétariat métropolitain. Cest à partir de ce moment que la guérilla conquiert la dimension générale dun projet politique pour une alternative de pouvoir : un pouvoir prolétarien, révolutionnaire et communiste. Cest dans lattaque victorieuse au « cur de lÉtat » que la guérilla conquiert pour la première fois des rapports de force favorables au prolétariat. En conquérant le terrain de laffrontement politique avec lÉtat, la guérilla vise à la destruction et à la liquidation du pouvoir de la bourgeoisie, se présente comme projet possible et crédible de construction du système du pouvoir prolétarien. En ce sens, la « Campagne de Printemps » marque un point de passage et de dépassement. La lutte armée cesse dêtre une stratégie prolétarienne possible, mais encore à vérifier, pour devenir lunique stratégie révolutionnaire gagnante. La guérilla dépasse son caractère de propagande de la nécessité historique de la lutte armée, et commence à être un projet politique global pour la conquête du pouvoir par le prolétariat. Face à ce résultat, la bourgeoisie reste effrayée et terrorisée. Parce que cest à partir de ce moment que la guérilla, comme projet de pouvoir, devient lennemi mortel de la bourgeoisie impérialiste. Détruire par tous les moyens lorganisation de la guérilla devient lobsession de la contre-révolution dans les années qui suivent. Mais, désormais, la porte de la révolution prolétarienne dans les métropoles impérialistes a été grandouverte. En franchir le seuil devient possible. La tâche de la guérilla dans la phase qui souvre est doccuper le gigantesque espace qui sentrouvre au-delà de cette porte. De nombreux et très importants pas ont déjà été faits dans cette direction, mais il faut en effectuer dautres, encore plus exigeants, pour que le système de pouvoir prolétarien se consolide et développe la guerre civile pour une société communiste. Mais ici, en ce moment, il nous faut souligner que qui veut battre le projet guérillero, que qui veut liquider la possibilité quaie mouvement révolutionnaire de se constituer en système de pouvoir prolétaire armé, doit à tous prix nous faire croire que cest depuis la « Campagne de Printemps » et lopération Moro qua commencé le déclin de la guérilla et que, delà, elle sest engagée sur le chemin de la défaite. Ceci nest quun exorcisme de sorciers spécialistes en propagande et en mystification. Nous affirmons que cest depuis la « Campagne de Printemps » que la guérilla a finalement commencé à vaincre. Cest pour cela que nous, militants de lOrganisation communiste combattante Brigades Rouges, revendiquons non seulement chaque plus petite action combattante qui nous est attribuée de manière si généreuse et flatteuse dans cette salle, mais aussi la justesse de lensemble de la ligne politique pratiquée par notre Organisation jusquici. Nous revendiquons aussi les limites et les erreurs qui font partie de notre parcours, conscients quune ligne politique juste saffirme aussi à travers le dépassement des obstacles qui surgissent inévitablement dans la croissance non linéaire de la révolution. Que tout cela soit vrai, lennemi de classe nous le confirme involontairement. Malgré toute la puissance quil déploie, il se sent et est constamment assiégé, perpétuellement encerclé, il sait quil ne peut battre politiquement la guérilla. Les tentatives de lanéantir ont jusquà maintenant été vaines, même si des succès militaires tactiques leur ont été possibles, comme cela arrive dans toute guerre. Les efforts pour la résorber, comme cela sétait jusque là toujours passé pour toute autre hypothèse faussement révolutionnaire dans notre pays, ont été infructueux et puérils. Pour la guérilla, la référant social ne peut quêtre la prolétariat ; et la classe ne peut voir la stratégie pour sa propre libération que dans la lutte armée. Seul le prolétariat, porteur des raisons sociales qui lérigent en classe mûre pour être dominante, peut voir dans la guérilla sa politique. Une politique prolétarienne apte à réaliser les transformations sociales pour lesquelles elle na jamais cessé de combattre. La guérilla a finalement établi une ligne de démarcation au-delà de laquelle il ne peut y avoir que la destruction de la bourgeoisie comme classe et linstauration de la dictature du prolétariat comme étape historiquement nécessaire pour la transition au communisme. Pour cela, quels que soient les efforts, la bourgeoisie ne parvient pas à récupérer ni à déformer quoi que ce soit de ce patrimoine et de cette proposition. Une proposition stratégique qui ne tolère ni ne subit aucune médiation et aucun conditionnement sur ses propres finalités et objectifs : la révolution prolétarienne pour une société communiste. La bourgeoisie ne peut que tenter de la nier, en créant des mythes, en falsifiant la réalité, en présentant des phantasmes. Mais, plus elle dépeint la guérilla comme une pratique sanguinaire et insensée, et plus nous enrichissons notre humanité et notre intelligence collective, capable de projet social. Plus elle affirme lisolement de notre proposition, et plus nous vérifions quelle sest profondément liée aux motivations et aux besoins du prolétariat. Plus elle tente de liquider lidentité de la guérilla par des exorcismes mystifiants et rassurants, comme ce procès, et plus nous sommes sûrs davoir fait mouche ! Chers Messieurs, Il vous est impossible deffacer la guérilla, en la niant vous ne manifestez que votre peur et votre faiblesse politique ! Voilà le pourquoi de votre fébrile besoin de construire une « vérité » à vous sur ces dernières années dhistoire de la lutte armée. Vous avez continuellement besoin de construire ce qui doit être rappelé et comment le rappeler. De là naît votre prétentieuse tentative deffacer jusquà la mémoire historique du prolétariat. Elle correspond à la nécessité qui est la vôtre de démolir les conquêtes politiques de ses luttes et la conscience que les prolétaires ont delles. Détruire et démolir la mémoire historique du prolétariat est la condition pour en étouffer les poussées révolutionnaires. Et cest là lobjectif le plus ambitieux que la bourgeoisie poursuit dans cette salle. Notre tâche ne peut donc être que de contribuer à reconstruire et à rendre vivante et utilisable la mémoire de classe, notre patrimoine dexpérience. Ceci est indispensable pour faire les pas suivants. Cependant que la bourgeoisie, à la recherche fébrile de sa « vérité », tordue et obscure parce que visant à maintenir loppression et lexploitation, ne réussit pas à sortir de manière convaincante de lenchevêtrement de mensonges quelle a elle-même construit. Notre vérité, nous lavons déjà dite, et cest celle du point de vue du prolétariat. Limpide et complète comme limposent les exigences de libération de la révolution prolétarienne, sans secrets ni mystères. Une vérité, donc, qui ne craint jamais, même aujourdhui dans cette salle, de se présenter pour ce quelle est, dans lintégrité de son propre parcours et dans le fait de dévoiler le vrai visage de son propre ennemi. Aucun doute, nous sommes ici pour remémorer ! Avec la modestie et lorgueil de militants des Brigades Rouges, pour ce qui nous revient et au maximum de nos possibilités, nous contribuerons, face au mouvement révolutionnaire, à répéter et à consolider les éléments théoriques et politiques qui ont guidé la pratique militante de notre organisation au cours de ces années. Ils constituent les fondements à partir desquels la guérilla est déjà en train de se redéfinir pour les nouvelles tâches que la phase lui impose. De fait, la guérilla ne sest pas arrêtée à Moro ! Delà, avec lélan et la conscience davoir réalisé une victoire, elle a affronté les nouvelles tâches qui se posaient à elle. Et ce sont ces quatre dernières années. Quatre années de lutte armée caractérisées par un enracinement toujours plus réel dans les masses, caractérisées par un parcours dur, contradictoire, mais extrêmement riche et propositif, années qui, alors quelles ont ratifié la validité historique et lactualité de la lutte armée pour le communisme, ont construit dans la pratique une première synthèse, commençant à dissoudre les nuds politiques du passage de ladolescence à la maturité. Avec la Résolution de la Direction stratégique de 1980 et son explication consécutive dans la « Campagne DUrso », la guérilla met en relation les contenus politiques exprimés par lantagonisme prolétaire avec lattaque « au cur de lÉtat ». Elle réussit donc à traduire en programme de pouvoir les contenus présents dans les luttes développées par un strate de classe, en faisant vivre dans une synthèse, dans un dessein unitaire, le mot dordre : « Accepter la guerre, attaquer le cur de lÉtat, organiser les masses sur le terrain de la lutte armée ». La « Campagne DUrso », bien que sarticulant dans le particulier dun strate de classe, relance le projet de la guérilla en Italie, touche un aspect de la contradiction principale qui réunifia ce strate à tout le prolétariat métropolitain. Le rapport antagoniste entre le « plan » de lÉtat et les motivations sociales qui soutiennent les luttes prolétariennes trouve dans la « Campagne DUrso » une formidable première synthèse du rapport parti/mouvement de masse pour le saut dans la construction du système du pouvoir prolétaire. Cest avec ce nouveau saut que la guérilla centre lessence politique de laffrontement de classe, au moment où la bourgeoisie, étranglée par sa crise, attaque toujours plus durement non seulement les aspirations, les besoins et la volonté de changer de millions de prolétaires, mais aussi pèse sur leurs conditions mêmes, les ramenant en arrière par rapport aux conquêtes de plus dune décennie. Se crée donc la possibilité historique, en plus de la nécessité pour le prolétariat, de transformer, de faire éclater comme lutte politique révolutionnaire, comme affrontement de pouvoir, les principales tensions vécues par la classe et sur lesquelles elle saffronta à lÉtat. Dès lors, la tâche de lavant-garde révolutionnaire est de se rapporter à la lutte de masse, den faire émerger les éléments qui réunifient les divers strates du prolétariat métropolitain et qui, nécessairement, se situent sur le terrain de la conquête du pouvoir. Cest le saut que nous devons faire accomplir à la lutte des masses, un saut possible qui rende actuelle la victoire du prolétariat sur lunique terrain où elle puisse être conquise. Ne pas faire cela, sattarder dans la continuation de la vieille phase de la propagande armée, où l« attaque au cur de lÉtat », par rapport à lorganisation des masses, se limitait, en désarticulant le pouvoir, à parcourir la piste du mouvement prolétaire de résistance offensive, à travers le recrutement des avant-gardes dun côté, et la propagande de lidée-force de la guérilla de lautre, signifierait aujourdhui opérer une réduction « militariste » de lagir en Parti. Dans cette phase de passage vers la guerre civile, il y a les conditions objectives pour diriger les luttes de masse à lintérieur dune stratégie pour la conquête du pouvoir politique. Le projet de la classe dominante a sa propre complexité qui vit dans les formes doppression du prolétariat, et non en une seule force de manière prédominante, comme cétait par exemple la cas en 1978 avec la D.C. Mais les forces de ce projet nont pas toutes le même poids et, par conséquent, les luttes spontanées sur les besoins immédiats du prolétariat nont pas toutes le même valeur politique dans la tactique révolutionnaire. En effet, alors que lantagonisme prolétarien se développe dans la lutte sur les besoins matériels, le « plan » du capital parle biais de lÉtat suit des priorités politiques qui ne sont pas le reflet des luttes prolétaires, mais découlent de sa dynamique interne qui, aujourdhui est la tendance à la guerre. Tendance opposée et contemporaine à la tendance à la révolution prolétarienne qui vit dans la lutte des masses. De ce fait, lantagonisme prolétarien ne devient rupture révolutionnaire, dans la construction dun système de pouvoir, que si, en son sein, lavant-garde révolutionnaire a la capacité de saisir la stratégie différenciée qui conforme tous les « plans » contre-révolutionnaires et fait vivre lélément général dans le particulier. La tâche est donc de déterminer dans chaque lutte, dans chaque besoin qui sexprime de manière concrète et antagoniste, laspect qui loppose de manière irréductible à la concrétisation, dans le spécifique, de la politique dominante de limpérialisme. Rendre ces aspects conscients, en exalter le caractère intrinsèque de critique radicale de la société, constitue le parcours qui permet de définir le programme révolutionnaire de la classe, de sédimenter la conscience prolétaire en système de pouvoir révolutionnaire. Le fait de ne pas avoir assumé avec la clarté nécessaire les tâches qui se posaient à lavant-garde révolutionnaire dans la nouvelle conjoncture, a mené, dans la dernière période, à subir des défaites tactiques, que la bourgeoisie et certains de ses paladins ont confondu avec la faillite historique de la lutte armée. Ces erreurs se sont aussi manifestées dans notre organisation, en tant que partie vivante et active du mouvement révolutionnaire. Elles tournent autour dune conception qui conçoit lattaque au « cur de lÉtat » comme une simple désarticulation de ses appareils centraux et non, au contraire, comme une ligne politique qui, sarticulant en des formes dorganisation et de lutte adéquates, traversa des niveaux de conscience prolétaire différents ; et non, donc, comme indication stratégique essentielle pour lorganisation des masses dans le système de pouvoir révolutionnaire. Cest une erreur qui se présente sous deux formes dans lactualité historique : la réduction « militariste » et la substitution « économiste » aux luttes des masses. Cest une erreur qui renonce au rôle de parti politique, à la recomposition, à travers lattaque à la politique dominante de la bourgeoisie, du prolétariat métropolitain comme classe consciente qui lutte sur un programme politique de prise du pouvoir. Dans ce contexte, le concept de réajustement, comme il en est pour le concept maoïste de « retraite stratégique », ne signifie pas pour nous (comme a pu le croire quelque petit-bourgeois superficiel et plein despoir) une attente de « temps meilleurs », un « refuge défensif parmi les masses », ou la « redécouverte sénile de la guérilla diffuse », etc. Il signifie au contraire concentrer et redéfinir les forces pour privilégier les objectifs prioritaires de laffrontement, ou plutôt les objectifs qui caractérisant le rôle du Parti, qui définissent laxe autour duquel réunifier la classe. Comme après 1905 en Russie, comme dans la situation qui, en Chine, amena les communistes à entreprendra la Longue Marche, les défaites tactiques ont, en réalité, révélé la maturité historique de la question centrale : la nécessité du saut de la guérilla au Parti pour la conquête du pouvoir politique et pour linstauration de la dictature du prolétariat, étape indispensable pour la transition au communisme. Du côté de la bourgeoisie, la politique dominante, qui pénètre toutes les sphères de la condition prolétarienne, est mise en avant par des forces qui sassignent le rôle de direction de la société vers la guerre inter-impérialiste. Cet ensemble est bel et bien un parti « inter-forces », le parti de la guerre impérialiste. « Parti » qui impose désormais sa logique dans tout programme de restructuration, en la rythmant selon des temps et des modes dont les priorités sont celles de la préparation à la guerre. Le saut que la contre-révolution a effectué se situe dans cette dynamique pré-guerrière. Un saut auquel la combativité et la solidité interne de la guérilla la contrainte, mais qui a dans le même temps mis à nu les carences globales des forces révolutionnaires. Un saut marqué dune empreinte militaire, par le déploiement dune stratégie qui prévoit la torture, la trahison, la dissociation et la reddition. Mais ces problèmes, avec lesquels nous devons aujourdhui régler les comptes, sont des problèmes de croissance. Pour cela, forts de notre patrimoine, que nous réaffirmons ici, il est possible de regarder le futur avec lassurance de pouvoir assumer les tâches auxquelles nous sommes confrontés. Construire le Parti Communiste Combattant ! Organiser les masses dans le système du pouvoir prolétaire armé pour la conquête du pouvoir politique ! Contre le « parti de la guerre impérialiste », porter lattaque au cur de lÉtat ! Guerre à limpérialisme ! Guerre à lO.T.A.N. ! Pour tous ces motifs, pour lidentité politique, que nous revendiquons, de militants des « Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant », nous estimons absolument superflue la présence davocats de la défense. La révolution prolétarienne na à se défendre de rien, parce quelle est elle-même une accusation et une condamnation du système de pouvoir et de production existant. Nous révoquons donc le mandat de nos défenseurs. Nous défions quiconque de prendre la parole en notre nom. Nous considérons les défenseurs commis doffice, qui assumeraient éventuellement cette charge, comme des collaborateurs actifs de ce régime. La guérilla les considérera de la même manière que les « défenseurs doffice » qui ont fourni, par leur seule présence, une couverture « légale » aux pratiques de torture à légard des communistes capturés. Couverture et complicité quils paieront de lunique manière quils soient en mesure de comprendre : avec le plomb ! Rome, 10 mai 1982 Les militants de Arreni Renato, Bella Enzo, Braghetti Anna Laura,
Note : 1. Il sagit de quelques-unes, parmi les plus importantes, des premières opérations des B.R. Le juge Sossi est enlevé à Gênes, le 10 avril 1974. Il ne sera libéré, le 23 mai, quaprès que les B.R. aient reçu des assurances sur la libération de plusieurs militants du « Groupe 22 octobre », que Sossi lui-même avait condamnés. Ceux-ci ne seront pas libérés comme prévu, mais le principal artisan de cette escroquerie, le Procureur général Francesco Coco, sera exécuté le 8 juin 1976, à Gênes, par les Brigades Rouges. _____
(Chapitre du livre Terrorisme et Communisme. 1ère partie)
Le thème principal du livre de Kautsky est le terrorisme. Lopinion selon laquelle le terrorisme appartient à lessence même de la révolution est, à en croire Kautsky, une erreur largement partagée. Il nest pas exact, prétend-il, que « qui veut la révolution doit prendre son parti du terrorisme ». En ce qui le concerne, Kautsky est pour la révolution en général, mais résolument contre le terrorisme. Cest là que les difficultés commencent. « La révolution, gémit Kautsky, entraîne un terrorisme sanguinaire mis en vigueur par des gouvernements socialistes. En Russie, les bolchéviks se sont engagés les premiers dans cette voie. Cest ce qui les a fait désavouer de la façon la plus sévère par tous les socialistes qui nadmettent pas le point de vue bolchévik et au nombre desquels figurent les majoritaires allemands. Mais ces derniers ne sont pas sitôt sentis menacés dans leur domination quils nont pas hésité à recourir à leur tour aux méthodes du terrorisme dont ils avaient condamné lemploi en Orient. » Il semblerait donc quil eût fallu tirer de ces prémisses la conclusion que le terrorisme est bien plus profondément lié à la nature de la révolution que ne lont pensé certains sages. Kautsky, lui, en tire une conclusion diamétralement opposée. Le développement formidable du terrorisme des blancs et des rouges dans toutes les dernières révolutions russe, allemande, autrichienne, hongroise prouve selon lui que ces révolutions ont dévié de leur bonne voie et quelles ne se sont pas montrées telles quelles auraient dû être conformément à ses rêveries théoriques. Sans nous attarder à discuter de l« immanence » du terrorisme considéré « en soi », dans la Révolution prise, elle aussi, « en soi », arrêtons-nous sur lexemple de quelques révolutions, telles que nous les montre lhistoire de lhumanité. Nous rappèlerons, tout dabord, la Réforme, qui trace une sorte de ligne de partage entre lhistoire de moyen âge et lhistoire moderne : plus elle embrassait les intérêts profonds des masses populaires, plus elle prenait dampleur, plus la guerre civile qui se déroulait sous les étendards religieux devenait acharnée, et plus la terreur était, des deux côtés, impitoyable. Au XVIIe siècle, lAngleterre accomplit deux révolutions : la première, qui provoqua de violentes secousses sociales et de longues guerres, amena, notamment, lexécution de Charles 1er ; la deuxième sest achevée heureusement par laccession au trône dune dynastie nouvelle. La bourgeoisie anglaise et ses historions considèrent ces deux révolutions de manière bien différente : la première est à leurs yeux une abominable Jacquerie, une « Grande Rébellion » ; la deuxième a reçu le nom de « Glorieuse Révolution ». Lhistorien français Augustin Thierry a montré les causes de cette différence dappréciation. Dans la première révolution anglaise, dans la « Grande Rébellion », cétait la peuple qui agissait, alors que dans la seconde, il est resté presque silencieux. Doù il résulte que, sous un régime desclavage de classe, il est bien difficile dapprendre aux masses opprimées les bonnes manières. Lorsquelles sont exaspérées, elles se battent avec des épieux et des pierres, avec le feu et la corde. Les historiens au service des exploiteurs en sont parfois offusqués. Mais lévènement capital de lhistoire de lAngleterre moderne (bourgeoise) nen demeure pas moins la « Grande Rébellion », et non la « Glorieuse Révolution ». Lévènement la plus considérable de lhistoire moderne après la Réforme et la « Grande Rébellion », un évènement qui, par son importance, laisse loin derrière lui les deux précédents, a été la grande Révolution française. À cette révolution classique a correspondu un terrorisme classique. Kautsky est prêt à excuser la terreur des Jacobins, en reconnaissant quaucune autre mesure ne leur eût permis de sauver la République. Mais cette justification tardive ne fait ni chaud ni froid à personne. Pour les Kautsky de la fin du XVIIIe siècle (les leaders des Girondins français), les Jacobins personnifiaient le mal. Voici, dans toute sa banalité, une comparaison assez instructive entre les Girondins et les Jacobins. Nous la trouvons sous la plume dun des historions bourgeois français. « Les uns comme les autres voulaient la République. Mais les Girondins voulaient une République légale, libre, généreuse ; les Montagnards voulaient (!) une République despotique et terrible. Les uns et les autres se déclaraient pour la souveraineté du peuple, mais les Girondins entendaient fort justement, sous le mot peuple, lensemble de la population, tandis que pour les Montagnards, le peuple nétait que la classe laborieuse et dès lors, cest à ces hommes seuls que devait appartenir le pouvoir. » Lantithèse entre les paladins chevaleresques de lAssemblée constituante et les agents sanguinaires de la dictature prolétarienne est ici assez bien indiquée dans les termes politiques de lépoque. La dictature de fer des Jacobins avait été appelée par la situation terriblement critique de la France révolutionnaire. Voici ce qu en dit un historien bourgeois : « Les armées étrangères étaient entrées en territoire français par quatre côtés à la fois : au nord, les Anglais et les Autrichiens ; en Alsace, les Prussiens ; en Dauphiné et jusquà Lyon, les Piémontais ; en Roussillon, les Espagnols. Et cela à un moment où la guerre civile faisait rage en quatre points différents, en Normandie, en Vendée, à Lyon et à Toulon. » Et nous devons encore y ajouter les ennemis de lintérieur, les innombrables défenseurs cachés du vieil ordre de choses, prêts à aider lennemi par tous les moyens. La rigueur de la dictature prolétarienne en Russie, ferons-nous remarquer, a été conditionnée par les circonstances qui nétaient pas moins critiques. Un front ininterrompu du Nord au Sud, de lEst à lOuest. Outre les armées blanches russes de Koltchak, de Denikine, etc , la Russie soviétique est simultanément ou successivement attaquée par les Allemands, les Autrichiens, les Tchécoslovaques, les Serbes, les Polonais, les Ukrainiens, les Roumains, les Français, les Anglais, les Américains, les Japonais, les Finlandais, les Estoniens et les Lithuaniens. À lintérieur du pays, enserré par le blocus et étranglé par la faim, ce nétaient que complots incessants, soulèvements, actes terroristes, destruction des dépôts, des voies ferrées et des ponts. « Le gouvernement qui avait pris sur lui de lutter avec lennemi innombrable de lextérieur et de lintérieur navait ni argent, ni armée suffisante, en un mot, rien, sauf une énergie sans limite, un appui chaleureux de la part des éléments révolutionnaires du pays et laudace de recourir à toutes les mesures pour le salut de la patrie, quels quen fussent larbitraire, lillégalité et la rudesse » : voilà en quels termes Plékhanov caractérisait autrefois le gouvernement des Jacobins 1. Tournons-nous maintenant vers la révolution qui sest produite dans la deuxième moitié du XIXe siècle aux États-Unis, pays de la « démocratie ». Bien quil se fût agi non de labolition de la propriété privée en général mais de labolition de la propriété des Noirs, les institutions de la démocratie nen avaient pas moins été tout à fait incapables de résoudre le conflit par voie pacifique. Les États du Sud, battus aux élections présidentielles de 1860, avaient décidé de recouvrer à nimporte quel prix linfluence quils avaient jusqualors exercée pour le maintien de lesclavage des Noirs. Tout en proférant, comme il se doit, des mots sonores sur la liberté et lindépendance, ils sengagèrent dans la voie qui conduisait à la révolte des propriétaires desclaves. Toutes les conséquences ultérieures de la guerre civile devaient inéluctablement en découler. Dès le début de la lutte, le gouvernement militaire de Baltimore enfermait, malgré lhabeas corpus, plusieurs citoyens partisans de lesclavage au Fort Mac Henry. La question de la légalité ou de lillégalité de ces actes fit lobjet dune chaude discussion entre les soi-disant « hautes autorités ». Le juge à la cour suprême Taney déclara que le président de la République navait le droit ni de suspendre le fonctionnement de lhabeas corpus, ni de donner à cet effet les pleins pouvoirs à lautorité militaire. « Telle est probablement la solution de cette question conforme à la Constitution », écrit un des premiers historiens de la guerre américaine, le lieutenant-colonel Fletcher. « Mais la situation était si critique, et la nécessité de soumettre la population de Baltimore si impérieuse, que les mesures arbitraires étaient soutenues à la fois par le gouvernement et par le peuple des États-Unis 2. » Certains objets dont le Sud en rébellion avait besoin lui étaient fournis secrètement par les commerçants du Nord. Dans ces conditions, il ne restait plus aux Nordistes quà recourir à la répression. Le 6 août 1861, une loi du Congrès sur la confiscation de la propriété privée employée à des fins insurrectionnelles fut ratifiée par le Président. Le peuple, représenté par les éléments les plus démocratiques, était en faveur des mesures extrêmes ; le parti républicain avait au Nord une majorité décisive et tous ceux qui étaient suspectés de sécessionnisme, cest-à-dire de favoriser les États dissidents du Sud, étaient lobjet de violences. Dans quelques villes du Nord et même dans las États de la Nouvelle-Angleterre, qui se glorifiaient de leur bon ordre, la population saccagea à diverses reprises les locaux de journaux qui soutenaient les esclavagistes insurgés et brisa leurs presses. On vit des éditeurs réactionnaires enduits de goudron, roulés dans des plumes et promenés par las rues dans cet accoutrement jusquau moment où ils consentaient à jurer fidélité à lUnion. La personnalité dun planteur enduit de goudron navait que peu de ressemblance avec la « fin en soi », si bien que limpératif catégorique de Kant a subi, au cours de la guerre civile américaine, un coup considérable. Mais ce nest pas tout. « Le gouvernement, nous raconte le même historien, eut recours à des mesures plus légitimes pour supprimer tous las journaux soutenant des opinions opposées à celles de ladministration. En peu de temps, la presse jusqualors libre dAmérique devint aussi soumise aux autorités que celle de nimporte quel État autocratique dEurope. » La liberté de parole eut le même sort. Ainsi, continue le lieutenant-colonel Fletcher, le peuple américain se vit privé à cette époque de la plupart de ses libertés. Il est à remarquer, ajoute-t-il en moraliste, que « la majorité de la population était tellement absorbée par la guerre et si profondément disposée à consentir à tous les sacrifices pour atteindre son but que, loin de regretter la perte de ses libertés, elle semblait ne pas sen apercevoir ». Las sanguinaires esclavagistes du Sud et leur valetaille déchaînée agirent avec une fureur encore plus grande. « Partout où se formait une majorité en faveur de lesclavagisme, rapporte le comte de Paris, lopinion publique devenait terriblement despotique à légard de la minorité. Tous ceux qui regrettaient le drapeau national étaient contraints au silence. Mais cela parut bientôt insuffisant. Comme il arrive dans toutes les révolutions, on contraignit les indifférents à exprimer leur attachement à la nouvelle cause. Ceux qui sy refusaient étaient donnés en pâture à la haine et à la violence de la populace Dans tous les centres de la civilisation naissante (États du Sud-Ouest) se constituèrent des comités de vigilance composés de tous ceux qui sétaient signalés par leur extrémisme au cours de la lutte électorale Le cabaret était le lieu ordinaire de réunion et lorgie bruyante sy mêlait à une misérable parodie des formes souveraines de la justice. Quelques énergumènes siégeant autour dun comptoir sur lequel coulaient le gin et le whisky, jugeaient leurs concitoyens présents et absents. Laccusé, avant même dêtre questionné, voyait déjà préparer la corde fatale. Et celui qui ne comparaissait pas devant le tribunal apprenait sa condamnation en tombant sous la balle du bourreau tapi dans les broussailles de la forêt » Ce tableau rassemble beaucoup aux scènes qui se déroulent chaque jour dans les régions où opèrent Denikine, Koltchak, Youdénitch et autres champions de la « démocratie » franco-anglaise et américaine. Nous verrons plus loin comment la question du terrorisme se posait sous la commune de Paris. Quoi quil en soit, les efforts que fait Kautsky pour nous opposer la Commune ne sont nullement fondés et lobligent à recourir à de bien piètres jongleries verbales. On doit, paraît-il, reconnaître les arrestations dotages comme « inhérentes » au terrorisme de la guerre civile. Kautsky, adversaire du terrorisme et des arrestations dotages, est cependant pour la Commune de Paris (il est vrai quelle vécut il y a cinquante ans). La Commune avait pourtant pris des otages. Doù, chez notre auteur, un certain embarras. Mais à quoi servirait la casuistique, si ce nétait dans ces circonstances ? Las décrets de la Commune sur les otages et sur leur exécution en réponse aux atrocités des Versaillais, ont été motivés, selon la profonde explication de Kautsky, « par le désir de conserver des vies humaines, non de les détruire ». Admirable découverte ! Il ne reste plus quà lélargir. On peut et on doit faire comprendre quen temps de guerre civile nous exterminons les gardes-blancs afin quils nexterminent pas les travailleurs. Dès lors notre but nest pas de supprimer des vies humaines, mais bien de les préserver. Mais comme nous devons combattre pour les préserver les armes à la main, cela nous conduit à détruire des vies humaines énigme dont le secret dialectique a été élucidé par le vieil Hegel, sans parler des sages appartenant à de plus anciennes écoles. La Commune na pu se maintenir et se renforcer quen faisant une guerre sans merci aux Versaillais. Ceux-ci avaient à Paris bon nombre dagents. En guerre avec les bandes de Thiers, la Commune ne pouvait faire autrement que dexterminer les Versaillais, tant sur le front quà larrière. Si son autorité avait dépassé les limites de Paris, elle se serait heurtée dans le développement de la guerre civile avec larmée de lAssemblée Nationale à des ennemis bien plus dangereux, au sein même de la population paisible. La Commune ne pouvait pas, alors quelle combattait les royalistes, accorder la liberté de parole à leurs agents de larrière. Kautsky, en dépit de tous les évènements actuels dans le monde, ne comprend absolument pas ce quest la guerre en général, et la guerre civile en particulier. Il narrive pas à comprendre que tout partisan de Thiers à Paris, ou presque, nétait pas simplement un « opposant » idéologique des communards, mais bien un agent et un espion de Thiers, un ennemi mortel, guettant le moment de leur tirer dans le dos. Or lennemi doit être mis dans limpossibilité de nuire, ce qui, en temps de guerre, signifie quil doit être détruit. Le problème de la révolution, comme celui de la guerre, est de briser la volonté de lennemi, de le forcer à capituler en acceptant les conditions du vainqueur. La volonté est, assurément, un fait dordre psychologique, mais à la différence dun meeting, dune réunion publique ou dun congrès, la révolution poursuit ses fins par le recours à des moyens matériels, bien que dans une mesure moindre que la guerre. La bourgeoisie elle-même sest emparée du pouvoir par linsurrection, et la affermi par la guerre civile. En temps de paix, elle garde le pouvoir à laide dun appareil complexe de coercition. Aussi longtemps quil y aura une société de classes, fondée sur les antagonismes les plus profonds, lemploi de la répression sera indispensable pour soumettre la partie adverse à sa volonté. Même si, dans tel ou tel pays, la dictature du prolétariat naissait dans le cadre de la démocratie, la guerre civile ne serait pas écartée pour autant. La question du pouvoir dans le pays, cest-à-dire la vie ou la mort de la bourgeoisie, ne se résoudra pas par des références aux articles de la Constitution, mais par le recours à toutes les formes de la violence. Quoi que fasse Kautsky pour analyser la nourriture de lanthropopithèque (voir les pages 85 et suivantes de son livre) et les autres circonstances proches ou lointaines qui lui permettront de déterminer les causes de la cruauté humaine, il ne trouvera pas dans lhistoire dautres moyens de briser la volonté de classe de lennemi que lutilisation rationnelle et énergique de la force. Le degré dacharnement de la lutte dépend de toute une série de conditions intérieures et internationales. Plus la résistance de lennemi de classe vaincu se montrera acharnée et dangereuse, plus le système de coercition se transformera inévitablement en système de terreur. Mais ici Kautsky prend inopinément une nouvelle position dans la lutte contre le terrorisme soviétique ; il feint tout simplement dignorer la furieuse résistance contre-révolutionnaire de la bourgeoisie russe. « On na pas observé, dit-il, semblable férocité à Petersbourg et à Moscou en novembre 1917, et encore moins à Budapost tout récemment. » (p. 102). Par suite de cette façon heureuse de poser la question, le terrorisme révolutionnaire devient tout simplement un produit de lesprit sanguinaire des bolcheviks, qui rompent en même temps avec les traditions de lanthropopithèque herbivores et avec les leçons de morale du kautskysme. La conquête du pouvoir par les Soviets au début de novembre 1917 (nouveau style) sest accomplie au prix de pertes insignifiantes. La bourgeoisie russe se sentait tellement éloignée des masses populaires, tellement impuissante à lintérieur, si compromise par le cours et lissue de la guerre, si démoralisée par le régime de Kerensky, quelle ne se risqua pour ainsi dire pas à résister. À Petersbourg, le pouvoir de Kerensky fut renversé presque sans combat. À Moscou, la résistance se prolongea surtout par suite du caractère indécis de nos propres actions. Dans la plupart des villes de province, le pouvoir passa aux Soviets sur un simple télégramme de Petersbourg ou de Moscou. Si les choses en étaient restées là, il naurait jamais été question de terreur rouge. Mais dès novembre 1917, on voyait un début de résistance de la part des possédants. Il est vrai quil fallait lintervention des gouvernements impérialistes dOccident pour donner à la contre-révolution russe confiance en elle-même et pour ajouter une force toujours croissante à sa résistance. On peut le montrer à partir des faits, importants ou secondaires, jour après jour, pendant toute la période de la révolution soviétique. Le « Grand Quartier Général » de Kerensky ne sentait aucun appui dans la masse des soldats. Il était disposé à reconnaître sans résistance le pouvoir soviétique qui entamait des pourparlers avec les Allemands en vue de la conclusion de larmistice. Mais une protestation des missions militaires de lEntente, accompagnée de menaces directes, devait sensuivre. Le G.Q.G. seffraya. Sous la pression des officiers « alliés », il entra dans la voie de la résistance, suscitant ainsi un conflit armé et lassassinat du chef dÉtat-Major, le général Doukhonine, par un groupe de matelots révolutionnaires. À Petersbourg, les agents officiels de lEntente et tout particulièrement la Mission militaire française, agissant de concert avec les socialistes-révolutionnaires et les menchéviks, organisaient ouvertement la résistance dès le deuxième jour de la révolution. Ils mobilisèrent, armèrent et dirigèrent contre nous les junkers (aspirants officiers) et la jeunesse bourgeoise en général. Le soulèvement des junkers du 10 novembre a coûté cent fois plus de pertes que la révolution du 7 novembre. La campagne des aventuriers Kerensky et Krasnov contre Petersbourg, suscitée au même moment par lEntente, devait naturellement introduire dans la lutte les premiers éléments dacharnement. Le général Krasnov fut néanmoins remis en liberté sur parole. Linsurrection de Yaroslav (au cours de lété 1918), qui coûta tant de victimes, fut organisée par Savinkov sur les ordres de lambassade de France et à ses frais. Arkhangelsk fut pris selon la plan des agents militaires navals anglais, avec le concours des vaisseaux de guerre et des avions anglais. Lavènement de Koltchak, lhomme de la finance américaine, a été le fait des légions étrangères tchécoslovaques à la solde du gouvernement français. Kalédine et Krasnov (ce dernier libéré par nous), premiers chefs de la contre-révolution du Don, ne purent obtenir quelques succès partiels que grâce à laide financière et militaire ouverte de lAllemagne. En Ukraine, le pouvoir soviétique fut renversé au début de 1918 par le militarisme allemand. Cest avec laide financière et technique de la France et de la Grande-Bretagne que larmée contre-révolutionnaire de Denikine fut créée. Ce nest que dans lespoir dune intervention de lAngleterre et par suite de son appui matériel que larmée de Youdenitch fut organisée. Les politiciens, les diplomates et les journalistes des pays de lEntente débattent en toute franchise depuis deux ans pour déterminer si la guerre civile en Russie est une entreprise suffisamment avantageuse pour quon puisse la financer. Dans ces conditions, il faut vraiment avoir un crâne dur comme la pierre pour rechercher les causes du caractère sanglant de la guerre civile en Russie dans la mauvaise volonté des bolchéviks et non dans la situation internationale. Le prolétariat russe sest engagé le premier dans la voie de la révolution sociale, et la bourgeoisie russe, politiquement impuissante, na osé sopposer à sa propre expropriation politique et économique que parce quelle voyait partout ses aînées au pouvoir nanties de toute la puissance économique, politique et, dans une certaine mesure, militaire. Si notre révolution doctobre sétait produite quelques mois ou même quelques semaines après la conquête du pouvoir par le prolétariat en Allemagne, en France et en Angleterre, il ne peut y avoir de doute que notre révolution aurait été la plus « pacifique », la moins « sanglante » des révolutions possibles ici-bas. Mais cet ordre historique à première vue le plus « naturel » et en tout cas le plus avantageux pour la classe ouvrière russe na pas été enfreint par notre faute, mais par la faute des évènements : au lieu dêtre le dernier, le prolétariat russe a été le premier. Cest précisément cette circonstance qui a donné, après la première période de confusion, ce caractère acharné à la résistance des ex-classes dominantes de Russie et qui a obligé le prolétariat russe, à lheure des plus grands dangers, des agressions de lextérieur, des complots et des soulèvements à lintérieur, à recourir aux cruelles mesures de la terreur dÉtat. Personne ne prétend plus maintenant que ces mesures aient été inefficaces. Mais peut-être exige-t-on quon les considère comme « inadmissibles » ? La classe ouvrière, qui sest emparée du pouvoir en combattant, avait pour tâche et pour devoir de laffermir inébranlablement, dassurer définitivement sa domination, de couper toute envie de coup dÉtat chez ses ennemis et de se donner, par cela même, la possibilité de réaliser les grandes réformes socialistes. Ou alors il ne fallait pas prendre le pouvoir. La révolution nimplique pas « logiquement » le terrorisme, de même quelle nimplique pas « logiquement » linsurrection armée. Quelle grandiloquente banalité ! Mais la révolution exige en revanche de la classe révolutionnaire quelle mette tous les moyens en uvre pour atteindre ses fins ; par linsurrection armée, sil le faut ; par le terrorisme, si cest nécessaire. La classe révolutionnaire, qui a conquis le pouvoir les armes à la main, doit briser et brisera les armes à la main toutes les tentatives quon fera pour le lui arracher. Partout où elle se trouvera en présence dune armée ennemie, elle lui opposera sa propre armée. Partout où elle sera confrontée à un complot armé, un attentat, une rébellion, elle infligera à ses ennemis un châtiment impitoyable. Peut-être Kautsky a-t-il inventé dautres moyens ? Ou bien peut-être ramène-t-il toute la question au degré de répression et proposa-t-il de recourir dans tous les cas à lemprisonnement plutôt quà la peine de mort ? La question des formes et du degré de la répression nest évidemment pas une question « de principe ». Cest une question dadaptation des moyens au but. À une époque révolutionnaire, le parti qui a été chassé du pouvoir, qui ne veut pas admettre la stabilité du parti dirigeant, et qui le démontre par la lutte forcenée quil mène contre lui, ce parti ne se laissera pas intimider par la menace des emprisonnements, puisquil ne croit pas quils dureront. Cest précisément par ce fait simple mais décisif que sexplique la fréquence des exécutions dans la guerre civile. Mais peut-être Kautsky veut-il dire que la peine de mort nest pas, en général, conforme au but quon veut atteindre, et quon ne peut pas « effrayer les classes » ? Ce nest pas vrai. La terreur est impuissante et encore nest-ce quen « fin de compte » quelle lest si elle est appliquée par la réaction contre la classe historiquement montante. Mais la terreur peut être très efficace contre la classe réactionnaire qui ne veut pas quitter la scène. Lintimidation est un puissant moyen daction politique, tant dans la sphère internationale quà lintérieur. La guerre, de même que la révolution, repose sur lintimidation. Une guerre victorieuse nextermine en règle générale quune petite partie de larmée vaincue, mais démoralise ceux qui restent et brise leur volonté. La révolution agit de même: elle tue quelques individus, elle en effraie mille. Dans ce sens, la terreur rouge ne se distingue pas en principe de linsurrection armée, dont elle nest que la continuation. Ne peut condamner « moralement » la terreur dÉtat de la classe révolutionnaire que celui qui rejette par principe (en paroles) toute violence, quelle quelle soit et donc toute guerre et tout soulèvement. Mais il faut nêtre pour cela quun quaker hypocrite. « Mais alors, en quoi votre tactique se différencia-t-elle de celle du tsarisme ? », nous demandent les pontifes du libéralisme et du kautskysme. Vous ne le comprenez pas, faux dévots ? Nous allons vous lexpliquer. La terreur du tsarisme était dirigée contre le prolétariat. La gendarmerie tsariste étranglait les travailleurs qui militaient pour le régime socialiste. Nos Commissions Extraordinaires fusillent les propriétaires fonciers, les capitalistes, les généraux qui sefforcent de rétablir lordre capitaliste. Vous saisissez cette... nuance ? Oui ? Pour nous, communistes, elle est tout à fait suffisante.
Notes : 1. « Le Social-Démocrate », Panorama Politique et littéraire trimestriel, Londres, 1890. Article sur « Le centenaire de la Grande Révolution », pp. 6-7. 2. Lieut.-colonel Fletcher, History of the American War, London, 1865-66. Les passages cités dans ce chapitre se trouvent pp. 96 et 165-166.
Notes des éditeurs : La brochure de Kautsky à laquelle Trotski fait référence est Der Weg zur Macht,
Berlin, 1909. Traduction française : Le Chemin du Pouvoir, Paris,
1910 (réédition Anthropos, Paris, 1969). _____
BRIGADES DE LA COLÈRE (ANGRY BRIGADES) :
Communiqué no 1 Frères et surs, Nous nous attendions à ce que la nouvelle du mitraillage de lAmbassade dEspagne à Londres soit bloquée par la presse bourgeoise. Cest la troisième fois depuis le mois dernier que le système a baissé la masque avec sa soi-disant liberté dinformation et tente par la censure de cacher sa vulnérabilité. Ils savaient la vérité à la B.B.C. un jour avant la farce de Miss Monde. Ils savaient la vérité derrière les destructions des propriétés des juges. Ils savaient la vérité derrière les quatre Banques Barclays qui furent brûlées ou détruites. Ils savent aussi que lopposition active à leur système sétend. Les Angry Brigades (Brigades de la Colère) ne revendiquent pas la responsabilité de tous ces attentats. Nous pouvons nous faire entendre de plusieurs façons. Nous avons mitraillé lAmbassade dEspagne en solidarité avec nos frères et nos surs Basques. Nous avons pris garde à ne pas tuer les porcs gardant le bâtiment représentant le capital britannique et le fascisme espagnol. Si la Grande-Bretagne coopère avec la France dans un lynchage légal en cachant la vérité, nous changerons de cibles. Solidarité. Révolution. Amour. N.B. Le 20/11/70, lors de la retransmission de lélection de Miss Monde, un camion de la B.B.C. est détruit par lexplosion dune bombe.
Communiqué no 4 Nous ne sommes pas des mercenaires. Nous avons attaqué les propriétés, pas les gens ; Carr, Rawlinson, Waldron seraient tous morts si nous lavions souhaité. Les Fascistes et les agents du gouvernement sont les seuls à sattaquer à la foule (attentat au West Indian Party dans Londres-Sud, et au cinéma West End). La démocratie britannique est basée sur plus de sang, de terreur et dexploitation que nimporte quel empire dans lhistoire. Les crimes contre le peuple effectués par une police brutale ne seront pas rapportés par les médias. À présent, le gouvernement a déclaré une guerre de classe vicieuse. La loi Carr tente den faire une guerre dun seul côté. Nous commençons à nous battre à notre tour. Et la guerre sera gagnée avec la classe ouvrière organisée à laide des bombes.
Note du Traducteur : Carr : Ministre de lemploi et de la production.
Chronologie succinte des principales actions
1967 21 août : Trois hommes armés mitraillent la section consulaire de lambassade des États-Unis, en solidarité avec le peuple vietnamien. Laction est revendiquée par le « Groupe du 1er Mai ». 5 des camarades de ce groupe étaient arrêtés en Espagne pour avoir essayé denlever le chef dune base aérienne U.S. Novembre : Explosion simultanée de lambassade de Grèce, de Bolivie et dEspagne à Bonn et de lambassade du Vénuézuéla à Rome, en solidarité avec les guérillas dAmérique Latine et contre les régimes fascistes en Europe, par le « Groupe du 1er Mai ». La même jour, une bombe détruit loffice du tourisme Espagnol à Milan et une autre détériora lambassade de Grèce et celle des États-Unis à La Hague. 1968 3 mars : 6 bombes endommagent des missions diplomatiques à Londres, la Hague, Turin. Laction est revendiquée par le « Groupe du 1er Mai ». 10 septembre : 7 anarchistes sont arrêtés on Espagne accusés de conspirer avec le « Groupe du 1er Mai ». Linformation qui a permis de les arrêter a été fournie par la branche spéciale de Scotland Yard. 15 octobre : Le musée impérial de la guerre est incendié. 9 février : Explosion à la banque dEspagne, à Liverpool. 15 mars : 2 anarchistes, Alan Barlow et Phil Cawer, sont arrêtés immédiatement, après une forte explosion à la banque de Bilbao à Londres. On trouve sur eux une lettre revendiquant laction, au nom du « Groupe du 1er Mai ». 16 août : Explosion à la maison de Sandys Duncan, député. 17 août : Bombe à lUlster office de Londres. 19 août : Bombe dans le centre de recrutement militaire de Brighton. 1970 10 février : Ian Purdie est emprisonné 9 mois, pour avoir lancé une bombe au pétrole contre lUlster office de Saville Raw au cours dune manifestation pour la défense des droits civiques en Irlande. 4 mai : Bombe à lambassade U.S. de Londres. 10 mai : Bombe incendiaire à la compagnie aérienne Ibéria à Londres. 19 mai : Bureau du parti conservateur incendié à Wembley. 22 mai : Un engin explosif puissant est découvert dans un nouveau poste de police à Paddington. 1ère action qui sera revendiquée, plus tard, par les Angry Brigades. 10 juin : Parti conservateur de Brixton incendié. 30 juin : Explosion du dépôt de larmée à Kimber Road à Londres. 3 juillet : Bombes explosent simultanément à Paris et à Londres contre loffice du tourisme Espagnol et lambassade dEspagne et de Grèce. 7 juillet : À Londres-Sud, bureau de recrutement de larmée incendié. Centre dentraînement des officiers à Holborne incendié. 10 juillet : Maison des policiers en retraite incendiée. 18 août : Bombe au bureau dIbéria, à Londres. 30 août : La maison du commissaire de la police métropolitaine de Londres, Sir John Waldron, est endommagée par une explosion. Lattentat nest pas relaté dans la presse. 8 septembre : La résidence londonienne de Sir Peter Rawlinson, attorney général, est détruite. Encore une fois, lattentat nest pas rapporté par la presse. 21 septembre : Parti conservateur de Wimbledon incendié. 26 septembre : Incendie au bureau dHampstead du parti conservateur. Bombe explosant devant la banque Barclays à Heathrow. Bombe explosant simultanément aux bureaux dIbéria de Genève, Frankfurt, Paris et Londres. 8 octobre : Deuxième explosion à la maison de Rawlinson. 9 octobre : Centre commercial italien de Londres incendié. Attaque simultanée à Manchester, Birmingham et Paris contre des bâtiments dÉtat Italien. Ces attaques sont faites à la mémoire de Giuseppe Pinelli, anarchiste Italien « suicidé » par la police en 1969. 24 octobre : Dweng council wakers strike, une bombe explose in head office cleausing departement, Greenford. 26 octobre : Bâtiment administratif du campus universitaire, incendié. Bombe à la banque Barclay à Stock Newington. 20 novembre : Un camion de la B.B.C., servant à la retransmission de lélection de Miss Univers à lAlbert-hall de Londres, explose. Action revendiquée par les Angry Brigades. 3 décembre : Mitraillage de lambassade dEspagne à Londres pour protester contre le procès de 6 nationalistes basques à Burgos. Action non relatée par la presse. 8 décembre : Grande manifestation contre la loi anti-grève du gouvernement Tory. Dans les premières heures du 9 décembre, le ministère de lemploi et de la productivité à Saint James Square à Londres, explose. Action revendiquée par les Angry Brigades. 1971 12 janvier : Des milliers douvriers participent à une manifestation contre la loi anti-grève ; la maison de Robert Carr, Ministre de lEmploi, est endommagée par une explosion. Revendiqué par les Angry Brigades. La répercussion de cet attentat est très importante, un groupe spécial de la SpeciaI Branch de Scotland Yard est créé pour démanteler les Angry Brigades. Le Daily Mirror offre 10.000 Livres à tout informateur. _____
COMMUNIQUÉ DE LALLIANCE RÉVOLUTIONNAIRE DES CARAÏBES
Une nouvelle fois, lA.R.C. a frappé, dans la nuit du 30 août 1983, des symboles du colonialisme français : 2 bâtiments abritant les commissariats et tribunaux dinstance de Paris. Cest une première réponse aux actions répressives, discriminatoires et racistes engagées par le gouvernement français vis-à-vis des émigrations guadeloupéenne, guyanaise, martiniquaise, notamment contre leur radio : Radio Voka. En effet, le gouvernement colonialiste, incapable dassurer sa propre démocratie, a choisi le camp de la répression. Cest un acte politique que de faire taire Radio Voka, radio indépendantiste et anticolonialiste. Il viole ses propres lois quand, face à la montée du racisme (assassinats dimmigrés, Michel Moisa), il adopte la politique de lautruche. LA.R.C. frappera de nouveau et à dautres niveaux si le colonialisme français et ses valets continuent dans la voie répressive. Peuple français, cest en ton nom quon occupe nos pays, cest en ton nom quon envoie des troupes au Tchad, cest en ton nom quon a cassé la Radio Voka... Cest la même politique coloniale violente qui continue. LA.R.C. lance un appel solennel aux démocrates français à soutenir notre cause. Cest une lutte solidaire que mènent nos frères immigrés sur le sol français. Patriotes émigrés Guadeloupéens, Guyanais, Martiniquais, la lutte continue plus que jamais, il faut sorganiser et sunir pour riposter et tenir le front de la lutte dans le ventre de la bête immonde. Personne narrêtera la marche de lHistoire. Quimporte les sacrifices, nos peuples seront souverains dans des pays indépendants. La voix indépendantiste et anticolonialiste se fera de nouveau entendre afin quon sache quhier Giscard et aujourdhui Mitterrand trompe le peuple français. LINDÉPENDANCE OU LA MORT A.R.C. _____
COMMUNIQUÉ DES PRISONNIERS DU P.C.E.(r) ET DES G.R.A.P.O.
Suite aux informations diffusées par la radio, la presse et la télévision concernant de soi-disant négociations qui auraient récemment eu lieu dans la prison de Herrera de la Mancha, entre des militants du P.C.E.(r), des G.R.A.P.O. et des fonctionnaires envoyés par le Gouvernement, nous, prisonniers politiques de ces deux organisations à Herrera de la Mancha, nous nous voyons dans lobligation de donner les précisions suivantes : 1) Il est de notoriété publique que depuis longtemps notre mouvement de résistance a exposé les objectifs les plus immédiats de la lutte ouvrière et populaire en les faisant connaître par tous les moyens à sa portée et chaque fois que loccasion lui on a été donnée. Ces objectifs sont recueillis dans le Programme en Cinq Points que défendent nos organisations : 1. AMNISTIE totale, abrogation des lois répressives. 2. ÉPURATION de leurs éléments fascistes du haut commandement de larmée, de la police et de la Garde Civile et des tribunaux et autres institutions de lÉtat. 3. LIBERTÉS POLITIQUES ET SYNDICALES sans aucune restriction. Amélioration des conditions de vie du peuple. Droit à lautodétermination des nationalités. 4. SORTIE IMMÉDIATE de lEspagne de lO.T.A.N. Démantèlement des bases yankees. 5. DISSOLUTION DU PARLEMENT ACTUEL, convocation délections libres et élaboration dune Constitution véritablement démocratique. Toutes nos activités tendent à la concrétisation le plus rapidement possible et avec le coût en vies humaines le moins élevé possible de ce programme minimum qui représente les intérêts et les aspirations actuels du peuple. Par conséquent, personne ne peut mettre en doute notre ferme résolution de poursuivre la lutte jusquà la fin pour conquérir ce programme. Nous sommes conscients que ce ne sera pas facile et que, dans tous les cas, nous ny serons arrivés que lorsque, dans tout le pays, des centaines de milliers, des millions de travailleurs, dans les usines et dans les campagnes, dans les rues, les centres urbains et universitaires se mobiliseront résolument contre létat actuel des choses, et le transformeront dans un sens favorable à la cause démocratique. 2) Cest pour faciliter lincorporation des travailleurs et de tous les véritables démocrates antifascistes à la lutte active en faveur dun changement réel de situation du pays, que, depuis longtemps, notre mouvement organisé propose une issue négociée à la situation actuelle. Au cas où elle serait rejetée par le Gouvernement, cela ne ferait que révé1er, une fois de plus, son caractère social-fasciste, justifiant on ne peut mieux la lutte de résistance armée que nous menons contre lui. Aujourdhui, il est déjà clair que ni le Gouvernement, avec ses lois répressives qui violent toute véritable liberté, ni la légion de fins limiers et de tortionnaires à son service ne sont capables dinfliger une défaite aux organisations de guérilla et quils ne pourront pas non plus freiner le développement massif du mouvement révolutionnaire. Ainsi ne dépend-il que du Gouvernement et de loligarchie monopoliste financière pour que ce mouvement adopte des voies relativement pacifiques : quils acceptent sous la pression des masses et du mouvement révolutionnaire dappliquer une politique moins répressive et plus favorable aux intérêts populaires ; ou alors, à brève échéance, ils devront faire face à une radicalisation du mouvement ouvrier et populaire, ce qui, dans la phase actuelle daggravation aiguë de la crise ne peut conduire quà la liquidation définitive du régime fasciste monopoliste qui domine encore en Espagne. 3) Cest dans ce cadre que doit se comprendre la proposition présentée par nos représentants lors des conversations quils ont eues à Herrera de la Mancha, pendant le mois de juillet, avec des représentants du Gouvernement, et que nous transcrivons ci-dessous : La négociation ne sera possible quà partir du moment où les conditions favorables à sa réalisation existeront. Ces conditions ne seront pas déterminées par la « défaite » ou la « victoire » des adversaires. Elles seront plutôt le résultat de limpossibilité réelle pour chaque partie dinfliger une défaite ou de remporter la victoire. Ce sont ces circonstances et la situation économique, politique et sociale générale qui font quune issue négociée devient nécessaire et souhaitable pour tous. Par conséquent, si le Gouvernement a lintention de négocier sérieusement, il devra renoncer à toute propagande démagogique tendant à présenter les militants antifascistes et patriotes, qui recherchent une juste issue politique, comme des « vaincus » ou, pis encore, comme des « renégats » de la cause démocratique et populaire pour laquelle ils ont lutté et pour laquelle, sans le moindre doute, ils continueront à lutter sans ménager leurs efforts et leurs sacrifices. Les G.R.A.P.O. nacceptent pas, comme condition préalable à la négociation, un cessez-le-feu de leur activité armée. Le Gouvernement a déjà eu la possibilité damorcer des conversations lorsquen novembre 1982, les G.R.A.P.O. faisant preuve de leur disponibilité au dialogue ont décrété un cessez-le-feu unilatéral afin de faciliter la réalisation des promesses électorales du P.S.O.E., lune dentre elles étant darriver à une juste solution du dit problème de la « violence ». Mais au lieu de trancher ces problèmes dans un sens favorable à la cause démocratique, le Gouvernement a interprété ce geste de bonne volonté comme un signe de faiblesse de la guérilla et il a accru son arsenal de lois répressives, allant jusquà lassassinat de Martin Luna. Tout cela obligea la guérilla à reprendre les actions armées. Par conséquent, cest maintenant au Gouvernement à faire le premier pas, à répondre de façon positive à cette volonté de négocier proclamée et prouvée à plusieurs reprises par notre mouvement. Nous suspendrions laction armée à partir du moment même où les prisonniers politiques du P.C.E.(r) et des G.R.A.P.O. commenceraient à être libérés avec lengagement ferme de notre part de maintenir le cessez-le-feu tant que le Gouvernement remplira, en ce qui le concerne, lengagement de libérer tous les prisonniers dans un délai qui doit être déterminé. Dans ce but, nous annexions trois listes de tous les prisonniers du P.C.E.(r) et des G.R.A.P.O. qui se trouvent actuellement en prison, avec ordre de priorité de libération pour la première liste, qui comprend 46 prisonniers. Le délai de libération ne devrait, en aucun cas, être supérieur à six mois, à partir du début de la négociation formelle. La deuxième liste comprend 15 prisonniers et ils seraient remis en liberté dans un délai maximum de six mois à partir de laccomplissement du premier délai ; les 29 prisonniers de la troisième et dernière liste, sortiraient dans un délai maximum dune année à partir de la conclusion du deuxième délai. Il devra être assuré que dans un délai maximum de deux ans, à partir de la négociation formelle, tous les prisonniers du P.C.E.(r) et des G.R.A.P.O. seront libérés. Il est clair que la négociation pourrait être conclue dans un délai plus court et cest ce que nous souhaitons. Nous considérerions la négociation comme close lorsque le dernier prisonnier serait hors de prison dans le délai fixé plus haut. Si ces conditions ne sont pas remplies, rien naura été résolu et, en ce qui nous concerne, nous nous considérerions libres de tout engagement. Si les conditions énumérées plus haut sont remplies, nous considérerions que les accords ont été remplis et il serait alors procédé à la dissolution des G.R.A.P.O. et à la légalisation du P.C.E.(r). Jusquà ce moment, les militants qui seraient remis en liberté se réintégreraient à la vie normale et leurs activités politiques se dérouleraient dans une semi-légalité tolérée. 4) Par ces propositions concrètes, notre mouvement donne la preuve, une fois de plus, de sa position claire et conséquente et de son sérieux dans la recherche dun accord qui lui permette en même temps de progresser pour atteindre ses objectifs sans que le sang ne soit versé. Mais le gouvernement est resté sourd à ces propositions que nous considérons justes, offrant finalement de libérer en septembre les prisonniers du P.C.E.(r) et des G.R.A.P.O. qui ont accompli leur condamnation et dautres auxquels il reste quelques mois à purger. Il est évident que le Gouvernement du P.S.O.E. ne veut pas se compromettre afin de trouver une solution à ce problème et que, comme tous les problèmes qui affectent la vie du pays, il suit la même ligne que ses prédécesseurs de lU.C.D. Doù pourquoi, en ce qui nous concerne, nous navions accepté aucun compromis qui supposerait labandon de la lutte armée ni quoi que ce soit qui puisse affaiblir le mouvement de résistance populaire. Cependant notre mouvement ne rejette aucune ouverture, aussi limitée et timide soit-elle. Par conséquent, nous déclarons que si la mesure proposée par le Gouvernement (la libération, en septembre, dun certain nombre de prisonniers) est une mesure pouvant déboucher sur une négociation sérieuse, dans les termes déjà exposés, ce ne sera pas nous qui assumerons la responsabilité de linterruption de ce processus. Dans tous les cas, notre mouvement agira en conformité avec la politique suivie par le Gouvernement. Mais il est clair quen aucun cas nous nadmettrons (et nous ne resterions pas impassibles) que sous couvert de ces mesures timides et insuffisantes, qui ne résoudront rien, le stupide montage de « reddition » soit mis en marche, selon la ligne provocatrice des campagnes « anti-terroristes » des gouvernements antérieurs et que, ces derniers jours, certains organes de presse ont déjà repris. Il est clair que continuer sur cette lancée serait une preuve de mauvaise volonté et quils se préoccupent très peu, contrairement à leurs dires, des victimes queux-mêmes provoquent, avec leur attitude fasciste et irrationnelle. Nous sommes profondément pacifiques et nous lavons prouvé à de nombreuses reprises ; nous avons enduré et nous continuerons à endurer tout comme nos familles la violence institutionnelle, la persécution la plus féroce, la torture, de longues années de prison dans les pires conditions que lon puisse imaginer, le lâche assassinat de nos meilleurs hommes et femmes ; mais le fascisme ne se considère pas encore satisfait, il veut en plus nous faire abjurer nos idéaux, un projet de vie meilleur pour tous les travailleurs, que nous cessions de nous proclamer communistes et dagir comme tels. Inutile de dire ce quune prétention de ce genre peut avoir dabsurde et de ridicule, mais ce nest pas ce qui les empêche dessayer et ils ne renoncent pas à leur volonté de présenter les choses sous un jour qui permettrait à quelques-uns de croire quils ont effectivement réussi à nous faire courber léchine. 5) Voilà le but de la nouvelle campagne dintoxication de lopinion publique qui a été lancée ces derniers jours à travers plusieurs moyens de propagande. Comme à laccoutumée, la revue Cambio 16 sest distinguée dans ce travail. Comme tout le monde le sait dans les milieux journalistiques, cette revue est spécialisée dans la désinformation et dans la guerre psychologique que limpérialisme applique contre le mouvement ouvrier et progressiste. Il ne faut donc pas sétonner si cette fois encore, cest cette succursale de la C.I.A., cette machine à fabriquer des mensonges, cette mafia des « 16 » qui, sans perdre une minute, sest lancée dans la falsification de laffaire de la soi-disant négociation. Un détail grotesque, qui est un exemple de la valeur morale de ces canailles fascistes et des trucs stupides dont ils usent. Alors que nous leur avions catégoriquement refusé une entrevue (car nous savions quils tenteraient de la manipuler à leurs propres fins mercenaires), ils insistèrent en envoyant, le 2 août, le télégramme suivant à Manuel Pérez (Arenas) : « Je souhaite avoir une entrevue avec toi. Thème de ton choix. Je te prie de lautoriser. Juan Gomez Puiggros Cambio 16. » Et ceci alors quils étaient sur le point de lancer le numéro de leur répugnante revue qui sert de support à leur nouvelle et venimeuse campagne ! Ainsi donc, si nous avions mordu à lhameçon, si nous avions accédé à leur « désir », Cambio 16 aurait utilisé nos propres paroles et notre image afin de donner un air de sérieux et de vraisemblance à leur désinformation. 6) Il est donc clair maintenant quil ny a pas eu de négociation, que ce nest là que linvention des moyens de désinformation afin de nous faire passer pour ce que nous ne sommes et ne serons jamais ; et il ny a jamais eu daccord, précisément parce que nous ne sommes pas disposés à entrer dans le sale jeu, immoral et dépourvu de principes, où ils voudraient nous faire entrer. Tout cela était très clair dès le début des conversations. Mais il est évident que maintenant on cherche à minimiser aux yeux de lopinion publique les effets politiques dun fait aussi éloquent que celui davoir dû « négocier » avec des « terroristes » ainsi quils aiment nous appeler, avec des gens « obscurs » ou « étrangers ». Mais il semblerait que le Gouvernement ait su qui nous étions et où nous trouver ; maintenant il sait également, car nous le lui avons fait savoir de façon directe, ce que nous cherchons. Il aura finalement appris que non seulement il na pu nous vaincre, mais quen plus il ne pourra pas non plus acheter nos consciences de communistes, douvriers conscients et honnêtes. Le Gouvernement du P.S.O.E. est en train de suivre la même politique que ses prédécesseurs de lU.C.D., une politique au service des intérêts des grands monopoles, et il est déjà prouvé quil ne renoncera pas. Ce seront les masses ouvrières et populaires qui, en descendant dans la rue, en réalisant des grèves et des manifestations, en résistant à sa politique répressive et spoliatrice, en soutenant les actions de la guérilla populaire, qui, soit leur feront entendre raison, soit les obligeront à se démasquer et à se décanter définitivement. Le mouvement ouvrier et populaire et ses organisations davant-garde peuvent être assurés que, dans ce combat, nous serons toujours à leur côté. Notre position est claire. Nous ne renoncerons jamais à lutter pour les intérêts sacrés de la cause ouvrière et populaire ; si cette lutte peut être menée pacifiquement, nous le ferons, si, au contraire, cela savère impossible, nous continuerons à user des armes. À LIRE, REPRODUIRE ET DIFFUSER 10/08/1983 _____
Ligne Rouge est un projet militant dédition anti-impérialiste. Le collectif animant le projet des éditions Ligne Rouge limite les activités de Ligne Rouge à la seule production et distribution la plus large de recueils de documents anti-impérialistes offensifs dont il estime réel lintérêt apporté par ces derniers au mouvement communiste révolutionnaire. Si le choix de ces documents est partisan dans la mesure où lidentité politique des militants animant Ligne Rouge détermine globalement cet outil, il est néanmoins large puisque la publication de textes vis-à-vis desquels certains membres voire la totalité du collectif se démarque politiquement est parfaitement envisageable, Ligne Rouge nétant pas lexpression dune organisation mais un outil dinformation, de réflexion et ainsi de combat à la disposition de tous. Ces documents (textes, interviews, communiqués...) pris en charge par Ligne Rouge recouvrent donc des réalités multiples du combat anti-impérialiste, ils proviennent de pôles politiques différents, de plusieurs époques historiques, de divers pays et continents. Briser le black-out qui vise certaines facettes et non des moindres du combat anti-impérialiste, rompre davec les pratiques de censures et dautocensure dans lesquelles on se réfugie frileusement, extraire les textes hors des cercles dinitiés couvrant jalousement et stérilement leurs monopoles militants, fouiller dans le passé du mouvement révolutionnaire pour confronter sereinement les expériences hâtivement oubliées avec notre situation, bref, arracher du silence et porter massivement au grand jour notre patrimoine passé ou présent de révolutionnaires et laffirmer comme arme pour notre devenir. Voilà la tâche que sest fixée Ligne Rouge, à travers un premier outil : le cahier mensuel des éditions Ligne Rouge. Ces cahiers présenteront plusieurs documents dont les origines différentes seront volontairement choisies, afin de briser les fausses cloisons de sectes, et dobtenir des confrontations que nous espèrerons fertiles entre textes anciens et nouveaux, entre documents venant des centres impérialistes et de libération nationales, etc... Afin de nous restituer notre mémoire, de nous donner une vision plus large, plus précise et plus correcte de laffrontement aujourdhui, afin donc de nous donner ces armes dans notre combat présent et futur contre limpérialisme, le collectif des éditions Ligne Rouge lance un appel à tous les éléments anti-impérialistes offensifs, à toutes les organisations révolutionnaires, à travers cet outil qui est le leur. Contact : BP 1682 Bruxelles 1 Belgique
______________________ « Les communistes ne s'abaissent pas à
dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne
peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l'ordre social passé. Que
les classes dirigeantes tremblent à l'idée d'une révolution communiste ! Les
prolétaires n'y ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » « Il est absolument naturel et
inévitable que l'insurrection prenne une forme plus haute et plus complète, celle d'une
guerre civile prolongée embrassant tout le pays, c'est-à-dire d'une lutte armée entre
deux parties du peuple. Cette guerre ne peut être conçue autrement que comme une série
de grands combats peu nombreux, séparés par des intervalles assez grands, et une masse
de petites escarmouches dans l'intervalle. S'il en est ainsi, et il en est bien ainsi, la
social-démocratie doit absolument se proposer de créer des organisations aussi aptes que
possible à conduire les masses à la fois dans ces grands combats et, si possible, dans
ces petites escarmouches. » « Les flics peuvent mettre les
révolutionnaires en taule, les torturer et les assassiner, mais ils ne peuvent jamais
tuer la révolution et la mémoire des communistes. » [ Page principale ] [ Plan du site ] [ Ligne Rouge ]
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