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COMBAT
COMMUNISTE

textes pour le débat
dans le mouvement révolutionnaire

Comité de Paris « Domingos Teixero »
pour le Parti Communiste Révolutionnaire
(Marxiste-Léniniste)

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LIGNE ROUGE

No 1 — septembre 1983

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Sommaire :

Brigades Rouges : Condamnation de Roberto Peci.
Déclaration no 2, faite par Roberto Peci au cours de l’interrogatoire auquel il a été soumis dans la prison du peuple.
Brigades Rouges : Lettre ouverte à Alfredo Buonavita qui a été brigadiste.
Guérilleros Fedayins du Peuple Iranien : Communiqué sur l’attaque contre l’ambassadeur de R.F.A. à Téhéran.
Fraction Armée Révolutionnaire Libanaise : Communiqué sur l’exécution de Y. Barsimantov à Paris.
Un groupe de militants communistes internationalistes : Communiqué sur l’action contre l’armée de l’air à Paris le 15 juillet.
Communiqué de l’action contre un repaire de rats socio-démocrates à Paris le 21 juillet.
Lénine : La guerre des partisans.
Programme Communiste : Auschwitz ou le grand alibi.
Mouvement du 2 juin : Déclaration de dissolution.
Ligne Rouge.

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BRIGADES ROUGES :
CONDAMNATION DE ROBERTO PECI

 

LA RÉVOLUTION NE PEUT PASSER EN PROCÈS : LE PROLÉTARIAT FAIT LE PROCÈS DE LA BOURGEOISIE !

CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT ET LES ORGANISMES DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

RÉPÉRER ET ANÉANTIR LES AGENTS DE LA CONTRE-RÉVOLUTION INFILTRÉS DANS LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE !

ATTAQUER LES APPAREILS DE GUERRE QUI PLANIFIENT LA CAPTURE ET LA TORTURE DES PROLÉTAIRES, ANÉANTIR SANS MÉDIATIONS LES FORCES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES QUI LES GÈRENT !

L’UNIQUE RAPPORT DE LA RÉVOLUTION PROLÉTAIRE AVEC LES TRAÎTRES EST L’ANÉANTISSEMENT !

 

     Camarades, prolétaires,

     Avec la capture du traître Roberto Peci et le procès prolétaire auquel il est soumis, cette insidieuse stratégie contre-révolutionnaire qui se centre sur le « projet repentis » se trouve attaquée, démantelée et frappée au cœur.

     Dans les plans des stratèges de la contre-révolution préventive (les Dalla Chiesa, Caselli, Neppi Modona, les Beria d’Argentine, les Pecchioli...), ce projet devait frapper la guérilla et la mettre en crise de l’intérieur, il devait représenter le « début de la fin » d’un processus historique désormais profondément enraciné et consolidé dans notre pays : la lutte armée pour le communisme.

 

1. CE PROJET INFÂME A DÉJÀ FAILLI PARCE QUE LES FORCES RÉVOLUTIONNAIRES SONT EN TRAIN DE LE BALAYER !

LE PROJET REPENTIS EST AUJOURD’HUI UNE CONTRADICTION DE PLUS POUR LA BOURGEOISIE, QUI DOIT PAYER LES CONSÉQUENCES DE SES SALES COMPLOTS ! ! !

     Roberto Peci a eu un rôle précis dans le projet contre-révolutionnaire impérialiste, une fonction précise et de graves responsabilités.

     Roberto Peci est un traître à la révolution. Les misérables déclarations de son infâme frère et de la famille ne peuvent plus cacher une vérité scandaleuse et les assassinats de communistes pour défendre, jusqu’au bout, un peu de tranquillité bourgeoise.

     Tous les moyens de la contre-guérilla psychologique ne suffisent plus à couvrir l’immonde projet que les carabiniers ont planifié et mis en œuvre avec la pleine collaboration des deux poux de la maison Peci. Le mouvement révolutionnaire et le prolétariat métropolitain ont aujourd’hui la possibilité d’imposer la justice prolétaire.

 

2. ROBERTO PECI EST UN TRAÎTRE, MORT AUX TRAÎTRES À LA RÉVOLUTION PROLÉTAIRE !

ROBERTO PECI EST UN AGENT DE LA CONTRE-RÉVOLUTION INTÉGRÉ AU PROJET REPENTIS. LES REPENTIS NE SONT QUE DES DÉLATEURS STIPENDIÉS. LES REPENTIS DOIVENT ÊTRE ANÉANTIS PAS LES FORCES RÉVOLUTIONNAIRES !

     Dans le délire des contre-révolutionnaires, comme dans leurs rêves, le monde semble renversé. C’est la révolution qui se charge de les remettre tous sur leurs pieds, bien ancrés en terre, et de mettre les contradictions en évidence de manière explosive. Le projet « repentis » se révèle aujourd’hui tel qu’il est réellement : une tragique farce de foire dans laquelle les rôles et les fonctions sont définis depuis longtemps. D’une part, une poignée de lâches traîtres, qui ont toujours vécu en marge et à la traîne du mouvement révolutionnaire, qui ont prétendu réduire la complexité et la richesse du processus révolutionnaire aux limites bornées de leur propre subjectivisme et de leur propre individualisme, et qui, face à l’élévation du niveau de l’affrontement de classe, ont cru pouvoir se vendre impunément à l’ennemi. Ces délateurs stipendiés doivent être repérés, démasqués et anéantis.

     D’autre part, un régiment toujours plus vaste de stratèges et d’exécutants des projets de la contre-révolution préventive. Rien n’arrête ces vautours, comme le démontrent clairement les « deux arrestations » du pou Patrizio Peci et les assassinats de via Fracchia. Contre ces louches personnages qui sont au centre du complot contre-révolutionnaire, la guérilla doit intensifier ses attaques et pratiquer continuellement une stratégie d’anéantissement qui ne laisse sur pied aucune de leurs constructions.

     La structure intégrée des carabiniers, policiers, magistrats, avocats et experts qui planifient la capture et la torture des forces révolutionnaires doit être continuellement attaquée et démontée pièce après pièce. Aucune médiation, aucun retard n’est plus permis dans la guerre à la stratégie différenciée de l’impérialisme, qui recouvre des aspects toujours plus agressifs. Les opérations Peci, les opérations Buonavita ne doivent plus être possibles.

 

3. CE NE SONT PAS SEULEMENT LES BRIGADES ROUGES QUI RENDRONT LA SENTENCE À L’ÉGARD DU TRAÎTRE ROBERTO PECI, MAIS TOUT LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ET LE PROLÉTARIAT MÉTROPOLITAIN.

     Camarades, prolétaires,

     Le problème de la délation et de la trahison n’est pas un problème des seules Brigades Rouges, mais un problème du mouvement révolutionnaire tout entier et de tout le prolétariat métropolitain. Parce qu’il n’existe pas le problème de « Roberto Peci : le traître », mais celui de « Roberto Peci : un traître », et qu’il apparaît derrière le problème historico-politico-militaire de fond.

     Si aujourd’hui, la trahison est savamment construite et exploitée par la bourgeoisie, qui en a fait un axe portant de son projet de contre-révolution préventive, à travers un lent et constant travail de construction subjective du « repenti », il n’en est pas moins vrai qu’elle s’enracine profondément dans un terrain objectif qui a sa consistance historique dans la reproduction de l’idéologie bourgeoise à l’intérieur du prolétariat, et jusqu’au sein de son avant-garde et de sa direction historique : le Parti. Vit aussi à l’intérieur du prolétariat et du parti lui-même la dialectique fondamentale de l’affrontement de classe entre l’affirmation de la conscience révolutionnaire et sa négation, entre l’affirmation de la juste ligne et la re-proposition de pratiques déviantes, subjectivistes, militaristes et organisativistes. Et quand l’affrontement entre révolution et contre-révolution avance, quand les raisons de la révolution commencent à prendre corps, la trahison devient l’arme ultime aux mains de la bourgeoisie. La crise du capitalisme accélère la restructuration impérialiste et élève le niveau de l’affrontement de classe. La stratégie de l’État impérialiste des multinationales est la contre-révolution globale préventive. Elle envahit chaque zone de la formation sociale et s’infiltre dans le processus révolutionnaire pour le détruire de l’intérieur.

     La trahison a une explication historique et c’est celle-là ! C’est dans l’infiltration de l’idéologie bourgeoise dans le prolétariat, dans sa reproduction à l’intérieur du parti, que doivent être recherchées les causes politiques de la trahison et du sordide marché qu’il y a derrière.

 

LA LUTTE IDÉOLOGIQUE EST L’ARME PRINCIPALE CONTRE LA TRAHISON !

     À travers la lutte idéologique, à travers la clarté et la fermeté sur la juste ligne, les armes de la critique contre l’infiltration de l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise doivent être affinées et renforcées, afin de donner une juste résolution politico-militaire au problème.

     Seul un débat à travers l’ensemble du mouvement révolutionnaire et à travers tout le prolétariat métropolitain sur ces questions pourra ramener le traître Roberto Peci à sa juste dimension politique, et seulement de cette manière, la sentence émise à son égard pourra exprimer cette humanité qui caractérise la justice prolétaire.

     C’est dans la dialectique parti-masses que prennent place les éléments concrets de la croissance du pouvoir prolétaire armé, de l’avancée du processus révolutionnaire. Et c’est seulement en agissant en parti qu’il est aujourd’hui possible de faire vivre cette dialectique dans ces justes termes.

     Agir en parti, cela signifie, entre autres choses, faire vivre dans le programme tactique de conjoncture les contenus essentiels du programme général de transition au communisme, c’est-à-dire la désarticulation des projets contre-révolutionnaires de la bourgeoisie et la construction du système du pouvoir prolétaire armé. Parce qu’il ne peut y avoir désarticulation sans, dans le même temps, construction.

     Aujourd’hui, la Campagne Peci s’articule selon ces lignes directrices, parce que, dans le même temps qu’elle désarticule, en attaquant en profondeur le projet repentis, elle construit, en posant la question des traîtres dans sa juste dimension politique, elle éclaire et renforce la lutte idéologique.

     Nous avons dit que le mouvement révolutionnaire dans son ensemble et chaque secteur du prolétariat métropolitain devaient s’exprimer sur le débat en cours et, en conséquence, sur le sort qui en découle pour le traître Roberto Peci, dans la mesure où le problème de la délation intéresse chaque détermination du prolétariat métropolitain et chacune de ses instances organisées, précisément du fait de son caractère d’attaque globale au processus révolutionnaire. Pour éviter toute confusion, et surtout pour empêcher que se greffent sur cette dialectique les habituelles sordides manœuvres de la bourgeoisie, il vaut mieux être extrêmement clairs : nous faisons ci-après la liste des instances qui doivent s’exprimer sur le sort du traître Roberto Peci, et dont les évaluations et décisions doivent être intégralement publiées dans les organes de presse et dans les autres moyens de communication sociale.

     a) Les communistes qui viennent d’être jugés et qui sont encore en procès au tribunal spécial de guerre de Turin ;

     b) Les prolétaires prisonniers des Comités de Lutte, enfermés dans les prisons du régime, en lutte contre la stratégie différenciée, pour l’affirmation du pouvoir prolétaire armé (CdL de Nuoro, CUC de Palmi, CdL de Messina, CdL de Pianosa, CdL de Trani, CdL de Fossombrone, CdL de Cuneo, CdL de Rebbibia) ;

     c) Les chômeurs organisés et le prolétariat marginal en lutte à Naples et à Rome contre la restructuration du marché du travail, pour la construction des organismes de masse révolutionnaires et du pouvoir prolétaire armé (les Chômeurs Communistes pour le Pouvoir Prolétaire de Naples et les organismes de lutte du prolétariat marginal dans l’aire métropolitaine romaine) ;

     d) La classe ouvrière : les ouvriers en lutte contre les licenciements, le chômage partiel, l’exploitation, la nocivité des pôles industriels de Turin, Milan, Porto Marghera, Naples ; les ouvriers en lutte contre les licenciements et le chômage partiel à la Fiat de Turin, à l’Alfa Romeo d’Arese et à l’Alfasud de Pomigliano D’Arco, à la Pétrochimie de Porto Marghera (le Comité des Travailleurs de la Pétrochimie).

     Un seul obstacle se pose à l’émission d’une juste sentence prolétaire : le ridicule black-out que l’Exécutif veut imposer, et que la presse de régime accepte passivement, sur les contenus et les objectifs de la Campagne Peci. À tous, patrons et valets, politiques et militaires, les Brigades Rouges rappèlent encore une fois une seule chose : seule la publication intégrale des communiqués et des déclarations du traître Roberto Peci peut permettre que s’exprime à son égard cette humanité qui caractérise la justice prolétaire !!!

Communiqué no 4
1er juillet 1981

POUR LE COMMUNISME !

Brigades Rouges.
Front des Prisons.

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DÉCLARATION No 2, FAITE PAR R. PECI AU COURS DE L’INTERROGATOIRE AUQUEL IL A ÉTÉ SOUMIS DANS LA PRISON DU PEUPLE

 

     Je suis Roberto Peci. Je suis dans une prison du peuple pour les erreurs que j’ai commis. J’ai décidé de tout expliquer en cherchant à faire la clarté. Je sais très bien qu’en ce moment je suis gênant pour les carabiniers, et je suis sûr qu’ils préfèreraient que je sois mort. En lisant les journaux, on voit clairement que l’on veut mon silence, mais au contraire, non, je me rebelle et je dis la vérité, parce que ceci est l’unique geste de dignité et de bon sens. Même si je comprends qu’après cette lettre, je serais définitivement abandonné par l’État, je ne ferais pas marche arrière.

     Je veux cependant dire que la tentative politique de faire conclure rapidement ce procès par mon exécution est vraiment répugnante. Les masques commencent à tomber, et je reconnais maintenant très clairement le pouvoir et ceux qui le gèrent. Je remercie ma femme qui dans sa lettre, m’a fait comprendre qu’il était l’heure de rendre à chacun sa part de responsabilité.

     Les choses se sont déroulées ainsi :

     Mon frère téléphonait parfois à la maison. De telle manière que vers mai 1979, un dimanche, aux environs de 9 heures, il téléphona et dit à ma mère qu’il était fatigué, qu’il en avait marre et qu’il se sentait à la dérive. Il pleura plusieurs fois en disant toutes ces choses. Les carabiniers interceptèrent la communication et la passèrent à un psychologue, qui l’analysa. Il conclut que Patrizio était entrain de lâcher prise et était en pleine crise. Il ne téléphona plus durant 4 ou 5 mois. Vers les débuts d’octobre 1979, il retéléphona chez ma sœur Ida, je crois un après-midi, et lui dit, toujours avec un air très abattu, qu’il était las, et que tôt ou tard il serait arrêté et qu’il n’attendait que cela. Ma sœur chercha à le tranquilliser, mais remarqua très bien sa faiblesse et la crise profonde qu’il était en train de vivre. Vers la fin octobre 1979, je fus arrêté pour l’histoire de la Confapi d’Ancona. Alors, mon frère téléphona chez ma sœur pour savoir comment j’étais, faisant les habituels discours et pleurent. À la prison de Fossombrone, j’eus plusieurs crises de nerfs, il me fallait tous les jours beaucoup de tranquillisants. Quand je fus interrogé, je niais tout. Mais, une fois terminé l’interrogatoire, trois carabiniers d’Ancona, parmi lesquels le capitaine Tucci Nicola, voulurent parler avec moi. Ils voulaient savoir où se trouvait Patrizio, mais je répondis que je ne le savais pas. Ils me dirent qu’ils savaient que mon frère téléphonait parfois chez nous, et qu’il était en crise, ils me dirent qu’il valait mieux qu’ils l’arrêtent tout de suite, parce que sinon il mourrait dans une quelconque fusillade, vu qu’il n’avait plus tout son sang-froid et sa lucidité.

     Je répondis que je verrais ce que je pourrais faire, et suite à cette approbation tacite, je sortis le 2 décembre 1979.

     Patrizio téléphona vers le 10 décembre. Je lui racontais ce que m’avaient dit les carabiniers. Il me dit qu’il rappellerait le lendemain chez un parent et que nous en parlerions. Le parent était un oncle. Le jour suivant, il nous appela ponctuellement et nous fixa un rendez-vous pour le 13 à 9 heures, à la gare de Turin, à côté des taxis. Nous en discutâmes à la maison et nous décidâmes que ma sœur Ida et moi, nous irions voir le maréchal Ceneri à San Benedetto pour obtenir des garanties et que nous ferions arrêter mon frère. Ceneri nous dit de repasser quelques heures plus tard, car il devait donner des coups de téléphone avec Dalla Chiesa, qui me dit que nous avions sa parole d’honneur qu’il arrêterait mon frère vivant, et que sa parole était reconnue même par ses ennemis. Alors, nous lui donnâmes le rendez-vous.

     Deux ou trois jours passèrent, et vu que nous ne savions rien, nous téléphonâmes à Ceneri qui nous dit : il est en prison, ne vous préoccupez pas, il est bien, mais pendant quelques temps vous ne pourrez le voir, c’est la pratique. Nous attendîmes presque un mois avant de repartir à l’attaque. Suite à quoi, vers le 15 janvier, jle téléphonai à Turin au juge Caselli, et lui dit : je voudrais avoir des nouvelles de Peci, je voudrais avoir une rencontre, cela fait maintenant plus d’un mois qu’il est arrêté. Caselli me répondit : je ne sais rien des choses dont vous me parlez, je ne suis pas au courant. Je lui dis alors que mon frère avait été arrêté à la gare de Turin sur nos indications. Il me dit que cela lui semblait étrange et qu’il n’en savait rien. Je me retrouvais très mal, et je donnais d’autres coups de téléphone à Turin. Je cherchais Bernardi, Griffei, Lauda, mais ils se dérobèrent toujours. Je téléphonais alors à Ceneri, qui me dit de rester calme que notre famille pourrait bientôt rencontrer Patrizio. Nous nous tranquillisâmes un peu. C’est alors que, vers la mi-février, la radio annonça l’arrestation de Patrizio. Je téléphonais à la caserne de via Valfrè à Turin, où la radio avait dit que se trouvait Patrizio, mais ils me répondirent qu’ils ne pouvaient rien me dire. Je téléphonais à Caselli, qui me dit que mon frère n’avait besoin de rien, qu’il avait choisi l’avocat Arnaldi. Et il ne me dit rien de plus, prenant l’air de rien sur l’autre coup de téléphone. Nous téléphonâmes à Arnaldi et lui aussi nous dit que les visites étaient impossibles, et qu’il nous avertirait au cas où il y aurait des possibilités. Comme l’instruction se faisait à Turin, nous y allâmes, ma sœur Ida et moi, emportant une valise avec des affaires pour mon frère. Puis, nous allâmes chez Caselli, qui nous refusa encore une fois une visite. L’unique chose que je puisse vous donner, nous dit-il, est un permis pour remettre cette valise à Cuneo, ce que nous fîmes. Nous réussîmes à faire la première visite à Pescera tout de suite après Pâques.

     Les choses s’étaient déroulées ainsi :

     Mon frère fut arrêté autour du 13 décembre, vers 9 heures du matin, alors qu’il se trouvait vers la balustrade des taxis à la gare de Turin, par 6 ou 7 carabiniers. Ils lui sautèrent dessus et l’emmenèrent dans un appartement civil de Turin, où il fut maltraité. Vers midi, il se déclara disposé à parler. Deux ou trois heures plus tard, Dalla Chiesa arriva avec un carabinier des Marches qui le reconnut formellement. Plus Dalla Chiesa commença à traiter avec lui. Il lui dit que s’il disait tout, il sortirait dans peu de mois, avec de l’argent et un travail à l’extérieur. Ce jour-là, Patrizio dit tout sur la colonne turinoise. Une fois l’interrogatoire terminé, Dalla Chiesa lui dit : retourne faire ce que tu faisais avant, cherche à rencontrer le plus de gens possible, nous te suivrons. Patrizio lui dit alors : et si je devais faire quelque action ? Ils lui répondirent : fais-la et ne te préoccupes pas, ce que nous faisons est beaucoup plus important. Nous te ferons savoir quand nous devrons t’arrêter officiellement. Ils le suivirent et, vers le 10 février, un carabinier s’approcha de Patrizio et lui dit qu’ils devaient absolument l’arrêter très rapidement, parce qu’à Rome, on avait sû qu’il avait été intercepté et que l’on voulait qu’il soit arrêté. Patrizio lui répondit qu’il avait rendez-vous trois jours plus tard avec Micaletto, et que pour lui ça irait bien.

     Je voudrais faire une remarque sur le juge Caselli de Turin. Peut-être que lorsque je lui ai téléphoné, il ne savait rien de l’arrestation de Patrizio, mais, ensuite, il était clair qu’il s’était renseigné, et, selon moi, il a voulu lui aussi gérer la chose. Ce n’est pas une donnée certaine, mais c’est la logique qui me conduit à le penser. Après le coup de téléphone que je lui passai, il a certainement tout su, et il a géré la chose au niveau politique. Aussi, parce qu’il a toujours été très compréhensif à l’égard de Patrizio, et qu’il lui a souvent donné des conseils sur comment il devait se comporter dans certaines situations.

     Quand il a été arrêté, Patrizio a été emmené à la caserne des carabiniers de via Valfrè, où il a été mis dans une cellule de sécurité. Ils ne le laissèrent pas dormir. Quand ils voyaient qu’il fermait les yeux, ils commençaient à faire du bruit. Quand ils lui portaient à manger, ils crachaient dans son plat. Puis, à chaque fois qu’ils entraient dans la cellule, ils lui pointaient un pistolet au front et lui disaient : maintenant, nous tirons. Ceci durant une semaine, durant laquelle il demanda à parler avec Dalla Chiesa, qui ne vînt pas. Il fut emmené à Cuneo, où il réclama encore Dalla Chiesa, qui ne vînt pas. 25 jours environ après son arrestation, après qu’il ait subi le procès pour détention d’armes, il demanda le général qui vînt en lui disant qu’il avait des problèmes politiques et qu’il avait besoin de quelque chose de gros, pour aller trouver les politiciens à Rome et entamer les tractations. Patrizio lui dit que via Fracchia, il trouverait des éléments importants des B.R. Le général lui dit qu’il fallait faire du bruit si l’on voulait que les politiciens donnent des garanties, à la suite de la collaboration de Patrizio avec les carabiniers. Et aussi que, en faisant une opération aussi importante seulement à ce moment, personne ne se douterait des deux arrestations.

     Dalla Chiesa prépara l’opération de via Fracchia. À peine fut-elle terminée qu’il alla à Rome parler avec Cossiga et Pertini, lesquels s’employèrent à faire rapidement une loi sur les repentis. Cossiga et Pertini dirent aussi qu’ils étaient d’accord pour faire avoir à Patrizio un travail à l’extérieur, avec de l’argent pour se ranger.

     Dalla Chiesa retourna voir Patrizio et lui dit que tout était au point, que les politiciens étaient d’accord. C’est ainsi que commencèrent les confessions-fleuve de Patrizio, d’abord aux carabiniers, puis au juge Caselli. À un moment où mon frère n’était pas interrogé, trois personnes se présentèrent, disant appartenir à la D.I.G.O.S. Ils dirent à Patrizio que, s’il leur disait les choses qu’il savait, ils le feraient évader le lendemain avec 500 millions. Mon frère refusa, parce qu’il était convaincu qu’ils l’auraient tué lors qu’il s’enfuyait.

     Il raconta tout au capitaine Pignero, qui se mit vraiment en colère, tant et si bien qu’il partit immédiatement en disant : maintenant que j’y pense, c’est trop facile, c’est nous qui travaillons et les autres arrivent et veulent tout prouver sur un plateau. Patrizio sut ensuite qu’il y a eu à cette époque une certaine tension entre les sommets de la D.I.G.O.S. et les carabiniers. Patrizio fut géré par Dalla Chiesa, le capitaine Pignero et Caselli, qui sont souvent allés le trouver ensemble pour lui donner des conseils sur comment justifier son repentir. Patrizio ne m’a jamais dit s’être repenti, mais que c’étaient ces trois personnes qui voulaient qu’il se donne cette étiquette. Toutes les interviews et les choses qu’il a dites aux journaux sont passées à travers Dalla Chiesa et Caselli, qui y ont souvent apporté des corrections, particulièrement à l’interview à Panorama. Immédiatement après Pâques, Patrizio fut emmené à Pescara, où nous allâmes tout de suite le voir, moi, ma mère et mon père. Nous discutâmes et il me demanda un service, celui de téléphoner à sa ex-copine et de lui dire de quitter Turin, dans la mesure où, si lui ne l’avait pas accusée, il y avait des raisons de penser que quelqu’un s’apprêtait à parler. Chose que nous fîmes, moi et ma sœur Ida. Nous lui téléphonâmes et nous la fîmes venir à Ascoli Piceno. Nous lui expliquâmes la chose, mais elle dit ne pas être d’accord et préférer se constituer prisonnière, ce que nous lui conseillâmes.

     J’eus d’autres discussions avec d’autres camarades, en restant toutefois sur des positions prudentes. Bien sûr, j’étais pessimiste sur le fait que la lutte armée puisse continuer, mais évidemment, je me suis complètement trompé. Je n’ai jamais donné ou autorisé, ou signé une quelconque interview, ni même celle au Corriere della Sera.

     Je suis sorti de la lutte armée il y a cinq ans, parce que je ne pouvais plus continuer, et parce que, étant donné que j’avais un frère en fuite, j’avais peur d’être arrêté de nouveau, comme me l’avaient dit les carabiniers quand j’avais été arrêté pour l’histoire de la Confapi, et aussi parce qu’à chaque perquisition qu’ils faisaient à la maison, les carabiniers menaçaient, même devant ma mère, d’abattre mon frère dès qu’ils le trouveraient. Puis aussi parce que, quand il nous téléphonait, lui aussi avait dit plusieurs fois qu’il attendait son arrestation comme une libération.

     Je me rends compte que je me suis trompé, et pour cela, je m’en remets au jugement du prolétariat, j’espère en sa magnanimité, qui a déjà été démontrée plusieurs fois. Toutefois, je me rends aussi compte que tout ce que j’ai fait a suivi un plan scientifique, mis au point par Dalla Chiesa, Pignero, Caselli, un plan monstrueux, un plan qui a été étudié, calculé et mesuré.

     Les vrais coupables sont ces personnes, qui ont joué avec le cerveau de quelques camarades plus faibles. J’ai été instrumentalisé sans m’en rendre vraiment compte. Il y a seulement peu de temps que je me suis aperçu des jeux politiques qu’il y avait derrière nous. Les repentis n’existent pas, il s’agit seulement de camarades plus faibles qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités, et qui se sont fait manœuvrer comme des marionnettes, moi y inclus. Cependant, les marionnettistes sont rusés, c’est un trio qui travaille en parfait accord, et c’est peut-être pour cela qu’ils ont réussi à obtenir quelques résultats. « La lutte armée est battue » est un slogan des carabiniers, qui ont obligé les traîtres à le diffuser dans tout le prolétariat, en cherchant à créer la confusion parmi les camarades qui luttent encore.

     C’est pour cela que j’ai parlé, que j’ai décidé tout dire, et aussi parce que, à travers les campagnes de presse et par mes déductions personnelles, je me suis aperçu qu’il aurait été pratique que je sois mort tout de suite. Je sais très bien que même ma famille, ma femme comprise, aura quelques difficultés à m’aider, parce qu’elle devra admettre une vérité brûlante et scandaleuse.

Peci Roberto

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BRIGADES ROUGES :
LETTRE OUVERTE À ALFREDO BUONAVITA
QUI A ÉTÉ BRIGADISTE

 

     Comme tous les retournements, tes deux lettres sont en plus impromptues ; bref, un vrai choc. Ainsi, du moins, dans un premier temps.

     Est-il possible, nous sommes-nous demandé, qu’Alfredo Buonavita, prolétaire, brigadiste depuis presque le premier moment, ait fait un choix aussi scélérat en douce ?

     Est-il possible que celui qui a milité à nos côtés dans les années les plus dures nous ait laissé tombés comme Judas avec un baiser et une embrassade ?

     Est-il possible que le camarade que nous estimions et auquel nous avons confié des responsabilités, quand bien même périphériques, de direction politique de notre militance, se soit conjuré avec les assassins de tant de nos camarades et avec les geôliers de milliers de prolétaires ?

     La chose qui nous déconcerte le plus est le fait que tu n’avais jamais manifesté ta perplexité, tes doutes, tes défiances de manière aussi radicale.

     Pourtant, dans les mœurs de notre Organisation, non seulement la pratique révolutionnaire de qui fait « feu sur le quartier général », naturellement avec raison, est récompensée, mais surtout la critique et la recherche de plus grands niveaux de conscience collective n’est jamais freinée.

     Tu le savais très bien que dans les Brigades Rouges chaque militant est encouragé à ouvrir, lorsqu’il l’estime opportun, un processus de réflexion sur ce qui pose problème.

     Tu le savais, mais tu ne l’as pas fait.

     Toi, Alfredo Buonavita, lorsque tu nous disais, à nous tous, ce qu’il était juste de faire et ce qui ne l’était pas, fraternisant avec Li Lin-fu, tu étais plutôt un homme avec « le miel aux lèvres et l’assassinat au cœur ». Tu projetais de nous livrer en cadeau à l’ennemi de classe, de nous poignarder dans le dos, comme les pires tueurs à gages.

     Tout cela, tu le sais, s’appelle infamie.

     Combien de fois cet horrible mot est-il sorti de ta bouche, un temps autorisé, pour marquer tel ou tel autre mauvais. Aujourd’hui, il est prononcé par mille bouches prolétaires aux côtés de ton prénom. De ton prénom, Alfredo, et non de ton nom, parce que nous savons combien de honte ton comportement coûte même à certains de ta famille.

     Mais ce n’est pas pour répéter une évidence que nous t’écrivons cette lettre.

     Au fond, tu ne mériterais pas le temps que tu nous coûtes. Le fiel qui accompagne tes mots, ainsi que tes retournements personnels, nous pousse à chercher à comprendre, mais rien de plus. Parce que, malgré l’intention, tes piqûres sont beaucoup moins gênantes que celles des moustiques.

     Il nous intéresse plutôt de mettre au clair qu’à travers toi, aujourd’hui c’est l’État qui parle, que tu es l’intermédiaire de Caselli, Pecchioli et Dalla Chiesa : leur voix.

     Et ceci non seulement parce que ta prose la plus récente révèle dans le style une arrogance de caporal qui s’adapte mal aux velléités qu’il manifeste d’user sa plume sur un mode sardonique, ironique et tranchant. Mais surtout parce que ce qu’on peut y retrouver qui soit incontestablement de toi parle la langue d’une classe qui n’est certainement pas la classe prolétaire.

     Tes deux interviews sont des textes intéressants dans lesquels il est possible de retrouver des mythes et idéologies dont tu n’es peut-être même pas entièrement conscient.

     Dans ces textes, tu as indiqué les motivations profondes qui t’ont poussé à collaborer avec les magistrats et les carabiniers, et en faisant ainsi, tu nous as rendu un grand service. En te transformant en ventriloque de la contre-révolution, tu nous as fait comprendre combien de merde s’était, lentement mais inexorablement, déposée en toi durant ces dernières années.

     De la merde, Alfredo, de la merde bourgeoise !

     Justement de cette vieille merde dont parlait Marx quand il disait que la révolution prolétaire n’est pas seulement nécessaire pour abattre la classe dominante, mais aussi pour se libérer de tout ce que cette classe nous a collé d’elle ; de ce qui, en conquérant de l’espace dans notre conscience, programme pour son compte nos comportements.

     Parce que, comme tu devrais le savoir, la conscience d’un prolétaire, dans la métropole impérialiste, n’est pas blanche comme un lys ni rouge et communiste par nature, mais apparaît plutôt comme un champ de bataille, un lieu d’affrontement et de lutte idéologique entre les classes.

     Dans ta conscience, comme dans celle de chacun d’entre nous, l’idéologie officielle de la classe dominante et l’idéologie non officielle du prolétariat métropolitain révolutionnaire s’affrontent sans cesse pour décider quel doit être notre comportement pour chaque rapport social.

     Indubitablement, dans ta conscience, les formes de l’idéologie bourgeoise ont eu le dessus depuis un certain moment.

     Peu à peu, les mythes que la bourgeoisie et les révisionnistes ont édifiés sur les Brigades Rouges ont fait brèche, et tu n’as plus été capable de les affronter lucidement, de les soumettre à une critique froide et révolutionnaire. Jusqu’à ta mémoire a été effacée et reprogrammée, et aujourd’hui tu agis comme un pur vecteur, un fantoche sans âme, selon les desseins de ceux qui ont pris le contrôle de ta conscience en lambeaux.

     Mais quand est-ce que s’est produit le « renversement » des rapports de force, quand quelque chose s’est rompu en toi, réduisant en miettes ta précaire identité ?

     Si l’on s’en tient à tes « lettres de loin », il semblerait qu’à l’origine de tout il y ait un arrogant refus de l’Organisation d’appuyer un de tes projets d’évasion.

     Le prétexte, laisse-nous te dire, est vraiment orgueilleux et misérable. Certainement, l’évasion d’Alfredo Buonavita aurait été une victoire importante, mais le doute ne t’effleure pas que, peut-être, dans cette période aussi difficile, l’Organisation pouvait avoir des difficultés et des problèmes autrement plus importants à affronter ? Sans conter le fait que si ton évasion, de Fossombrone d’abord et de Termini Imerese ensuite, n’est pas arrivée à bon terme, ce n’est sûrement pas dû au fait que l’Organisation ne te prépara « même pas une voiture ». Au contraire, ce furent les combines et les embrouillamini que tu combinas qui réduirent en fumée tout le rôti. Cherche à te souvenir, Alfredo, combien les prolétaires de Termini Imerese étaient emmerdés par tes « entreprises ». Et à ne pas oublier que seul le prestige de l’Organisation, que maintenant tu méprises avec si peu de générosité, te sauva de soupçons et, pourquoi pas, aussi de choses pires !

     Ne triche pas, Alfredo, ce n’est pas une question de voiture qui t’aurait été refusée, t’empêchant qui sait quelle évasion.

     Mais surtout, ne t’invente pas une prétendue complicité du « noyau historique » avec les fantaisies qui bousculent tes pensées ravagées par l’obsession d’un perfide complot de l’Organisation externe contre les camarades emprisonnés.

     Ne te rends-tu pas compte que tu te couvres de ridicule avec ces insinuations dignes de la plus pornographique dietrologie, auxquelles malgré les efforts des révisionnistes, il n’est pas possible de s’accoutumer ?

     Ne te rends-tu pas compte que le prétendu « noyau historique » est un mythe du même niveau de stupidité que cet autre du « grand vieux » qui nous a tant fait rire dans ces dernières années.

     Une Organisation révolutionnaire, Alfredo, n’est pas un ensemble hétéroclite et bizarre de coteries luttant entre elles pour le contrôle de la maison et la gestion du pouvoir.

     Cette image ne convient pas aux Brigades Rouges, mais plutôt à cet État dont tu représentes aujourd’hui l’une des tentacules anti-prolétaires, quand bien même insignifiante.

     La trouvaille de t’accréditer comme porte-parole occulte d’une dissidence plus large qui apparaîtrait dans les rangs des Brigades Rouges dans les prisons, comme intrépide avant-garde de la dissociation, avec une fonction d’« explorateur », pour mettre au point un projet d’abandon de masse de la lutte armée, il faut le reconnaître, est digne du stratège Pecchioli.

     Mais de t’être prêté à une pareille pitrerie, allons, ça ne te provoque pas un frisson de honte tardive ?

     La question est peut-être superflue puisque le mécanisme de la honte règle les comportements de ces collectivités qui n’ont pas besoin du mécanisme de la peur pour faire respecter leurs codes et les interdictions relatives. Ces collectivités, comme la collectivité prolétaire, qu’aujourd’hui tu offenses et agresses, mais de laquelle tu as néanmoins toujours fait partie et pendant longtemps. Toutefois, la capacité à éprouver de la honte lorsque sont transgressées les normes morales qui sont à la base du NOUS prolétaire est une affaire sur laquelle tu n’as pas intérêt à sourire superficiellement !

     Derrière toi, Alfredo, il n’y a aucune arrière-garde.

     Peut-être quelqu’autre traître potentiel, mais pour l’instant tu es seul dans ton effondrement, complètement seul ! Parce qu’il s’agit d’effondrement, dans ton cas, d’un découragement dans l’Organisation et surtout d’un découragement encore plus profond en le prolétariat et en les possibilités de la révolution.

     Bien sûr, ces dernières années n’ont pas été faciles pour les Brigades Rouges ; il fallait redéfinir notre stratégie à travers un débat compliqué, une lutte politique qui, comme cela arrive toujours dans ces situations, a connu aussi des épisodes pour ainsi dire peu édifiants.

     Mais un parti politique, par chance, n’est pas un collège anglais pour pensionnaires, et ce qui compte, à la fin, ce n’est pas l’épisode blâmable, mais la victoire de la juste ligne politique.

     Et il y a eu cette victoire !

     Cela démontre justement que par-delà les épisodes, et même par leur intermédiaire, la dialectique interne du parti s’est manifestée concrètement, sans fermer la bouche à personne, et sans empêcher personne de mûrir son expérience et sa capacité à discuter collectivement, à critiquer et à auto-critiquer les positions erronées, à se transformer, à unir ses énergies dans la réalisation des finalités communes qui ont été élaborées ensemble.

     Cela est arrivé, Alfredo, dans les derniers temps : une formidable confrontation, riche de positions et de vitalité, une discussion collective qui a impliqué des milliers de camarades et de prolétaires, dans les usines, dans les quartiers, etc., et qui a finalement mené à la définition d’une stratégie unitaire qui, avec la Campagne d’Urso et l’offensive actuelle, cherche ses vérifications de masse.

     Ceci, Alfredo, est le pas que tu n’as pas su faire. Là a débuté ton effondrement. Dans tes contradictions, les sirènes de la corruption bourgeoise ont commencé à hypnotiser ta fragile conscience.

     De tièdes révolutionnaires qui ont d’abord combattu et qui, ensuite, aux premières difficultés objectives ou personnelles, ont abandonné le champ de bataille, il y n a eu en grand nombre dans toutes les révolutions.

     Même dans ce sens, tu représentes une exception, car tu te confonds plutôt avec cette foule de renégats qu’un peu tout le monde méprise à juste titre.

     Parce que, plus que tout, ton effondrement ne s’est pas limité, comme tu voudrais qu’il le soit et que tu prétends le faire croire, à te mettre de côté. Tu ne t’es pas contenté, Alfredo, de sortir du parti pour réfléchir dans et avec la classe sur les incertitudes qui sont survenues.

     S’il en avait été ainsi, personne ne s’y serait opposé.

     La militance communiste de parti est dure et l’expérience nous a enseigné que tous ne réussissent pas à la soutenir avec l’esprit et le même pas dans le devenir de la lutte et des transformations. Pour cela nous ne nous sommes jamais opposés à ces militants qui, après une clarification, ont décidé de quitter notre Organisation. De plus, nous ne considérons pas la militance dans d’autres instances du pouvoir prolétaire comme « moins révolutionnaire » que l’engagement direct dans le Parti, et nous sommes les premiers à affirmer que le pacte politique qui nous lie dans le Parti est libre, volontaire, renouvelé volontairement chaque jour, et imposé par personne.

     Mais, comme Peci, tu n’as jamais choisi la voie de la clarification pour manifester ce que maintenant tu prétends présenter comme « dissidence ».

     Tu as comploté et tramé dans le silence et sur notre dos, et pour cela ta fuite honteuse ne mérite qu’un nom : trahison.

     Aujourd’hui, tu voudrais opposer les camarades « de la première heure » aux nouveaux camarades, les camarades emprisonnés à ceux de l’extérieur… Mais ce sont justement les vieux camarades, les camarades emprisonnés, ceux que tu as trahis les premiers !

     Comment peux-tu raisonnablement exiger justement d’eux une quelconque forme de compréhension ? Avec toi, il peut seulement y avoir des complices, puisque la marchandise que tu es en train de vendre est le mensonge, la misère de la collaboration et l’infamie de la trahison. Ou bien te dire en face ce que tu es devenu, parce que cela est l’unique moyen de te démontrer notre humanité et notre sensibilité de communistes.

     Et puis, répétons-nous, cette distinction entre « bons » et « mauvais », entre internes et externes, ne te semble pas un mythe un peu laborieux construit par la bourgeoisie et les révisionnistes pour solliciter la vanité de quelqu’un dans le cadre d’un énième projet de corruption et de division politique ?

     Tu ne te rends pas compte que, sauver les années 70/74 et condamner tout ce qui est arrivé depuis, est une autodéfense démente, inspirée par le même trop astucieux Pecchioli ?

     Malgré la fausse modestie dont tu te fardes pour le lecteur de L’Espresso et de Panorama, nous sommes convaincus que tu es parfaitement conscient du fait que tes paroles servent à une énième malheureuse tentative de division politique « de l’intérieur », tentative qui s’appuie sur les autres entreprises désastreuses de la bande contre-révolutionnaire à laquelle tu t’es aussi imprudemment vendu.

     Et nous disons ceci pour que les mensonges que sortent de ta bouche ne puissent en aucun cas être considérés comme innocents. Et cela vaut pour les deux.

     Premier mensonge : tu parles d’« extorsion du consensus » de la part des camarades externes à propos de la « couverture politique », qu’en juillet 79, nous aurions donné à la Direction de notre Organisation sur la question Morucci-Faranda.

     Mais, sur quelle « extorsion » es-tu en train de délirer ?

     La décision d’écrire le document « des 17 » fut prise de manière totalement autonome, et les thèses qui y étaient exprimées ont, avec le temps, démontré leur bien-fondé.

     Comme d’autres, tu n’étais pas à l’Asinara quand il fut rédigé, et ce n’est pas un mystère que, avec d’autres, tu le critiquas publiquement. Personne ne te censura pour cela, même si tes lettres circulaient sous les yeux des gardiens.

     Donc, tu n’as donné aucune « couverture » et ta position non concordante, ni avec celle de l’Organisation externe, ni avec celle des 17 signataires, a pu s’exprimer librement dans toute l’Organisation, et même à l’extérieur.

     Et alors ?

     Second mensonge : « l’alternative d’il y a quelques mois, à Palmi, pour que nous attaquions publiquement comme traîtres les milanais qui, las de la direction (de l’Organisation), l’avaient chassée dehors à coups de pieds au cul ».

     La fausseté de ta thèse se démontre d’elle-même.

     1o Nous, de Palmi, n’avons jamais attaqué la colonne Walter Alasia ;

     2o L’Organisation ne nous a jamais attaqué, nous de Palmi ;

     3o La colonne Walter Alasia a combattu unitairement dans la récente offensive encore en cours.

     Et alors ?

     Le futur, Alfredo, n’appartient pas aux gros malins comme il y en a eu pour trop d’années dans ce pays, mais aux prolétaires révolutionnaires, qui, malgré les Peci et les Buonavita, et en partie grâce à eux, construisent jour après jour, même entre mille contradictions, leur conscience communiste et les instruments de leur pouvoir dans la lutte contre tes amis actuels.

     Nous ne pouvons t’attribuer le mérite que d’une seule chose : de nous avoir rendus plus experts et plus méfiants par rapport aux influences de l’idéologie bourgeoise qui agissent en chacun de nous. D’une certaine manière, un Alfredo Buonavita potentiel est derrière chaque révolutionnaire et se niche précisément là où notre conscience communiste est la moins consolidée.

     Pour cela, t’exorciser serait une erreur, te démoniser serait un cadeau.

     Tu n’es pas un monstre créé par une force occulte et inconnue. Jusqu’à hier, tu étais avec nous, avec nous tu as lutté et vécu une bonne tranche de ton expérience politique.

     C’est ainsi que, précisément grâce à toi et malgré toi, nous comprenons mieux aujourd’hui la thèse marxiste sur l’essence humaine comme ensemble de rapports sociaux.

     Tous les rapports sociaux et les représentations que nous nous faisons d’eux traversent et s’interfèrent dans le processus de formation de nos décisions.

     La politique est seulement l’un de ces rapports, mais ce sont justement tous les autres que, trop souvent, nous avons négligé de soumettre à une critique révolutionnaire adéquate.

     La politique est au poste de commande, elle oriente et dirige un processus de transformation collective qui implique et bouleverse chaque aspect de la vie. Mais, c’est avec l’ensemble unitaire des rapports sociaux que la lutte révolutionnaire doit savoir se mesurer, en opposant à la représentation bourgeoise de chacun d’eux le point de vue prolétaire.

     La révolution sociale, en définitive, veut justement dire cela : porter la critique communiste dans tous les rapports sociaux, combattre sur tous les fronts l’idéologie bourgeoise, prendre acte de ce que cette bataille ne se déroule pas seulement à l’extérieur de nous, mais aussi dans notre conscience.

     La formation sociale capitaliste bourgeoise est en mesure de reproduire ses rapports d’exploitation à la seule condition de reproduire les idées de la domination, ce qui veut dire les idées de la classe dominante, dans la conscience de la grande majorité des prolétaires.

     À cette fin, la classe dominante ne regarde pas à la dépense et arme d’innombrables appareils idéologiques, à travers lesquels ses idéologues actifs élaborent, font circuler et fixent dans la mémoire collective l’ensemble des codes de comportement officiels pour chaque rapport social, pour chaque groupe et pour chaque classe sociale.

     Le contrôle de ce cycle est une caractéristique fondamentale de l’État impérialiste qui par là aspire à la domination de toutes les formes et de tous les langages par lesquels se réalise le processus de la communication sociale, et se sert de cette domination pour décomposer le prolétariat en figures séparées et jusqu’en monades [NdT : Cf. le système de Leibniz] isolées, afin de les rendre incapables de tisser un réseau articulé de communication transgressive et antagoniste.

     Mais, malgré les équipements techniques sophistiqués, malgré le grand nombre de parasites qui les font fonctionner contre le prolétariat métropolitain, c’est la nature même de la formation sociale capitaliste qui donne en général sans cesse des raisons à la transgression révolutionnaire. Certainement, la transgression de l’idéologie dominante expose à un rapport de rupture avec le code linguistique, logique, social, représenté par l’idéologie institutionnalisée. Justement pour cela, la pratique du comportement transgressif qui explore, touche, regarde, retourne chaque chose en tous sens, et la pose en relation à chaque autre chose, en se déplaçant dans le lieu de l’« interdit », de l’extra-officiel, du non-prévu et du non accepté par la classe dominante, est toujours une pratique critique, transformatrice, révolutionnaire.

     C’est la lutte pour une projetualité sociale qui ne craigne pas les latences et les possibilités contenues dans la réalité objective environnante, mais plutôt les recherche et les combine selon les intérêts de libération de la classe révolutionnaire.

     C’est la transgression qui désacralise et relativise toutes les configurations idéologiques dominantes, formelles et moisies, des rapports sociaux, et en fait la critique « des armes » du point de vue de la classe sociale antagoniste.

     En ce sens, elle est le creuset des idéologies révolutionnaires, ses raisons étant sans cesse engendrées par le processus de la vie matérielle d’une classe émergente entière, et ont face à elles un « futur social » qui peut être conquis seulement à travers une pratique, qui, dépassant la peur de la sanction, transgressant les interdictions de l’idéologie institutionnalisée, communique cette transgression, en la légitimant progressivement, dans une aire sociale toujours plus vaste.

     Étendre cette communication transgressive jusqu’à impliquer chaque aspect de la vie quotidienne est la condition de la croissance d’une révolution culturelle dans la métropole qui n’attende pas la conquête du pouvoir politique pour commencer à transformer la gamme entière des rapports sociaux.

     Parce que c’est dans la communication idéologique quotidienne que le caractère actif des formes idéologiques démontre jusqu’au bout son pouvoir.

     Mais le démontre aux prix d’un affrontement qui se reproduit comme un écho dans la gamme entière des rapports sociaux et dans chacun d’entre eux.

     Personne n’est exclu de cette gigantesque et inexorable bataille où l’on peut être victime ou vainqueur, mais jamais, en aucun cas, spectateur neutre.

     Dans les rapports homme-femme, comme dans les rapports récréatifs, dans les réunions politiques, comme sur les lieux de travail, partout, les idées de la domination cherchent une trouée pour pénétrer dans les consciences et programmer, contrôler, de cet avant-poste, les comportements. Parce que, « seul dans la mesure où une forme idéologique cristallisée peut entrer dans ce type de rapport organique et intégral avec l’idéologie quotidienne d’une période donnée, elle est vitale pour cette période, et évidemment, pour un groupe social donné ».

     Dans cette zone précaire et mouvante de la vie sociale où, aux niveaux les plus bas, s’étendent des fragments d’expérience, des initiatives souvent inconcluantes, de vagues vicissitudes, des paroles fortuites... les idées de la domination tendent leurs embuscades et leurs assauts.

     Mais dans ce « creuset de tous les changements », se nichent aussi, aux niveaux les plus consolidés, ces énergies créatives à travers l’action desquelles « a lieu une restructuration partielle ou radicale des systèmes idéologiques cristallisés. De nouvelles forces sociales trouvent une expression idéologique et prennent forme pour la première fois dans ces strates supérieurs de l’idéologie quotidienne, avant de pouvoir réussir à dominer le terrain d’une certaine idéologie officielle organisée ».

     Il s’agit d’une lutte où aucun coup n’est épargné, une lutte dans laquelle chaque classe joue son destin.

     Une lutte qui, en promouvant ou en empêchant d’imperceptibles mais continuelles transformations de ton dans les signes idéologiques, prépare ou résiste à l’apparition de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles transformations.

     Dans une telle lutte se forme ou se restructure aussi l’horizon social de chaque groupe, de chaque classe, en entendant par là l’ensemble de toutes les choses qui entrent dans la sphère consciente de ses intérêts.

     Même l’expansion de cet horizon d’évaluation, naturellement, est une forme de l’idéologie de classe. Étendre la sphère des intérêts pour le monde naturel ou social environnant, et donc accroître la capacité à établir de nouveaux rapports sociaux, implique en fait toujours une restructuration qualitative de sa propre disposition dans le procès de communication sociale, et avec cela un affrontement avec le « vieil horizon », avec sa présence visqueuse.

     La pénétration progressive des intérêts et des représentations du prolétariat métropolitain dans la formation idéologique est donc un processus de lutte de classe dans le cours de laquelle le nouveau chasse l’ancien, le démolit, se substitue à lui.

     Ce n’est peut-être pas là une condition pour qu’une classe puisse regarder son présent avec les yeux de l’avenir, pour que le prolétariat puisse agir consciemment sur son présent et le transformer radicalement ?

     Notre réponse, Alfredo, se termine là. Des choses plus importantes nous attendent.

     Mais, avant d’ôter l’épine, une dernière chose : tu es victime, Alfredo, une victime des idées de la domination de cette classe qui t’a exploité avant-hier, que tu as combattu mais pas jusqu’au bout et pas en toi-même hier, et qu’aujourd’hui tu sers comme un zombie hébété auquel ils ont volé et substitué la conscience. Classe qui t’a démonté, fragmenté, scindé, divisé, et qui aujourd’hui a sur toi une domination pleine et articulée. Ta voix raisonne de mille voix de la bourgeoisie, tes phrases livides sont celles des « fonctionnaires honnêtes » desquels tu chantes péniblement les louanges aujourd’hui.

     Tu es un esclave, Alfredo, un esclave métropolitain avec les chaînes aux pieds et les cadenas dans la tête.

     Pauvre Alfredo, ainsi réduit à être un signifiant sans signification, tu ne réussis à susciter en nous qu’une haine encore plus terrible contre la classe qui tire tes fils. Classe qui est incapable d’humanité et donc, aussi de justice.

     Tout a été dit. Mais, avant de te renvoyer au silence, souviens-toi : pour toi, il n’y a pas de futur.

Palmi, juillet 1981,

Collectif des prisonniers communistes
des Brigades Rouges.

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L’ATTAQUE CONTRE L’AMBASSADEUR DE R.F.A.
PAR LES GUÉRILLEROS FEDAYNS DU PEUPLE IRANIEN
À TÉHÉRAN

 

     Le lundi 8 février 1982, 12e anniversaire du commencement de la lutte armée en Iran à Siahkal 1, les G.F.P.I.-A.L.P.I. ont attaqué avec des mitraillettes l’automobile de l’un des politiciens impérialistes, l’ambassadeur d’Allemagne Fédérale en Iran. Nos compatriotes savent que cette action fut menée dans des conditions où la Police et les Pasdarans 2 anti-populaires avaient investi toute la ville de Téhéran et vantaient sans cesse leurs soi-disant victoires. L’action fut menée sur l’autoroute MODARESS. Les vitres pare-balles de la voiture de l’Ambassadeur d’Allemagne Fédérale furent presque brisées à coups de masse et de rafales de mitraillettes, le politicien criminel, impuissant, pleurait et se lamentait. Bien que les Pasdarans mercenaires et leurs autres collègues aient encerclé toute la zone en un court laps de temps, les membres du groupe d’action des G.F.P.I.-A.L.P.I. ont prouvé que, malgré tous les mensonges et les prétentions du régime, les révolutionnaires sont capables de mener de grandes actions, même dans ces conditions difficiles. Bien que le régime ait gardé le silence sur cette action jusqu’à présent et continue comme d’habitude le complot du silence contre les G.F.P.I., il sera enfin obligé de briser le silence et de révéler certaines parties de la vérité à notre peuple. Les guérilleros briseront le complot du silence du régime mercenaire par leurs armes.

     Voyons maintenant le message que contient cet acte révolutionnaire dans les conditions de la lutte des classes de notre pays.

     Premièrement, le gouvernement d’Allemagne Fédérale est un des alliés les plus durs et les plus stables des États-Unis criminels. Ce gouvernement est le grand complice et le bras droit des États-Unis dans le pillage et la répression des peuples opprimés du monde. En même temps, le gouvernement d’Allemagne Fédérale joue un rôle actif dans le développement des bases militaires américaines en Europe et seconde activement les États-Unis à mener leur politique agressive et leurs programmes inhumains. La police de ce pays, le descendant et l’héritier d’une des polices les plus fascistes du monde, la police Nazie, a toujours eu un rôle actif dans la répression des mouvements de protestation et des forces progressistes de la société allemande.

     Le rôle de l’Allemagne Fédérale dans notre économie dépendante est clair comme le jour. Les capitaux des grands capitalistes d’Allemagne Fédérale ont pénétré dans la majorité de nos branches d’activités économiques. Les statistiques prouvent que, parmi tous les pays impérialistes qui ont eu des relations commerciales avec l’Iran, l’Allemagne Fédérale occupe la première position en ce qui concerne les exportations vers l’Iran.

     Après les événements du 11 février, le gouvernement d’Allemagne Fédérale a mené des tentatives très précieuses pour la réorganisation de l’appareil de soi-disant « sécurité » du régime mercenaire de Khomeiny qui a, dès le début, profité de l’aide et des conseils de ce gouvernement impérialiste. Une part importante de l’armement de l’armée anti-populaire et répressive est fournie par le gouvernement d’Allemagne Fédérale.

     Nous constatons donc que le gouvernement d’Allemagne Fédérale s’est toujours ingéré dans la vie intérieure de notre pays et qu il participe au pillage et à la répression de notre peuple opprimé, main dans la main avec les États-Unis.

     Deuxièmement, le régime de Khomeiny et ce criminel lui-même, prétend honteusement mener la lutte anti-impérialiste alors qu’il suce le sang de nos jeunes et qu’il assassine notre peuple et ses avant-gardes avec une cruauté incomparable, dépassant Hitler, Mussolini, Aryamehr 3, etc... Cet imbécile cruel essaye de faire croire qu’il mène une politique anti-impérialiste en prenant des apparences trompeuses à l’aide des appareils de propagande de son régime. Bien sûr, Khomeiny et ses acolytes ne peuvent plus tromper personne. Nous verrons quelle sera leur réaction contre les forces révolutionnaires après cet événement, eux qui répriment avec une si grande assiduité les mouvements de notre peuple pour acquérir ses droits, eux qui tiennent le mouvement du peuple héroïque Kurde sous le feu des bombes et des mitraillettes.

     Troisièmement, notre peuple opprimé fait l’expérience d’une des dictatures anti-populaires les plus sauvages du monde sous le régime du « Velayat-e-Faghih » 4. Si, jusqu’il ya peu de temps, certaines forces instables avaient des illusions sur la nature de ce régime, aujourd’hui, la vérité ne laisse aucune place pour les hésitations. Les dimensions de la trahison et des crimes de Khomeiny prouvent que son régime est un régime dépendant de l’impérialisme et que la nature de sa politique est la même que celle du Chah. Aujourd’hui, il est tout à fait clair que le régime de Khomeiny n’est pas du côté des travailleurs, mais du côté des impérialistes dont il est le mercenaire.

     Dans ces conditions, malgré l’expérience amère mais importante que notre peuple a vécu, il semble que certaines forces politiques ont l’intention de renverser le régime de Khomeiny et de prendre le pouvoir en profitant des aides directes et indirectes des impérialistes. Il semble qu’elles ont encore une fois l’intention de raconter à notre peuple l’histoire célèbre de « D’abord le Chah, ensuite les Etats-Unis » 5, mais cette fois avec un petit changement : « D’abord Khomeiny, ensuite les ÉtatsUnis »... Et de peur d’être privées de cette source de puissance, elles détournent la pointe de leurs armes des impérialistes et ne renforcent pas les sentiments anti-impérialistes des masses. Ils considèrent le régime de Khomeiny comme un régime indépendant et ne soufflent mot des impérialistes qui le soutiennent en cachette et parfois au grand jour.

     Les G.F.P.I.-A.L.P.I. disent clairement aux ouvriers, aux paysans et aux autres travailleurs que la lutte contre le régime de Khomeiny n’est pas séparée de la lutte contre l’impérialisme. La chute du régime du bourreau Khomeiny n’est qu’un moment de la longue lutte contre l’impérialisme et, à sa tête, les États-Unis.

     L’attaque contre l’ambassadeur d’Allemagne Fédérale exprime ce point de vue qu’il faut combattre toutes les forces impérialistes. Il faut savoir que la victoire finale est impossible sans une guerre totale contre l’impérialisme.

     Nous, les G.F.P.I.-A.L.P.I., croyons en cette guerre totale, et avons choisi cette voie avec tous nos moyens et tout notre pouvoir. Actuellement, une partie de notre organisation a allumé un foyer d’espoir dans les forêts du Nord, une partie participe à la lutte du peuple Kurde pour l’obtention de ses droits et lutte à ses côtés contre le régime mercenaire et une autre partie de l’organisation mène la guerre dans les villes contre l’impérialisme et ses mercenaires.

     Nous croyons que le seul moyen de se libérer du joug de l’impérialisme et de ses mercenaires, c’est la lutte armée. Nous sommes conscients des difficultés d’une telle guerre. Malgré cela, nous affirmons que c’est le seul moyen de libération de nos peuples opprimés. C’est uniquement par la guerre révolutionnaire contre l’impérialisme et ses mercenaires que l’on peut préparer les conditions réelles pour briser totalement la domination impérialiste.

     Vive le souvenir des martyrs ensanglantés du peuple !

     Vive le souvenir des martyrs de Siahkal !

     À bas l’impérialisme et ses chiens de garde !

     Vive la lutte armée, seul moyen d’obtenir la liberté !

     Pour une république démocratique populaire sous la direction de la classe ouvrière !

     EN AVANT VERS LA FORMATION DE L’ARMÉE POPULAIRE !

Guérilleros Fedayins du Peuple Iranien /
Armée de Libération des Peuples d’Iran

8/02/1983

Notes :

     1. Siahkal : région dans les forêts du Nord de l’Iran où un groupe des G.F.P.I. a commencé la lutte armée en attaquant le poste de gendarmerie de Siahkal le 8 février 1971.

     2. Pasdarans (Gardiens de la Révolution) : corps paramilitaire créé par le régime de la République Islamique après son arrivée au pouvoir en février 1979.

     3. Aryamehr (le soleil des Aryens) : l’un des surnoms que le Chah s’était attribué.

     4. « Velayat-e-Faghih » : régime où le religieux suprême (Faghih) est maître de tout.

     5. Allusion aux groupes politiques qui séparaient la lutte contre le Chah de la lutte anti-impérialiste.

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FRACTION ARMÉE RÉVOLUTIONNAIRE LIBANAISE :
COMMUNIQUÉ DE L’EXÉCUTION DE Y. BARSIMANTOV À PARIS

 

     Nous, FRACTION ARMÉE RÉVOLUTIONNAIRE LIBANAISE, nous nous adressons à tous ceux qui condamnent la terreur et le terrorisme, à tous ceux qui militent pour l’abolition de la société d’exploitation et de guerre. Nous avons exécuté YACOV BARSIMANTOV.

     La presse impérialiste et les gouvernements qui soutiennent l’impérialisme, comme le gouvernement Français, crient au « terrorisme ». Qui sont les terroristes ? Ceux qui tuent un jeune Cisjordanien parce qu’il résiste à l’annexion de son pays par l’Israel, ceux qui bombardent les populations civiles du Sud Liban, ceux qui tuent aveuglément et osent se réclamer d’un pseudo « cessez le feu ».

     Nous, nous attaquons ceux qui organisent le génocide du peuple Palestinien. Nous, nous sauvegardons la vie des innocents même au péril de notre propre sécurité.

     Depuis sept ans le peuple Libanais subit la guerre.

     Depuis sept ans l’impérialisme, sous le couvert de la lutte contre les « fanatiques Palestiniens », détruit tout ce qui est progressiste au Liban.

     C’est notre droit de nous défendre.

     C’est notre droit aussi d’attaquer l’impérialisme partout où il sévit et en particulier là où il bénéficie du soutien politique du gouvernement en place.

     Nous poursuivrons notre guerre à la guerre impérialiste jusqu’à la victoire.

     À bas l’impérialisme Américain et ses mercenaires Européens.

     La Victoire ou la Victoire.

Fraction Armée Révolutionnaire Libanaise

Paris. le 7 avril 1982

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COMMUNIQUÉ DE L’ACTION CONTRE L’ARMÉE DE L’AIR À PARIS LE 15 JUILLET

 

     Dans la nuit du 15 au 16 juillet, nous avons attaqué à la bombe des véhicules de l’armée dans un parking à Ballard.

     Il convient, avant tout, pour comprendre le sens de cette action de la situer comme une pratique conséquente d’internationalisme prolétarien offensif. Nous avons voulu intervenir concrètement aux côtés des peuples palestiniens et libanais qui se battent, les armes à la main, contre l’impérialisme et son relais brutal et agressif : l’entité sioniste.

     Cette lutte commune contre l’ennemi de classe exige une analyse globale de l’impérialisme, dans ce cas-ci de l’impérialisme U.S., de son organisation atlantique : France, Italie, Grande-Bretagne... et de son relais pour le Moyen-Orient : l’État d’Israël.

     Comprendre la nécessaire articulation entre les luttes des peuples opprimés de la périphérie et celles des prolétaires et révolutionnaires européens — articulation que nous tentons de faire vivre par notre action — rejette les tendances du régionalisme européen gauchiste ou du tiers-mondisme petit bourgeois.

     Ainsi, aujourd’hui, l’exigence première de notre action est :

     — TROUPES FRANÇAISES HORS DU LIBAN !

     Car l’action de l’« armée française » au Liban ne correspond pas du tout aux mensonges de l’infâme Hernu : « mission de paix dans la générosité », elle est mission de terreur, de crimes, dans la continuité de la « paix en Galilée » des assassins sionistes. Les mercenaires impérialistes français arrêtent, torturent, déportent combattants palestiniens et libanais (tout comme ils l’ont fait en Indochine, en Algérie, à Madagascar…), ils encadrent l’armée et la police du fantoche phalangiste Gemayel, ils ont aux côtés de leurs complices U.S., anglais et italiens, la « force multinationale de la terreur bourgeoise ». Mais cette tentative impossible de la liquidation du combat d’un peuple s’inscrit aussi pour les gestionnaires capitalistes dans la volonté de détruire une mémoire collective de lutte, l’apport historique de la révolution palestinienne au mouvement révolutionnaire mondial. La qualité internationaliste qui, depuis 15 ans, a porté la guerre de classe au sein des métropoles impérialistes.

     La social-démocratie, au pouvoir ici, assure la gestion de l’impérialisme français avec une logique et une détermination implacable, de l’intervention au Tchad aux trafics avec l’apartheid sud-africain... jusqu’à Beyrouth, mais aussi la gestion de la crise économique, et de son cortège de misère, de chômage, d’austérité, de « plans d’assainissement », de préparatifs zélés et criminels de la guerre atomique, etc.

     L’empressement dont a fait preuve la social-démocratie à collaborer à la mise au pas impérialiste du Liban, et ce militairement, économiquement et diplomatiquement (soutien à la direction bourgeoise de l’O.L.P., appui sans réserve à l’entité sioniste et — ce qui n’est pas contradictoire — appel à la conciliation entre ceux-ci) répond à une logique précise, l’organisation impérialiste.

     Le zèle de ces mêmes « socialistes » à exercer leur fonction contre-révolutionnaire en France répond toujours à la même logique.

     Dans les faits, l’unité de cette logique est ceci : à travers la guerre au Liban, l’armée française apprend, actualise, s’entraîne aux pratiques de contre-insurrection. Elle se prépare à la répression militaire du mouvement social et révolutionnaire en France, à l’occupation, la pacification des villes et des campagnes quand il s’agira d’imposer aux prolétaires de ce pays des sacrifices économiques plus grands encore et bientôt une nouvelle guerre mondiale.

     Cela, nous le vivons déjà par l’intervention des flics, des gendarmes, des C.R.S. et de l’armée dans les grèves, par la constitution de forces de gendarmerie « décentralisées », par la création du fichier V.A.T. (violence, attentat, terrorisme), etc... et une offensive contre le mouvement révolutionnaire communiste.

     La condamnation terroriste à 6 ans de prison ferme du communiste révolutionnaire Frédéric Oriach en est l’expression évidente, et là se situe le deuxième axe de notre intervention :

     — LIBÉRATION IMMÉDIATE DU COMMUNISTE RÉVOLUTIONNAIRE FRÉDÉRIC ORIACH !

     Car si, dans leur médiocre tentative de riposter à l’offensive anti-sioniste de l’été 82, les sociaux-démocrates croient — au mépris de leur propre droit — avoir remporté une victoire, il est du devoir des militants révolutionnaires de la transformer clairement en une défaite honteuse pour la bourgeoisie.

     Le procès (et la condamnation) de Frédéric Oriach poursuivait un but politique et idéologique évident, car il s’est voulu celui de la « Démocratie » contre le « terrorisme ». Le fiasco fut total car, loin d’avoir face à eux (comme leurs rêves minables et leurs projets foireux l’espéraient) démobilisation, différenciation ou repentir, ils ont trouvé une mobilisation et un soutien réel (agitation politique, attaque du musée de la Légion d’honneur, attaque contre le siège régional du P.S. à Lille) et surtout un accusateur implacable en la personne de Frédéric Oriach qui, en vrai militant communiste, a dénoncé les plans sordides qui se tramaient et clamé son inflexible solidarité internationaliste avec la lutte révolutionnaire en Palestine comme en Europe.

     Le procès répondait au but d’intimidation des forces concrètes qui, à partir de la campagne anti-sioniste de l’été 82 et de 2 ans de gestion impérialiste social-démocrate, se pose la question de l’organisation offensive du combat de classe dans ce pays. L’intervention de cette nuit en démontre une fois de plus l’échec, le peu de crédibilité des manœuvres de la bourgeoisie face à la détermination des communistes. La condamnation terroriste à 6 ans de prison pour Frédéric Oriach ne vise qu’à priver le mouvement révolutionnaire d’un cadre politique estimé et, si cela décourage certains, ne voyant que cet aspect du combat, il nous encourage à nous battre encore mieux et plus pour sa libération et pour le retournement définitif de cette attaque de la contre-révolution en défaite totale.

     L’arrestation de Frédérich Oriach répondait également à un but de propagande car, après la campagne anti-sioniste de l’été 82, il convenait de prouver l’efficacité des services contre-révolutionnaires, du cabinet sioniste et arrogant de Franceschi au véreux G.I.G.N. Après l’éclairage de la farce tragique des militants irlandais de Vincennes, le déroulement du procès a forcé les bourgeois du P.S. (soutenus par leurs complices du « P.C.F. ») à outrepasser le droit bourgeois dont ils s’étaient fait les ardents défenseurs. Rien qu’à ce niveau, ce procès est une défaite pour la bourgeoisie car, une fois de plus, comme à Beyrouth ou au Tchad, les masques tombent.

     La bourgeoisie doit savoir ceci : libérer Frédérich Oriach sera pour elle une défaite, mais le maintenir en prison lui coûtera plus cher encore.

     OSER LUTTER, OSER VAINCRE !

     TROUPES FRANÇAISES HORS DU LIBAN !

     FRÉDÉRICH ORIACH HORS DE PRISON !

     SIONISTES HORS DE PALESTINE !

     VIVE LE COMMUNISME !

     VIVE L’INTERNATIONALISME PROLÉTARIEN !

Un Groupe de Militants Communistes Internationalistes

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COMMUNIQUÉ DE L’ACTION CONTRE UN REPAIRE DE RATS SOCIO-DÉMOCRATES À PARIS LE 21 JUILLET

 

     Aujourd’hui 21 juillet, la bourgeoisie entend confirmer son attaque contre le mouvement communiste révolutionnaire à travers le procès d’appel contre le camarade Frédéric ORIACH.

     Après avoir arrêté les militants Marina Da Silva et Christian Gauzens, suite à l’attaque du 22 avril contre le musée de la honte colonialiste par un commando anti-impérialiste, elle espérait une fois de plus, briser le légitime combat révolutionnaire internationaliste et anti-sioniste pour le communisme.

     Ce matin du 21 juillet, nous avons attaqué le repaire des rats socio-démocrates du 19ème. La force politique qui, depuis le début du siècle, gère la contre-révolution au mieux des intérêts du capital et de la social-démocratie. Mitterrand et ses complices, Franceschi, Hernu, Marchais... n’ont plus rien à envier à leurs aînés en ce qu’il s’agit de tromper le prolétariat.

     Nous n’en dirons pas plus aujourd’hui. Mais nous sommes DÉCIDÉS À NOUS BATTRE. Nous joignons à ce communiqué la revendication de l’attaque contre la base de l’armée de l’air à Paris, le 15 juillet. L’analyse de ces camarades est la nôtre, il est inutile de palabrer là-dessus.

     D’AUTRES TÂCHES ATTENDENT LE MOUVEMENT COMMUNISTE.

     LIBÉRATION IMMÉDIATE DE F. ORIACH, COMMUNISTE RÉVOLUTIONNAIRE.

     CONTRE L’IMPÉRIALISME ET SES SBIRES « SOCIALISTES », MENER LA GUERRE DE CLASSE, ICI ET SANS RETARD.

Action du 21 Juillet
Pour le Communisme !

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LÉNINE : LA GUERRE DES PARTISANS

 

     La question des actions des partisans intéresse fortement notre Parti et la masse ouvrière. Nous avons déjà abordé à maintes reprises cette question, mais en passant, et nous avons maintenant l’intention d’en venir, comme nous l’avons promis, à un exposé plus complet de nos vues sur ce sujet.

I

     Commençons par le commencement. Quelles exigences essentielles doit présenter un marxiste dans l’examen de la question des formes de lutte ? En premier lieu, le marxisme diffère de toutes les formes primitives du socialisme en ce qu’il ne rattache pas le mouvement à quelque forme de combat unique et déterminée. Il admet les méthodes de lutte les plus variées, et il ne les « invente » pas ; il se borne à généraliser, organiser, rendre conscientes les formes de lutte des classes révolutionnaires, qui surgissent spontanément dans le cours même du mouvement. Absolument hostile à toutes les formules abstraites, à toutes les recettes de doctrinaires, le marxisme veut que l’on considère attentivement la lutte de masse qui se déroule et qui, au fur et à mesure du développement du mouvement, des progrès de la conscience des masses, de l’aggravation des crises économiques et politiques, fait naître sans cesse de nouveaux procédés, de plus en plus variés, de défense et d’attaque. C’est pourquoi le marxisme ne répudie d’une façon absolue aucune forme de lutte. En aucun cas, il n’entend se limiter aux formes de lutte possibles et existantes dans un moment donné ; il reconnaît qu’un changement de la conjoncture sociale entraînera inévitablement l’apparition de nouvelles formes de lutte, encore inconnues aux militants de la période donnée. Le marxisme, sous ce rapport, s’instruit, si l’on peut dire, à l’école pratique des masses ; il est loin de prétendre faire la leçon aux masses en leur proposant des formes de lutte imaginées par des « fabricants de systèmes » dans leur cabinet de travail. Nous savons — disait par exemple Kautsky, examinant les formes de la révolution sociale — que la crise à venir nous apportera de nouvelles formes de lutte que nous ne pouvons prévoir actuellement.

     En second lieu, le marxisme exige absolument que la question des formes de lutte soit envisagée sous son aspect historique. Poser cette question en dehors des circonstances historiques, concrètes, c’est ignorer l’ABC du matérialisme dialectique. À des moments distincts de l’évolution économique, en fonction des diverses conditions dans la situation politique, dans les cultures nationales, dans les conditions d’existence, etc., différentes formes de lutte se hissent au premier plan, deviennent les principales, et, par suite, les formes secondaires, accessoires se modifient à leur tour. Essayer de répondre par oui ou par non, quand la question se pose d’apprécier un moyen déterminé de lutte, sans examiner en détail les circonstances concrètes du mouvement au degré de développement qu’il a atteint, ce serait quitter complètement le terrain marxiste.

     Tels sont les deux principes théoriques essentiels qui doivent nous guider. L’histoire du marxisme en Europe occidentale nous fournit une multitude d’exemples à l’appui de ce qui vient d’être dit. La social-démocratie européenne considère actuellement le parlementarisme et le mouvement syndical comme les principales formes de lutte ; jadis, elle reconnaissait l’insurrection et elle est parfaitement disposée à la reconnaître encore à l’avenir dans des conjonctures modifiées — contrairement à ce que pensent les bourgeois libéraux, dans le genre des cadets russes et des « Sans titre ». La social-démocratie a rejeté, entre 1870 et 1880, la grève générale en tant que panacée sociale, comme moyen de renverser d’emblée la bourgeoisie par une autre voie que celle de la politique ; mais la social-démocratie admet parfaitement la grève politique de masse (surtout après l’expérience faite en Russie, en 1905), comme un des moyens de lutte indispensable dans certaines conditions. La social-démocratie admettait les combats de barricades dans les rues en 1840-1850 ; elle rejetait ce moyen, en raison de circonstances déterminées, à la fin du XIXe siècle ; elle se déclara toute prête à réviser ce dernier jugement et à admettre l’utilité des combats de barricades, après l’expérience de Moscou qui, selon les termes de K. Kautsky, créa une nouvelle tactique de barricades.

II

     Les principes généraux du marxisme sur ce sujet étant posés, passons à la révolution russe. Rappelons-nous l’évolution historique des formes de lutte qu’elle a suggérées. Au début, grèves économiques d’ouvriers (1896-1900) ; ensuite, manifestations politiques d’ouvriers et d’étudiants (1901-1902) ; émeutes de paysans (1902) ; premières grèves politiques de masse, diversement combinées avec des manifestations (Rostov 1902, grèves de l’été 1903 et du 22 janvier 1905) ; grève politique étendue à toute la Russie, avec combats de barricades en certains endroits (octobre 1905) ; lutte de barricades généralisée et insurrection armée (décembre 1905) ; lutte parlementaire pacifique (avril-juin 1906) ; mutineries partielles dans l’armée (juin 1905-juillet 1906) ; soulèvements partiels de paysans (automne 1905 -automne 1906).

     Telle est la situation vers l’automne 1906, du point de vue des formes de lutte en général. L’autocratie y « réplique » par les pogroms qu’organisent les Cent-Noirs, depuis celui de Kichinev, au printemps de 1903, jusqu’à celui de Siedlce, en automne 1906. Pendant toute cette période, l’organisation par les Cent-Noirs des pogroms et des massacres de juifs, d’étudiants, de révolutionnaires, d’ouvriers conscients progressent sans cesse, se perfectionnent, unifiant dans la violence une populace corrompue et les troupes armées de réactionnaires, allant jusqu’à l’emploi de l’artillerie dans les villages et les villes et se confondant avec des expéditions punitives, des trains de répression, et ainsi de suite.

     Tel est le fond principal du tableau. Sur ce fond, se dessine — certainement comme quelque chose de particulier, de secondaire, d’accessoire — le phénomène à l’étude et à l’appréciation duquel est consacré le présent article. Quel est ce phénomène ? Quelles en sont les formes ? Les causes ? Quand a-t-il surgi et jusqu’à quel point s’est-t-il répandu ? Quelle est sa portée dans la marche générale de la révolution ? Quels sont ses rapports avec la lutte de la classe ouvrière, organisée et dirigée par la social-démocratie ? Telles sont les questions que nous devons maintenant aborder après avoir tracé le fond du tableau.

     Le phénomène qui nous intéresse, c’est la lutte armée. Elle est menée par des individus et par de petits groupes d’individus. Partiellement, ils appartiennent à des organisations révolutionnaires ; partiellement (et, dans certaines localités de la Russie, en majeure partie) ils n’appartiennent à aucune organisation révolutionnaire. La lutte armée poursuit deux buts différents, qu’il est indispensable de distinguer rigoureusement ; d’abord, cette lutte a pour objet de tuer des individus : chefs et subalternes de la police militaire ; ensuite, de confisquer des fonds appartenant tant au gouvernement qu’à des particuliers. Les fonds confisqués sont employés partiellement aux besoins du Parti, partiellement à des achats d’armes et à des préparatifs d’insurrection, partiellement à l’entretien de militants qui mènent la lutte en question. Les grosses expropriations (celle qui fut faite dans le Caucase et qui rapporta plus de 200.000 roubles, celle de Moscou qui donna 875.000 roubles), ont servi avant tout aux besoins des partis révolutionnaires ; les petites expropriations servent surtout, et parfois uniquement, à l’entretien des « expropriateurs ». C’est un fait que cette forme de lutte ne s’est largement développée et répandue qu’en 1906, c’est-à-dire après l’insurrection de décembre. L’aggravation de la crise politique, jusqu’à la lutte armée, et, en particulier, l’aggravation de la misère, de la famine et du chômage, dans les villes comme dans les campagnes, comptent parmi les causes importantes qui ont amené l’emploi de cette forme de lutte. Cette méthode de lutte sociale a été adoptée de préférence, et même exclusivement, par les éléments déclassés de la population, lumpenproletariat et groupes anarchistes. En guise de forme « responsive » de lutte de la part de l’autocratie, il convient de citer l’état de siège, la mobilisation de nouvelles troupes, les pogroms des Cent-Noirs (Siedlce), les cours martiales.

III

     Habituellement, l’appréciation de cette forme de lutte se résume à ceci : c’est de l’anarchisme, du blanquisme, un retour à l’ancien terrorisme ; ce sont des actes d’individus ayant perdu tout contact avec les masses, qui démoralisent les ouvriers, détournent de ceux-ci les sympathies des larges couches de la population, désorganisent le mouvement et nuisent à la révolution. On trouve facilement, dans les événements que relatent chaque jour les journaux, des exemples qui confirment cette appréciation.

     Mais ces exemples sont-ils probants ? Pour le vérifier, considérons une région où la forme de lutte envisagée est le plus appliquée : la région lettone. Voici les plaintes que formulent, au sujet de l’activité de la social-démocratie lettone, le journal Novoïé Vrémia du 21 et du 25 septembre. Le Parti social-démocrate ouvrier letton (portion du P.O.S.D.R.) publie son journal régulièrement à 30.000 exemplaires. Dans la partie officielle, il donne les listes d’espions que tout honnête homme a le devoir d’exécuter. Ceux qui collaborent avec la police sont déclarés « adversaires de la révolution » et passibles d’exécutions ; en outre, ils répondent aussi de tous leurs biens. L’argent destiné au Parti social-démocrate ne doit être versé par la population que sur présentation d’une quittance portant le cachet de l’organisation. Dans le dernier compte rendu du Parti, sur 48.000 roubles de recettes pour l’année, figurent 5.600 roubles versés par la section de Libau, pour des achats d’armes ; cette somme a été réalisée par voie d’expropriation. Le Novoîé Vrémia se démène furieusement, on le conçoit, contre cette « législation révolutionnaire », ce « gouvernement redoutable ».

     Personne n’oserait qualifier cette activité des social-démocrates lettons d’anarchisme, de blanquisme, de terrorisme. Et pourquoi ? Parce qu’ici on voit clairement le rapport entre cette nouvelle forme de lutte et l’insurrection, celle qui a eu lieu en décembre comme celle qui se prépare de nouveau.

     Pour l’ensemble de la Russie, ce rapport n’est pas aussi évident, mais il existe. On ne saurait mettre en doute l’extension de la lutte « de partisans » précisément depuis décembre et son rapport avec l’aggravation de la crise non seulement économique, mais politique. L’ancien terrorisme russe était affaire d’intellectuels conspirateurs ; aujourd’hui, la lutte de partisans est menée, en règle générale, par des militants ouvriers ou simplement par des chômeurs. Le blanquisme et l’anarchisme se présentent vite à l’idée de ceux qui jugent volontiers d’après des formules toutes faites ; mais devant une situation insurrectionnelle aussi évidente qu’elle l’est en Lettonie, l’impropriété de ces épithètes courantes saute aux yeux.

     D’après l’exemple des Lettons, on voit fort bien à quel point cette analyse, si habituelle chez nous, de la guerre de partisans, en dehors de la situation insurrectionnelle, est dénuée de justesse, de valeur scientifique, de sens historique. Or, il faut compter avec cette situation, songer aux particularités d’une période intermédiaire entre les actes importants de l’insurrection ; il faut comprendre quelles formes de lutte naissent inévitablement en pareille situation, et ne pas se contenter d’un vocabulaire tout fait, également en usage chez les cadets comme chez les gens du Novoié Vrémia : anarchisme, pillage, méfaits d’éléments déclassés !

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AUSCHWITZ OU LE GRAND ALIBI
(Programme Communiste no 11, 1960.)

 

     La presse de gauche vient de montrer de nouveau que le racisme, et en fait essentiellement l’antisémitisme, constitue en quelque sorte le Grand Alibi de l’antifasciste : il est son drapeau favori et en même temps son dernier refuge dans la discussion. Qui résiste à l’évocation des camps d’extermination et des fours crématoires ? Qui ne s’incline pas devant les six millions de Juifs assassinés ? Qui ne frémit pas devant le sadisme des nazis ? Pourtant c’est là une des plus scandaleuses mystifications de l’antifascisme, et nous devons la démonter.

     Une récente affiche de M.R.A.P. 1 attribue au nazisme la responsabilité de la mort de 50 millions d’êtres humains dont 6 millions de Juifs. Cette position, identique au « fascisme-fauteur-de-guerre » des soi-disant communistes, est une position typiquement bourgeoise. Refusant de voir dans le capitalisme lui-même la cause des crises et des cataclysmes qui ravagent périodiquement le monde, les idéologues bourgeois et réformistes ont toujours prétendu les expliquer par la méchanceté des uns et des autres. On voit ici l’identité fondamentale des idéologies (si l’on ose dire) fasciste et antifascistes : toutes les deux proclament que ce sont les pensées, les idées, les volontés des groupes humains qui déterminent les phénomènes sociaux. Contre ces idéologies, que nous appelons bourgeoises parce que ce sont des idéologies de défense du capitalisme, contre tous ces « idéalistes » passés, présents et futurs, le marxisme a démontré que ce sont au contraire les rapports sociaux qui déterminent les idéologies.

     C’est là la base même du marxisme, et pour se rendre compte à quel point nos prétendus marxistes l’ont renié il suffit de voir que chez eux tout est passé dans l’idée : le colonialisme, l’impérialisme, le capitalisme lui-même, ne sont plus que des états mentaux. Et du coup, tous les maux dont souffre l’humanité sont dus à de méchants fauteurs : fauteurs de misère, fauteurs d’oppression, fauteurs de guerre, etc...

     Le marxisme a démontré qu’au contraire la misère, l’oppression, les guerres et les destructions, bien loin d’être des anomalies dues à des volontés délibérées et maléfiques, font partie du fonctionnement « normal » du capitalisme. Ceci s’applique en particulier aux guerres de l’époque impérialiste. Et il y a là un point que nous développerons un peu plus, à cause de l’importance qu’il représente pour notre sujet : c’est celui de la destruction.

     Lors même que nos bourgeois ou réformistes reconnaissent que les guerres impérialistes sont dues à des conflits d’intérêts, ils restent bien en deçà d’une compréhension du capitalisme. On le voit à leur incompréhension du sens de la destruction. Pour eux, le but de la guerre est la Victoire, et les destructions d’hommes et d’installations faites chez l’adversaire ne sont que des moyens pour atteindre ce but. À tel point que des innocents prévoient des guerres faites à coup de somnifères ! Nous avons montré qu’au contraire la destruction était le but principal de la guerre. Les rivalités impérialistes qui sont la cause immédiate des guerres, ne sont elles- mêmes que la conséquence de la surproduction toujours croissante. La production capitaliste est en effet obligée de s’emballer à cause de la chute du taux du profit et la crise naît de la nécessité d’accroître sans cesse la production et de l’impossibilité d’écouler les produits. La guerre est la solution capitaliste de la crise ; la destruction massive d’installations, de moyens de production et de produits permet à la production de redémarrer, et la destruction massive d’hommes remédie à la « surpopulation » périodique qui va de pair avec la surproduction. Il faut être un illuminé petit bourgeois pour croire que les conflits impérialistes pourraient se régler tout aussi bien à la belote ou au tour d’une table ronde et que ces énormes destructions et la mort de dizaines de millions d’hommes ne sont dues qu’à l’obstination des uns, la méchanceté des autres et la cupidité des derniers.

     En 1844, déjà, Marx reprochait aux économistes bourgeois de considérer la cupidité comme innée au lieu de l’expliquer, et montrait pourquoi les cupides étaient obligés d’être cupides. C’est aussi dès 1844 que le marxisme a montré quelles étaient les causes de la « surpopulation ». « La demande d’hommes règle nécessairement la production d’hommes, comme celle de n’importe quelle marchandise. Si l’offre dépasse largement la demande une partie des travailleurs tombe dans la mendicité ou meurt de faim », écrit Marx. Et Engels : « Il n’y a surpopulation que là où il y a trop de forces productives en général » et « ... [nous avons vu] que la propriété privée a fait de l’homme une marchandise dont la production et la destruction ne dépendait que de la demande, que la concurrence a égorgé et égorge ainsi chaque jour des millions d’hommes » 2. La dernière guerre impérialiste, loin d’infirmer le marxisme et de justifier sa « remise à jour », a confirmé l’exactitude de nos explications.

     Il était nécessaire de rappeler ces points avant de nous occuper de l’extermination des Juifs. Celle-ci, en effet, a eu lieu non pas à un moment quelconque, mais en pleine crise et guerre impérialistes. C’est donc à l’intérieur de cette gigantesque entreprise de destruction qu’il faut l’expliquer. Le problème se trouve de ce fait éclairci ; nous n’avons plus à expliquer le « nihilisme destructeur » des nazis, mais pourquoi la destruction s’est concentrée en partie sur les Juifs. Sur ce point aussi, nazis et antifascistes sont d’accord : c’est le racisme, la haine des Juifs, c’est une « passion » libre et farouche, qui a causé la mort des Juifs. Mais nous marxistes, savons qu’il n’y a pas de passion sociale libre, que rien n’est plus déterminé que ces grands mouvements de haine collective. Nous allons voir que l’étude de l’antisémitisme de l’époque impérialiste ne fait qu’illustrer cette vérité.

     C’est à dessein que nous disons : l’antisémitisme de l’époque impérialiste, car si les idéalistes de tous poils, des nazis aux théoriciens « Juifs », considèrent que la haine des Juifs est la même dans tous les temps et en tous lieux, nous savons qu’il n’en est rien. L’antisémitisme de l’époque actuelle est totalement différent de celui de l’époque féodale 3. Nous ne pouvons développer ici l’histoire des Juifs, que le marxisme a entièrement expliquée. Nous savons pourquoi la société féodale a maintenu les Juifs comme tels ; nous savons que si les bourgeoisies fortes, celles qui ont pu faire tôt leur révolution politique (Angleterre, États-Unis, France), ont presque entièrement assimilé leurs Juifs, les bourgeoises faibles n’ont pu le faire. Nous n’avons pas à expliquer ici la survivance des « Juifs », mais l’antisémitisme de l’époque impérialiste. Et il ne sera pas difficile de l’expliquer si, au lieu de nous occuper de la nature des Juifs ou des antisémites, nous considérons leur place dans la société.

     Du fait de leur histoire antérieure, les Juifs se trouvent aujourd’hui essentiellement dans la moyenne et petite bourgeoisie. Or cette classe est condamnée par l’avance irrésistible de la concentration du capital. C’est ce qui nous explique qu’elle soit à la source de l’antisémitisme, qui n’est, comme l’a dit Engels, « rien d’autre qu’une réaction de couches sociales féodales, vouées à disparaître, contre la société moderne qui se compose essentiellement de capitalistes et de salariés. Il ne sert donc que des objectifs réactionnaires sous un voile prétendument socialiste ».

     L’Allemagne de l’entre-deux-guerres nous montre cette situation à un stade particulièrement aigu. Ébranlé par la guerre, la poussée révolutionnaire de 1918-28, toujours menacé par la lutte du prolétariat, le capitalisme allemand subit profondément la crise mondiale d’après-guerre. Alors que les bourgeoisies victorieuses plus fortes (États-Unis, Grande-Bretagne, France) furent relativement peu touchées, et surmontèrent facilement la crise de « réadaptation de l’économie à la paix », le capitalisme allemand tomba dans un marasme complet. Et ce sont peut-être les petites et moyennes bourgeoisies qui en pâtirent le plus, comme dans toutes les crises qui conduisent à la prolétarisation des classes moyennes et à une concentration accrue du capital par l’élimination d’une partie des petites et moyennes entreprises. Mais ici la situation était telle que les petits bourgeois ruinés, faillis, saisis, liquidés, ne pouvaient même pas tomber dans le prolétariat, lui-même durement touché par le chômage (7 millions de chômeurs au paroxysme de la crise) : ils tombaient donc directement à l’état de mendiants condamnés à mourir de faim dès que leurs réserves étaient épuisées. C’est en réaction à cette menace terrible que la petite-bourgeoisie a « inventé » l’antisémitisme. Non pas tant comme disent les métaphysiciens, pour expliquer les malheurs qui la frappaient, que pour tenter de s’en préserver en les concentrant sur un de ses groupes. À l’horrible pression économique, à la menace de destruction diffuse qui rendaient incertaine l’existence de chacun de ses membres, la petite bourgeoisie a réagi en sacrifiant une de ses parties, espérant ainsi sauver et assurer l’existence des autres. L’antisémitisme ne provient pas plus d’un « plan machiavélique » que d’« idées perverses » : il résulte directement de la contrainte économique. La haine des Juifs, loin d’être la raison a priori de leur destruction, n’est que l’expression de ce désir de délimiter et de concentrer sur eux la destruction.

     Il arrive parfois que les ouvriers eux-mêmes donnent dans le racisme. C’est lorsque menacés de chômage massif, ils tentent de le concentrer sur certains groupes : Italiens, Polonais ou autres « métèques », « bicots », nègres, etc... Mais dans le prolétariat ces poussées n’ont lieu qu’aux pires moments de démoralisation, et ne durent pas. Dès qu’il entre en lutte, le prolétariat voit clairement et concrètement où est son ennemi : il est une classe homogène qui a une perspective et une mission historique.

     La petite bourgeoisie, par contre, est une classe condamnée. Et du coup elle est condamnée aussi à ne pouvoir rien comprendre, à être incapable de lutter : elle ne peut que se débattre aveuglément dans la presse qui la broie. Le racisme n’est pas une aberration de l’esprit : il est et sera la réaction petite-bourgeoise à la pression du grand capital. Le choix de la « race », c’est-à-dire du groupe sur lequel on essaie de concentrer la destruction, dépend évidemment des circonstances. En Allemagne, les Juifs remplissaient les « conditions requises », et étaient seuls à les remplir : ils étaient presque exclusivement des petits-bourgeois, et, dans cette petite-bourgeoisie, le seul groupe suffisamment identifiable. Ce n’est que sur eux que la petite bourgeoisie pouvait canaliser la catastrophe.

     Il était en effet nécessaire que l’identification ne présentât pas de difficulté : il fallait pouvoir définir exactement qui serait détruit et qui serait épargné. De là ce décompte des grands-parents baptisés qui, en contradiction flagrante avec les théories de la race et du sang, suffirait à en démontrer l’incohérence. Mais il s’agissait bien de logique ! Le démocrate qui se contente de démontrer l’absurdité et l’ignominie du racisme passe comme d’habitude à côté de la question.

     Harcelée par le capital, la petite bourgeoisie allemande a donc jeté les Juifs aux loups pour alléger son traîneau et se sauver. Bien sûr, pas de façon consciente, mais c’était cela le sens de sa haine des Juifs et de la satisfaction que lui donnait la fermeture et le pillage des magasins Juifs. On pourrait dire que le grand capital de son côté était ravi de l’aubaine : il pouvait liquider une partie de la petite bourgeoisie avec l’accord de la petite bourgeoisie ; mieux, c’est la petite bourgeoisie elle-même qui se chargeait de cette liquidation. Mais cette façon « personnalisée » de présenter le capital n’est qu’une mauvaise image : pas plus que la petite bourgeoisie, le capitalisme ne sait ce qu’il fait. Il subit la contrainte économique immédiate et suit passivement les lignes de moindre résistance.

     Nous n’avons pas parlé du prolétariat allemand. C’est parce qu’il n’est pas intervenu directement dans cette affaire. Il avait été battu et, bien entendu, la liquidation des Juifs n’a pu être réalisée qu’après sa défaite. Mais les forces sociales qui ont conduit à cette liquidation existaient avant la défaite du prolétariat. Elle leur a seulement permis de se « réaliser » en laissant les mains libres au capitalisme.

     C’est alors qu’a commencé la liquidation économique des Juifs : expropriation sous toutes les formes, éviction des professions libérales, de l’administration, etc. Peu à peu les Juifs étaient privés de tout moyen d’existence : ils vivaient sur les réserves qu’ils avaient pu sauver. Pendant toute cette période qui va jusqu’à la veille de la guerre, la politique des nazis envers les Juifs tient en deux mots : Juden Raus ! Juifs, dehors ! On chercha par tous les moyens à favoriser l’émigration des Juifs. Mais si les nazis ne cherchaient qu’à se débarrasser des Juifs dont ils ne savaient que faire, si les Juifs de leur côté ne demandaient qu’à s’en aller d’Allemagne, personne ailleurs ne voulait les laisser entrer. Et ceci n’est pas étonnant, car personne ne pouvait les laisser entrer : il n’y avait pas un pays capable d’absorber et de faire vivre quelques millions de petits bourgeois ruinés. Seule une faible partie de Juifs a pu partir. La plupart sont restés, malgré eux et malgré les nazis. Suspendus en l’air en quelque sorte.

     La guerre impérialiste a aggravé la situation à la fois quantitativement et qualitativement. Quantitativement, parce que le capitalisme allemand, obligé de réduire la petite bourgeoisie pour concentrer entre ses mains le capital européen, a étendu la liquidation des Juifs à toute l’Europe Centrale. L’antisémitisme avait fait ses preuves ; il n’y avait qu’à continuer. Cela répondait d’ailleurs à l’antisémitisme indigène de l’Europe Centrale, bien que celui-ci fût plus complexe (un horrible mélange d’antisémitisme féodal et petit-bourgeois, dans l’analyse duquel nous ne pouvons entrer ici).

     En même temps la situation s’est aggravée qualitativement. Les conditions de vie étaient rendues plus dures par la guerre ; les réserves des Juifs fondaient ; ils étaient condamnés à mourir de faim sous peu.

     En temps « normal », et lorsqu’il s’agit d’un petit nombre, le capitalisme peut laisser crever tout seuls les hommes qu’il rejette du processus de production. Mais il lui était impossible de le faire en pleine guerre et pour des millions d’hommes : un tel « désordre » aurait tout paralysé. Il fallait que le capitalisme organise leur mort.

     Il ne les a d’ailleurs pas tués tout de suite. Pour commencer, il les a retirés de la circulation, il les a regroupés, concentrés. Et il les a fait travailler en les sous-alimentant, c’est-à-dire en les surexploitant à mort. Tuer l’homme au travail est une vieille méthode du capital. Marx écrivait en 1844 : « pour être menée avec succès, la lutte industrielle exige de nombreuses armées qu’on peut concentrer en un point et décimer copieusement ». Il fallait bien que ces gens subviennent aux frais de leur vie, tant qu’ils vivaient, et à ceux de leur mort ensuite. Et qu’ils produisent de la plus-value aussi longtemps qu’ils en étaient capables. Car le capitalisme ne peut exécuter les hommes qu’il a condamnés, s’il ne retire du profit de cette mise à mort elle-même.

     Mais l’homme est coriace. Même réduits à l’état de squelettes, ceux-là ne crevaient pas assez vite. Il fallait massacrer ceux qui ne pouvaient plus travailler, puis ceux dont on n’avait plus besoin parce que les avatars de la guerre rendaient leur force de travail inutilisable.

     Le capitalisme allemand s’est d’ailleurs mal résigné à l’assassinat pur et simple. Non certes par humanitarisme, mais parce qu’il ne rapportait rien. C’est ainsi qu’est née la mission de Joël Brand dont nous parlerons parce qu’elle met bien en lumière la responsabilité du capitalisme mondial 4. Joël Brand était un des dirigeants d’une organisation semi-clandestine des Juifs hongrois. Cette organisation cherchait à sauver des Juifs par tous les moyens : cachettes, émigration clandestine, et aussi corruption de S.S. Les S.S. du Juden Kommando toléraient ces organisations qu’ils essayaient plus ou moins d’utiliser comme « auxiliaires » pour les opérations de ramassage et de tri.

     En avril 1944, Joël Brand fut convoqué au Juden Kommando de Budapest pour y rencontrer Eichmann, qui était le chef de la section juive des S.S. Et Eichmann, avec l’accord de Himmler, le chargea de la mission suivante : aller chez les Anglo-Américains pour négocier la vente d’un million de Juifs. Les S.S. demandaient en échange 10.000 camions, mais étaient prêts à tous les marchandages, tant sur la nature que sur la quantité des marchandises. Ils proposaient de plus la livraison de 100.000 Juifs dès réception de l’accord, pour montrer leur bonne foi. C’était une affaire sérieuse.

     Malheureusement, si l’offre existait, il n’y avait pas de demande ! Non seulement les Juifs, mais les S.S. aussi s’étaient laissés prendre à la propagande humanitaire des alliés ! Les Alliés n’en voulaient pas, de ce million de Juifs ! Pas pour 10.000 camions, pas pour 5.000, même pas pour rien.

     Nous ne pouvons entrer dans le détail des mésaventures de Joël Brand. Il partit pour la Turquie et se débattit dans les prisons anglaises du Proche-Orient. Les Alliés refusaient de « prendre cette affaire au sérieux », faisaient tout pour l’étouffer et le discréditer. Finalement Joël Brand rencontra au Caire Lord Moyne, ministre d’État Britannique pour le Proche-Orient. Il le supplie d’obtenir au moins un accord écrit, quitte à ne pas le tenir : ça ferait toujours 100.000 vies sauvées :

     « — Et quel serait le nombre total ?

     « — Eichmann a parlé d’un million.

     « — Comment imaginez-vous une chose pareille, Mister Brand ? Que ferai-je de ce million de Juifs ? Où les mettrai-je ? Qui les accueillera ?

     « — Si la terre n’a plus de place pour nous, il ne nous reste plus qu’à nous laisser exterminer - dit Brand désespéré. » 5

     Les S.S. ont été plus lents à comprendre : ils croyaient eux, aux idéaux de l’Occident ! Après l’échec de la mission de Joël Brand et au milieu des exterminations, ils essayèrent encore de vendre des Juifs au Joint 6, versant même un « acompte » de 1.700 Juifs en Suisse. Mais à part eux personne ne tenait à conclure cette affaire.

     Joël Brand, lui, avait compris, ou presque. Il avait compris où en était la situation, mais pas pourquoi il en était ainsi. Ce n’est pas la terre qui n’avait plus de place, mais la société capitaliste. Et pour eux, non parce que Juifs, mais parce que rejetés du processus de production, inutiles à la production.

     Lord Moyne fut assassiné par deux terroristes Juifs, et J. Brand apprit plus tard qu’il avait souvent compati au destin tragique des Juifs. « Sa politique lui était dictée par l’administration inhumaine de Londres ». Mais Brand n’a pas compris que cette administration n’est que l’administration du capital et que c’est le capital qui est inhumain. Et le capital ne savait pas que faire de ces gens. Il n’a même pas su quoi faire des rares survivants, ces « personnes déplacées » qu’on ne savait où replacer.

     Les Juifs survivants ont réussi finalement à se faire une place. Par la force, et en profitant de la conjoncture internationale, l’État d’Israël a été formé. Mais cela même n’a pu être possible qu’en « déplaçant » d’autres populations : des centaines de milliers de réfugiés arabes traînent depuis lors leur existence inutile (au capital !) dans les camps d’hébergement. 7

     Nous avons vu comment le capitalisme a condamné des millions d’hommes à mort en les rejetant de la production. Nous avons vu comment il les a massacrés tout en leur extrayant toute la plus-value possible. Il nous reste à voir comment il les exploite encore après leur mort elle-même.

     Ce sont d’abord les impérialistes du camp allié qui s’en sont servis pour justifier leur guerre et justifier après leur victoire le traitement infâme infligé au peuple allemand. Comme on s’est précipité sur les camps et les cadavres, promenant partout d’horribles photos et clamant : voyez quels salauds sont ces Boches ! Comme nous avions raison de les combattre ! Et comme nous avons raison maintenant de leur faire passer le goût du pain ! Quand on pense aux crimes innombrables de l’impérialisme ; quand on pense par exemple qu’au moment même (1945) où nos Thorez chantaient leur victoire sur le fascisme, 45.000 Algériens (provocateurs fascistes !) tombaient sous les coups de la répression ; quand on pense que c’est le capitalisme mondial qui est responsable des massacres, l’ignoble cynisme de cette satisfaction hypocrite donne vraiment la nausée.

     En même temps, tous nos bons démocrates antifascistes se sont jetés sur les cadavres des Juifs. Et depuis ils les agitent sous le nez du prolétariat. Pour lui faire sentir l’infamie du capitalisme ? Non, au contraire : pour lui faire apprécier, par contraste, la vraie démocratie, le vrai progrès, le bien-être dont il jouit dans la société capitaliste ! Les horreurs de la mort capitaliste doivent faire oublier au prolétariat les horreurs de la vie capitaliste et le fait que les deux sont indissolublement liées ! Les expériences des médecins S.S. doivent faire oublier que le capitalisme expérimente en grand les produits cancérigènes, les effets de l’alcoolisme sur l’hérédité, la radio-activité des bombes « démocratiques ». Si on montre les abat-jours en peau d’homme, c’est pour faire oublier que le capitalisme a transformé l’homme vivant en abat-jour. Les montagnes de cheveux, les dents en or, le corps de l’homme mort devenu marchandise doivent faire oublier que le capitalisme a fait de l’homme vivant une marchandise. C’est le travail, la vie même de l’homme, que le capitalisme a transformé en marchandise. C’est cela la source de tous les maux. Utiliser les cadavres des victimes du capital pour essayer de cacher la vérité, faire servir ces cadavres à la protection du capital, c’est bien la plus infâme façon de les exploiter jusqu’au bout.

 

Notes :

     1. Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix.

     2. Citations tirées des Manuscrits de 1844.

     3. Le commerce, et surtout le commerce de l’argent, était étranger au schéma fondamental de la société féodale, et rejeté sur des gens en dehors de cette société, généralement les Juifs. L’ostracisme qui les frappait traduisait la tentative du féodalisme de maintenir ces activités dont il ne pouvait déjà plus se passer en marge de la société. Mais le commerce et l’usure étaient les formes primaires du capital : la haine des Juifs exprimait de façon mystifiée et inadéquate la résistance que les classes de la société féodale, du paysan au hobereau en passant par l’artisan des guildes et le clergé, opposaient au développement irrésistible du mercantilisme qui dissolvait leur ordre social. Même après l’essor du capitalisme productif et de la grande industrie la tradition « populaire » petite-bourgeoise a souvent continué à identifier le Juif et le Capital.

     4. Voir : L’Histoire de Joël Brand, par Alex Weissberg, Éditions du Seuil.

     5. In L’Histoire de Joël Brand, op. cit.

     6. Joint Jewish Comitee, Organisation des Juifs Américains.

     7. L’objet de l’article n’était évidemment pas la question de l’État d’Israël et le problème palestinien en général. Ici non plus il n’est pas question de les traiter, mais on peut ajouter quelques remarques.

     Le mouvement communiste a toujours condamné le sionisme comme une fausse solution bourgeoise du « problème juif », un problème qui en réalité n’est pas un problème national mais un problème social ; et il a montré qu’un État Juif en Palestine ne pouvait être qu’un instrument de la domination impérialiste au Moyen-Orient. C’est ce qu’affirme en particulier l’Internationale Communiste dans les années 1920 et l’évolution ultérieure n’a fait que confirmer notre position. Le triomphe de la contre-révolution, l’écrasement international du prolétariat et son absence de la scène historique en tant que force indépendante pendant des décennies, ont permis à l’impérialisme de faire travailler à ses propres fins jusqu’à ses propres victimes, les rescapés des exterminations.

     L’État qui devait soi-disant éliminer l’antisémitisme, la discrimination et l’oppression raciale, non seulement n’a pas réglé la « question juive » à l’échelle mondiale, mais est lui-même fondé sur la discrimination et l’oppression raciale et religieuse. Il n’est même pas un état national au sens moderne, bourgeois, c’est-à-dire fondé sur l’égalité juridique de tous les citoyens, mais un État colonial. À tel point qu’il a pu reprendre telles quelles contre les Arabes les lois discriminatoires que le colonialisme anglais avait édictées entre autre contre les Juifs. Ce que l’impérialisme a obtenu, c’est que quelques millions de ses victimes identifient la défense de leur survie avec la défense de cet État colonial et racial, tête de pont de l’impérialisme U.S. et gendarme régional pour le compte de la Sainte Alliance impérialiste.

     Il est vrai que la constitution de l’État d’Israël a aussi contribué à révolutionner l’aire arabe, mais a contrario, comme le font toujours la pénétration et l’oppression capitaliste. Les masses palestiniennes, expropriées et dispersées en grande partie dans toute la région, y jouent un rôle de ferment révolutionnaire. La coalition contre-révolutionnaire qui va des États Arabes les plus réactionnaires à l’État Hébreu, capitaliste et impérialiste, et englobe au fur et à mesure les États les plus « progressistes », et le poids énorme de l’impérialisme mondial, soumettent ces masses à une oppression et à une répression féroces. À travers un long et douloureux chemin, ces masses voient se fermer toutes les solutions nationales et bourgeoises, elles sont poussées à se dresser contre tout le système dos États en place et tout l’équilibre maintenu par l’impérialisme. Elles constituent l’élément moteur de la lutte de classe au Moyen-Orient qui devra s’intégrer à la lutte du prolétariat mondial.

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MOUVEMENT DU 2 JUIN :
DÉCLARATION DE DISSOLUTION
 

     Après 10 ans de lutte armée, nous voulons réfléchir de manière critique à notre histoire, et expliquer pourquoi nous disons aujourd’hui : nous dissolvons le Mouvement du 2 juin en tant qu’organisation et nous poursuivons la lutte anti-impérialiste dans la R.A.F. en tant que R.A.F.

     Le Mouvement du 2 juin s’est créé à l’encontre de la R.A.F., avec l’intention confuse de mener une « politique prolétarienne spontanée ». Nous avons considéré que la théorie révolutionnaire, l’analyse des conditions — seules à partir desquelles la stratégie et la tactique, la continuité et la perspective du combat, peuvent être développées — n’étaient pas importantes et nous avons « combattu à tort et à travers » avec l’intention d’« enthousiasmer » la jeunesse. Et c’est ainsi que nous avons déterminé notre pratique en nous posant la question : « qu’est-ce qui enthousiasme ? », et non pas en nous posant la question de savoir où sont les véritables contradictions, les frictions dans la stratégie impérialiste que nous devons attaquer.

     Le mouvement était une soi-disant alternative à la R.A.F., en tant que possibilité pour ces camarades qui pensaient que le combat sans compromis était allé trop loin.

     Pendant 10 ans, cela a produit division, concurrence et désorientation dans la gauche et aussi parmi la guérilla, et cela a également ralenti notre propre processus révolutionnaire.

     C’est ainsi que nous avons opéré avec nos actions selon une ligne populiste, sans donner l’orientation politique et sans amener une mobilisation contre la stratégie des porcs.

     Ce ne sera jamais la tâche de la guérilla de se montrer complaisante envers la population pour recevoir son soutien, mais — dans un pays où le fascisme-nazi et la social-démocratie U.S. ont soustrait à la classe ouvrière toute organisation prolétarienne — d’être le front le plus avancé, d’aiguiser les contradictions politiques centrales par la lutte armée afin de plonger l’État dans la crise politique. Ce que la guérilla dans les métropoles ne peut qu’être : le détonateur politique à l’intérieur de la structure impérialiste, l’attaque qui développe la cassure entre la société et l’État jusqu’à la rupture — c’est-à-dire politique révolutionnaire — à travers laquelle mobilisation devient organisation prolétarienne et anti-impérialiste et dans laquelle le rapport de force politique bascule en notre faveur.

     L’attaque politique, matérialisée par les armes, reste toujours une victoire, même là où l’opération est vaincue militairement, car elle anticipe et engage ce processus.

     La continuité de la guérilla se trouve dans sa stratégie, malgré les défaites militaires lourdes.

     Et là aussi se situe la différence entre Schleyer et Lorenz, nous pouvons aujourd’hui critiquer posément notre principale action. En elle se trouvent toutes les erreurs que nous avons commises pendant 10 ans et dont nous avons appris.

     L’action de libération à Berlin en 75 s’est déroulée dans une situation politique aiguë. La lutte des camarades de Stammheim avait amené une mobilisation nationale et internationale qui a trouvé son point culminant dans la grande grève de la faim, et qui n’était encore que difficilement maîtrisable par Schmidt. Nous n’avons pas fait qu’ignorer totalement cette situation, nous l’avons même retournée politiquement dans le choix des prisonniers.

     En cela et avec ce type (Lorenz) — d’un parti qui n’a qu’une signification secondaire pour la stratégie impérialiste maintenant — au lieu d’une stratégie n’existait que le calcul. Dans notre travail de propagande à propos et après Lorenz, une victoire acquise à court terme — le rituel consommable — était plus importante que d’atteindre le niveau politico-militaire qui est capable de rompre la stratégie impérialiste.

     Là-dedans se trouve aussi l’origine de la perversion d’une guérilla-pour-la-dérision de Reinders, Teufel, etc... Finalement, nous aussi, l’offensive de la R.A.F. en 77 et la réaction de l’État nous ont confronté à la question de la stratégie politique.

     1977 est une scission aussi bien dans le développement de la stratégie impérialiste que dans la détermination de la guérilla métropolitaine.

     Depuis le massacre à Mogadiscio et à Stammheim, Schmidt a imposé à l’Europe occidentale — sous la conduite de la R.F.A. — la ligne politique : projet et modèle de l’impérialisme dans la crise contre les mouvements de libération du tiers-monde et dans la métropole ouest-européenne.

     L’intégration inconditionnelle de l’Europe de l’Ouest dans la stratégie militaire américaine et la militarisation intérieure des États métropolitains par un appareil tendanciellement unifié, est la réaction des impérialistes face à la simultanéité croissante des luttes révolutionnaires dans le monde.

     La stratégie révolutionnaire s’internationalise dans le fait que les groupes anti-impérialistes reconnaissent comme ennemi principal les États-Unis et le projet de l’Europe de l’Ouest.

     Les États-Unis et leurs complices savent que leur prochaine défaite stratégique dans n’importe quelle région du monde les conduira sur la voie de la défaite définitive.

     De l’Angola au Kampuchea, l’« époque de l’après-Vietnam » — c’est-à-dire la tentative de revenir de la défensive après la défaite politico-militaire de l’impérialisme U.S. au Vietnam politico-économiquement à une stratégie — s’est effondrée en Iran. La politique impérialiste cherche maintenant à trouver militairement la solution qu’elle ne peut atteindre, et en arrive ainsi — dans la préparation de l’extermination totale — à la notion précise de son contenu.

     La prochaine et probablement dernière défaite militaire et stratégique dans le Tiers-monde devrait être évitée par l’éclatement de la guerre en Europe qui, de prime abord, est conçue comme atomique. Dans cette perversion, le théorème de la « guerre limitée » en arrive à une nouvelle variante.

     Les préparatifs de la guerre ne visent pas à la répartition du monde en différents adversaires impérialistes. Leur contenu est révolution ou contre-révolution — et donc le point de la confrontation où la décision aura lieu.

     Cette décision dans la confrontation internationale aura finalement lieu dans les métropoles, parce que les mouvements de libération du Tiers-monde vainqueurs et érigés en États doivent obligatoirement se consolider dans la contradiction est/ouest aussi longtemps que les centres impérialistes peuvent les faire chanter militairement et par la dépendance du marché mondial.

     Ce qui se matérialise maintenant — ou pas du tout — c’est le contenu de tout le processus révolutionnaire mondial — destruction de l’État, auto-détermination, identité — lequel, durant les dernières années dans la lutte pour le communisme, a atteint son degré particulier de maturité et de force dans la métropole.

     Cela est la question posée à toute la gauche de l’Europe de l’Ouest, si dans cette situation d’escalade, dans laquelle — dans un sens ou dans un autre — une décision tombera de toute façon, elle assume ou trahit sa tâche historique.

     UNITÉ DANS LA LUTTE ARMÉE ANTI-IMPÉRIALISTE !

2.6.1980

Pour la dernière fois :
Mouvement du 2 juin.

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     Ligne Rouge est un projet militant d’édition anti-impérialiste.

     Le collectif animant le projet des éditions Ligne Rouge limite les activités de Ligne Rouge à la seule production et distribution la plus large de recueils de documents anti-impérialistes offensifs dont il estime réel l’intérêt apporté par ces derniers au mouvement communiste révolutionnaire.

     Si le choix de ces documents est partisan dans la mesure où l’identité politique des militants animant Ligne Rouge détermine globalement cet outil, il est néanmoins large puisque la publication de textes vis-à-vis desquels certains membres voire la totalité du collectif se démarque politiquement est parfaitement envisageable, Ligne Rouge n’étant pas l’expression d’une organisation mais un outil d’information, de réflexion et ainsi de combat à la disposition de tous.

     Ces documents (textes, interviews, communiqués...) pris en charge par Ligne Rouge recouvrent donc des réalités multiples du combat anti-impérialiste, ils proviennent de pôles politiques différents, de plusieurs époques historiques, de divers pays et continents.

     Briser le black-out qui vise certaines facettes — et non des moindres — du combat anti-impérialiste, rompre d’avec les pratiques de censures et d’autocensure dans lesquelles on se réfugie frileusement, extraire les textes hors des cercles d’initiés couvrant jalousement et stérilement leurs monopoles militants, fouiller dans le passé du mouvement révolutionnaire pour confronter sereinement les expériences hâtivement oubliées avec notre situation, bref, arracher du silence et porter massivement au grand jour notre patrimoine — passé ou présent — de révolutionnaires et l’affirmer comme arme pour notre devenir.

     Voilà la tâche que s’est fixée Ligne Rouge, à travers un premier outil : le cahier mensuel des éditions Ligne Rouge.

     Ces cahiers présenteront plusieurs documents dont les origines différentes seront volontairement choisies, afin de briser les fausses cloisons de sectes, et d’obtenir des confrontations que nous espèrerons fertiles entre textes anciens et nouveaux, entre documents venant des centres impérialistes et de libération nationales, etc...

     Afin de nous restituer notre mémoire, de nous donner une vision plus large, plus précise et plus correcte de l’affrontement aujourd’hui, afin donc de nous donner ces armes dans notre combat présent et futur contre l’impérialisme, le collectif des éditions Ligne Rouge lance un appel à tous les éléments anti-impérialistes offensifs, à toutes les organisations révolutionnaires, à travers cet outil — qui est le leur.

Contact : BP 1682 Bruxelles 1 Belgique

   

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« Les communistes ne s'abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l'ordre social passé. Que les classes dirigeantes tremblent à l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires n'y ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
MARX ET ENGELS
(Manifeste du Parti Communiste, 1848.)

« Il est absolument naturel et inévitable que l'insurrection prenne une forme plus haute et plus complète, celle d'une guerre civile prolongée embrassant tout le pays, c'est-à-dire d'une lutte armée entre deux parties du peuple. Cette guerre ne peut être conçue autrement que comme une série de grands combats peu nombreux, séparés par des intervalles assez grands, et une masse de petites escarmouches dans l'intervalle. S'il en est ainsi, et il en est bien ainsi, la social-démocratie doit absolument se proposer de créer des organisations aussi aptes que possible à conduire les masses à la fois dans ces grands combats et, si possible, dans ces petites escarmouches. »
LÉNINE
(La guerre des partisans, 1905.)

« Les flics peuvent mettre les révolutionnaires en taule, les torturer et les assassiner, mais ils ne peuvent jamais tuer la révolution et la mémoire des communistes. »
CELLULES COMMUNISTES COMBATTANTES
(Lettre ouverte aux militants de base du P.T.B.... et aux autres, 27 mars 1985.)

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