Le Chant Inachevé

Le Poids du Destin

 

 

Chapitre 7 : La Prophétie des Filles d’Isha

 

 

    A l’aube, les trompettes d’argent sonnèrent le rassemblement. Aussitôt, les quelque vingt mille soldats des osts d’Yvresse, Chrace, Saphery et Cothique terminèrent d’ajuster heaume et armures, saisirent armes et boucliers, et rejoignirent leurs régiments respectifs dans la plus stricte discipline.

 

  A leur tête, l’état-major se constituait. Sous un élégant pavillon de soie, les généraux discutaient du meilleur déploiement possible, tandis que les derniers régiments se présentaient en ordre de marche.

 

«  Seigneurs, vous voilà aujourd’hui rassemblés sous la bannière d’Ulthuan, pour défendre le noble royaume d’Avelorn… » Nihlgen, un vieux mage respectable de Saphery, aux vêtements arborant les insignes du conseil de la Tour d’Hoeth, s’adressait aux officiers. « Nous avons tous eu vent de l’attaque nocturne perpétrée contre la Gardienne de l’Epée Cristalline, et sommes navrés de savoir le coup porté par notre propre camp… Mais ceci ne doit aucunement nous faire douter de notre juste cause. Les traîtres de la cour de notre Reine payeront, soyez-en assurée, Dame Mawraël. Mais en attendant, il nous fait triompher d’une bien plus grande menace…

- Noble mage, mes éclaireurs ont repéré le campement ennemi, à quelques miles d’ici. Leur dernier messager vient d’arriver à l’instant même. Mes frères d’armes, souhaitez-vous l’écouter maintenant ? » Le général de Cothique, un fier guerrier au teint halé, portait une armure légère et arborait à sa ceinture une hache massive de chasseur.

- Bien entendu, Blenariël. Qu’ils entrent. » Lui répondit Lorindil.

  Une estafette, à l’uniforme mal ajusté et au visage dégoulinant de sueur, salua l’assemblée, avant de tendre un pli au général de Cothique, qui s’empressa de le lire.

  «  Les troupes de Naggaroth comptent bien trente mille elfes, avec guerriers, arbalétriers, cavaliers noirs, chevaliers, furies, exécuteurs, garde noire, corsaires et balistes.

  « Nous avons aussi repéré un essaim de harpies dans le ciel, comptant bien mille individus.

  « Une troupe de démons les accompagnent … »

- Hérésie ! » Lui hurla en réponse le subalterne de Saphery.

- Il ne peut y avoir d’osts de démons sur le sol d’Ulthuan, Nobles Seigneurs. Cette estafette ment. Une trop grande énergie leur serait nécessaire pour les invoquer en ces terres sacrées ! » Renchérit le vieux mage.

- Qu’en savez-vous ? N’avez-vous donc point senti cette tempête magique, l’autre soir, au-dessus des terres d’Avelorn ? » Lui fit remarquer Lorindil.

- Il ne ment pas. » Intervint Elëa. « Aussi fou que cela puisse paraître, Dulmorwen a cette puissance en main. Je l’ai vu, de mes propres yeux… Des centaines de sorciers noirs complotant avec des puissances infernales, dans la chapelle de sa propre arche maudite… Une vision d’horreur, messires, à laquelle j’aurais dû me joindre, sous la forme d’offrande sanglante aux Dieux Maudits ! »

  L’auditoire marqua un silence, méditant ces dernières déclarations avec la plus vive attention.

- Soit. Combien sont-ils ? » Reprit le vieux mage.

- Au moins cinq mille, Monseigneur. Des démons de Khorne et de Slaanesh. »

- Espérons qu’ils ne sont point accompagnés d’un démon majeur… » Commenta Elëa.

  L’estafette salua, son rapport terminé, et se retira de la tente.

  « Eh bien, Mawraël, que proposez-vous comme plan d’attaque ?

- Messeigneurs… » Commença la Gardienne de l’Epée « Je vous remercie de votre confiance, et espère vous exposer le meilleur choix tactique. 

 « Mon plan de bataille consiste en un premier front défensif, large de lanciers, maîtres des épées, Lions Blancs, guerriers de Cothique et d’Yvresse. La  vallée de Fandalia est encadrée de deux plateaux ; l’un en pente douce, par lequel nous déboucherons, et l’autre découpé en deux par une falaise imposante, par laquelle débouchera l’armée Druchii. Les murs de granite s’étendent sur des miles aux alentours, et ne possèdent qu’une gorge d’accès à la vallée. C’est par là même que passera l’ost ennemie, soyez-en sûrs ! Nous posterons donc notre première ligne en face de cet accès.

  « La deuxième ligne, mise en hauteur par la pente, sera composée d’archers et de balistes. Enfin, les mages pourront s’ils le désirent rejoindre ces lignes, afin d’épauler notre défense.

  « Pendant ce temps, vos cavaleries et éclaireurs me suivront vers le nord. Un second passage existe, à quelques miles de là, au sein d’une forêt magique, noyant la falaise dans un amas végétal. Je suis une amie des dryades gardant ce passage : ces filles d’Isha nous laisseront la voie libre à la vue de la Lame de leur mère.

  « Les troupes laissées sur place n’auront aucun mal à repousser l’ennemi, du moins pendant quelques heures, le temps pour nous de contourner la falaise, et de prendre à revers l’ost ennemie.

  « Je pensais au départ mener notre attaque contre l’état-major, profitant de l’effet de surprise et de la puissance de frappe pour vaincre Dulmorwen ! Mais il nous faudra aussi triompher des démons, ce qui compliquerait notre tâche…

  « Quoi qu’il en soit, je recommande aux défenseurs des gorges d’évacuer leurs positions qu’en cas de destruction de notre cavalerie, et de se réfugier à Tor Rosaneä tant qu’il en serait encore temps.

  « J’espère que cette fuite désespérée n’aura pas lieu, et que nous rencontrerons au terme de notre chevauchée qu’une armée fatiguée par les tirs de barrage, et épuisée par de vains assauts contre nos lignes défensives.

- Ma Dame, je ne possède point de cavaliers… Cependant, mes éclaireurs sont déjà aux alentours de cette gorge que vous nous décrivez là. Peut-être peuvent-ils déjà harceler l’ennemi ? » Proposa Blenariël.

- C’est l’occasion rêvée pour se débarrasser des machines de guerre ennemies. Je vous remercie de votre soutient, général. » Salua la guerrière.

- Mon armée ne dispose que de patrouilleurs ellyriens pour éclaireurs, mais d’un fort contingent de heaumes d’argents. Je vous les confie, Ma Dame, pendant que mon épée servira aux côtés des Lions Blancs. » S’inclina le général de Chrace.

- Qu’Isha vous bénisse, Chaëren. »

- Je serai des vôtres, à la tête des heaumes d’argent de mon armée. » S’inclina à son tour Lorindil. Mawraël lui sourit.

- Je viendrai avec vous, chère enfant… » Se proposa Elëa.

- La Tour d’Hoeth a bien quelques cavaliers à vous offrir, Ma Dame, mais je ne les accompagnerai pas. Je vous souhaite bonne chance… » Salua le vieux mage, avant de se retirer pour sa part de la tente ; suivit de son subalterne.

- Eh bien, nobles sires, voilà qui lève nos discussions. Chacun d’entre vous sait ce qu’il lui reste à faire, maintenant… Qu’Isha nous protège tous… Et qu’Assuryan nous accorde la victoire ! » Conclut Lorindil.

 

  L’ost Druchi avançait en silence, le pas cadencé par les rythmes de tambours de peau d’elfe. Dulmorwen marchait en tête, le regard haineux. Une misérable falaise la séparait de son objectif, et ses éclaireurs n’avaient pu repérer aucun autre passage qu’une gorge étroite, à maintenant une heure de chevauchée. Il lui faudrait bien deux bonnes heures pour y faire transiter toute son armée, et la crainte d’une embuscade la rendait de mauvaise humeur. Elle était pourtant supérieure à ces vils adversaires, même à cet émissaire prince démon, simple vassal de son ost ! Alors pourquoi devait-elle s’armer encore de prudence ? Non, il suffisait ainsi. Les Hauts Elfes étaient désorganisés, elle le savait. Face aux misérables éclaireurs qu’ils pourraient aligner dans ces gorges, elle opposerait trois mille chevaliers sur sang froid et mille cavaliers noirs ! Personne ne pourrait résister à un tel assaut ! Ses auriges ne pourraient passer, et les chars, comme les balistes, devraient probablement être démontés avant de franchir le défilé. Et bien soit, tant pis pour eux ! Ils seraient privés de bataille avant l’assaut contre la forteresse !

  Dulmorwen rejoint ses aides de camp, à l’arrière. Sa hallebarde levée, elle ordonna d’un hochement de menton à son officier de cavalerie :

« Rassemble tes elfes. Je veux que tous me suivent jusqu’aux gorges. Nous passerons les premiers.

-Mais, que faisons-nous du reste de l’armée ?

-Ils nous rejoindrons ! Je veux aussi tous les cavaliers noirs à ma suite »

-Bien, Ô Dulmorwen notre Reine. » L’officier inclina son buste, avant d’obliger sa monture reptilienne à exécuter un rapide demi-tour en direction de l’ost. La créature poussa un râle de désapprobation lorsque les étriers s’enfoncèrent entre ses écailles, avant d’exécuter la manœuvre.

 

  Dix minutes plus tard, une redoutable armée de cavaliers se détachait de l’ost maléfique, galopant à bride abattue en direction des gorges.

  Cachés derrière des fourrés, à quelques dizaines de mètres de là, un groupe d’éclaireurs elfes contemplaient la colonne de chevaux noirs et de montures reptiliennes se dépêcher vers l’est, remuant un vaste nuage de poussière. Leur objectif n’était pas la troupe, mais l’intendance, qui derrière une première colonne armée, traversait à présent le rideau de poussière. Les rusés elfes profitèrent de cet écran de fumée pour se déplacer rapidement en direction de balistes tractées par des coursiers. Les servants n’eurent même pas le temps de remarquer leur présence qu’ils finirent au sol, le cou tranché.

  Avant même que les soldats druchii ne s’alarment de quoi que ce soit, les éclaireurs prenaient les reines des attelages, et les précipitaient à grand galop contre les bosquets, sautant juste à temps des chariots. Les lourdes machines de guerre percutèrent de plein fouet les troncs d’arbres, et se retrouvèrent disloquées, tandis que les chevaux, affolés, continuaient leur course à travers les sous-bois.

  Des guerriers, surpris par ce vacarme, eurent juste le temps de réaliser ce qui se passait avant de sentir une semonce de flèche enflammée siffler au-dessus de sa tête. Se courbant instinctivement, ils regardèrent médusés les chariots de provision prendre feu, leurs équipages ne parvenant pas à maîtriser les attelages affolés.

  Avant même de pouvoir tirer leurs armes, ces mêmes guerriers s’écroulaient au sol, la gorge transpercée de flèches elfiques.

  Les officiers druchii s’affolaient, et ordonnaient de presser le pas. Des corsaires furent dépêchés sur les flancs, et arrosèrent les bosquets alentours de traits d’arbalètes à répétition. Mais en vain. Les rapides éclaireurs d’Ulthuan avaient déjà rejoint les sous-bois, la satisfaction pouvant se lire sur leurs visages.

 

  Depuis maintenant trois heures, les cavaliers d’Ulthuan chevauchaient en direction du nord-ouest, sous le commandement de Mawraël. La troupe tout entière galopait à vive allure, pressée par l’importance de sa mission.

  Lorindil et Elëa chevauchaient à ses côtés. Faereïn, le champion de l’archimage, les suivait avec les officiers des divers régiments de cavaliers. Le guerrier silencieux ne s’était pas fait prié pour porter la grande bannière d’Ulthuan, confiée au détachement par les autres généraux comme symbole de victoire et d’espoir. Il la dressait fièrement, bien en vue de tous, redonnant du courage aux guerriers engagés dans cette chevauchée désespérée.

  La troupe comptait bien cinq mille cavaliers, accompagnés de héros et de champions. A leur approche, le sol tremblait comme en plein tonnerre, et la lumière du soleil se reflétait dans leurs armes et armures, éblouissant les rares elfes croisés le long du chemin.

  Enfin, peu avant midi, la troupe fit halte à la lisière d’une imposante forêt, couverture végétale dissimulant la falaise de granite du regard des soldats.

  « Il vaut mieux que vous me suiviez, tous les deux… » Conseilla Mawraël à ses deux compagnons. « Nous devons rencontrer les dryades avant de conduire notre troupe à travers ces sous-bois… »

  Lorindil et Elëa acquiescèrent. Posant pied à terre, ils suivirent la gardienne de la Lame à travers les sous-bois magiques.

 

  Blenariël supervisait avec fierté la disposition des troupes elfiques, face à la vallée de Fandalia. Promu général de la seconde ligne de défense, il n’avait de cesse d’admirer les imposants régiments elfiques tournés face au défilé rocheux.

  Chaëren l’avait quitté pour prendre le commandement de la première ligne de défense. Le noble général de Chrace préférait de loin attendre l’ennemi en compagnie de ses lions blancs, plutôt qu’aux côtés des mages de l’armée elfique. Même si son régiment stationnait à dix mètres de là. Blenariël l’enviait un peu, les discussions magiques de ses compagnons l’ennuyant profondément. Mais sa mission ne consistait pas qu’à écouter débattre ces vieux hiboux de Saphery, heureusement ! D’ici peu, il ordonnerait à ses milliers d’archers et ses massives batteries de balistes d’ouvrir les tirs sur des druchii surpris au plus haut point ! Blenariël s’en frottait les mains d’impatience. Déjà, ses éclaireurs lui avaient signalé l’avancée d’un raid de cavaliers druchii, et annoncé la destruction de la moitié des machines de guerre ennemies. La bataille ne pouvait pas mieux commencer !

  Une clameur parcourut les rangs elfiques, lorsqu’un nuage de poussière s’éleva des falaises. Les mages, coupant court à leurs discussions, se téléportèrent sans plus attendre jusqu’à leurs postes. Blenariël saisit sa longue vue de navigateur : les premiers cavaliers noirs franchissaient la gorge, et fonçaient tout droit vers la première ligne de défense.

  Le général de Cothique abaissa sa longue-vue, tout sourire. Se retournant face à ses estafettes, il leur ordonna :

« Attendez qu’ils soient à portée d’arc pour tirer. Je souhaite réserver les balistes pour leur chevalerie.. »

  L’estafette salua, et agita un fanion bleu bien au-dessus de sa tête. Autour d’eux, les officiers d’archerie transmettaient l’ordre de leur général.

  Devant eux, les cavaliers elfes noirs, surpris, se séparaient déjà en deux formations, galopant vers les flancs elfiques.

  Les chevaliers sur sang froid les rejoignaient à présent, menés par un puissant héros. Dulmorwen, pour sa part, se tenait au bord des falaises, impassible. Blenariël pouvait l’apercevoir depuis ses positions, sans même utiliser sa longue vue. Cependant, le nuage de poussière ne se dissipait pas derrière la druchi. Bien au contraire. Les officiers regardaient avec crainte ce nuage s’approcher de leur position, sombre essaim s’agitant de mille battements d’ailes…

« Des Harpies ! » Hurla un champion.

« Bons Dieux, soldats-citoyens, vite, lances vers l’ennemi ! Balistes, visez la cavalerie ! Archers, ne tirez pour le moment que sur les cavaliers noirs !» Hurla Blenariël.

  La cavalerie druchi se rua à l’assaut. Les balistes répondirent par un véritable mur de traits, déchirant chairs et armures. Des centaines de cavaliers et de montures roulèrent au sol. Les suivants sautèrent par-dessus leurs cadavres, galopant toujours à bride abattue.

  Une plue de flèches se précipita contre eux, bientôt rejointe par une seconde volée de traits de balistes. A nouveau, les premiers rangs druchii furent abattus par terre, et les survivants continuèrent leur charge.

  La première ligne se préparait maintenant à subir l’assaut de plein fouet. Les lanciers se mirent en position, et les guerriers d’élite préparèrent leurs armes.

  Les balistes et les archers crachèrent une dernière salve ; l’ennemi, maintenant à quelques mètres des lignes d’Ulthuan, subit en conséquence de lourdes pertes, et les derniers cavaliers noirs s’écroulèrent au sol. Tous les chevaliers ne continuèrent pas leur charge avec la même détermination, et la moitié d’entre eux stoppèrent leurs montures, hésitants. L’autre moitié, hurlant le nom de Khaine, se rua de plein fouet contre les lanciers. Le choc des lances fut terrible, et dans chaque camp, de nombreux soldats s’effondrèrent, transpercés par les pointes acérées de métal.

  « Maintenant ! » Hurla Chaëren. Et tous les guerriers d’élite s’élancèrent dans une contre-charge. Les chevaliers, dépités, ne purent que lâcher leurs lances et tirer l’épée.

Les guerriers d’Ulthuan rentrèrent en contact avec leurs adversaires. Les maîtres des épées et les lions blancs paraient avec une agilité surprenante les coups ennemis, tranchant de leurs armes redoutables corps et montures ennemies. Les chasseurs de Cothique s’infiltraient dans les rangs ennemis, profitant de leur agilité de veneur pour enfoncer leurs armes entre les plaques d’armures ou d’écailles. Les paladins de Morai Hegg, enfin, n’avaient aucun mal à absorber les coups ennemis, sous leurs lourdes armures d’ithilmar, et se dégageaient un chemin sanglant à travers les chevaliers ennemis. Bientôt, les courageux lanciers, épaulés des soldats d’élite de chaque nation, achevaient de briser l’assaut ennemi.

  La chevalerie druchi, ne parvenant pas à triompher de ses adversaires, dût battre en retraite. Chaëren et ses elfes poursuivirent les traînards, achevant les blessés et les derniers braves jusqu’à l’entrée des gorges, hurlant même un défi à la sombre silhouette de la générale elfe.

  Mais Dulmorwen ne répondit pas. En silence, elle contemplait les elfes jouir de leur victoire. Au-dessus de sa tête, des milliers de harpies tourbillonnaient dans les airs, tels des vautours au-dessus d’un charnier.

  De sombres trompettes d’airain résonnèrent au loin, et Chaëren leva les yeux avec horreur vers les falaises : des milliers de druchii et de démons, sombres silhouettes impies, se détachaient à présent de la falaise…

  « Repli ! Repli ! » Ordonna-t-il à ses elfes. « Regagnez vos positions, l’assaut ne fait que commencer ! »

 

  Les trois elfes progressaient avec peine dans les sous-bois magiques, tentant tant bien que mal de se dégager un passage à travers d’épais buissons de troène.

« Quand rencontrerons-nous les dryades, Mawraël ? » Lui demanda Elëa, la voix trahissant une certaine impatience.

- Je ne peux vous répondre… Elles nous observent certainement depuis le début, et attendent de mieux connaître nos intentions… » Lui répondit la guerrière.

- Peut-être suffit-il de les appeler, au lieu de chercher leur demeure… » Suggéra Lorindil. « Du moins, est-ce ainsi que procèdent les Elfes Sylvains d’Athel Loren. »

- Excellente idée ! Pendant ce temps là, je vais m’asseoir sur ce vieux tronc, je suis lasse de déchirer ma robe à travers ces fourrés… » Acquiesça Elëa.

  S’exécutant, la mage s’assit sur un arbre récemment tombé, au tronc sec et réchauffé par un mince rayon de soleil. Elëa n’eut pas le temps de s’y reposer plus longuement que le tronc s’agita, la jetant à terre.

«  En voilà des manières, mage Elëa ! Depuis quand vous asseyez- vous sur des filles d’Isha ? » Lui répondit l’arbre, tout en s’étirant en une belle jeune femme, mi-elfe, mi-végétal.

« Une Dryade ! » murmura l’intéressée, assez dépitée.

  La créature aux longs cheveux de feuillage lui sourit, tout en l’aidant à se relever.

« Allons, je ne suis pas rancunière ! » Puis, se tournant vers les deux autres elfes : « Nous avons remarqué votre présence, elfes, mais malgré notre amitié éternelle, tant de cavaliers à la lisière de nos bois ne présage rien de bon. Dîtes-nous, que venez-vous faire dans ces lieux et qu’attendez-vous de nous ? » Comme pour appuyer ses propos, d’autres dryades surgirent des alentours, entourant les elfes surpris.

 

  Dans un hurlement, les troupes mêlées de druchii et de démons s’élancèrent à l’assaut des lignes ennemies. Tout autour des gorges, des centaines d’arbalétriers et de sorciers prenaient position. Dans les cieux, les harpies se dirigeaient vers les archers, malgré la pluie de flèches, s’abattant sur leurs rangs tel un nuage de criquets.

  Les balistes, pour le moment protégées par des détachements de soldats-citoyens, lançaient salve sur salve sur les assaillants, projetant à terre des lignes entières de guerriers.

  Les mages préparaient au-dessus de la mêlée un véritable déluge magique. Déjà, de nombreux sorts jaillissaient des deux camps : des éclairs de magie noire fusaient en direction des rangs elfiques, et des tempêtes de magie blanche écumaient les troupes maléfiques.

  Les troupes d’Ulthuan tenaient avec panache leurs positions, mais la situation n’avait nullement intérêt à s’éterniser ; car un tel déluge de troupes ennemis, même ralenti par le défilé et les tirs, finirait par avoir raison de leurs positions…

 

  « C’est un bien grand service que vous nous demandez-là, Dame Mawraël… » Méditait la Dryade, tout en laissant un couple de mésanges jouer dans sa chevelure. « Le passage se situe au cœur même de nos bois, et correspond à un lieu de culte pour nous autres. Vous nous demandez en vérité l’autorisation de profaner notre temple, elfes… »

  Un murmure d’inquiétude parcourut l’assemblée de dryades, et Lorindil crut bon de prendre la parole.

« Dryades, Filles d’Isha, nous vous en supplions, écoutez la prière de vos frères mortels ! Jamais nous ne voudrions profaner les lieux saints d’Isha, mais le destin de tout Avelorn est entre vos mains !

« Si vous ne nous laissez pas franchir vos bois, nos troupes ne résisteront pas au flot de druchii et de démons, emportant avec eux tout espoir de salut pour notre Reine Eternelle… »

- Vous dîtes que notre sœur Alarielle est elle-même menacée ? Les choses vont-elles si mal hors de notre forêt ?

- Hélas, Reine des Dryades… » Lui répondit Elëa

- Vous m’en voyez navrée, Alarielle était une amie de ces bois. Mais je ne puis vous laisser traverser mon domaine sans raison majeure, même si votre quête est noble à vos cœurs…

- Les prophéties annoncent notre perte à tous, si nous ne coopérons pas, Ma Reine… » Continua Mawraël. « En ces temps troublés, j’ai reçu un présent d’Isha, pour guider mon peuple. Puisse ce don vous convaincre ! »

  La guerrière tira de son fourreau l’Epée Cristalline. La lame, si pure, scintilla de mille reflets colorés à travers le sous-bois. A sa vue, un murmure d’approbation parcourut les dryades. Une hermine jaillit de sa cachette, dissimulée dans la chevelure de la Reine des Dryades, en poussant des cris affolés.

« En effet, nul ne serait assez fou pour ignorer un tel signe de notre Mère… Mawraël, Gardienne de la Lame, le temps de la guerre est donc venue pour nous autres, tel que nous l’ordonnent nos propres prophéties… Nul n’est besoin de délibérer, mes sœurs… L’heure de notre marche aux côtés de la Lame d’Isha est venue… »

  Un bruissement de feuilles approbateur lui répondit. Lorindil et Elëa soufflèrent.

« Les prophéties me semblent bien à la mode en ce moment… Mais j’ai le sentiment qu’il est désormais écrit que l’espoir nous est permis ! » Murmura l’archimage à sa tante.

- Je le souhaite aussi de tout mon cœur, Lorindil… » Lui répondit-elle.

- En attendant, je me demande bien comment une poignée de Dryades pourraient faire basculer le sort de la bataille … » Commenta la guerrière.

  La reine des Dryades s’approcha de Mawraël. D’un geste de la main, elle fit signe à une de ses consœurs de la rejoindre.

« Ne nous croyez pas désarmées, Gardienne. Nous possédons nous aussi quelques présents, que le hasard parfois nous a confié… » Une jeune dryade aux cheveux mêlés de feuillage de saule leur présenta une magnifique conque sertie d’or et de rubis.

- La Conque d’Isha … » Souffla Mawraël.

- Nous la pensions perdue dans l’une des escarmouches passées… Comment a-t-elle pu arriver jusqu’ici ? » Demanda Elëa à la Reine.

- Comme je vous l’ai dit, nous suivons nos Prophéties. L’une d’entre elles nous avait averties de l’agonie d’une de vos sœurs guerrières, à la lisière de notre forêt. C’était là le premier signe annonçant notre appel au combat… »

- Et comment comptez-vous vous y rendre? Pardonnez-moi, ma Reine, mais les nôtres se trouvent à des heures de chevauchée d’ici, et je doute fort que vous y arriviez à temps… » Remarqua Lorindil.

- Ne vous inquiétez pas pour cela, nos montures ont déjà été prévenues… Quel dommage qu’il leur faille quitter leurs nids en pleine saison des amours…

- Leurs … nids ? » Releva Elëa.

  La Reine ne leur répondit pas. Au-dessus de leur tête, un hennissement attira leur attention : à travers la frondaison des arbres, les trois elfes distinguèrent les silhouettes d’un troupeau de pégases survolant la forêt…

  « Maintenant j’en suis sûre, je nage en plein rêve… » Murmura Mawraël.

- Pour l’avenir d’Avelorn, je ne vous le souhaite pas, ma chère ! Mais n’avez-vous jamais pensé devenir diplomate ? Vous traversez un domaine inhospitalier et vous en ressortez accompagnée de nouveaux alliés ; vous feriez un tabac dans le Vieux Monde ! » Répliqua Elëa.

  Les Dryades s’éclipsèrent autour d’eux, tandis que dans les sous-bois résonnaient les martèlements de milliers de sabots. Leurs nouvelles alliées guidaient déjà les cavaliers à travers la forêt. Les elfes n’avaient de cesse d’admirer les étranges parades volantes de ces renforts inespérés : en ce jour béni des Dieux, les filles d’Isha se préparaient à chevaucher sur le dos de leurs montures ailées !

 

 

 

A suivre …

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