ÉPISODE 1 : LA HAINE
Il faisait jour depuis à peine quelques heures lorsque Karl se remis en chemin.
Cela faisait maintenant huit ans qu’il avait quitté l’armée impériale
pour venir s’établir ici avec sa femme et ses deux enfants. La hache à l’épaule,
il admira quelques instants la vallée. A droite, le village où il commerçait
avec les marchands de passages se rendant à Tahbeleihm, au centre l’immense
forêt qui le faisait vivre et qui abritait un gibier abondant , un peu plus à
gauche le coin où il vivait paisiblement de chasse et d’élevage, au loin le
défilé de fort-thémien; qui mène au reste de l¹Empire. Karl aimait cet
endroit , il était paisible et sans danger,et les guerres du royaume pour
lesquels partaient parfois de jeunes cadets semblaient bien loin.
Une mince colonne de fumé attira tout à coup son attention. Elle contrastait
avec le ciel d’azur, et s’élevait bien droite vers les nues, car aucun
souffle de vent ne la repoussait. Karl sentit sa poitrine se serrer, tandis que,
la gorge nouée, il se mis à dévaler le sentier menant au village. Il passa
devant les cabanes de chasse abandonnés, pris à gauche après le grand chêne,
puis à droite au niveau de la rivière; ses jambes l’emportaient vers les
siens sans même qu¹il n¹eut à réfléchir de la direction, son cœur s’affolait,
et le sang lui battait les tempes à un rythme insupportable. Des dizaines de
pensées affluaient à son cerveau, il n’arrivait pas à réfléchir. Mais l’odeur
acre qui assaillait ses narines , au fur et à mesure plus forte et plus
suffocante qu’il se rapprochait de sa mansarde, ne fit que renforcer le dur
pressentiment qu’il n’osait s’avouer.
Lorsqu’enfin , les poumons brûlants , il atteint la clairière où hier
encore s élevait la chaumière qu’il avait bâtît de ses mains, où hier
encore ses enfants riaient au grand air, la vision qui parvint à ses yeux
rouges et douloureux comprima encore un peut plus sa poitrine. De sa charmante
mansarde ne demeurait qu’un immense feu de désolation . En un ensemble
macabre, ses porcs et ses agneaux gisaient au sol , les tripes à l‘air ,le
sang jaillissant encore par les plaies béantes qui marquaient leur chair
parcourue de spasmes. Il se remis à courir , les sens en alertes , la main
moite fermement ancrée sur sa hache , à la recherche des siens.
Il découvrit bientôt sa femmes , horriblement écorchée , pendue à une
poutre incandescente , un pieux dans le bas - ventre. Karl tomba à genoux , la
tête entre les mains ; le front contre le sable noir de cendres . Il aurait
voulu crier , hurler sa haine et son désespoir , mais aucun son ne parvint à
ses lèvres. Il suffoquait , son cœur bondissant à lui faire éclater le
thorax , étouffant et écumant , la bouche entrouverte , et toujours cet odeur
infecte de chair carbonisée lui opprimant la gorge. La forme des plaies et les
traces laissées sur le sol ne laissait aucun doute sur l’origine des êtres
ignobles responsables du carnage , Karl connaissait trop bien ces pourceaux pour
les avoir maintes fois combattus. Une bande d’orcs venait de nouveau semer la
mort dans la région...
Si il avait retrouvé sa femme , aucune trace de ses deux fils. Cela ne pouvait
être qu’un bon présage, sans doute avaient ils réussi à s’échapper.