La lahmiane laissa doucement choir le corps inerte, vidé de son
sang.
Elle
était enfin rassasiée. Il lui a tout de même fallu vider de leur sang trois
pauvres paysans qui n’avaient strictement rien demandé.
Elle
aimait les paysans, elle leur trouvait un petit arrière goût de poulet très
agréable.
De
plus, les paysans ont toujours la très bonne idée de se promener la nuit dans
les bois sans aucune protection (quelle idée).
Il
faut le reconnaître, ce n’est pas prudent, ceux là auront compris la leçon.
La
vampire se retourna prestement, essuyant d’un revers délicat de la main les
traces de sang étalées sur ses lèvres.
C’est
embêtant, jamais elle n’a trouvé de méthode distinguée pour dévorer une victime
autrement que de bondir sur elles et de les mordre goulûment.
Il
faudra bien un jour que cela change.
Après
avoir caressé son loup garou qui finissait de dévorer les trois cadavres, elle
tourna les talons et rentra dans son château. Un château magnifique,
d’ailleurs, un grand portail de style gothique, un plafond en ogives…
Jamais
elle n’avait compris qui a eu la bête idée de bâtir un si inquiétant et
majestueux palais en plein milieu d’un bois dans un trou perdu !
Ah !
Ces ancêtres…
Bien
sûr, ils ont la tranquillité de la campagne, mais les autochtones ont tout de
même de drôles de goûts, au sens propre comme au figuré d’ailleurs.
La
lahmiane enjamba d’un pas rapide le marécage dans lequel s’égayait son monstre
de compagnie.
Elle
le caressa gentiment, en évitant tout de même les endroits de fourrure, là où
la boue avait collé, préférant le contact des écailles glissantes.
Il
n’y avait pas de temps à perdre, elle devait maintenant ses soumettre à ses
devoirs de maîtresse de maison.
Elle poussa la grande porte de bois ferrée (quelle idée d’ailleurs de faire des portes si grandes et si lourdes),
Sortit
ses outils de ménage, à savoir une grande épée et une masse d’arme, pour
nettoyer le cimetière.
Les
grands châteaux macabres, c’est beaux, mais les squelettes et les goules ont la
très sale habitude de traîner dans les tombes, en faisant un tapage d’enfer et
en mangeant les rares fleurs fanées qui avaient survécues au printemps !
(Le
printemps a la sale manie de faire refleurir des fleurs fanées avec beaucoup de
soin)
Après
avoir massacré les morts vivants à grands coups de masse, elle s’en retourna à
son château avec quelques éraflures et la satisfaction du travail bien fait.
Elle
embrassa son zombie de fils sans qu’il réagisse, il était scotché devant la
Banshee, qui, à travers sa texture éthérée faisait apparaître des dessins
animés.
« A
force de regarder de telles stupidités, tu vas finir par te transformer en
zombie…
-Mais
maman… Je suis déjà un zombie !
-raison
de plus, je n’ai pas envie de savoir en quoi tu vas te transformer si ça empire ! »
Et
sur ces mots, elle frappa promptement la banshee, oubliant qu’elle était fantômatique, et son coup dévia dans les armoiries de la
famille, qui évidemment se brisèrent instantanément en mille morceaux.
La
banshee fila sans demander on reste avant que la maîtresse ne se serve de sa
magie.
Celle
ci était furieuse mais se ravisa en regardant les yeux effrayés de son fils,
enfin, les cataractes purulentes et couvertes de croûtes de son fils, et reposa
la hallebarde qu’elle maintenait suspendue au dessus de son crâne.
Le
fils redescendit dans son caveau, histoire de retirer la hache et le couteau à
l’aide desquels sa mère l’avait empalé avant de se rendre compte que tout
compte fait ce n’était pas grand chose et qu’elle rachèterait de nouvelles
armoiries ancestrales de la famille à Noël !
Calmée,
la Lahmiane jeta un coup d’œil par la fenêtre, Il faisait un temps superbe, les
éclairs et la pluie donnaient un concert formidable.
Soudain,
un hurlement déchirant bouleversa la nuit…ou alors c’était un hurlement
bouleversant qui déchirait la nuit, dans tous les cas il y eut un cri alors
qu’il faisait noir dehors, ou quelque chose approchant…
Elle
appela :
« Igor,
je crois qu’on a sonné. »
Une
créature petite et replète, recroquevillée dans une loque se présenta devant sa
maîtresse et lui répondit en fermant ses trois yeux :
« J’entend
et je vais ouvrir maîtresse.
-Bien
Igor, mais cessez de répandre vos miasmes sur le carrelage, ça fait sale !
-Oui
maîtresse »
Répondit-il
d’un air honteux.
Quelques
minutes plus tard, Igor revint, suivi de près par un homme en armure
étincelant, dont le heaume était surmonté d’une parure de plumes violettes d’un
goût douteux…
« C’est
encore un chevalier madame.
-évidemment
à cet heure ci ! Et qu’est ce qu’il vend celui là ? »
Le
chevalier fit un pas en avant, manquant de ce fait de glisser sur Igor et dit
d’une voix forte qui se répercutait sur tout les murs du sombre château qu’il
était sieur gnagnagna* de gnagnagna** et qu’il allait gnagnagna débarrasser
cette gnagnagna de région du monstre hideux qui hantait cette partie du monde
et massacrait sans vergognes ses gnagnagnas
d’habitants*, il dit ensuite des tas d’autres bêtises du même genre et
s’apprêtait à faire un sonnet sur la beauté de la fille du roi de
gnagnagna* et sur les gnagnagna*** pâquerettes qui poussent
au printemps lorsque la vampire l’arrêta promptement :
« Soyez
bref !
-Je
viens te pourfendre, monstre infâme, suppôt de Satan !
-Désolée
mon mari est absent !
-Non,
c’est vous le suppôt de Satan !
-Non !
-Belzébuth ?
-Non
plus
-Azazel ?
Khorne ? Lucifer ? Franck Leboeuf ?
-Vous
n’y êtes pas !
-Bon,
ça n’a pas d’importance, laissez moi finir ! Je viens te pourfendre
monstre infâme, suppôt de quelque chose ou quelqu’un, moi, sieur gnagnagna
vient te renvoyer dans les limbes d’où tu viens !
-ça
ne va pas non plus !
-Vous
ne venez pas non plus des limbes ?
-Non
non.
-du
Tartare ? Des enfers ? Des Asphodèles ? Du néant ? Du
Chaos ? De Latranche sur mer**** ?
-Eh
non !
-Bon,
ce n’est pas grave, je reprend : Je viens te pourfendre, monstre infâme,
suppôt de quelque chose ou de quelqu’un, moi sieur gnognogno
de gnagnagna vient te renvoyer dans le quelque part d’où tu viens !
-Non !
-Quoi
encore ? Vous n’êtes pas un monstre infâme ?
-si
mais…
-mais
quoi ? Je ne viens pas te pourfendre ?
-Peut-être
mais…
-Mais
quoi encore ?
-Ben,
vous vous appelez gnagnagna pas gnognogno !
-Jai dit gnagnagna !
-Non
je vous assure !
-Vous
avez mal entendu ! C’est à cause de la police d’écriture, il faut toujours
écrire en gothique sur les histoires de vampire et du coup on confond les a et
les o ! C’est comme les M et les N !
-Bon,
si j’ai bien compris, vous êtes quelqu’un qui vient pourfendre quelque chose
suppôt d’autre chose pour le renvoyer quelque part ?
-Ben…
oui c’est à peu près ça… »
La
vampire claqua des doigts et le chevalier disparut dans un éclair blanc, ne
laissant derrière lui qu’une poignée de plumes violettes.
Igor
demanda à sa maîtresse avec un rictus tordu :
« Où
l’avez vous envoyé ?
-A
Latranche sur mer, ça lui apprendra. »
C’est
ce moment que choisit sa fille pour rentrer de la Rave party
organisée toute proche.
« Ah
te voilà toi ! Tu n’as pas honte de traîner dans ces soirées pour
dégénérés !
-Gue guoi ? Bouzour m’man !
-Ah
c’est malin, je me doutais ben que ça finirait comme ça, tu vas l’entendre ce
soir ton père !
Ces
soirées où il n’y a que des alcooliques ! Et toi tu ne trouve rien de
mieux que de boire leur sang hein !
Tu
me rappelles la goule que l’on avait recueillie il y a trois siècles ! Tu
émets le même genre de borborygmes infâmes !
-CeeeeEErveaaAUuu !
-Merci Igor, je ne t’ai pas demandé de détails !
Vas te coucher immédiatement fille indigne, tu cuveras ton sang demain ! »
Après le départ de la fille ce fut au spectre qui lui tenait lieu de mari qui rentra dans la salle commune.
« Et toi ! C’est à cette heure ci que tu rentres ?ça fait 200 ans que je t’attend !
-Ben, je me suis un peu attardé dans la crypte je suis tombé sur quelques connaissances avec lesquelles je m’étais disputé comme un chiffonnier et… de fil en aiguille on s’est raccommodés !
-On peut dire que tu t’es mis dans de beaux draps !
-Pourrait-on stopper les jeux de mots stupides ? Cette histoire semblait à peu près drôle jusqu’ici !
-Bon, tes excuses sont toujours aussi nulles ! Mais admettons pour ce soir ! Et puis, j’ai vu un manteau en fourrure de grizzli absolument superbe…
-Oh non !
-Eh si !
-il ne va pas encore falloir que j’aille chasser un grizzli !
-Peuh, ma mère m’avait bien dit de ne pas épouser un Von Carstein !
-Eh ! C’était avant que je ne meure !
-C’est ton problème ! Je VEUX un grizzli.
-Bon, c’est d’accord vieille mégère, tu l’auras ton grizzli !
-Je préfère cela mon chéri ! Viens il est tard, il nous faut nous coucher dans la crypte.
-Groumph !
FIN
*: seigneur de la contrée de gnagnagna
** : contrée au nord des terres mortes
*** : gnagnagna n’a ici qu’une valeur péjorative
**** : village infernal où l’on trouve des temples hinfous et des pyramides incas (y’en a qui connaissent ?)