Nouvelles horizons





Les griffes du démon raclèrent le sol noirci par la cendre. Ses yeux embrasés fixés sur le pauvre skink, recroquevillé au fond de la caverne. L’air était nauséabond, chargé de poussière. Malgré les blessures, la fatigue et la faim, Jolrael se redressa, comme un défi devant la monstrueuse créature qui fut autrefois son ami*. Il n’avait plus d’arme et sa cape de pourpre pendait lamentablement sur ses épaules. Leurs yeux allumés de fureur, les deux êtres se regardèrent ainsi longtemps, aucun n’osant briser le silence, se préparant mentalement à l’inégal combat qui allait suivre. Gulzan, ses cheveux sombres en bataille tombant en cascade sur son visage était beaucoup trop fort pour que Jolrael ait une moindre chance de le vaincre. Qu’espérait-il en agissant de la sorte ? Il n’espérait rien, il ne vivait plus, il provoquait le démon, c’était sans aucun doute la seule satisfaction qu’il tirera de cette situation, malgré qu’il était perdu, malgré l’échec de sa quête, il aurait au moins semé le trouble dans l’esprit du démon. Ce duel silencieux dura plusieurs heures, plusieurs heures durant lesquelles rien ne troubla le silence. Un affrontement qui ne mettait plus en cause ni la force physique ni la capacité psychique des deux protagonistes, domaines dans lesquelles un skink est surpassé largement par un favori de Khorne, mais quelque chose de plus subtil, chacun sondant l’autre, tentant de deviner ses pensées, parer au moindre assaut supposé, établir une tactique, méditer sur la situation.
Enfin, le démon agacé par une telle inaction saisit sa hache et se leva brusquement. Jolrael ne réagit pas, il s’était résigné à la mort comme il avait, il y a longtemps, renoncé à la vie.
Gulzan n’abattit néanmoins pas son bras, il se contenta de se rasseoir et de grogner, découvrant ses crocs acérés. Il prit la parole :
« - Assez, Je ne te tuerai pas et tu le sais. Depuis plusieurs années que je doutais et lorsqu'…
- De quoi doutais-tu ? Demanda sans peur JJolrael, reprenant tout à coup goût à la vie.
- De tout ! Je ne savais ni qui j'étais nii même pourquoi j'étais ! On pense que nous, les démons, ne sommes que pensées malfaisantes, mort et destructions et que chaque meurtre que nous commettons nous rend plus fort. Tout est faux. Les démons sont des êtres vivants, pas des esprits évanescents. Ils sont l'incarnation de vos doutes et rien d'autre ! Non pas de vos peurs ou de vos méfaits, mais bien de vos doutes. De plus, si j'étais composé de peurs, je serais terrifié en permanence. De toute façon la peur à l'état pur n'existe pas ! Chaque fois que tu as peur, que vous avez peur, en fait vous doutez de vous-même, "vous vous doutez que vous pourriez avoir peur". Le doute, c'est ce qui nous nourris tous. Même les émotions dites bénéfiques ne sont que doutes ! Lorsque tu es courageux, tu doutes que tu es supérieur à tes ennemis mais tu doutes ! Mais voila, moi je doute…Je doute de tout, je ne saurai dire précisément de quoi mais je doute – je le sais – un point c'est tout. Le doute, père de la curiosité et de bien d'autres vices…Mais enfin, tu es apparu dans mon existence de combats et de morts. Oh, ne vas pas penser que je t'attendais…Au contraire, je commençais à sombrer dans la routine, perdre mon inspiration…
- Ton inspiration ?! Interrompit l'homme llézard, interloqué par ce mot placé dans un contexte qui n'avait pas sa place.
- Tais-toi ! Et écoute ! Hurla le démon, lle visage déchiré par la colère. Puis, il reprit d'une voix lasse. C'est déjà assez dur comme ça…Tu comprendra plus tard…Bref, je doutais…Non pas du Bien de la cause que je suivais, non cela je n'en doute toujours pas et j'y crois toujours aussi fermement. Non, je doutais d'autre chose mais je ne sais pas quoi…C'était plus subtil, plus discret qu'une interrogation directe. Donc, tu es venu; tu es arrivé dans ma vie… »

Cette fois ce fut à Jolrael de s’emporter, il se leva brusquement sur ses courtes pattes soulevant de sa cape déchirée des nuages de poussières qui retombaient comme autant d’étoiles sur le sol rocheux

« Comment peux tu oser parler du bien de ta cause ? Le Chaos ? Une énergie corruptrice et maléfique, la déchéance et l’immondice de ce monde ! Le chaos est responsable de la mort de beaucoup d’hommes lézards, skinks comme slanns, beaucoup succombèrent lors du départ des anciens ! C’est à cause de personnes qui comme toi se sont laissées influencées par le Chaos, oubliant la droiture et la vertu, bafouant la mémoire de ceux qui le sont créés, piétinant nos croyances, versant le sang, souillant nos temples et l’honneur de notre race !
Combien de morts as tu fait ? Combien de crânes ont été rapportés sur le trône impie de Khorne par tes serres malfaisantes ? De combien de skinks le sang tâche tes mains ?
-…
-Combien de cadavres constituent ce que tuu nomme le bien de ta cause ? Une secte sanglante et meurtrière, fondée dans le sang, bâtie sur des os et des corps ! Combien de victimes t’a t’il fallu pour arriver où tu en es ? Un démon majeur ! La pire engeance après les dieux eux-mêmes ! »
Il cracha sur le sol devant les pieds griffus de Gulzan, qui submergé par la rage leva sa hache d’un mouvement brusque :
« -Tais-toi, tu ignores de quoi tu parles, le Chaos…
-Quoi le chaos ? Tu veux me tuer ? Qu’impoorte mon existence, ma mort ne fera que prouver ce que je t’ai dit ! Ta méchanceté et ta brutalité ont fait de toi un monstre ! N’espère aucune rédemption ! J’ai commis la faute de me laisser prendre, je ne ferai plus partie du grand Dessein des Anciens, mais j’aurai une satisfaction : celle de savoir que j’ai eu raison, raison de m’opposer au chaos, raison de penser que nul bien ne s’y trouve ! Mes seuls choix se sont soldés par des erreurs, je commence à le comprendre ! Il faut choisir son camp, mais je ne tomberai pas comme tu l’as fait !
-Le Bien, le Mal, qui peut oser prétendre les définir. D’un mal naît un bien, les incendies fertilisent les terres, la mort du corps entraîne l’épanouissement de l’âme…
-Comment peut tu encore espérer avoir une âme ! Tu ne me convaincras pas, jamais je ne partirai de ton côté, Tes maîtres déjà ont essayé !
-Je n’ai pas de maître !
-Qui n’en a pas ! Nous sommes tous soumis à des maîtres : les humains sont vulnérables au temps, il règle leur vies, leur mœurs ! Les anciens nous ont créés, voilà où je trouve mes maîtres, je leur suis redevable de mon existence. Quant à toi, tu as choisi de bafouer la confiance que te vouaient tes créateurs. Tu as craché sur ta naissance, Huanchi t’avait marqué de sa puissance, voilà comment tu le remercies ! Quand il ne devrait entendre de toi que louanges, ne parviennent jusqu’à lui que les cris d’agonie et de reproche de tes victimes. Il n’y a pas de fatalité au sens où tu pourrais l’entendre. Les anciens nous ont façonnés pour accomplir notre destin, mais cette destinée est soumise à des choix, des choix qui nous laissent le libre arbitre. Nous choisissons qui nous voulons être ! Tes choix sont faits, il n’y a plus à espérer de merci ou de miséricorde. Lorsque l’on s’oppose aux Anciens, on est balayé et oublié du grand Dessein !
-Je n'ai jamais demandé à vivre sous la Maarque d'Huanchi. Peut-être même que si je ne l'avais pas eu, je ne serai pas là…
-Tu n’es que doutes ? » Continua le skink,, négligeant l'intervention du démon.
« Mais, tu es aussi mensonges meurtres et cruauté. Les doutes construisent la part négative de notre être. Je suis effrayé, terrifié même en ce moment. Mais cette peur renforce ma foi, je me raccroche à cette certitude, à ce passé que tu profanes. Ton existence même n’est que doutes ? Mais ces doutes sont blasphématoires, comment pourrait tu douter de tes créateurs ?
Ton ancienne vie est la preuve de leur existence, mais ta présence en ces lieux fait de toi un paradoxe : Tu es l’incarnation du doute devant les certitudes. Tu es aveuglé par les pouvoirs illusoires des dieux du Chaos alors que la vérité éclate partout autour de toi, les vies, les âmes des hommes, des elfes et de toutes les créatures des anciens. Voilà la démonstration de la puissance de tes créateurs. Dans chaque brin d’herbe, dans chaque pierre, dans chaque être repose une parcelle de ce pouvoir, de cette magie, de cette incommensurable preuve du grand Dessein.
-Sais tu grâce à quelle puissance ceux quee tu appelle les Anciens ont réussi à créer ce monde tel que tu le vois ?
-Non…» Admit le skin.
«-Par l'équilibre. Le mal est ce que tu as décrit. Mieux, il est pire. Il ne tue pas comme tu pourrais le croire. Le Mal, c'est la Fin. Le Néant. Le Mal ne donne pas la mort. Il aspire la vie. Une fois mort, c'est le Vide. C'est le Rien absolu. Tandis que le Bien c'est la Vie. Le Plein. Un univers plein peut-il survivre ?
-Non, mais…
-Un vide non plus. » Compléta le démon. «Les Anciens n'ont pas créé le monde mais ils l'ont compris. C'est pourquoi ils sont morts et nous vivants. Les Dieux n'aiment pas avoir des rivaux. Le Chaos et l'Ordre.
-Oui mais tous ces morts…Pourquoi ? Pourquuoi les avoir assassinés, avoir fais cette offense à la vie ? Interrompit Jolrael.
-Tu as déjà vu un médecin faire un saignemment ? C'est la même chose. Le trop plein doit être évacué. Alors la Mort vient. Et " Après la pluie, le beau temps." Chaque guerre est suivie par la prospérité…Quand à ces doutes…Je t'ai déjà dis que je doutais pas du Chaos ! Le Chaos, c'est l'avenir dans ce monde trop ordonné...Je doutais de moi ! Oh et puis, je vais t'expliquer ! Consigner l'histoire du monde pour qu'il survivre à lui-même. Pour qu'il survivre à ses habitants ; voila ce que nous devons faire. Je suis l'un des rares élus à avoir pu en faire partie. Nous sommes les Premiers et nous serons les Derniers. Nous n'avons ni Dieux ni Maîtres. Nous sommes hors de l'ordre des choses. Nous sommes les créateurs, les rénovateurs et les protecteurs de l'avenir d'une portion d'Êtres. Nous sommes les Chevaliers Chroniqueurs…Suit moi et tu comprendra…»

Alors, confiant aveuglément sa vie aux mains du démon, Jolrael, pris la main que lui tendait l'ancien Élu de Huanchi et…


Fin
Mais c'est le moment où naît l'amitié…


L'épitaphe à Hoxyn**

Dors mort,
Solitaire sur la Terre,
Ni argent, ni or,
Pauvre hère solitaire,

Corps sans vie,
Carcasse sans esprit,
Revit ! Renaît !

Remercie la Nature,
Car même si la Mort est dure,
Elle saura t'aimer,

Mieux que la Vie,
Cette mauvaise amie,
Chante la gloire de ce qui
Jamais ne fini.

Repose en paix,
Dans la prison de ton destin,
Élu de Huanchi.

Jolrael



*:Voir Vaxloc, le Vent de la Gloire et Kaxlaty, le Vent de la Raison, cette histoire s’intègre dans le récit des "Quatre Vents de Vertu" en n’en étant pas pour autant une partie à part entière. Il s’agit de se centrer sur la confrontation entre Gulzan et le skink Jolrael, premier contact de ce dernier avec les chevaliers chroniqueurs. Il s'agit en même temps de la suite de "Alea jacta es".

**: Premier nom de Gulza Khaos en tant qu'entité mortelle.
 

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