Écrits de l'oncle George Clapperton (English version)

Dans le numéro de juillet-septembre 1963 de la Revue d'Histoire de la Gaspésie, je note, parmi les noms des députés qui se sont succédés dans le comté de Bonaventure, celui de mon père, William H. Clapperton, qui fut député à la législature de 1897 à 1904. J'ai pensé que les origines de cette famille et quelques événements qui ont caractérisé la vie de cet ancien député, pouraient intéresser les lecteurs de cette Revue.

La famille Clapperton est originaire de Fochabers, près d'Edinburgh en Ecosse et appartient à la branche catholique de ce nom. L'arrière grand-père, James Clapperton, comptait dans sa famille, deux prêtres; le R.P. Robert Clapperton, et Mgr James Clapperton. P.D. ainsi qu'une religieuse, Sister Theresa, née Margaret Clapperton. Cette dernière, après un exil de quelques années en France, revint en Ecosse et avec l'aide de Sister Xavier, née Ann A. T---, une convertie, fonda le premier couvent des Ursulines écossaises à Edinburgh en 1833.

Un autre fils, John Clapperton, mon grand-père, immigra au Canada vers l'année 1830. Il vint d'abord à Halifax et s'intéressa surtout à la navigation côtière. Il se procura un bateau et fit le commerce le long du littoral du Golfe St-Laurent et de la Baie des Chaleurs. Il se maria vers l'an 1830 à Félicité Dugas, fille du capitaine Hilarion Dugas, de Maria, et se fixa à Carleton, sur une propriété qui devint plus tard celle du capitaine Lazare Allard. John Clapperton se noya accidentellement lors d'un voyage de Carleton à Dalhousie à l'automne de 1836. Il laissait deux fils; James, agé de deux ans et William, agé de neuf mois.

Pour pourvoir à sa subsistance et à celle de ses deux fils, ma grand-mère s'installa à Dalhousie comme couturière. Quand ses deux enfants eurent atteint l'âge scolaire, son beau-père lui suggéra de les envoyer faire leurs études en Ecosse où il se chargerait de leur entretien. Elle accepta et elle alla elle-même les conduire à Fochabers, où elle les laissa pendant la durée de leurs études. Puis elle retourna les chercher une fois leurs études terminées, et les ramena au Canada. Un évènement assez extraordinaire survint au cours de ce voyage de retour et je tiens ce récit de ma grand-mère même : Arrivée à la hauteur de Bathurst, le bateau jeta l'ancre pour laisser descendre quelques passagers. Ma grand-mère obtint du capitaine la permission de saluer quelques amis. Pendant qu'elle y était, une grosse tempête s'éleva et le bateau dut lever l'ancre. Il fut englouti avec tous ses passagers avant de pouvoir se rendre à Dalhousie.

Revenus chez-eux, les deux frères se trouvèrent de l'emploi au service de M. John Meagher, à Carleton, et y demeurèrent pendant quelques années avant de fonder leur propre commerce. James ouvrit un magasin de détail à Bonaventure et s'y installa. Il se maria à Rose Délima Labrie, une institutrice originaire de Rimouski,et après un certain temps, il vendit son commerce et déménagea à Stillwater dans le Minnesota où il s'occupa de l'industrie du bois. Ils eurent quatre garçons.

William, mon père, s'installa à Maria et épousa , le 23 janvier 1865, Mary-Ann Lebel, fille du notaire Jos.G. Lebel et de Maria Meagher, sœur de John Meagher mentionné ci-haut. Le notaire Lebel était natif de Kamouraska. Il s'était d'abord installé à Carleton et c'est à cet endroit que Mary-Ann Lebel, ma mère, est née dans la maison qu'il avait construite et qu'occupent aujourd'hui Mlles Claire et Olivine Leblanc. Il déménagea subséquemment à New-Carlisle pour devenir régistrateur de la première division de Bonaventure, et c'est à cet endroit que le mariage de mon père eut lieu. Ils firent le voyage de New-Carlisle à Maria en voiture et nous les avons souvent entendu raconter comment il faissait beau cette journée-là : les arbres étaient couverts de givre qui scintillait au soleil, un phénomène qui semblait les avoir impressionnés et qu'ils se plaisaient à remémorer. Ils eurent huit enfants, cinq garçons : (Henry 1869-1930)- (John 1870-1894)- (Thomas 1872-1955)- (Charles 1876-1919)-(George 1883-19--) et trois filles : Thérèse(Mrs Henry McIntyre) Suzan(Mrs Thomas Mill), et Amélia (Mme Edgar R. Cyr) Mon père ammena aussi sa mère vivre avec eux, et elle y demeura jusqu'à sa mort, le jour de Nöel 1937, à l'âge avancé de 92 ans et 7 mois.

Il existait en ce temps-là une demande considérable pour le poisson salé sur les divers marchés mondiaux, et mon père développa ce commerce sur une grande échelle. Il s'agissait de la salaison et de l'empaquetage du hareng. Ce poisson, acheté des pêcheurs, ou quelque fois pris à la seine le long du rivage, était soumis à une opération soignée, après quoi, on l'empaquetai dans des barils de cèdre contenant 300 livres chacun et on l'expédiait par goëlette aux différents coins du globe. Les barils étaient fournis par les habitants des environs qui employaient leur temps en hiver à les confectionner. L'empaquetage était confié à des gens spécialisés dans ce genre d'ouvrage et qui revenaient chaque printemps exercer leur métier. Je me souviens entre autres du bon M. Jérémie Lapointe, tonnelier expert, qui tout en travaillant consciencieusement, récitait des extraits de la Bible pour l'édification de ses compagnons de travail. On préparait ainsi de quatre à cinq mille barils par an.

Outre ce commerce et son magasin de détail, mon père s'occupait aussi de l'achat et de la vente de ce qu'on appelait dans le temps " du bois de tonne ". C'était des billes de bois franc équarries, de 20 pieds de longueur et 15 à 24 pouces de diamètre. Il les achetait des cultivateurs et les expédiait aux Antilles, où ce bois servait à faire des douves pour les barils à mélasse. Les goëlettes qui venaient charger ces produits apportaient en même temps des marchandises pour le magasin et, une fois par année, un chargement de sel en prévision des besoins de l'année suivante. Le transbordement se faisait avec de gros chalands qu'on mouvait à l'aide d'un cable attaché à la goëlette et qui venait jusqu'au rivage.

Le marché du hareng salé et du bois de tonne diminua sensiblement vers la fin du dernier siècle. Finalement mon père l'abandonna complètement pour s'occuper exclusivement de son magasin. Il avait su profiter des leçons de culture qu'il avait reçues en Ecosse et c'est ainsi qu'avec un peu de terre arable, il parvenait à produire sufffisamment de fourrage pour garder un cheval, deux ou trois vaches, des moutons, etc...Il était aussi très bon jardinier, et nous ne manquions jamais de légumes à la maison.

Au mois de décembre 1897, il y eut des élections partielle dans le compté de Bonaventure pour choisir un successeur à l'Honorable F.X. Lemieux, député sortant qui venait d'être nommé juge. Au cours d'une convention libérale régulière, tenue à New-Carlisle,mon père fut choisi candidat pour ce parti dans cette élection. Il avait déjà commencé à visiter le comté et entrepris l'organisation de son élection, lorsqu'il reçut la visite de l'Honorable Charles Langelier de Québec. Ce dernier voulait se présenter et lui demandait de résigner en sa faveur. Les gens de Bonaventure de l'entendaient pas ainsi. Ils voulaient quelqu'un du comté pour les représenter et à leur tour, firent pression sur mon père pour qu'il ne cèdat pas. Mais M. Langelier ne voulait pas céder lui non plus. L'élection eut lieu entre les deux libéraux.

Pendant qu'une nuée d'orateurs et de cabaleurs venaient prêter main forte à son adversaire, mon père n'avait que son fils Thomas pour lui aider. Par contre, il recevait partout un accueil encourageant. L'élection eut lieu le 22 décembre et mon père fut élu avec une forte majorité.

 La législature fut dissoute à l'été 1900 et à l'élection qui à suivit, mon père s'opposa cette fois à un conservateur, M. Sirien Poirier de Bonaventure. La lutte fut très contestée et mon père l'emporta par quelque 300 voix de majorité.

Enfin, en 1904, eut lieu un autre élection provinciale. Et cette fois encore, la lutte se fit entre deux libéraux. John Hall Kelly, jeune avocat de New-Carlisle, et mon père. Ce dernier fut défait et se retira définitivement de la politique active.

En 1905, il fut nommé agent des terres de la Couronne pour la division ouest du comté de Bonaventure. Il occupa ce poste jusqu'à sa mort survenue le 31 mai 1922, à l'âge de 83 ans et 4 mois. Ma mère lui survécut 14 ans et mourût chez mon frère Thomas, à Grand-Cascapédia, le 26 octobre 1936, à l'âge avancé de 97 ans et 8 mois.

(Ceci est la transcription intégrale d'un article paru dans la " Revue Ma Gaspésie " dans les années 1960, peut-être 1964. J'y ai changé seulement le nom " Charles " par celui de " James " dans la troisième ligne du deuxième paragraphe. Il manque seulement les photos de Willian Henry Clapperton au début de l'article et une autre photo de George Clapperton avec une légende qui se lit comme suit : " M. George Clapperton consacre ses loisirs, avec son épouse, à des recherches de généalogie et d'histoire sur sa propre famille. Souvent cette histoire de famille se confond avec l'histoire sociale ou politique de la Gaspésie, comme lorsqu'il s'agit de fonctions publiques occupées par l'un ou l'autre des membres de la famille. Ici M. Clapperton relate pour nous les événements qui ont conduit son père à la fonction de député. ") C.Mill

 

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