LE PERCE-OREILLE (suite)

 

Phylum : Arthropodes
Classe :
Insectes
Ordre :
Dermaptères
Famille :
Forficulides
Nom scientifique :
Forficula auriculariaLinné
Nom anglais :
European earwig (earwig)

ESPÈCES APPARENTÉES
On compte cinq espèces connues de forficules au Québec. Le forficule commun est le plus abondant au Québec et au Canada.

DESCRIPTION DE L'ADULTE

 

Le forficule commun est un insecte brun rougeâtre, d'aspect luisant, dont le corps aplati mesure de 13 à 30 mm de long. On le reconnaît facilement aux deux appendices en forme de pinces, les cerques, qui terminent son abdomen. Les cerques sont plus robustes et très arqués chez le mâle, alors que ceux de la femelle sont minces et presque droits.

La tête du forficule européen arbore deux antennes filiformes dont la longueur atteint environ la moitié de celle du corps. Les pièces buccales sont de type broyeur.

Son thorax porte trois paires de pattes grêles. Deux paires d'ailes plutôt discrètes y sont aussi attachées. Les ailes de la première paire sont habituellement jaunâtres, très courtes et épaisses. Elles recouvrent et protègent les ailes postérieures. Un peu plus longues et arrondies, celles-ci demeurent presque toujours repliées de façon complexe sous les élytres. Le forficule est capable de voler mais il le fait rarement.

CYCLE DE VIE

 

L'accouplement des forficules adultes a lieu principalement en juillet et août. En octobre, dès que les gelées nocturnes sont régulières, ils s'enfoncent dans le sol pour y passer l'hiver. Entre la mi-novembre et la mi-décembre, la femelle s'isole dans un terrier et pond en moyenne une cinquantaine d'œufs blancs, lisses et ovoïdes. Elle reste active durant l'hiver. À compter de la ponte, la femelle jeûne et prend soin de ses œufs tout au long de la période d'incubation, qui s'étale sur six mois environ au Québec.

L'éclosion des œufs a lieu dans le sol vers la mi-mai. Les larves mesurent alors 2 mm de long. Elles sont d'abord blanches puis deviennent grisâtres quelques heures plus tard. Leurs cerques sont fins et plutôt droits. Le forficule commun étant un insecte à métamorphose incomplète (hémimétabole), les jeunes ressemblent beaucoup à l'adulte. Généralement, la femelle continue de s'occuper de ses larves jusqu'à leur première mue, deux à trois semaines après leur naissance. Vers la fin de mai, les jeunes larves quittent le terrier, la nuit, pour aller se nourrir. Elles reviennent sous terre le jour venu. Après une courte période, elles ne retournent plus au terrier et cherchent d'autres abris sombres où elles se réfugient par dizaines dans la journée. C'est à partir de ce moment que les forficules nous paraissent si nombreux.

 

Le forficule subit quatre mues avant d'atteindre le stade adulte. Au Québec, les premiers adultes apparaissent généralement en juillet et demeurent actifs jusqu'en octobre.

La plupart des mâles adultes meurent au cours de l'hiver alors que les femelles survivent jusqu'en juin. Le forficule commun produit une seule génération par année au Québec.

HABITAT

Cet insecte vit dans les lieux bien abrités. On le trouve par exemple dans les fentes des murs, des clôtures et des roches, sous les pierres, dans les crevasses des écorces et dans les cadrages de fenêtres. Son corps aplati et très flexible lui permet de se cacher dans toutes sortes de recoins durant la journée. Il sort la nuit pour se nourrir, grimpant alors sur les arbres et les autres végétaux. Il arrive parfois qu'on le trouve à l'intérieur des maisons, mais l'insecte ne peut pas s'y reproduire car il ne survit pas à l'hiver dans nos habitations.

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE

Originaire d'Europe, cet insecte a été introduit accidentellement en Amérique du Nord. On rapporte sa présence pour la première fois en 1907 à Seattle, dans l'État de Washington. Au Canada, il est maintenant bien établi dans toutes les provinces, excepté en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Il est très répandu dans l'Ouest canadien ainsi que dans le sud de l'Ontario et du Québec. Dans notre province, sa présence a été signalée pour la première fois à Westmount, en 1945. On l'a ensuite repéré à Montréal en 1959. Depuis, son aire de distribution au Québec n'a cessé de s'étendre. Il est devenu abondant à la fin des années 70. D'abord limité aux régions de Montréal et de Québec, le forficule commun vit aujourd'hui dans tout le sud de la province, atteignant même le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Aux États-Unis, on le trouve jusqu'en Caroline du Nord, en Arizona et en Californie. L'insecte est aujourd'hui cosmopolite dans toutes les régions du globe où la température est relativement fraîche. L'espèce serait indigène en Europe, dans l'ouest de l'Asie et possiblement en Afrique du Nord

ALIMENTATION

Cet insecte nocturne quitte son abri après la tombée du jour pour se nourrir. Omnivore, il mange des petits insectes et diverses parties de plantes, ainsi que de la matière végétale et animale. Dans les jardins, son menu comprend entre autres des jeunes pousses, des fruits, des légumes et des fleurs.

RÔLES ÉCOLOGIQUES

Malgré les désagréments qu'il cause lorsqu'il devient trop abondant, le forficule commun peut être considéré comme un insecte bénéfique. Par exemple, il contribue à la pollinisation des fleurs. Il se nourrit aussi d'acariens, d'œufs de divers insectes, d'œufs de limaces et de petits insectes considérés comme nuisibles, en particulier des pucerons. Des études ont d'ailleurs démontré que le forficule, dans certaines conditions, peut réduire les populations de pucerons sur les pommiers. Cet insecte sert aussi de nourriture à divers carabes (des coléoptères), à des araignées, des centipèdes, des oiseaux et de petits mammifères insectivores

COMPORTEMENTS PARTICULIERS

Lorsqu'ils sont très nombreux, les forficules peuvent causer des dégâts dans les jardins. Au printemps, ces dommages prennent souvent la forme de jeunes pousses grignotées (par exemple chez la rhubarbe), ainsi que de trous dans les feuilles. Plus tard en saison, on peut voir des dégâts sur les pétales de fleurs (souvent sur les dahlias) et, plus tard encore, des morsures dans les fruits (voir plus loin : Méthodes de contrôle). L'insecte peut aussi transporter des virus qui s'attaquent aux plantes. Les populations de forficules sont particulièrement importantes dans les nouveaux endroits colonisés par cette espèce. Après avoir atteint de hauts niveaux, ces populations déclinent naturellement, comme ce fut le cas à Vancouver et en Ontario, dans la péninsule du Niagara, où le forficule commun n'est plus considéré comme nuisible.

 

La rencontre sexuelle entre un mâle et une femelle débute par un contact des antennes. Suit une série de mouvements du mâle autour de la femelle immobile. Il utilise ses cerques pour tapoter diverses parties du corps de sa partenaire, en particulier son abdomen. La copulation a lieu lorsque les deux insectes se retrouvent cerques contre cerques, la femelle écartant légèrement les siens pour que le mâle puisse introduire son pénis. Les cerques jouent un rôle important dans l'accouplement du forficule commun, puisqu'il a été démontré expérimentalement que la copulation est presque impossible si le mâle a perdu ces appendices.

 

Les soins méticuleux apportés par la femelle forficule aux œufs et aux jeunes font figure d'exception chez des insectes qui ne sont pas sociaux. Les entomologistes considèrent ces comportements de protection active de la descendance comme la marque d'un début de vie sociale.

Les soins donnés aux œufs consistent au « léchage », ou nettoyage, qui se pratique à l'aide des pièces buccales de la femelle. Cette opération sert à débarrasser la surface des œufs des spores de champignons. Sans cette précaution, les spores se développent rapidement et les œufs moisissent. Une autre tâche de la mère consiste à rassembler les oeufs en un tas unique, si la ponte est dérangée par exemple. Enfin, la femelle peut aussi déplacer ses œufs pour leur offrir de meilleures conditions de température et d'humidité, ou lorsque le site de ponte est endommagé. La mère peut aussi s'occuper de ses larves, en les nourrissant et en les défendant contre les prédateurs durant leurs premières semaines de vie.

 

Lorsque le forficule commun se sent menacé, il arque son abdomen pour ramener ses cerques au-dessus de sa tête. Il agit ainsi pour impressionner ses ennemis. Il peut aussi émettre une odeur dissuasive en sécrétant un liquide nauséabond. Celui-ci est produit par une paire de glandes répugnatoires situées sur l'abdomen de l'insecte.

MÉTHODES DE CONTRÔLE

Le forficule est un insecte qui peut être considéré comme utile dans un jardin lorsqu'il ne s'y trouve pas en trop grand nombre. On cherchera donc plutôt à diminuer les populations qu'à les éliminer. Et avant de penser à leur contrôle, il est important de vérifier si les perce-oreilles sont réellement la cause des dommages. Ces insectes étant nocturnes, assurez-vous de la nature de leurs activités dans votre jardin, la nuit, à l'aide d'une lampe de poche. Les dégâts causés par les forficules ressemblent souvent à ceux produits par les limaces. Prenez la peine de vérifier la présence de traînées visqueuses, signe du passage de ces mollusques.

Il existe plusieurs moyens de lutte simples et écologiques contre les forficules. En voici quelques-uns :

- commencer votre potager le plus tôt possible afin de prendre de l'avance sur les insectes ;

- mettre dans le jardin un paillis de compost afin de créer en surface un sol complexe où se développeront divers organismes dont les perce-oreilles peuvent se nourrir ;

- débarrasser les abords de votre domicile des feuilles mortes, des tas de bois et des débris ;

- fabriquer des pièges à perce-oreilles et les disposer dans les endroits où les insectes sont abondants :

  • tube de carton ondulé ou de papier journal enroulé
  • planches de bois rainurées attachées ensemble
  • bouts de vieux tuyau d'arrosage réunis en paquets
  • pot à fleurs bourré de mousse de sphaigne ou de papier journal, attaché à un tronc d'arbre ou empalé sur un piquet, tête en bas
  • boîte de conserve de thon (ou d'un autre poisson) vide, mais contenant un peu de son huile ou des bouts de pain, enfoncée dans le sol jusqu'au rebord

- faire la tournée des pièges le matin et noyer les insectes dans un contenant d'eau savonneuse (le savon permet à l'eau de pénétrer dans les petites ouvertures respiratoires des insectes, qui périssent par asphyxie) ;

- mettre de la terre de diatomées dans les fissures et les fentes, autour des tas de bois et aux abords de la maison (ce produit perdant ses propriétés lorsqu'il est mouillé, il faut l'appliquer de nouveau après une pluie) ;

- arroser les perce-oreilles avec du savon liquide dilué ;

- secouer les objets que vous transportez du jardin à la maison afin d'éviter d'introduire des insectes chez vous ;

- sceller les fissures de la maison ainsi que les cadres de portes et de fenêtres, et installer des moustiquaires dans les bouches d'aération.

CROYANCES POPULAIRES

Le perce-oreille doit probablement son nom à une vieille croyance européenne qui s'est largement répandue avec l'insecte lui-même. Selon cette croyance, le forficule pourrait s'introduire dans l'oreille et en ronger le tympan. La légende trouve probablement sa source dans le comportement de ces insectes, qui cherchent souvent de petites cavités obscures où se cacher. L'un d'eux a peut-être pu, autrefois, se réfugier exceptionnellement dans l'oreille de quelqu'un qui s'était endormi par terre.

QUESTIONS FRÉQUEMMENT POSÉES

Les forficules sont-ils dangereux pour les humains ?

L'impressionnante paire de cerques de ces insectes peut susciter une certaine crainte, mais ces appendices ne sont pas destinés à nous attaquer. Toutefois, les mâles peuvent pincer fortement lorsqu'on les manipule. Habituellement, les forficules utilisent leurs cerques pour attaquer leurs proies, pour effrayer leurs ennemis et pour se défendre. Ces appendices jouent aussi un rôle important au cours de la parade nuptiale et lors de l'accouplement des perce-oreilles.

Y a-t-il davantage de forficules cette année ?

Il est à peu près impossible de répondre à cette question. Pour ce faire, il aurait fallu que des chercheurs suivent l'évolution des populations de perce-oreilles d'année en année dans les différentes régions du Québec. Certains insectes ravageurs importants, comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette, ont mérité une telle attention, mais ce n'est pas le cas d'un insecte causant aussi peu de dommages que le forficule commun.

Existe-t-il un prédateur naturel que je pourrais introduire dans mon jardin pour contrôler les forficules ?

Pas vraiment ! Par contre, des prédateurs du forficule commun se retrouvent naturellement dans l'environnement de l'insecte. Il s'agit en particulier d'une mouche parasitoïde : Bigonicheta spinipennis. Cet insecte originaire d'Europe s'est largement répandu après avoir été introduit au Canada pour tenter un contrôle biologique des populations de perce-oreilles

FAITS INTÉRESSANTS ET CURIOSITÉS

À Sandspit, sur l'une des îles-de-la-Reine-Charlotte (Colombie-Britannique), des spectateurs privilégiés ont pu assister à des courses de perce-oreilles. Des paris étaient organisés pour donner plus de piquant à cet événement annuel. La compétition existait toujours en 1970, mais nous ignorons si la tradition a passé le cap du troisième millénaire… Il est à noter que l'espèce en vedette n'était probablement pas Forficula auricularia

Fait par Érick le 5 décembre 2002

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Mis à jour le 10 décembre, 2002

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