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mariage et bouddhisme

question 82




Sur la contradiction entre lamas réincarnés et la dénégation de la réincarnation dans le bouddhisme

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Réponse :
Sur la contradiction entre lamas réincarnés et la dénégation de la réincarnation dans le bouddhisme.

Oui, ce que vous avez exprimé correspond parfaitement à la vision du bouddhisme. Il y a dissolution des éléments associés après la mort.

Pour la question que vous posez, vous faites référence au bouddhisme tibétain. Les Tibétains considèrent que certains lamas peuvent par la force de leur concentration passer "d'une vie dans une autre". Je vous rappelle que je ne suis pas spécialiste du bouddhisme tibétains et du Tibet.

Il est intéressant d'observer que de toutes les nations bouddhistes, les Tibétains apparaissent comme ceux qui ont cultivé de tout temps ces conceptions sur la réincarnation. Ils sont également les seuls à avoir consacré à ce sujet une littérature abondante connue sous le nom de Bardo Thös Tol (improprement traduit par Livre des Morts).

Il est vrai que le bouddhisme tibétain intègre des éléments du bouddhisme du Grand Véhicule de l'école du Nord de l'Inde, des éléments du Tantrisme, des éléments du Tao et des éléments d'une forme d'animisme reprenant des croyances plus anciennes et qui a son tour a été réinvestit par le bouddhisme.

Par ailleurs, certaines interprétations d'autres cultures sont moins connues mais peuvent aussi agréger des éléments des croyances anciennes au sujet de la réincarnation.

Cette interprétation portant notamment sur les tulkous, est contestée par un certain nombre d'écoles du bouddhisme tibétain en Europe et en particulier en France. Aujourd'hui, dans nos pays, les lamas d'origine locale n'acceptent pas forcément, ce mécanisme des lamas incarnés, d'autant que cette notion n'appartient pas au bouddhisme.

On remarque aussi, d'une manière plus sensible aujourd'hui, une tendance à combattre cette idée même.

Pour ma part, je ne partage pas cette hostilité à l'encontre de la réincarnation. Je la considère au contraire comme une superbe invention humaine face à la triste réalité de la mort et une observation pertinente et bienveillante des cycles fondamentaux de la nature. Elle traduit une volonté d'adhésion et d'harmonie avec les lois de la nature. Je trouve sa perspective positive et optimiste. Elle a suscité des œuvres littéraires d'une grande beauté et remarquablement poétiques. Elle a poussé certains auteurs à de formidables fresques au merveilleux et à l'imaginaire débordants (je pense aux Jataka et dans les nombreux exemples d'art bouddhique, aux fameuses fresques de Borobudur, par exemple).

Au-delà, dans son fonctionnement et notamment pour ce qui concerne certaines institutions bouddhistes tibétaines, si vous êtes une lectrice d'Alexandra David-Neel, vous avez pu constater que cette croyance avait pu conduire les représentants de certains monastères à mettre à leur tête des individus parfaitement inaptes à leurs fonctions.

Les bouddhistes ne croient pas en la réincarnation. Pour eux, il y a désagrégations des éléments constitutifs d'une personne. Ces éléments peuvent s'assembler ensuite suivant d'autres combinaisons. Les bouddhistes estiment toutefois que l'attachement forcené à l'ego et au soi), la soif d'être et d'exister peut fournir une dynamique tellement puissante que l'agrégat de la conscience s'attache alors à une nouvelle vie.

Dans sa traduction à plusieurs textes des Bardo Thös Tol, Alexandra David-Neel reprend les commentaires qu'elle n'a pas cessé de faire sur ce sujet tout au long de ses différents écrits. Elle note en tout premier lieu : « Bien que l'article fondamental de la Doctrine bouddhiste consiste en une dénégation formelle de l'existence d'un ego soit dans les individus, soit dans n'importe quel être ou quelle chose, seuls, parmi les bouddhistes, une minorité d'intellectuels adhèrent strictement à cet enseignement originel. La grande masse des autres ont rabaissé au niveau d'une religion populaire, une doctrine destinée à demeurer du domaine philosophique et ont retenu, sous une forme ou sous une autre, la croyance en une entité persistante qui habite le corps matériel de l'individu et s'en échappe, à sa mort, pour continuer sa vie propre, en se réincarnant ou d'une autre manière ». Alexandra David-Neel, dans Textes Tibétains inédits, Editions Pygmalion – Gérard Watelet, ISBN 2-85704 – 013 – X, 1977.

Je me limite à cette première phrase, mais l'ensemble de l'introduction est intéressant à lire.

On peut dire qu'il s'agit d'une croyance, sachant que la croyance en la réincarnation reste très forte dans toute l'Asie, et particulièrement en Asie bouddhiste, qui est le seul courant à ne pas l'avoir combattu. Cette croyance est aussi la seule option culturellement offerte à toute une population pour laquelle la question existe. Cette croyance est la seule qui illustre une forme de liaison entre le passé, le présent et le futur. Quand on écoute ou lit les témoignages sur la réincarnation, il me paraît vain de les nier ou de les discuter. Dans son incroyable ouvrage "Le moine rebelle", et pourtant tristement réel sur les exactions des chinois au Tibet, le bikkhu Tenzin Kunchap relate une conversation avec le lama Alak, que se passe-t-il pour un mort normal lui demande t-il ? le lama répond : "Tenzin, notre croyance est que, lorsque la respiration a cessé, la mort au sens tantrique n'est pas réalisée. A ce stade, celui qui reconnaît l'esprit - össel - de la claire lumière se trouve libéré de son état d'être du samsara. Pour les autres, commence un long processus vers la renaissance. ..." (l'ensemble du texte est passionnant sur ce sujet) Cf. Tenzin Kunchap et Patrick Amory, Le moine rebelle. Carnets de lutte de ma vie au Tibet, Editions du Plon - 2000 - ISBN : 2- 259-18798-6, pages 214 et suivantes.

J'espère avoir répondu à cette question sur la place de la mort dans la pensée bouddhiste.

Vous pouvez également consulter la réponse à la question 25, Quelle est la différence entre le theravâda et le bön ? et éventuellement la question 52, Sur le karma et la réincarnation








Texte complet de la question

Je comprends les choses de la façon suivante: nous serions chacun une vague éphémère de l'immense océan de la vie, tout comme l'arbre ou la mouche. Il n'y a pas de notion d'âme ou de continuité entre les vies puisqu'une fois mort, la vague que nous étions va se mélange au reste de l'océan. Si ce que j'exprime est juste, comment comprendre qu'un Lama puisse affirmer qu'avant il était un autre Lama ?

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Cette page a été créée le 3 mars 2004.


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