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solitude dans le bouddhisme

question 10




Quelle différence y a-t-il entre un cheminement solitaire et un cheminement accompagné ? Qu'est-ce qu'implique ce choix ?

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Réponse :

Votre question est intéressante car elle interroge sur la nature même du mouvement bouddhiste, dont bon nombre d'occidentaux ont du mal à rendre compte. Le bouddhisme comprend plusieurs dimensions entremêlées : philosophique, sociale, rituelle … Chacune de ces dimensions n'est pas nécessairement exclusive des autres, et certains auteurs récents ont raison d'insister sur le caractère indissociable des tous les aspects du bouddhisme. Toutefois, la capacité du bouddhisme c'est aussi de permettre toutes les sortes d'intégration que ce soit au travers d'une vision plus philosophique ou plus rituelle ou autre. De la même manière dans tous les pays qui ne connaissent qu'une seule forme principale de bouddhisme (les pays theravâdins, les pays du vajrayâna ou les pays du hinâyâna), on trouve de nombreuses formes différentes de pratique du bouddhisme. En outre, le bouddhisme a réussi à se développer (et à se démultiplier) suivant différentes nuances sans éliminer les autres formes de spiritualité qui préexistaient avant son arrivée. Il n'est pour s'en convaincre que de voir à la fois le grand nombre d'écoles différentes du bouddhisme tibétain et la persistance de cultes anciens qui prévalaient jusqu'à l'introduction du bouddhisme au Tibet. Cette capacité à développer des modalités différentes à l'intérieur d'un même corpus de concepts et de s'adapter sans les brutaliser aux croyances en place, montre la grande plasticité du bouddhisme. Ainsi pour tenter une réponse à votre question, dans le bouddhisme, il n'apparaît pas de grande différence de fond entre un cheminement solitaire et un cheminement accompagné car comme vous le voyez, toutes les options sont possibles.

Cette souplesse et cette connivence avec les cultures locales (même si elle ne s'est pas systématiquement passée sans conflit ni sans difficulté) se rencontrent dans tous les pays d'Asie et a permis au bouddhisme de s'installer durablement. Cette attitude a pu aussi lui être fatale. En Inde du Nord, en Asie centrale, en Afghanistan, de même qu'au cours de certaines périodes de l'histoire de la Chine ou du Japon, le bouddhisme a disparu ou a été durement combattu (il l'est encore aujourd'hui avec une rare violence au Tibet même).

Je pense, qu'il faut relativiser l'amplitude de votre question, car une démarche entièrement solitaire ne paraît pas très réaliste en dehors de tout contexte philosophique et intellectuel. En effet, la liberté de la démarche, la liberté du débat philosophique dans le cas du bouddhisme ne peuvent pas s'envisager en dehors du contexte indien (ou asiatique, bien qu'il paraisse plus restreint). De tous temps l'environnement culturel indien a permis le développement de démarches spirituelles strictement individuelles à l'intérieur de courants particuliers ou bien en dehors de tout courant. Dans l'Inde, jusqu'à aujourd'hui, de nombreuses personnes à tous les âges abandonnent tout pour parcourir le pays dans le dénuement le plus complet et en sollicitant leur nourriture des dons des populations pour se livrer à leur quête spirituelle. Ceux qui choisissent cette voie peuvent suivre l'enseignement de maîtres réputés ou se livrer à des recherches solitaires. Ces choix sont parfaitement courants et ne surprennent personne. Cette démarche fut également celle du bouddha historique qui décida de quitter en secret son palais familial et de devenir un bonze errant. Cette réalité est tellement vraie que du temps du bouddha historique d'autres éminents sanyasin se sont distingués par l'originalité ou le caratère novateur de leur doctrine. C'est le cas notamment de Jaïna dont le mouvement intéresse des millions d'indiens adeptes du jaïnisme. Dans la période contemporaine, Sri Arobindo a également créé dans le sud de l'Inde une école où est enseignée et mise en application sa doctrine.

Dans tous les pays bouddhistes ces démarches sont possibles aujourd'hui, même si elles apparaissent comme un peu plus encadrées par les structures bouddhistes officielles.

Je ne sais pas si une démarche individuelle est possible ici, en Europe, tant le contexte me paraît difficile voire hostile. En Asie, il me semble qu'il n'est pas véritablement concevable de parler d'une démarche accompagnée, même si les dimensions collectives et sociales paraissent indissociables des modes d'enseignement et même si rien n'est plus étranger à l'Asie que l'individualisme et l 'égocentrisme. Je dirai que les structures de la connaissance et de l'enseignement sont généralement collectives mais que la progression demeure strictement individuelle. Il est toutefois possible de disposer à l'intérieur de temples, de lieux où une démarche solitaire peu être poursuivie. En Asie, pour un étranger, un accompagnement peut être souhaitable car les différences culturelles sont importantes. En outre, le contenu philosophique nécessite d'être découvert ce qui peut paraître plus facile avec un accompagnement (mais pas indispensable).

J'espère avoir répondu à cette nouvelle question.


Texte complet de la question
Si le bouddha historique a reconnu la possibilité d'un cheminement dépourvu de méthode et de guru, a-t-on (lui ou un autre) tenté de cerner ce chemin d'une manière plus globale ?

Fondamentalement, quelle différence y a-t-il entre un cheminement solitaire et un cheminement accompagné. Qu'est-ce qu'implique ce choix ?

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