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transmigration dans le bouddhisme

question 39




Qu'est-ce que la réincarnation ?

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Réponse :

Vous introduisiez votre question sur le samsâra par cette question sur la réincarnation. J'ai préféré répondre d'abord à la question sur le samsâra en la dissociant complètement de cette notion de réincarnation et sans les lier l'une à l'autre. Pour moi, ce lien qui peut exister, peut aussi ne pas être nécessairement fait entre ces deux notions. J'espère que ce simple exposé vous permettra de bien saisir la distinction dont il est question. Il faut veiller à ne pas opérer de glissement, car chacune de ces notions a une définition bien précise et ne doit pas nécessairement être déduite l'une de l'autre, en tout cas si on se réfère à l'esprit de textes.

Pour ma part, je ne me pose aucune question sur cette idée de réincarnation. Elle appartient au monde de l'Inde et de l'Extrême-Orient. Elle est, il est vrai, séduisante et touchante à bien des égards. Si j'en juge par ce qu'on m'en dit de temps à autre, je crois que la plupart de mes amis orientaux ne se soucient guère de leur incarnation précédente et de leur incarnation future. Moi non plus.

Votre question sur la réincarnation est néanmoins intéressante, car elle est récurrente.

La réincarnation dans son imagerie la plus populaire et qui est probablement à l'origine d'une part très importante de l'intérêt que portent les Européens au bouddhisme, va de pair avec l'idée que le sujet passerait d'une vie dans l'autre, et presque d'un corps dans l'autre, sans modification radicale.

Très honnêtement, il est difficile de trouver une telle notion, exposée en ces termes, dans le bouddhisme tel qu'il est présenté dans les textes.

En tant que telle, cette notion de réincarnation n'apporte pas grand chose à la philosophie bouddhique, puisque ce qui compte dans le bouddhisme, c'est la présente vie et non les vies passées ou les vies futures.

Pour répondre à des questions diffuses et parfois un peu extravagantes de certains interlocuteurs, je m'étais décidé, il y a quelque temps, à rédiger une brève note sur le sujet en faisant référence à un auteur qualifié, à savoir Alexandra David-Néel. Elle dit en deux mots : cette notion n'appartient pas au bouddhisme (Cf. "Sur la réincarnation").

Ce qui existe, ce qui a toujours existé, c'est la croyance populaire en la réincarnation qui appartient fortement au continent indien, au monde indien et aujourd'hui au monde asiatique. Cette croyance est indépendante de toute idée philosophique, elle constitue simplement un arrière plan culturel, un fond mythique très profondément ancré, indissociable de toute expression quel quelle soit et dans lequel le bouddhisme baigne. De même, le bouddhisme parle aussi des dieux hindous (comme Brahma, ou Shiva et ce d'une façon plus ou moins importante selon les pays), de leur véhicule (comme Garuda pour Vishnu ou Nandin pour Shiva), ainsi que de certains avatars (comme Ganesha et Indra) et les intègrent dans sa mythologie afin de démontrer que les dieux eux-mêmes sont sujets aux renaissances multiples et à dukkha.

Cette croyance est aussi fortement ancrée dans la structure politico-symbolique de certains pays où le roi est présenté comme une émanation (autre mot pour réincarnation) d'un éminent personnage ou d'un dieu. Le roi du Népal passe pour être une réincarnation du dieu Vishnu, les rois de Thaïlande sont dénommés Rama qui est une incarnation de Vishnu, ils sont révérés comme des intercesseurs auprès du dieu Indra, le dalaï lama passe pour être la réincarnation d'Avalokitesvara. Ces croyances sont extrêmement vivaces et sont développées au sujet d'une majeure partie des personnages les plus importants de la noblesse ou de la société.

Que ce soit en Inde ou en Asie, au temps du bouddha historique ou à présent, cette croyance a été aussi à l'origine de nombreuses méprises et superstitions. Encore aujourd'hui, beaucoup pensent uniquement à leur prochaine incarnation et aux dévotions à accomplir pour assurer une meilleure incarnation (voir la mention sur le bouddhisme karmique). Le bouddhisme a tenté de rétablir une logique raisonnable dans ce principe de réincarnation insistant sur le fait que l'homme est le seul en mesure d'assurer par ses actes, par sa maîtrise du complexe percepto-sensoriel, des suites et des conséquences positives dans l'enchaînement des "renaissances " (ici au sens de retour à un état de non-connaissance, de non-maîtrise), voire d'abolir toute renaissance.

Le bouddhisme a voulu ici effacer cette part de mythe irrationnel, cette part de croyance aveugle et ne retenir que le mécanisme de répétition, de réitération du même. C'est le pourquoi de cette notion de samsâra.

Il est à noter que cette croyance a également existé dans d'autres civilisations aussi bien en Afrique qu'en Amérique du Nord et du Sud ou qu'en Europe dans des temps anciens, mais elle est aujourd'hui oubliée dans ces régions.

Bien que l'on puisse considérer qu'il n'y a pas dans les textes bouddhiques (je parle dans le bouddhisme theravâda) de théories spécifiques sur la réincarnation, il est difficile de soustraire cette notion de la culture des pays bouddhistes, tant elle est associée et colle parfaitement avec de nombreuses conceptions bouddhistes. La notion de karma permet d'exposer comment les effets d'actes réalisés peuvent s'exercer indéfiniment. La notion de réincarnation implique que la mort par exemple n'est pas une limite à l'effet de ces conséquences. La notion de samsâra se satisfait très bien également de l'idée de réincarnation, car elle implique directement le cycle de renaissances. Naturellement, la théorie bouddhique évoque plutôt l'idée de renaissances à certaines manières d'être, l'idée de l'émergence ou de l'irruption de certains types de comportements, parfois indésirables, à l'intérieur même d'une vie, plutôt que de renaissances à la vie après la mort.

Ces observations doivent être modulées car le bouddhisme du grand véhicule, mais surtout le bouddhiste tibétain fait référence à une relation beaucoup étroite entre réincarnation et conceptions philosophiques bouddhistes. Par exemple, il est d'usage de rechercher (en la personne de jeunes enfants) les réincarnations des personnages éminents du bouddhisme tibétain après leur décès. Alexandra David Néel raconte d'ailleurs des histoires amusantes à ce sujet, où il arrive parfois que l'enfant désigné comme Tulkou s'avère être un bien piètre maître, ou encore la réincarnation de tel ou tel maître disparu est tellement difficile à trouver que la charge reste vacante pendant de très longues années.

Enfin, la réincarnation est non seulement une idée très ancienne, cultivée surtout par des civilisations agraires à l'observation des cycles de la nature, mais c'est aussi une très belle idée en dehors de ces implications philosophiques réelles, supposées ou fantasmées. C'est une très belle idée, car elle implique que la vie commence avant la naissance et finit après la mort. C'est une belle idée, car elle suppose justement qu'il n'y a pas de fin, ni de commencement. C'est une belle idée, car elle réduit à néant la frayeur de la mort à laquelle ceux qui ne croient pas en la réincarnation sont exposés parfois d'une manière très violente. C'est une belle idée, car la vie est rebranchée sur la vie, que les éléments marquants d'une vie ne sont perçus que comme des étapes, que la vie débouche sur la vie. Cette belle idée, cette idée où la vie, la vie seule, triomphe de la mort, a été abondamment illustrée dans la culture indienne et dans tout l'orient. Et puisque que vous vous intéressez au bouddhisme, elle a été illustrée, très longtemps après l'époque du bouddha historique, pour évoquer les vies antérieures du bouddha, dans un ensemble de textes magnifiques aux accents poétiques émouvants. Il s'agit de presque 500 contes, qu'on appelle les Jataka et dont de nombreux tableaux se trouvent aussi bien en Inde qu'en Thaïlande ou en Indonésie. (J'en donnerai quelques exemples prochainement dans les pages consacrées à Borobudur).

J'espère avoir répondu à votre question.







Texte complet de la question

J'ai lu à plusieurs endroits que le bouddhisme croyait en la réincarnation alors que vous dites qu'elle n'existe pas vraiment. Est-ce-que le terme réincarnation que j'ai lu est erroné ou est-ce parce que la conception de ce terme est différente pour les orientaux et les occidentaux ? Ce terme, selon mon interprétation, implique qu'après la mort du corps il subsiste quelque chose (je ne sais trop quoi, un type d'énergie peut-être) et que ce qui subsiste se réassocie avec d'autres matières. Le terme réincarnation est le plus souvent associé au samsâra.

Voir aussi la suite de la question traité dans la réponse précédente.

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