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actes positifs et bouddhisme

question 43




Quelle importance d'accomplir des actes positifs ?

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Réponse :

Oui, bien sûr cette question est nettement plus complexe que votre question précédente. Je pourrai commencer cette réponse en tentant une démonstration par l'absurde et pour cela en utilisant la même terminologie … pourquoi faire le mal plutôt que le bien ?

Tout d'abord, et c'est là une donnée extrêmement importante, il faudrait sortir du manichéisme judéo-chrétien et théiste qui marque tant les langues européennes et les modes de pensée. Les notions de bien et mal ne sont pas très orientales et ne correspondent pas à grand chose en Asie. Pour le bouddhisme, cette conception du bien et du mal est certainement incompréhensible et purement dogmatique. Ce qui existe pour le bouddhisme, ce sont les actes utiles, propices, appropriés, justes, favorables, positifs et que l'on pourrait donc traduire par "bons". A l'inverse, il y a les actes inutiles, futiles, inappropiés, injustes, négatifs et que l'on pourrait donc transcrire par "mauvais". D'un côté, le bouddhisme va qualifier certaines actions qui nous paraissent anodines, comme inappropiées, parce que leurs conséquences seront néfastes pour le sujet. De l'autre côté, le bouddhisme négligera de s'immiscer dans des aspects plus intimes de la vie personnelle (comme la sexualité par exemple) parce que, en tant que tels, ces actes ne sont ni bons ni mauvais, mais n'engendrent pas des conséquences néfastes. Dans le bouddhisme, il n'y a pas de vision dogmatique de ce qui serait bien ou mal à priori, il n'y a pas de prédifinitions telles que "ceci est bien" et "cela est mal", il y a une approche analytique qui dit "si ceci doit avoir des conséquences négatives pour soi-même ou pour les autres, alors cette action ne doit pas être accomplie ", ou bien "si ceci doit avoir des conséquences positives pour soi-même ou pour les autres, alors cette action doit être accomplie".

Bien et mal, si vous lisez attentivement les textes et notamment les sutta, le bouddhisme n'utilise jamais ces termes. Quand on les trouve dans une traduction c'est que la traduction n'a pas prise en compte ce fait, que le bouddhisme n'adhère pas du tout à ces notions, qui sont des jugements de valeur et qui n'expliquent rien. Ces jugements de valeurs sont trompeurs, ils font entrer la réflexion dans une dimension à laquelle le bouddhisme ne s'intéresse pas. Le bouddhisme parle d'action juste, notamment dans l'octuple noble sentier. Alors pourquoi accomplir des actions justes, plutôt que d'autres actions ? La réponse est dans les quatre nobles vérités (à partir du Dhamma Cakkappavattana Sutta).

Pour le bouddhisme, il y a toujours une racine aux problèmes et aux conflits. Pour décrire le processus tel que le bouddhisme le perçoit, on peut démontrer l'enchaînement suivant : les pensées sarcastiques ou désobligeantes conduisent à la haine, les attitudes haineuses conduisent aux actes de violence et à l'agression, les actes de violence conduisent à la destruction. Ce processus qui peut être plus amplement détaillé, fonctionne également dans l'autre sens. Derrière un acte de destruction, il y a des actes de violence, derrière des actes de violence, il y a une attitude haineuse et derrière une attitude haineuse, il y a des pensées sarcastiques.

Dans toutes les cultures du monde, il semble qu'il y ait unanimité sur le fait que l'accomplissement d'actes positifs prime sur l'accomplissement d'actes négatifs. Vous avez compris que le bouddhisme n'était pas loin de qualifier comme acte ayant des conséquences néfastes pour le sujet, la croyance au moi et à l'ego qui est source, comme on le voit si souvent dans la vie quotidienne, de conflits, de problèmes et de souffrances. Les hindous qui ont étudié de manière approfondie les rapports entre étants mentaux et santé physique ont établi d'une manière qui paraît évidente, que le fait de se mettre en colère (etc. …), altérerait fortement la santé de la personne qui s'y adonnait.

Depuis toujours pour le bouddhisme, et plus récemment pour la science occidentale, il n'y a pas de mal intrinsèquement, il n'y a pas de mal dans la nature. Les savants que ce soit dans la nature, dans le monde animal … ont toujours montré que les actes accomplis l'étaient en réponse à une cause antérieure.

Dans le monde, seul l'homme est capable de produire des actions violentes ou de destruction parfaitement gratuites. De tels actes sont étrangers au monde végétal et animal.

Pour le bouddhisme les causes premières de ces conduites sont les suivantes, l'ignorance (ignorance des mécanismes réels à l'œuvre dans le système percepto-sensoriel à l'origine de perception, de nos sensations de nos émotions), l'attachement excessif au moi et à l'ego (attachement exclusif au soi, croyance à la toute puissance du moi, envie de domination …) et l'attentisme (paresse, attentisme devant les choses, inaction malgré les possibilités de modifier le cours des choses…). Dans le Sabbâsava Sutta, le bouddha historique expose ces obstacles et en montre les effets ainsi que les moyens de les surmontrer.

Enfin, pour bien en finir avec ce manichéisme et cette vision entre deux oppositions, il ne faut jamais oublier, la place très importante pour le bouddhisme de la notion de neutralité ou de "neutre". Le bouddhisme, qui n'est pas une philosophie manichéenne, accorde une place très importante à cette position intermédiaire, à cette place du milieu, à ce moyen terme entre les extrêmes. Sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, ne parle-t-on pas du bouddhisme comme de la voie du milieu.

Sur la notion de comptabilité, comme vous dite, je dirai tout d'abord qu'il n'y a pas de comptabilisation totale à un moment donné. Comment une telle chose pourrait-elle être possible ? Dans ce mécanisme de causes et d'effets, c'est le sujet qui est payé de retour immédiatement. Les effets sont immédiatement consécutifs aux causes, même s'il faut parfois un certain temps pour qu'ils s'accomplissent complètement. Sur le processus de loi de causes à effets ou de production conditionnée, le Kassapa Sutta donne une idée très précise.

Enfin, sur les différentes interrogations métaphysiques, que vous semblez vouloir vous poser, il existe différents sutta dans lesquels le bouddha historique apporte des réponses à des questions de cette nature. C'est notamment dans le Culamalunkya Sutta, que le bikkhu Malunkyaputta expose ces doutes et ces questions sous la forme d'une liste quasi exhaustive. Le bouddha apporte la réponse telle que le démarche bouddhique l'envisage.

J'espère avoir répondu à votre question.







Texte complet de la question

Quelle est l'importance de faire le bien plutôt que le mal, si la notion de moi et d'âme que l'on emporterait après la mort n'existe pas ? D'autre part, qui ou quel mécanisme comptabilise les actes (bons ou mauvais ?)

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