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bouddhisme et autres limites

question 34




Que pensez-vous de l'herbe ?

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Réponse :

Votre question est intéressante, malheureusement sa brièveté m'empêche de situer vos attentes par rapport à ce sujet.

Il y a certains mythes qui touchent tout ce qui vient de l'orient et qui renverraient à l'idée d'une conscience qui serait libérée et complètement débarrassée des contraintes sociales, culturelles, intellectuelles, des obligations quotidiennes, de ce que nous sommes en tant que produit d'une famille, d'une société, d'une culture, de modèles inculqués, d'interdits …

Par je ne sais quel amalgame, certains voient ou veulent voir une analogie entre des philosophies telles que le bouddhisme ou l'hindouisme et l'herbe. Cette analogie supposée n'a absolument pas lieu d'être.

Il se trouve que le bouddhisme est une démarche de libération de ces contraintes et des contraintes qu'on se donne soi même, notamment par la compréhension claire des mécanismes par lesquels on est amené à céder à ces contraintes, à les adopter, à les revendiquer … notamment par la compréhension profonde des fonctions percepto-sensorielles jusque dans leurs dimensions intellectuelles. Une telle compréhension n'est pas possible au moyen de l'absorption de ces différentes substances, parce que le sujet n'est plus alors au centre de ce qui se passe.

Concernant la nature de ce qui se passe au cours de cet usage, ce sont seulement les différents aspects de l'arrière plan psychologique et affectif du sujet qui sont très fortement sollicités par ces substances (c'est à dire tout ce qui relève de l'histoire personnelle du sujet). L'appareil perceptif, suit le mouvement, mais il n'est pas au centre des phénomènes qui se produisent alors. Et ce n'est pas non plus la substance qui génère un seul type de comportement. Chacun connaît les risques objectifs de cet usage notamment dans le cas de fragilité psychologique, qui n'est pas forcément décelée quand certains se mettent à fumer. Il est également connu, que ceux qui ont une certaine habitude de cet usage, parviennent à en maîtriser les effets négatifs et à tirer le meilleur profit qu'ils peuvent en faire pour eux-mêmes (d'une façon très individuelle, sans partage, et très éphémère). Mais, il n'y a là absolument rien sur quoi le bouddhisme puisse avoir quelque chose à dire et il n'y a là absolument rien de commun avec les visées du bouddhisme en tant qu'expérimentation sensorielle (au travers de la méditation) et en tant que philosophie.

Au delà de ces considérations, je n'en pense strictement rien de l'herbe.

Pour se placer sur un plan basique, je n'ai jamais trouvé que celles et ceux qui fumaient, faisaient preuve de plus d'acuité que les autres ou qu'ils arrivaient à faire partager aux autres une acuité au monde plus aboutie ou plus pertinente.

Au contraire, j'ai toujours été frappé par le caractère assez péremptoire dans lequel certains s'installent, dés lors qu'ils ont retiré pour eux-mêmes quelques désinibitions, qui touchent d'ailleurs plus le champ social que le champ perceptif. J'ai souvent remarqué que les conclusions auxquelles certains arrivaient n'étaient pas démontrables, ni "exportables ", ni transmissibles. Et qu'au contraire, elles ne pouvaient renvoyer qu'à l'intimité d'expérimentations qui sont loin d'être universelles.

J'ai également souvent perçu le caractère excessivement égocentré, souvent accompagné d'un mouvement franchement régressif, dans lequel les fumeurs habituels avaient une tendance quasi systématique à tomber.

Bien sûr, cette pratique est tellement généralisée aujourd'hui qu'elle constitue à elle seule un signe de reconnaissance et de ralliement dans bien des milieux et notamment dans tous les milieux de la création.

Sous le prétexte qu'il y a effectivement en Inde, par exemple, quelques sadhu qui fument leur pipe, on a voulu créer, et ce depuis les années 60, une sorte de convergence entre les philosophies extrême orientales et l'usage de l'herbe. Pour ce qui concerne le bouddhisme, il n'est absolument pas possible d'établir une telle convergence (comme d'ailleurs pour la plupart des philosophies de l'Inde). Par ailleurs, il est faux de croire que l'herbe est un auxiliaire à la méditation ou à la pratique du bouddhisme. Le bouddhisme n'encourage pas l'ingestion ou l'inhalation de substances susceptibles d'enivrer ou de modifier les états de conscience. Il ne s'agit pas là d'un interdit arbitraire et dogmatique, ce qui est en cause, c'est bien le caractère hasardeux, aléatoire et hors de contrôle de ces substances. Une expérimentation sensorielle (l'usage de l'herbe n'en est pas une puisqu'il y a une syncope entre tous les champs de représentation qu'ils soient oniriques, symboliques, psychologiques, émotionnels, sensoriels …), dans lequel le sujet n'occuperait pas la place centrale, par ses choix, ses orientations, ses expériences antérieures, n'a aucune valeur pour un bouddhiste.

Par ailleurs, on connaît et on a rapporté des expérimentions dans des sociétés traditionnelles ou des cultures plus anciennes de substance de ce type. L'exemple auquel on pense ici, est évidemment le reportage de Carlos Castaneda qui débute dans son ouvrage "l'herbe du diable et la petite fumée " et se poursuit sur toute son œuvre. Ce qui ressort, c'est que ces expérimentations ne sont jamais conduites seul, qu'elles se font pendant une durée très longue sous la conduite d'un instructeur aux compétences étendues, qu'elles se réalisent dans des circonstances bien précises et pour des raisons bien déterminées. Ce qui ressort aussi, c'est le caractère non philosophique de ces pratiques. Il s'agit d'autre chose, et dans le cas de l'exemple, il s'agit de la formation d'un sorcier/chaman. Il s'agit de choses qui sont également passionnantes, mais auxquelles le bouddhisme en tant que philosophie et en tant que pratique est étranger (même s'il existe des pratiques ésotériques dans le bouddhisme et auxquelles certaines écoles bouddhiques recourent, mais il s'agit là d'un autre sujet).

Enfin, pour conclure en tentant une comparaison, je puis vous dire que la méditation apporte beaucoup plus que l'herbe, qu'elle la surpasse en bien des points, sans effets secondaires. Mais il s'agit d'un autre engagement.

Vous pouvez consulter les deux pages consacrées à la méditation.

Le guide pour la méditation : http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/somrm.html

Vers la méditation : http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/medit.html


Vous pouvez également consulter la réponse à la question Existe-t-il une utilisation rituelle de substance enivrantes ? dont le thème complète parfaitement cette présente interrogation.


J'espère avoir répondu à votre question.








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Que pensez-vous de l'herbe ?

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