Commentaires et impressions de lectures

J.-F.DUFOUR  Le Bouddhisme

Note de lecture n° 24




BRAHIMI et Guyslaine GRISON,"Guide pratique du bouddhisme"

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Note 24

De prime abord ce livre apparaît comme intéressant, de par les informations qu'on y trouve, de par la présentation, qui article après article, aborde différentes thématiques relatives au bouddhisme suivant l'ordre alphabétique. Les données contenues sur les aspects historiques et sur la connaissance de tel ou tel fait ou de tel ou tel acteur du bouddhisme dans les différents pays où il s'est développé, apparaissent d'abord comme instructives. Pourtant, on peut reprocher une approche principalement historique, il y a peu de développements proprement philosophiques, hormis dans l'exposé de telle ou telle doctrine ou de telle ou telle interprétation déjà amplement connue. L'aspect conceptuel plus universel et certainement commun à tous les courants du bouddhisme est peu développé. On peut le regretter, surtout pour un ouvrage se présentant comme un instrument de compréhension.

C'est une autre critique : je ne comprends pas en quoi ce livre constituerai un guide du bouddhisme. Il ne conduit à l'adoption de conduites bouddhiques, ou ne contribue pas à l'élaboration d'un choix de se tourner particulièrement vers le bouddhisme. A la rigueur, on pourrait penser qu'il s'agit d'une guide permettant d'identifier avec clarté et rapidité les différents courants du bouddhisme et être plutôt un guide des bouddhismes.

En outre, la présentation de théories un peu ésotériques, qui, il faut bien le dire, caractérisent bon nombre des courants du Mahâyâna, me paraît assez difficile à comprendre et à intégrer sous cette forme, surtout quand les bases du bouddhisme n'ont pas été exposées préalablement. Je fais partie des gens que ces théories spéculatives n'ont jamais véritablement intéressé et je pense sincèrement que ces formes de bouddhisme prennent trop de distances avec les principes proposés par le bouddha historique. Je reconnais cependant, qu'il y a de très grands auteurs et de très grands textes dans le Mahâyâna, mais qui ne sont pas toujours, ni les plus connus, ni les plus diffusés.

Plus on relit certaines définitions, moins on est d'accord avec les terminologies utilisées, moins on adhère à un découpage conceptuel finalement très étroit et très fermé, moins on se reconnaît dans une tendance à l'ésotérisme, voire au mysticisme.

Par exemple, je suis surpris par l'usage répété du terme "croyants bouddhistes". Je sais bien que par bien des aspects, certaines pratiques peuvent renvoyer à ce type de relation entre les adeptes et certains lieux, certaines représentations du bouddha ou des bodhisattva, certaines manifestations, mais même dans ces cas là, je n'irai pas à qualifier ces bouddhistes de croyants. Ce n'est pas là le fondement de la relation des adeptes au bouddhisme. Non, ce n'est pas la croyance. Je suis surpris de voir cette notion distribuée à plusieurs reprises dans un guide, sans aucune mention, ni explication. Je dis, si on considère que le bouddhisme relève d'une quelconque manière de la croyance, c'est qu'on n'a rien compris au bouddhisme. Le bouddhisme, c'est la réflexion, l'évaluation personnelle, le choix, l'estimation de ce qui est propice ou néfaste, non pas d'une manière aveugle et arbitraire (comme le suppose évidemment cette notion de croyance), mais d'une manière réfléchie, empirique, en anticipant les effets, en analysant les causes et en considérant ses propres aspirations dans le cheminement bouddhique. Dans le même ordre d'idées, certaines réflexions paraissent particulièrement incongrues dans un ouvrage sur le bouddhisme. Il y a en outre, de nombreuses définitions et de nombreux concepts avec lesquels je suis loin d'être d'accord tels qu'ils sont présentés dans cet ouvrage. En outre, on sent bien que les conceptions du bouddhisme theravâda, ne sont pas suffisamment traitées dans cet ouvrage.

En particulier, l'article sur la méditation est d'une grande pauvreté, on n'y trouve mentionné ni le samatha, ni le vipassana (les deux grandes techniques de méditation). La notion de bhâvanâ n'est pas exposée. Le terme samadhi est exposé d'une façon qui n'en éclaire pas du tout son sens, sa mise en pratique, sa fonction, son apprentissage. On n'a pas plus de chance si on tente des explications par le zen. Le mot "zazen" est expliqué en une toute petite phrase.

Pour ma part, ces distorsions me paraissent si nombreuses que je trouve que cet ouvrage n'atteint pas son objectif, à savoir présenter le bouddhisme. Je ne suis pas sûr qu'on ressort de cette lecture en ayant une idée claire de ce qui fait la spécificité du bouddhisme.

On peut également regretter le caractère très japonisant des rubriques. Les rubriques renvoyant au bouddhisme japonais, à l'interprétation japonaise très particulière du bouddhisme, à des acteurs japonais du bouddhisme ou de la littérature sont très nombreuses. Je ne crois pas personnellement que la vision japonaise du bouddhisme, soit aussi fidèle des propositions du bouddha historique que ceux là veulent bien le dire. Quand on connaît bien le japon (comme c'est mon cas), on est effaré du nombre d'écoles, de sectes, de courants, de schismes, de temples, de maîtres … qui développent leur propre vision ou leur propre enseignement.

Je suis aussi, toujours assez surpris de la piètre place laissée au bouddhisme coréen. Il est vraisemblable que le Japon n'aurait pas eu tous ces contacts sans l'intermédiation de la Corée qui avait reçu le bouddhisme antérieurement. Je ne comprends pas que ces auteurs fassent le jeu de l'histoire revue et corrigée par les Japonais, qui ont toujours prétendu que la place de la Corée était négligeable dans leur propre histoire. Cette affirmation est erronée et la Corée a beaucoup inspiré le Japon à plus d'un titre.

En outre, je tiens à m'�tonner ici des larges parts consacrées à Nichiren (une demi-page dans la section "Japon" de l'introduction et plus de trois colonnes dans la section "N" de l'abécédaire, les mentions de ses rituels, sans compter les innombrables mentions de termes issus du sutra du lotus avec au total pas moins de 46 citations) me paraissent extrêmement gênantes. Il ne me paraît pas possible aujourd'hui, alors que plusieurs rapports parlementaires ont désigné les sectes mondiales issues de l'idéologie Nichiren, comme étant dangereuses (dont l'un a paru en 1996, soit la même année que la parution de cet ouvrage), qu'aucune mention de cet aspect évoqué ou qu'aucun renvoi sur ces rapports parlementaires ne soient faits dans ce type d'ouvrage adressé au grand public.

A lire, en ayant bien à l'esprit que le bouddhisme japonais n'est pas la forme la plus fidèle du bouddhisme et en se rappelant que les adeptes des sectes mondiales, héritières des idéologies Nichiren ont été déclarées comme dangereuses par des commissions d'enquêtes de plusieurs pays.

PS : Ceux qui veulent des informations sur les sectes et connaître notamment le classement du rapport parlementaire de 1996, issu de la commission d'enquête parlementaire, peuvent consulter le site : http://www.info-sectes.org .

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Références complètes de l'ouvrage

Richard BRAHIMI et Guyslaine GRISON Guide pratique du bouddhisme, Editions First, collection spiritualités, Paris, 1996, ISBN – 2-87691-311-9

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