1. Nous vivons
une période prodigieuse de notre histoire : en aucun temps nos
connaissances ne furent aussi avancées, nos libertés aussi respectées
et valorisées, notre dignité d'humain aussi promue par des droits
universels. Ces avancés et bien d'autres, loin d'être une particularité
culturelle, sont des conquêtes de l'esprit de liberté. C'est dans le
sang et les larmes qu'en Occident on les a conquises, le plus souvent
contre l'opposition farouche et fanatique des religions.
Nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes pour
autant. Les conquêtes se poursuivent et continuent à enrager leurs
adversaires. A ceux qui critiquent ces idéaux de l'intérieur, de la manière
dont ils se sont concrétisés (dans la démocratie marchande par
exemple), répondent ceux qui leur opposent une alternative radicale
(comme les intégrismes et les fondamentalismes) qui voudraient les voir
disparaître dans les déboires de l'histoire et ainsi accomplir leur
eschatologie apocalyptique. La liberté d'expression (autant pour les
opinions que pour les modes de vie) et l'esprit critique sont les
meilleurs armes contre les reconquêtes cléricales et leurs idéaux
despotiques et totalitaires.
2. La position
critique par excellence est l'athéisme. Il est moins une affirmation sur
le réel (il n'est ni une connaissance ni une croyance, mais une
incroyance) qu'une prise de position critique visant à combattre le
principal ennemi de nos valeurs, les religions. Partout où elles ont été
laissées sans contrepoids étatiques et philosophiques, les religions
(principalement monothéistes) ont limité indignement les libertés et
freiné honteusement les progrès scientifiques. Malgré leur appel à la
charité, on les voit radicaliser et justifier tous les conflits. Malgré
leur appel à la tolérance et au respect, elles oeuvrent à éradiquer la
pluralité des modes de vie par l'établissement d'un nouvel ordre moral
à l'ensemble de l'humanité où tout droit à la différence serait exclu
et contraire aux bonnes moeurs.
La critique athée va même plus loin que sa valeur d'émancipation.
On peut renier les dieux despotiques, sans rejeter l'absolutisme
qu'ils servent de référence. On peut abandonner le dogme, sans le dogmatisme.
On peut renoncer à l'essentielle discrimination religieuse où
infidèles, hérétiques, païens, athées... sont méprisés et rejetés,
sans pour autant renoncer à la logique discriminatoire tel le racisme,
l'homophobie ou le sexisme. Ainsi, même si tous ces maux
n'ont pas pour cause directe les religions instituées comme telles, la
critique de la religion reste le point d'ancrage des autres critiques en
étant une dénonciation radicale de la racine religieuse commune à
toutes ces souffrances inutiles que les hommes s'infligent à eux-même.
3. Il est
obvie que l'attitude religieuse tire sa force de l'ignorance et de la
peur. Plus nous connaissons notre monde, plus la nature s'explique par
elle même sans intervention de dieux ou d'entités spirituelles. L'idée
d'une autonomie de la nature, de la société et de l'individu naît
spontanément du développement historique de notre savoir, du moins pour
ceux que la connaissance réelle est plus importante que le soulagement
virtuel de leurs craintes par des espoirs transcendants. Encore une fois,
cette prise de position matérialiste est moins une description du réel
qu'un postulat critique visant à dégager l'effort scientifique des entités
spirituelles invérifiables et à combattre sur le plan philosophique
toutes les doctrines qui cherchent en un ailleurs les normes sur
lesquelles la nature, la société et nos actions n'auraient d'autre choix
que de se soumettre ou périr, reproduisant ainsi la vieille logique
despotique de la soumission aux dieux.
4. Malgré
toutes les merveilles de la modernité, des sciences ou de la liberté,
les gens nous paraissent toujours aussi malheureux. Peut-être parce que
nous avons oublié ce que c'était que de vivre sous l'oppression cléricale.
De toute façon, toutes ces conquêtes, toutes ces connaissances et tous
ces combats, pour sociaux et collectifs qu'ils soient, n'enlèveront en
rien au fait que nous sommes seul à vivre notre vie, personne d'autre ne
la vivra à notre place. Et cette vie est la seule que nous ayons. Autant
en profiter pour bien la vivre, ici et maintenant. Carpe diem, mets
à profit le jour présent, nous enseignait l'épicurien Horace. Le
plaisir est notre souverain bien. L'amitié, la discussion libre et la
joie de vivre sont nos plus grands plaisirs. Avec nos ancêtres stoïciens,
ayons la sérénité d'accepter ce qui ne dépend pas de nous et le
courage d'améliorer ce qui en dépend. Et avec Épicure notre maître à
tous, enfin débarrassés de nos craintes et de nos espoirs superstitieux,
apprenons à vivre par nous même et selon nos propres normes...
Si nous ne savons être heureux dans la lucidité et la
vérité, alors nous sommes condamné à l'illusion à perpétuité. Le
fabuleux projet du Siècle des Lumières d'une émancipation universelle
par la raison et la connaissance connaîtra ainsi son ultime échec au
sein même de son plus grand triomphe...
De toute façon, au commencement comme à la fin de tout ce tapage de la vie, de toutes ces
luttes pour l'existence, il y a la paix et le silence... Alpha et Oméga,
Commencement et Fin... le silence... La vie, fine efflorescence fragile et
précieuse, solitude parmi les flots de l'universel devenir, entourée de
silence et d'oublie... la vie, notre vie, est cette voix dans le désert
qui trop souvent confond la majesté de son écho pour un écho de
Majesté...
5. Ce site se
veut la promotion d'un athéisme critique qui s'exprime en combat
philosophique, qui s'approfondit en matérialisme naturaliste et qui
exulte en sagesse et en joie de vivre. Même sans les dieux, et surtout
sans eux, nous pouvons être heureux et vivre en paix, dans la joie et
l'amour... sans qu'aucuns dieux ne viennent semer la discorde entre les
hommes...
Juillet 2001 |