Arguments personnels en faveur de
l'athéisme
1. Un Sens insensé
Un banal et non moins tragique accident d'automobile a bouleversé la vie
d'un de mes meilleurs amis. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? J'espère qu'il
n'y en a pas. Je ne veux pas qu'il ait un sens, je ne veux pas qu'il ait été
voulu : qui est l'infâme qui aurait voulu les souffrances de mon ami, de
cette personne si cher et si aimable ? qui est ce monstre, ce criminel dont je n'aurai de
cesse de combattre jusqu'à ce qu'il soit hors d'état de nuire ? Que cette
tragédie ait un sens, qu'elle fasse partie d'un projet (transcendant ou
immanent), qu'elle soit voulu, mais quelle horreur ! Dieu, cet infâme,
serait la source de tant de haine, de colère et de vengeance... Sa seule
excuse c'est qu'il n'existe pas. Pour notre plus grand bien à tous ! Si le
hasard n'existait pas, il faudrait l'inventer ! Pourquoi faudrait-il qu'il y
ait toujours un sens, qu'il y ait une raison suffisante ou un Verbe pour
toute chose ?
SILENCE SVP !
2. La fin tragique du projet divin
Vieillir, dépérir, souffrir et mourir : ainsi s'achève le merveilleux
plan que Dieu avait pour nous en ce bas monde. A ce compte là, j'en veux
pas !
3. Il n'y a pas de dieu qui fasse de
différence entre les hommes
Il est de ces phrases qu'on se répète un peu comme une maxime. Depuis mes
années de foi intense, il y en a une
particulièrement insistante : il n'y a pas de dieu qui fasse de différence
entre les hommes. Malgré toute ma foi en Dieu à cette époque, il m'était
de plus en plus insupportable d'accepter l'idée d'une séparation absolue
entre les sauvés et les damnés, entre les élus et les déchus, entre les
chrétiens et la païens.
Premièrement, ce ne sont pas tous les hommes qui
ont eu la "chance" de connaître la "bonne nouvelle" du
Christ. De ces gens du passé et de ces gens du présent, que faisons-nous
d'eux ? Pourquoi seraient-ils nés pour vivre en enfer sans espoir de
Rédemption, n'ayant pas été sauvé par la foi ? Car seule la foi sauve !
Deuxièmement, il y a des gens de foi qui font le mal, et des athées qui
font le bien. On trouve de l'honnêteté et de la barbarie chez tous les
hommes peut importe leur allégeance religieuse. Un petit nombre de
chrétiens qui ont la foi se laissent transformer par elle ; mais un non
moins petit nombre d'athées se laissent eux aussi transformer
intérieurement à la vue de la souffrance humaine par exemple ; de même
qu'on ne peut douter de l'honnêteté d'un hindou pratiquant sa religion en
toute sincérité et dans la certitude d'être dans le bonne voie. Alors
pourquoi seul le chrétien honnête serait sauvé et pas les autres qui sont
tout aussi honnêtes et certain d'être dans la bonne voie ? Cette
séparation absolue entre les hommes m'était de plus en plus insupportable,
de plus en plus inconsistante avec l'idée d'un Dieu de miséricorde et
d'amour. Les uns comme les autres vont s'adonner à leur occupations (même
les plus nobles ou les plus sombres) sans qu'aucun Dieu ne fasse de
différence entre eux.
L'une des raisons qui m'ont détourné de la foi (il
y en a eu bien d'autres) fut ce Dieu contradictoire qui institue entre les
hommes une différence absolue, ce même Dieu qui est leur supposé miséricordieux
créateur commun. C'est ainsi que je me plais à dire qu'il n'y a pas de
Dieu qui fasse de différence entre les hommes.
4. Un salut horrifiant
Faire table rase du passé : tel est l'un des aspects les plus détestable
du christianisme. Sa tendance à la "renaissance", à rejeter son
ancienne vie de "péchés" pour renaître dans le bon chemin, la vérité
et la vie ; sa tendance à ce saut quantique, à cet aveugle plongeon dans
l'absolu, la vérité, le salut... ; sa tendance à déchirer l'existence et
la polariser dans l'absolu est tout à fait horrible. Le prétendu
"salut" chrétien est en fait notre perdition la plus certaine !
Et même ce salut est des plus problématique, et sa réponse
encore plus. Comment un Dieu d'amour et de miséricorde a-t-il toléré
qu'un aussi grand nombre d'hommes sur une aussi longue durée n'aient pas eu
accès au salut ? Pourquoi avoir condamné tous ces hommes pour le pêché
d'un seul ? Comment peut-il être miséricordieux et condamner à la mort éternel
tant d'hommes pas encore né ? La cruauté d'un tel dieu me fait vomir !
Ok, peut-être que ce n'est pas seulement la foi qui
sauve. Mais alors pourquoi la foi ? Est-ce à dire que dès qu'on a accès
à la foi, on a été comme dépucelé et qu'il n'est plus possible d'être
sauvé sans elle ? Quelle horreur !!
Mais au juste, pourquoi le salut ? Ai-je vraiment besoin
d'être sauver ? Pourquoi des châtiments éternels pour des fautes temporelles ? Je serais perdu semble-t-il ! Mais perdu où, quand, comment,
pourquoi ? N'est-ce pas plutôt celui qui croit être perdu qui a besoin d'être
sauvé ? Bien sûr, c'est la foi qui sauve, car c'est elle aussi qui nous
convainc de perdition ! La foi sauve, l'incroyance libère de la perdition
et donc de la nécessité du salut. Lequel choisir entre les deux ? :-)) La
réponse est évidente !
5. Dieu : un désir pathologique
Ok, pas de Dieu, pas d'absolu dans l'histoire. . Et pourtant... et pourtant
tout en moi crie vers toi Seigneur ! Que faire de cet appel si fort et si
insistant en moi vers autre chose jusqu'à se perdre dans l'absolu ? En
fait, cet appel de la transcendance est le paroxysme, l'exacerbation
pathologique ou la conclusion logique radicale et extrémiste de
l'insatisfaction chronique et congénitale de l'homme. Ses désirs sont si
grands qu'il en arrive même à désirer l'éternité, l'absolu. L'éternelle
insatisfaction de l'homme disait déjà Socrate ; si tous les hommes étaient
parfaitement contents, il n'y aurait plus d'activité dans le monde disait
le Baron d'Holbach. La véritable place des désirs dans le monde est
justement cette activation dans le monde, sa transformation et non pas la
transformation intérieur et la vie spirituelle.
6. Le mal : l'argument d'Épicure
Le dilemme d'Épicure : face au mal, soit Dieu est bon et
impuissant ou puissant et malveillant.
Supposons que Dieu est un être tout puissant et tout amour. Tout puissant
il peut tout, tout amour il ne veut que le bien. Or le mal existe bel et
bien en ce monde. Alors
ou Dieu veut ôter le mal et ne le peut pas (dans ce cas il n'est pas tout
puissant)
ou Dieu peut ôter le mal mais ne le veut pas (dans ce cas il n'est pas tout
amour)
ou Dieu ne peut ni ne veut ôter le mal (dans ce cas il n'est ni tout
puissant ni tout amour)
ou Dieu veut et peut ôter le mal
Comme le mal existe, Dieu n'existe pas.
7. Un dieu impie
Pourquoi un être doué de sensibilité et d'une conscience réflexive
a-t-il été créé ? et créé dans le temps i.e. fini, mortel et souffrant
? Ici le pêché originel n'est plus suffisant à rendre compte du mal de la
souffrance : il est co-originaire du temps et de la matérialité. Pourquoi
l'homme ? Dieu aime-t-il le spectacle de notre liberté souffrante ? Quel
dieu impie ! Ha oui, les voies de Dieu sont impénétrables ! N'est-ce pas
plutôt qu'il n'y a pas de voies et encore moins de voix ?
8. L'illusion égoïste d'une
Providence
La Providence n'est pas l'ordre universel. "Le mystère nous enveloppe
; l'univers est pour nous une énigme qui dépasse notre intelligence et
qu'il est à la fois plus sage et plus respectueux de laisser en paix. C'est
un fait que nulle part on ne saisit en acte une Providence, une volonté
intelligible, soucieuse de corriger le hasard et de régler le cours des
choses au mieux des gens de bien." i.e. qui ne s'exercerait qu'en
faveur des enfants de Dieu à l'exclusion des autres hommes. Si non,
pourquoi l'Afrique si pieuse et si souffrance ? pourquoi l'Amérique si
impie et si opulente ? Il n'y a pas de Providence qui distingue les hommes
entre eux. Croire qu'il y a "un bon dieu" pour nous est le comble
de l'égoïsme !!
9. La tolérance condescendante de
Dieu
Dieu étant tout puissant, il peut se permettre d'être tolérant : si toute
critique relève de l'ignorance ou de l'incompréhension, il faut la tolérer
comme un mal nécessaire, la combattre comme une erreur, et ne pas en tenir
compte. Telle est bien la "tolérance" de Dieu : un despotisme
totalitaire déguisé en pédagogie ! Politique de la Vérité : pédagogie,
thérapeutique, répression.
10. Le Dieu qui punit par amour
Dieu châtie bien ceux qu'il aime : il est encore étonnant que Dieu ait des
amis, à la façon dont il les traite, il devrait en avoir encore moins !
11. L'essence du monothéisme : l'intolérance
"Ces croyances, dès qu'elles s'organisent en
religions, deviennent des nuisances sociales et politiques. Certes, théoriquement,
elles prêchent toutes, ou presque, l'amour du prochain mais, dans la
pratique, on les voit envenimer et radicaliser tous les conflits.[...] Les
combattants, qui ne partiraient que les pieds lourds à un combat
"terrestre", ont leur énergie décuplée parce qu'on les a
persuadés que leur cause est celle de leur dieu.
En outre, dès qu'une religion devient majoritaire, elle se met à peser
lourdement sur les pratiques de la société civile et, nulle part, cette
influence ne va dans un sens autre que celui de la contrainte et des
atteintes aux libertés.
[...] si l'on veut un monde plus pacifique et tolérant, il faut combattre
les religions, parce que liberticides et fautrices de guerre." (A.
Morelli, présidente du Centre d'Histoire des Religions et de la Laïcité,
Université Libre de Bruxelles, entretien dans La Raison, no 420, Avril
1997)
12. Imposture de la transcendance
divine
La plus grande, la plus grave et la plus injurieuse des impostures divine
est sans conteste son monopole d'une transcendance qui ne peut être que réel
(ou réifier). La transcendance réinterprétée comme pouvoir de mise à
distance et d'élévation, i.e. comme liberté et progrès ou comme libération
et innovation créatrice est évacuée de ce monde : l'homme n'a d'autre
liberté que de se soumettre ou périr et d'autre créativité que de faire
advenir le salut universel ; la nature dépouillée de toute autonomie et de
tout pouvoir créateur et d'auto-organisation est condamnée à l'esclavage
d'une Providence divine bien maladroite d'ailleurs. Imposture, supercherie,
mystification grosse d'intolérances, de fanatismes et de conservatisme
anti-progrès et anti-science. Horreur métaphysique, terrorisme spirituel,
la transcendance divine est la plus abominable calomnie envers l'homme et la
nature.
Avril 2000
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