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Déclaration de quelques individus sans qualité à propos du chômage et du mouvement de contestation qu'il suscite La résolution d'un problème est toujours dépendante
de son énoncé, ce qui revient à dire qu'un
problème mal posé est condamné à n'être
jamais résolu. S'agissant du chômage, dont on nous
assure qu'il est la préoccupation première de tous
nos gouvernements successifs, son aggravation continue depuis une
vingtaine d'années aurait dû amener à cette
conclusion de bon sens que s'il ne trouve pas de solution durable
c'est que les termes de son énoncé empêchent
peut-être précisément sa résolution;
que le secret de l'impossibilité récurrente à
le résoudre ne serait peut-être pas si mystérieux
si l'on cessait de s'obstiner à opposer de manière
factice travail salarié et chômage. Mais pour opérer
un tel renversement, il faut bien sûr préalablement
s'interroger sur la fonction du chômage dans les sociétés
modernisées où l'identité de chacun est essentiellement
déterminée par le travail. Il apparaîtrait alors
que non seulement ces deux notions ne sont pas antagonistes mais
sont au contraire en quelque sorte complémentaires et nécessaires
à la bonne marche du monde marchand: le chômage s'apparentant
en effet à un moment du travail par la menace permanente
qu'il fait peser sur chaque salarié en même temps qu'il
impose à chacun des conditions de vie sans cesse plus précaires
car de plus en plus adaptées aux seules nécessités
de l'économie de marché. Il apparaîtrait également
que cette économie de marché a soumis les besoins
de la vie humaine à ses propres besoins, laissant la place
à une production falsifiée qui ne répond plus
qu'à des besoins factices. Pour peu que l'on veuille ensuite
rétablir rationnellement les termes de l'énoncé,
il deviendra patent que la véritable alternative n'oppose
pas le travail salarié au chômage, mais une activité
libre et créatrice - qui reste à être collectivement
inventée - au travail aliéné qui n'est qu'une
passivité agitée, ce travail n'étant jamais
au demeurant qu'un emploi dont la finalité s'apparente dans
la plupart des cas à une occupation au moindre coût.
Il suffit en effet de constater la place prépondérante
des activités de gestion et La lutte des chômeurs et précaires engagée
il y a un peu plus de deux mois a ainsi commencé à
mettre en évidence ce fait que le chômage est la vérité
du travail et que dans un monde où l'argent est tout et les
hommes rien, la seule condescendance qu'on réserve à
ceux qui sont encore moins que rien est seulement de ne pas les
laisser mourir de faim. Si pour cette raison elle a rencontré
une certaine sympathie dans la population, force est de constater
que celle-ci ne s'est manifestée jusqu'à présent
dans la plupart des cas que de manière virtuelle, par le
biais de sondages et d'une commisération médiatisée.
Quant aux chômeurs eux-mêmes, dans leur immense majorité,
ils restent prisonniers de leur isolement. Cette lutte est aujourd'hui
à la croisée des chemins: ou elle s'épuise
dans l'exigence d'une impossible réforme du système
d'indemnisation sociale qui pérennise le statut de chômeur,
ou elle accède à la conscience supérieure de
ce qui finalement la motive - une remise en cause des rapports marchands
qui ont déjà dévasté tout ce qu'il y
avait d'humain dans notre société. Dans ce cas, une
des première réussites du mouvement serait de souligner
le caractère mortifère des produits du travail dans
cette société. Il pourrait alors contribuer à
la convergence de toutes les luttes, même parcellaires, dans
lesquelles on peut reconnaître le contenu universel du refus
du totalitarisme de l'économie marchande. (La résistance
à la Paris, le 7 mars 1998
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