Le notaire AUDOUARTfait mention, dans cet acte, des informations suivantes :

« Sont comparus par devant moy secrétaire du Conseil estably par le roy à Québec, notaire de la Nouvelle-France, et tesmoins soubsignés Philippe et Robert FOUBERT, frères, lesquels ont dit et déclaré qu'ils désiraient faire venir en ce païs de la Nouvelle-France leurs femmes lesquelles sont en France et la femme d'un nommé Georges PELLETIER demeurant au Pollet, à Dieppe, et une fille appartenante au dit Philippe FOUBERT mais que, n'ayant pas le payment entier présentement qu'il faudrait payer leur passage à venir de France en ce païs, ils au raient eu recours au R. Père RAGUENEAU auquel ils auraient présentement baillé la somme de cent livres tournois par advance sur ce qui pourra appartenir aux Capitaine ou maistres de navire ou autres touchant leur passage, lequel R. Père RAGUENEAU inclinant charitablement à leur demande et requeste se serait chargé de mander leurs dites femmes et donner ordre à ce qu'elles puissent estre embarquées pour venir en ce païs, à condition toutes fois qu'il serait remboursé tant des avances, passages que autres choses qu'ils pourroient avoir esté baillées pendant la traversée de France aussi tost l'arrivée du vaisseau auquel ils seront (?) devant Québec. A quoy les dits FOUBERT se sont obligés payer solidairement un seul et pour le tout au dit R. P. RAGUENEAU et au cas qu'il leur arrivast mort par maladie durant la traversée ou autre accident et qu'il se trouvast qu'ils eussent reçu outre et pardessus la dite somme de cent livres tournois les dits FOUBERT s'obligent ainsy que dit est cydessus de rembourser et payer au dit R. P. RAGUENEAU le surplus qui se trouvera à leur avoir esté baillé par advance. et promettant etc. obligeant solidairement leurs biens et mesme leurs personnes si besoin est. renonçant, etc. Fait et passé à Québec en l'estude du notaire soussigné à Québec le vingt huitiesme jour de septembre mil six cent cinquante cinq en présence de Pierre SAUÇOIS et Daniel COSSET, tesmoins, qui ont signé avec les parties et ledit Philippe FOUBERT déclaré ne scavoir escrire ny signer de ce interpellé suivant l'ordonnance et a fait sa marque ordinaire:

Daniel COSSET, Pierre SAUÇOIS, Marque du dit Philippe FOUBERT, Robert FOUBERT, AUDOUART, Nre. »

 

Les 4 femmes s'embarquèrent, tel que prévu, à Dieppe ou à Rouen, au printemps de 1656, et parvinrent à bon port. Mais il n'est pas sans propos de présenter leur famille.

 

Les FOUBERT en France

Plusieurs auteurs ont prétendu que les FOUBERT venaient de Dieppe (Hist. du Canada de Ferland, I, 512-513; Perche et Normandie de l'Abbé Gaulier; Le Frère Didace Pelletier, récollet du P. Odoric-M. Jouve, p. 72). Bien qu'il existât des FOUBERT en cette ville au XVII^e siècle (Baptême à Neuville lez Dieppe, le 12 novembre 1646, de Jean FOUBERT, fils de Charles et de Marguerite ROUSSEL), il est hors de doute que les deux frères FOUBERT émigrés au Canada venaient de Rouen. Ils appartenaient à une famille peu nombreuse, il est vrai, mais assez ancienne. Deux actes en font foi (selon les Archives départementales de Rouen, Série E. Tabellionnage de Rouen):

« Le 8 novembre 1610. Contrat de mariage entre Gilles MAUGER, demeurant à Rouen, fils d'honorable homme Nicolas MAUGER et de Line BATAILLE, de la paroisse St-Nicolas de Pierrepont, de la vicomté de St-Sauveur-le-Vicomte, et Barbe FOUBERT, fille et héritière en partie de feu Robert FOUBERT et de Guillemette LE TELLIER, bourgeois de Rouen. Assistent au contrat : Pierre FOUBERT, frère de l'épouse, qui lui accorde le de la succession en litige de feu Messire Robert FOUBERT, vivant chanoine de la Saussaye; Pierre DUFOUR, huissier du Roi, frère en loy de la dite FOUBERT; Daniel BOUETTE, bourgeois de Rouen, son cousin, etc. ».

« Le 20 juin 1620. Honorable homme Robert FOUBERT, marchand, demeurant en la paroisse de Caumont, au hameau du Chouquet, fils et héritier en partie de Jehan FOUBERT, vente à fin d'héritage à Romain FOUBERT, bourgeois de Rouen, demeurant paroisse St-Denis, de 3 écus, 10 sols et de rente à prendre sur différentes personnes mentionnées à l'acte ».     

 

Philippe FOUBERT

Philippe FOUBERT (Tanguay l'a confondu avec son frère Robert (Dict., IV, 77), marié à Marie-Jeffine RIVIÈRE (souvent Marie tout court), demeura d'abord à St-Vivien de Rouen, en Normandie, où il eut Marie, baptisée à St-Vivien le 13 juillet 1640; elle eut pour parrain Robert FOUBERT, son oncle, et pour marraine Perrette RIVIÈRE (sans doute sa tante). C'est cette Marie qui épousera en 1656 Jean CUSSON. Philippe eut une autre Marie, baptisée à la même église le 8 janvier 1647 et qui n'était plus en 1655.

Ce colon engage ses services à Québec le 12 septembre 1649 à Charles SEVESTRE, syndic des habitants (Arch. jud. De Québec, Minute de Bermen). Il travaille du 15 septembre au 15 novembre 1649 et du 1^er mai au 15 septembre 1650.

Le 17 décembre 1652, FOUBERT, qualifié de meunier, se trouvant aux Trois-Rivières, achète de Jean SAUVAGET, procureur fiscal en cette ville, une habitation de deux arpents de front sur le fleuve et de 40 de profondeur (Musée du Québec, Arch. de Trois-Rivières, Documents divers, I, fo 15, Minute d'Ameau). Le vendeur tenait cette terre d'Étiennette DESPRÉS, veuve du Sr DUPLESSIS-KERBODOT, par acte du notaire GODET, du 28 novembre 1652 (cette pièce n'est pas mentionnée à l'Inventaire des Greffes de P.-Geo. ROY).

Nous avons vu plus haut que Philippe FOUBERT et son frère Robert remirent au P. Paul RAGUENEAU, jésuite, la somme de 100 livres tournois pour faire venir leurs femmes au pays (28 septembre 1655). Ce fut probablement pour réaliser cette somme que Philippe dut signer une obligation à Charles SEVESTRE quelques jours plus tard, le 3 octobre 1655 (Arch. jud. De Québec, Minute d'AUDOUART).

Et voilà comment 4 courageuses Normandes, à l'été de 1656, mirent pied à terre à Québec. C'était Jeffine RIVIÈRE âgée de 48 ans environ, épouse de Philippe FOUBERT, accompagnée de sa fille Marie, âgée de 15; Marguerite Rivière, âgée de 50 ans, épouse de Robert FOUBERT; et la jeune épouse de Georges PELLETIER, âgée de 32 ans. La joie est vive après une séparation de 7 année, mais Philippe FOUBERT se hâte de prendre la barque pour Trois-Rivières où s'annonce pour sa fille un beau mariage en perspective. Un mois à peine s'écoule et Marie FOUBERT épouse à Trois-Rivières, le 16 septembre 1656 (le contrat ayant été dressé par AMEAU le 31 août), un jeune homme de belle instruction - il pratiquera plus tard comme notaire. Jean CUSSON, un Normand lui aussi, natif du bourg de Ste-Marguerite-sur-Duclair, fils de Jean et de Jacqueline PEPIN (La conquête du Canada par les Normands d'Émile Vaillancourt, p. 77). La jeune épouse va prendre au sérieux sa vocation de mère canadienne, car elle mettra 15 enfants au monde, dont 6 garçons et 8 filles fonderont un foyer (quelques descendants de Jean CUSSON, dénommés, ont relevé le nom de l'aïeul - FOUBERT).

Le meunier du Cap ne put contempler l'épanouissement de sa famille. Il n'était plus en 1661. Le 23 décembre de cette année, la veuve Philippe FOUBERT est défenderesse dans une cause soutenue par le Procureur fiscal du Cap-de-la-Madeleine (Québec, Arch. de Trois-Rivières, Documents divers, Cit. par JOUVE, ouvr. cit., p. 74). Lors des recensements de 1666 et 1667, Marie RIVIÈRE demeure chez son gendre Jean CUSSON. Elle a 55 ans en 1666, et 60 en 1667. Elle fut inhumée au Cap le 24 avril 1680 en présence de Jean CUSSON, Marie FOUBERT et Marie-Madeleine CUSSON. L'acte de sépulture lui donne 76 ans.

 

Robert FOUBERT

Robert FOUBERT dit LACROIX (il signe Rober FOUBER - reproduction de sa signature dans JOUVE, ouvr. cit., face à p. 112), frère du précédent, fut d'abord, comme lui, paroissien de St-Vivien de Rouen. Sa femme, Marguerite RIVIÈRE était probablement sœur de Jeffine RIVIÈRE , femme de son frère. Le 8 septembre 1634, ces époux font baptiser à St-Vivien Marie, dont les parrain et marraine sont Jean MACESTRA et Perrine LEMMONIER. L'enfant mourut peut-être en bas âge. En tout cas, il n'en est pas question lorsque, en 1655, sa mère doit s'embarquer pour le Canada.

Nous voyons Robert FOUBERT mentionné pour la première fois au Canada dans une concession que le gouverneur de LAUZON lui accorde à la côte de Beaupré le 31 janvier 1651. Cette terre avait Georges PELLETIER au N.-E. et François BOIVIN au S.-E. Mais on ignore pour quelle cause FOUBERT et PELLETIER firent échange de leur terre, en sorte que FOUBERT eut Claude POULIN au N.-E. et PELLETIER au S.-O. (JOUVE, l. cit., p. 52 ss.). En 1655, FOUBERT fait venir son épouse par l'entremise du P. RAGUENEAU. A son arrivée en 1656, il se rend avec elle à Trois-Rivières, pour assister aux noces de Marie FOUBERT, sa nièce et sa filleule. Les recensements retrouvent notre colon sur sa terre de Ste-Anne. Celui de 1666 mentionne: Robert FOUBERT, 66 ans, habitant; Marguerite RIVIÈRE, sa femme. Celui de 1667 mentionne: Robert FOUBERT, 68 ans; Marguerite RIVIÈRE, sa femme, 62; 2 bestiaux, 4 arpents en valeur. Les deux époux, sans enfants, s'étaient fait donation mutuelle le 24 février 1662 (Québec, Arch. jud., Minute d'AUBER). Ce fut l'épouse qui partie la première. Robert FOUBERT convola en secondes noces à Ste-Anne le 14 avril 1670 avec Suzanne CHEVALIER, fille d'Élie et de Catherine BROSSIER, de St-Marcel, de Paris (cette origine est prise du contrat de mariage, St-André Nantran, que donne TANGUAY, n'existe pas; de plus, TANGUAY fait marier Robert FOUBERT en premières noces avec Claude POULAIN... c'est son voisin et non son épouse). Le contrat de mariage avait été passé le 2 avril 1670 par-devant le notaire AUBER, en la maison du voisin, Georges PELLETIER . Et la vie coule de nouveau, laborieuse et sans heurts. En 1681, Robert FOUBERT, qui a vieilli très vite, déclare qu'il a 85 ans; Suzanne CHEVALIER, sa femme, 40; ils ont deux vaches et 16 arpents en valeur (cette terre de Robert FOUBERT fut acquise par le séminaire de Québec le 2 juillet 1685 - JOUVE, ouvr. cité, p. 131, n. 2).

Puis, le vieillard s'éteint sans laisser de traces. Sa veuve, Suzanne CHEVALIER, épouse à Ste-Anne le 13 février 1684, Jean MARENDA, veuf de Jeanne COUSIN (contrat, JACOB, 11 février). Elle restera sans enfant.         

La lignée CUSSON dit FOUBERT