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Femmes de l'ombre : Tin-Hinan, reine des Touaregs
02/07/2004 http://www.lematin.ma/samedi/article.asp?id=584 En
1925, � Abalessa, ancienne capitale du Hoggar, des arch�ologues ont
d�couvert un caveau o� se trouvait un squelette de femme bien conserv�,
ainsi qu'un mobilier fun�raire, des bijoux en or et en argent et des
pi�ces de monnaie � l'effigie de l'empereur romain Constantin. Ils
d�finirent cette tombe, dat�e du IVe ou du Ve si�cle, comme �tant celle de
Tin-Hinan, l'anc�tre des Touaregs. La d�couverte a fait r�ver bien des
chercheurs et des �crivains. Nous essayerons, sur leurs traces, d'�voquer
cette figure de femme que les Touaregs nomment �Notre m�re � tous�.
Tin-Hinan, cette femme �nigmatique, dont l'existence nous a �t� r�v�l�e
par la tradition orale et dont le nom voudrait dire � celle qui vient de
loin � ou � celle qui se d�place �, aurait �t� la m�re fondatrice du
peuple touareg. A travers les r�cits et les chants v�hicul�s par ses
descendants, les hommes du d�sert, on peut retrouver son image : �Une
femme irr�sistiblement belle, grande, au visage sans d�faut, au teint
clair, aux yeux immenses et ardents, au nez fin, l'ensemble �voquant � la
fois la beaut� et l'autorit�.
Lorsqu'elle est arriv�e dans le Hoggar, �elle venait de loin�, indique son
nom. Les chercheurs ont localis� cette origine chez les B�r�bers (Berb�res)
du Tafilalet, une contr�e pr�saharienne du sud marocain qui devait �tre
plus verdoyante qu'aujourd'hui.
Pourquoi quitta-t-elle ces lieux ? Personne ne peut le dire. Alors r�vons
un peu et regardons la situation de la r�gion au cours de ces ann�es
lointaines. Au IVe si�cle, le nord de l'Afrique, et en particulier la
Numidie, est domin� par la puissance romaine qui a adopt� la religion
chr�tienne � laquelle s'est converti l'empereur Constantin. Cette Numidie,
dont le nom pourrait venir de nomade, est alors le th��tre de r�voltes
contre le pouvoir romain. Diverses tribus circulent entre la c�te
m�diterran�enne et les r�gions plus au sud, colportant non seulement des
produits divers mais aussi des informations.
Quelques membres de la tribu marocaine des B�r�bers, avec Tin-Hinan,
ont-ils quitt� la r�gion pour des raisons de conviction ou de politique ?
Premi�re hypoth�se. Autre hypoth�se : un conflit personnel au sein de la
famille ou de la tribu qui aurait incit� Tin-Hinan � fuir loin de son
milieu d'origine. Une femme intelligente, une femme d'autorit� qui prend
la d�cision de partir... pourquoi pas ?
Deux femmes dans le d�sert
Ce que l'on sait, gr�ce � la tradition orale rapport�e par le P�re de
Foucault qui l'a recueillie dans le Hoggar, c'est qu'elle ne fut pas seule
� faire le trajet mais qu'elle se rendit dans ce haut massif du Sahara
alg�rien en compagnie d'une servante nomm�e Takamat. Ces deux femmes
�taient-elle accompagn�es d'hommes pour ce voyage aventureux ? Rien ne le
dit mais c'est vraisemblable.
Traverser le Sahara �tait une aventure p�rilleuse, m�me si ce d�sert
br�lant, dont le nom en arabe signifie le Fauve, connaissait un climat
moins aride qu'aujourd'hui. Les vall�es, les plaines, les squelettes de
rivi�res, t�moignent qu'une r�elle v�g�tation existait autrefois, tandis
que les peintures rupestres indiquent que des chevaux y circulaient et que
les chasseurs y trouvaient du gibier.
Imaginons ces deux femmes effectuant leur trajet � travers le d�sert. Sans
doute ont-elles une monture : dromadaire, cheval, �ne ( ?) qui leur permet
d'�viter de trop grandes fatigues et quelques b�tes comme des moutons et
des ch�vres qui leur offrent le lait et la nourriture dont elles ont
besoin. Comment auraient-elles pu survivre sinon ? On sait que le chameau
a fait son apparition en Afrique au IIe si�cle, venant de Libye, et que sa
r�sistance permettant de longues marches a transform� la vie des nomades.
Dans le Tafilalet et notamment � Sijilmasa, grand lieu de rencontres
commerciales, les caravanes chameli�res faisaient halte. Bien que les
Touaregs disent n'avoir connu le chameau qu'apr�s leur arriv�e dans le
Hoggar, il est possible que pour ce voyage, Tin-Hinan ait utilis� un de
ces vaisseaux du d�sert dont le pas lent et s�r inspire confiance et qui
reste encore de nos jours pour les Touaregs, leur moyen de transport
favori, leur monnaie d'�change, l'insigne de leur richesse.
�J'ai pris ma longe et ma cravache au cuir tann�
et, voulant fuir ce lieu avant la fin du jour, j'ai saisi mon chameau.
Jusqu'� ce que s'apaise le vent d'apr�s l'orage, il avait p�tur� en un
lieu agr�able
o� l'herbe d'emsh�ken �tait entrem�l�e de pousses d'�m�mm�n.
J'ai attach� ma selle orn�e d'embouts de cuivre, qu'a fabriqu� pour moi un
artisan habile, douce pour la monture et pour le m�hariste...� (po�me
touareg).
Tin-Hinan consulte le ciel
On trouve, dans les peintures rupestres du Sahara, la trace d'une �route
des chars� tr�s ancienne, dont le trajet permet de trouver des mares, des
puisards ou des oueds. La petite cohorte de Tin-Hinan a d� l'emprunter
pour se procurer cette denr�e rare, l'eau, dont un proverbe dit : aman
iman, �l'eau, c'est l'�me�. Les voil� donc suivant ce trac�. Les jours
passent, lentement. Parfois, la petite troupe aper�oit quelques nomades,
pillards possibles, qu'elle �vite soigneusement. Les heures de la journ�e
sont chaudes et les voyageurs du d�sert qui subissent la br�lure du ciel
accueillent la nuit avec soulagement.
La pause du soir est bienvenue, surtout si elle se situe pr�s d'un point
d'eau et d'un p�turage. Les outres se remplissent et les b�tes se r�galent.
Il faut faire vite car l'obscurit� tombe d'un seul coup. Tin-Hinan conna�t
les principales �toiles, elle consulte le ciel pour trouver sa future
direction. On dresse une tente faite de peaux de ch�vres tendues sur des
arceaux. Le repas est frugal : une bouillie de farine m�lang�e au lait que
l'on vient de traire. Un jour, enfin, le sable s'estompe et la roche
granitique, surmont�e de cr�tes et de pitons, appara�t. Il faut contourner
les montagnes, se faufiler dans les vall�es, trouver les trous qui ont
conserv� l'eau de pluie, et surtout faire manger les animaux. R�gion
magnifique, mais aride et difficile. Pourtant, c'est l� que Tin-Hinan
s'installe.
L'oasis d'Abessala, pr�s de Tamanrasset, lui offre l'hospitalit� de ses
eaux et de ses p�turages. Y rencontra-t-elle d'autres habitants ? D'apr�s
Henri Lhote, qui a �crit de nombreux ouvrages sur l'Ahaggar (Hoggar), le
pays aurait connu une population nombreuse, attest�e par les palmeraies de
Silet et d'Ennedid et des puits creus�s avant l'arriv�e de Tin-Hinan.
Cette population noire, les Isebeten, ayant presqu'enti�rement disparu,
Tin-Hinan n'aurait pas eu besoin de se battre pour conqu�rir ces lieux
devenus inhabit�s.
Que se passa-t-il dans les ann�es qui suivirent cette installation dans le
Hoggar ? Qui fut le p�re des enfants de Tin-Hinan ? Un compagnon venu avec
elle du Tafilalet ? Un noble voyageur originaire de Libye ou d'Egypte ? Ou
simplement un survivant de ces habitants qui occupaient les lieux
pr�c�demment ? Le nom de ce �p�re� n'est pas rest� dans les r�cits
v�hicul�s par la tradition. Mais, chez les Touaregs, la femme jouit d'un
statut privil�gi� et le matriarcat est de r�gle, ainsi donc, n'est retenue
que la descendance f�minine.
�L'antimoine ent�n�bre ses paupi�res sombres�
D'apr�s la l�gende, Tin-Hinan aurait eu trois filles: Tinert, l'antilope,
anc�tre des Inemba ; Tahenkot, la gazelle, anc�tre des Kel Rela ;
Tam�rouelt, la hase, anc�tre des Ibogl�n.
De son c�t� Takama, la servante, aurait eu deux filles qui re�urent en
cadeau de Tin-Hinan les palmeraies de la r�gion que poss�dent toujours
leurs descendants. Les voil� donc install�s dans l'oasis d'Abalessa. Les
tentes blanches se dressent dans ce paysage domin� par le haut massif de
l'Atakor. La beaut� des paysages, le silence de la nuit, le vent dans les
montagnes n'a pu qu'inspirer ces nouveaux venus dans la r�gion. Le tobol
(tambour) et l'amzad (violon monocorde) �taient-ils d�j� pr�sents �
l'�poque de Tin-Hinan ? On peut imaginer que cette femme de caract�re
avait aussi le go�t de la musique et de la po�sie, tout comme ses
descendants et, qu'autour du feu, les habitants du campement montraient
leurs dons en ces mati�res.
Chantez, choristes, chantez pour les jeunes gens!
l'antimoine ent�n�bre ses paupi�res d�j� si sombres, elle a rehauss� ses
sourcils,
elle a orn� ses joues de taches claires, pareilles aux Ple�ades
Ga�sha, la chanteuse, que se passe-t-il ?
Frappe des mains plus ardemment, frappe le tambourin !
(po�sie touar�gue)
Tin-Hinan est l'amenokal (possesseur du pays), la reine de ce petit peuple
en voie de cr�ation. Est-elle, comme le raconte une l�gende, � l'origine
d'une ancienne �criture touar�gue, le tifinagh, que l'on a trouv�e ici et
l� grav�e sur des pierres ? Ces signes, compos�s de b�tons (des jambes
d'animaux ?) et d' id�ogrammes ronds (visages, soleil, astres ?)
servirent-ils de rep�res pour marquer les routes du d�sert ? Le myst�re
n'est pas �lucid�.
Si l'on en juge par les d�couvertes faites au d�but du XXe si�cle, les
nouveaux arrivants auraient trouv� � Abelassa un fortin t�moignant d'une
occupation militaire romaine avec un certain nombre de pi�ces ayant servi
de chambres et de magasins. C'est dans une de ces cavit�s que Tin-Hinan
sera plus tard enterr�e et que la mission conduite par M. Reygasse,
directeur du mus�e du Bardo � Alger, la d�couvrira en 1925.
De Tin-Hinan � la troublante Antin�a
D'apr�s sa description, elle reposait sur un lit sculpt� et portait des
bracelets d'or et d'argent. A proximit� des chevilles, du cou et de la
ceinture, s'�parpillaient des perles en cornaline, agate et amazonite. Une
�cuelle de bois portait la trace d'une pi�ce � l'effigie de l'empereur
Constantin. Ces objets ainsi que le mobilier t�moignent des relations qui
ont pu se nouer entre les habitants de l'oasis et les voyageurs venus de
l'Orient. Tin-Hinan a donc �t� capable, non seulement de faire ce voyage �
travers le Sahara mais aussi de cr�er les conditions de vie dans les lieux
et de nouer des relations commerciales n�cessaires � l'enrichissement du
peuple n� de sa descendance.
Les Touaregs de l'Ahaggar ont donc naturellement conserv� le souvenir de
cette femme remarquable, et leurs r�cits, recueillis par le p�re de
Foucault qui v�cut en ermite � Tamanrasset au d�but du XXe si�cle, inspira
le romancier fran�ais Pierre Beno�t qui, dans L'Atlantide publi� en 1920,
met en sc�ne un jeune militaire rencontrant Antinea, une femme �nigmatique
qui r�gne sur le Hoggar. �Antin�a ! Chaque fois que je l'ai revue, je me
suis demand� si je l'avais bien regard�e alors, troubl� comme je l'�tais,
tellement, chaque fois, je la trouvais plus belle....
Le klaft �gyptien descendait sur ses abondantes boucles bleues � force
d'�tre noires. Les deux pointes de la lourde �toffe dor�e atteignaient les
fr�les hanches. Autour du petit front bomb� et t�tu, l'uraeus d'or
s'enroulait, aux yeux d'�meraude, dardant au-dessus de la t�te de la jeune
femme sa double langue de rubis. Elle avait une tunique de voile noir
glac� d'or, tr�s l�g�re, tr�s ample, resserr�e � peine par une �charpe de
mousseline blanche, brod�e d'iris en perles noires.
Tel �tait le costume d'Antin�a... �. L'imaginaire de Pierre Beno�t nous
conduit loin de la r�alit� et, pour retrouver l'anc�tre des Touaregs, il
est pr�f�rable de lire des ouvrages scientifiques modernes, mais dans
ceux-ci la trace de Tin-Hinan est bien mince. Tin-Hinan reste donc une
reine de l�gende qui pr�figure la femme moderne, capable de cr�er la vie
et de g�rer le bien public. C'est ainsi que les Touaregs nous ont transmis
son image. C'est ainsi que nous avons tent� de la faire revivre.
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