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Tamazight
Langue orale ou langue �crite : l�enjeu
Source: La Nouvelle Republique 16-02-2005
La
plupart des auteurs actuels qui s'initient au rnonde de l'�crit sont tous
ou presque issus du monde associatif. L'attitude est, pour ainsi dire,
plut�t militante, volontariste et individuelle. Elle est �ph�m�re et
limit�e dans le temps dans la mesure o� rares sont les autres qui signent
au-del� d'un titre en raison des m�ventes. M�me les revues et les joumaux
d'expression berb�re ont toutes et tous eu une vie tr�s courte. Je pense
alors qu'il est trop t�t pour se prononcer d'une mani�re consistante et
circonscrite sur le sujet. L'on devait encore attendre quelques ann�es
pour commencer � appr�cier r�ellement le degr�s du besoin d'�crire et de
lire en berb�re. L'�uvre de B�la�d At Ali publi�e en 1964 par le FDB est
une exception sur laquelle je reviendrai plus loin.
Mon intervention peut para�tre distante de la th�matique choisie, mais
l'argumentaire qui la sous-tend est intimement contigu au sujet. Je me
suis tenu alors � l'intitul� principal du s�minaire, � savoir �Passage �
l'�crit des langues et cultures de tradition orale, le cas de la langue
berb�re�. Je d�velopperai dans cet expos� une vue globale sur l'attitude
actuelle des utilisateurs de la langue � l'oral et une observation sur les
perspectives scolaires de mon point de vue, que parler et �crire en
berb�re devraient �tre deux �l�ments qui permettent � la langue d'�tre
une.
La soci�t� berb�re est une communaut� d'expression orale et non de
tradition scriptturaire. Aussi, un �tat de �r�bellion� � l'esrit appara�t
comme encore bien install� chez les locuteurs berb�rophones.
L'accoutumance � l'oralit� historique de la langue berb�re a non seulement
engendr� un facteur de r�sistance naturel au changement, mais semble avoir
consacr� le genre privil�gi� et actuellement en vigueur, c'est-�-dire le
genre oral, comme domaine r�serv� de l'expression.
Une des raisons qui apporte une r�ponse � cette situation, mais une
situation pas regrettable du tout, est que l'audition, ce liant d'images
acoustiques, est connue pour �tre un moyen d'usage rapide, direct et
facile qui permet l'acc�s ais� au monde de la commumcation. Alors que
l'�crit, cette forme visible de la langue, exige au pr�alable le p�nible
et laborieux apprentissage des r�gles de transcription, d'orthographe et
de grammaire pour enfin acqu�rir la facult� d'�crire. C'est alors que
l'h�sitation, chez deux cat�gories de la population berb�re, les natifs
monolingues et les nouvelles g�n�rations plurilingues, freine souvent
l'initiative � l'�criture.
Cette attitude conservatrice d'instinct du genre oral chez les
berb�rophones devait �tre positiv�e et d�velopp�e dans la mesure o� l�on
constate aujourd'hui qu'une norme d�orale moderne a acquis bien des
espaces d�expression dans plusieurs pays pourtant � forte tradition
d��criture. Il est untile de rappeler que toute langue est n�e sur fond
d�oralit� et cette nouvelle tendance � communiquer directement par la
parole n�est-elle pas un aveu des insuffisances que rec�lerait le genre
�crit ? La question reste pos�e tant que Chikh Mohand Oulhoucine disait
d�j� en son temps : �Akkenfessus wawal i tmenna, i zzay wawal i tira.�
C'est l� une vision du penseur kabyle qui a agi par anticipation sur cette
nouvelle valeur de l'oralit�. C'est dire que le genre oral, sp�cificit�
humaine, ne devrait plus �tre d�clar� ou per�u sous le prisme d�formant de
mod�le mineur et on devrait aussi s'�loigner de la nature ali�nante de
l'�crit. C'est plut�t � un dosage �quilibr� entre l'oralit� et l'�crit que
nous devions travailler en nous instruisant des diff�rentes exp�riences
v�cues.
Aussi paradoxale que cela puisse para�tre, la langue berb�re poss�de un
avantage pr�cieux qui la pr�dispose � une �volution facile et sans heurt
dans sa marche vers l'�crit sans renoncement de son caract�re oral. C'est
qu'il n'y a pas de fronti�res entre sa forme audible et sa forme visible.
L'audibilit� de la langue berb�re se superpose totalement avec sa
visibilit�. La langue a fonctionn� jusque-l� suivant des r�gles et des
structures naturellement organis�es et nous permet d'exprimer, sans
appr�hension ni h�sitation aucune, nos r�ves, nos sentiments, nos
sensations.
En effet, tout berb�rophone utilise sa langue intuitivement sans en
conna�tre les notions grammaticales des �l�ments qu'il utilise. C'est-�dire
sans formation scolaire. Cela est bien s�r le cas de toutes les langues
maternelles, mais la particularit� est que la langue berb�re ne subit pas
de rupture ni de transformation au fil du temps et des options.
L'utilisateur de la langue continue de combiner parfaitement les mots
qu'il met au service de sa pens�e, sans toutefois en conna�tre
formellem�nt les fonctions. Quand il utilise le mot �sk-ut� (tant que) il
ignore que la grammaire le nomme conjonction que �anwa ?� est nomm�
interrogatif, que �wer�ad� est appel� �l�ment de la n�gation. Il sait
faire subir avec exactitude les diff�rentes variations que peut prendre un
verbe selon le contexte de son utilisation et dans quelles conditions
particuli�res il l'emploie.
Ainsi le verbe �bedd� (se lever, se tenir debout) est directement forg� �
sa forme d'habitude �ebddad�, � sa forme factitive �ssebddad ou sbedd�, �
sa forme r�fl�chie �wabdded�. Il sait �galement lui faire produire les
diff�rentes formes nominales comme le nom d'action �addu ou asebdded�, le
nom d�objet �asebddad� ou encore �ibeddi� pou rendre une position une
attitude face � un fait, etc.
Ce n'est �galement pas par hasard qu'en berb�re tous les �l�ments qui
forment la famille de mots ob�issent aux m�me r�gles et aux m�mes
techniques de linguistique g�n�rale et de grammaire qui veulent qu'�
partir d'une racine d�coule la s�rie familiale. Exemple : afeg (voler),
ruffga (le fait de voler), affug (le vol), imifig (l'aviateur), tamsafga
(l'aviation), anafag (a�rodrome ou a�roplane ou encore a�roport),
timsifegt (volatilit� ou volatilisation), imsifeg (un volatil), imesriffeg
(l�oisillon qui s'initie au vol), etc.
Un autre avantage non moins int�ressant dont dispose naturellement la
langue berb�re est sa pr�cision dans l'�nonc� de tout verbe. Il n'y a pas
de confusion possible entre :
- Icennu (il chante) dont l'image acoustique annonce directement la
troisi�me personne du singulier.
- Cennun (ils chantent) dont l'image acoustique annonce directement la
troisi�ine personne du pluriel.
Alors que pour le m�me exemple dans la langue fran�aise, il faut d'abord
ma�triser les normes grammaticales pour ensuite distinguer entre :
- Il chante (avec un �e� au singulier) et ils chantent (avec �ent� au
pluriel).
Dans ce cas de figure, l'image acoustique qui se d�gage est la m�me, mais
la forme �crite diff�re fondamentalement.
En berb�re, c'est directement l�audition d�un mot qui fixe son
orthographe. Autrement dit, tout mot s'�crit comme il se prononce.
On peut donc poser que la r�ussite du code �crit r�side dans la
restitution fid�le du code oral et j'oserais dire du code maternel. A
juste titre, Ferdinand de Saussure disait que �l'unique raison d'�tre de
l'�criture est de repr�senter la langue parl�e�.
C'est justement cet avantage de superposition directe de l'oral et de
l'�crit qui caract�rise la langue berb�re qui devait �tre exploit�, � mon
sens, comme piste p�dagogique et m�thodique privil�gi�es pour r�aliser le
passage � l'�crit comme besoin utile et non pas comme simple ph�nom�ne de
substitution ou encore une fin en soi. L'�crit cesse d'�tre utile quand il
devient un moyen d'ali�nation.
De plus, la langue berb�re ne subit pas, pour l'instant du moins, certains
c�t�s embarrassants comme le classicisme qui fait s'opposer d'une part une
langue ancienne et une langue dite ancienne et une langue dite moderne.
Dans la soci�t� kabyle, pour ne citer qu'elle, il n'y a pas de langue de
classes. Si par exemple du c�t� fran�ais il y a une grande part du
patrimoine litt�raire pour ainsi dire class�, archiv� et d�clar� de �vieux
fran�ais� et peu employ� de nos jours , � l'inverse, chez nous, c'est la
litt�rature produite, il y a, pour certaines, des si�cles, par Youcef
Ouqasi, Maamar Ahesnaw, Mouhend Oumusa Awagennoun, Chikh Mouhend, Lbachir
Amellah, Yemma Khlidja Tamcheddalt, Si Mouhend Oumhend et bien d'autres
qui sont le mod�le, voire la norme consacr�e de la langue o� la
construction et la formulation sont dou�es d'une profondeur, d'une
parfaite homog�n�it� et d'une harmonie d�bordante.
Alors, afin de r�duire cette flagrante tendance actuelle du berb�rophone �
appr�hender l'�crit, l'objectif de notre �cole n'est donc pas d'inventer
une nouvelle langue mais de consolider son �tat actuel et postuler � ses
�volutions n�cessaires. Le passage � l'�crit est plus qu'une n�cessit�.
Mais la m�thode de passation � l'�crit est plus qu'une n�cessit�. Mais la
m�thode de passation et d'adaptation � ce nouveau genre ne devrait pas
donner lieu � l'apparition de deux langues l'une dite correcte et l'autre
dite incorrecte ou encore l'apparition d'une forme de langue de prestige
dont la domination � terme sur la langue naturelle l'�loignera de sa base
sociologique. Autrement dit, notre �cole doit jouer le r�le d'acc�l�rateur
de ce qui est d�j� bien mis en place naturellement. La caricature produite
par la rue � l'adresse de ceux qui s'�vertuent � faire dans un berb�re
truff� de n�ologismes et de formulations bizarres est � m�diter. Cette
caricature dit : �Yesmuzzugh� ou encore �Ysbahbih�. Cela doit nous donner
mati�re � r�flexion car si le passage � 1'esprit est d�terminant, les
enjeux demeurent vitaux en ce sens qu'il faudrait tout faire pour que ne
soit pas affect�es et travesties les r�alit�s vivantes et naturelles de la
langue qui, au risque de me r�p�ter, provoqueraient son �loignement des
utilisateurs et des locuteurs.
Pour illustration, dans un ouvrage de m�thodes et pratiques de langues
fran�aises, nous pouvons lire, en raison et en exp�rience de quoi nous
devons nous instruire, ce qui suit : �Le prestige de la langue �crite
paralyse les Fran�ais et leur �te la libert� d'utiliser sans appr�hension
leur propre langue : Combien d'adultes n'osent pas �crire, par crainte de
faire des fautes d'orthographe et de ne pas r�diger correctement, combien
n'osent pas prendre la parole en public par peur d'�tre mal jug�s�� (fin
de citation).
Par ailleurs, je pense aussi que le passage � l'�crit n'est pas la t�che
du seul exercice scolaire. La t�che est aussi celle des cr�ateurs que sont
les �crivains, les po�tes, les journalistes, etc. C'est dire que la langue
est un tout social. En cela, l'�uvre de Bela�d At Ali est une
interpellation. En effet, l'auteur des Cahiers de Belaid est le premier �
avoir exerc� sur sa langue une influence qui se manifeste, d'abord, par
l'introduction de la longueur dans le texte car, habituellement, seuls les
po�mes sont �crits. Ensuite appara�t nettement l'effort de pr�cision dans
l'usage d'un verbe, raffin�, cisel� allant jusqu'� la subtilit�. Certaines
m�taphores, dont l'origine est la formation populaire, ont �t� utilis�es �
juste titre comme source de composition de style et moyens de pr�sentation
de l'ensemble des tons rendus tels que le path�tique, la dramatique, le
tragique, le comique, le pol�mique, l�ironie, l�humoristique, le
sensationnel et, enfin, le po�tique. Avec une formidable cr�ation dans le
jeu du vocabulaire et une combinaison particuli�re des mots d'usage facile
et tr�s courant, Bela�d At Ali a r�ussi � faire dispara�tre les fronti�res
entre le genre oral et le genre �crit. La r�ussite de Belaid r�side dans
le fait qu'il n'a pas provoqu� de heurts ni de chocs entre la
prononciation � l'oral et la repr�sentation mat�rielle du texte � l'�crit.
Avec l'oral et l'�crit, Belaid a permis � la langue d'�tre la m�me. Les
Cahiers de Belaid sont une �uvre immense qui nous interpelle sur l'usage
que nous faisons aujourd'hui de la langue, mais surtout de la d�marche �
entreprendre pour son passage � l'�crit en tant que langue,
historiquement, orale. C'est pourquoi les Cahiers de Belaid devraient
servir de point de r�f�rence dans l'acte d'�crire en berb�re.
L'enjeu �tant, donc, pour nous d'�viter que nous ne soyons coup�s de ce
qui a �t� par rapport � ce qui va venir. Je veux citer ici Mlle Dahbia
Abrous qui d�clare que �toute cr�ation passe in�vitablement par
l'imp�rative ma�trise de ce � partir de quoi on innove�.
Bien s�r que notre �cole ne devrait pas se recroqueviller sur elle-m�me
dans le seul genre oral, car disait da Lmulud : �Il se peut que les
ghettos s�curisent, qu'ils st�rilisent c'est s�r.� Il nous faut seulement
concilier l'un et l'autre (l�oral et l'�crit) pour �viter de �s'enfermer
comme dans une pi�ce � deux issues, dont on se garderait d'ouvrir les
portes, celle qui m�ne au pass� comme celle qui regarde vers l'avenir� et
d'o� on ne pourra jamais s'enfuir.�
La suite la semain prochaine Abdennour Abdesslam, chercheur In Timmuzgha
octobre 2004.
16-02-2005
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