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ABSENCE D�INVESTISSEMENTS, CH�MAGE,
INS�CURIT�
La poudri�re kabyle
http://www.lexpressiondz.com/T20051227/ZA10-0.htm
27 d�cembre 2005
Paysages de villes et paroles d�hommes pour
reconstituer l�image d�une r�gion pas comme les autres.
R�gion, g�ographiquement,
culturellement et linguistiquement d�limit�e, la Kabylie pr�sente les
caract�ristiques d�une r�gion rebelle, hostile � toute r�cup�ration et
r�fractaire � toute �tiquette. Ce qui nous y emm�ne ce n�est pas tant d�en
cerner les enjeux politiques que d��tablir un constat sur la situation
s�curitaire qui y r�gne.
Depuis avril 2001, les choses se sont peu � peu tass�es, par lassitude
plut�t que par r�solution des vrais probl�mes. L�Etat a consenti des
indemnisations aux victimes, mais la r�gion vit les m�mes probl�mes
sociaux, avec ceci en bonus : une mont�e en force de la criminalit� et une
prolif�ration de la petite d�linquance. Cela pendant que le Gspc continue
toujours, et pour les raisons strat�giques, politiques, sociales,
culturelles et �conomiques que l�on sait, � occuper les montagnes alentour.
Images vivantes d�une r�gion meurtrie o� l�on sent le tic-tac d�une bombe
� retardement...
Alger, Boumerd�s, Si Mustapha, les Issers, Bordj Mena�el, puis Tadma�t,
Dra� Ben Khedda, porte de la Grande Kabylie. Sur les hauteurs nord, les
monts de Sidi Na�mane, au sud ceux de Sidi Ali Bounab, fief par excellence
du Gspc et qui s��tendent de Bordj Mena�el � Tizi Ouzou, et donnent acc�s
� pratiquement toutes les wilayas du Centre.
Tizi Ouzou donne l�impression d��tre une ville en chantier. Pour une cit�
enracin�e dans l�histoire de l�Alg�rie, c�est d�j� le paradoxe. �Ne vous
m�prenez pas, nous lance un citoyen de la Nouvelle-Ville, les nouvelles
constructions sont le fait de quatre ou cinq �boss� de la r�gion.� Les
petites gens continuent � regarder pousser les habitations du haut de
leurs hameaux et villages perch�s sur les flancs de Redjaouna, Hasnaoua,
Bouhinoun, Tacht ou m�me B�ni Douala. Sans commune mesure avec les
agitations qui l�avaient secou�e en 2001 et 2002, la r�gion kabyle tente
aujourd�hui de retrouver ses rep�res traditionnels. Vainement. Les
derni�res �lections ont, certes, consacr� la pr�sence politique du FFS et
du RCD, mais la pouss�e politique du FLN et du RND dans la r�gion est d�j�
symptomatique d�un �d�cloisonnement� �vident.
La journ�e est radieuse, prometteuse, mais nous tombons sur un fait divers
qui annonce la tendance que prendra notre reportage. Les services de
s�curit� viennent de mettre la main sur deux comparses, qui, plus t�t dans
la journ�e, avaient tu� un jeune pour lui voler son t�l�phone portable.
Les policiers sont discrets dans la ville. Quelques rares brigades de
police contr�lent les axes urbains, mais l�immensit� des quartiers et des
centres p�riph�riques rendent utopique toute s�curit� dans la r�gion.
�Regardez l�oued Sebaou�, se lamente un habitant de Redjaouna. En
contrebas, le lit de l�oued a �t� �largi d�au moins 50 m�tres. Mais l�
n�est pas le plus grave. Des trous de 5 m�tres ont �t� faits � certains
endroits par les pilleurs de sable. Pour extraire � moindre co�t,
rapidement, et aller vendre ailleurs, � B�ja�a et Boumerd�s, o� la
s�curit� interdit ce genre d�entourloupe. Au rythme actuel, dans moins de
quatre ans, les nappes phr�atiques seront contamin�es et l�eau sera
imbuvable. Tel du gruy�re g�ant, le lit de l�oued Sebaou est �trou� de
bout en bout. En plein jour, les camions continuent � extraire le sable,
�en toute s�curit�. On n�omettra pas ici de pr�ciser qu�une couche de
sable met 35 � 40 ann�es pour se former.
Des services de s�curit� neutralis�s
En fait, la Kabylie a pos� de s�rieux probl�mes aux autorit�s, et les
choses ont vraisemblablement �volu� dans tous les sens, et non pas
uniquement dans le bon sens. Les responsables locaux nous ont fait part du
d�part pr�cipit� de deux groupes d�investisseurs, apr�s avoir constat� que
le risque �tait �lev� � un moment o� le braquage de banques, de bureaux de
poste, des recettes municipales et des contributions est devenu un m�tier
qui fait flor�s, aussi bien chez les groupes arm�s de la r�gion que chez
les jeunes, tent�s par la radicalisation et le gain � port�e de main.
Les probl�mes de la r�gion semblent avoir �t� solutionn�s par des doses de
calmants. D�bits de boissons alcoolis�es, bars, caf�t�rias, auberges � la
p�riph�rie et autres espaces de d�tente. A la longue, cette faune a drain�
prostitution, prox�n�tisme et donc, d�linquance, criminalit� et hausse des
actes de violence.
Un responsable de la Bmpj, � la sortie est de Tizi Ouzou en allant vers
Tizi Rached, pr�cise: �En fait, on g�re une situation anormale, et tout ce
qui se passe aujourd�hui est le r�sultat d�un cumul de plusieurs ann�es de
tensions politiques et sociales. On travaille avec moins de 40% des
mesures qui doivent �tre appliqu�es. C�est une situation de fait...� Cela
rejoint ce que nous disait un officier de police quelques jours auparavant:
�Les services de s�curit� ont �t� neutralis�s en Kabylie. Nous, nous ne
pouvons g�rer des tensions politiques et sociales. Nous faisons les frais
de la d�sertion des politiques et des �lus...� Et de nous raconter
l�histoire d�un policier agress� en plein jour, verbalement, et qui, ne
pouvant faire plus, tire un coup de feu en l�air. �Le policier a �t�
r�voqu� parce que justement, on leur demande d��tre patients, calmes et de
regagner la confiance des citoyens...�
Beggaz Brahim, un jeune de Hasnaoua, situe le probl�me sur un autre plan:
�Nagu�re, il y avait ��thadjma�t�� la tribu, et les hommes �g�s faisaient
office de r�f�rence et avaient tout le respect des jeunes. Aujourd�hui, il
me semble assister � une r�volte des jeunes qui ont bris� leurs propres
rep�res, pour ne se retrouver, en fait, nulle part ailleurs. Une cha�ne
s�est rompue. Hasnaoua �tait un village conservateur, mais aujourd�hui,
dans toutes les dechras qui forment la tribu, on assiste � une mont�e de
la d�linquance, de petits ca�ds qui prennent des airs de grands bandits.�
M.S., un patriote de Sid-Ali Moussa (Ma�tkas), moustache dans le vent et
fiert� en bandouli�re, est tranchant: �Ecoutez, j�ai v�cu les pires
moments du terrorisme. A l��poque, il y avait chez nous la zaouia
coranique, g�r�e par l�imam Belil, qui en fait �tait un chef terroriste.
Il avait au moins quarante hommes arm�s avec lui, et qui se faisaient
passer pour des tolbas, des �tudiants, et nous les avons chass�s un � un.
Mais aujourd�hui, on ne sait plus qui est qui... Entre Ma�tkas et Souk El
Thenine, il n�y a d�sormais ni policiers ni gendarmes, et la d�linquance
s�est transform�e en mafia locale. Les jeunes, tous ch�meurs, posent leurs
tables et vendent, non seulement sur les trottoirs, mais aussi sur les
routes, fermant ainsi l�acc�s � toute circulation, de sorte qu�il faut
mettre maintenant deux heures pour arriver � l�h�pital...�
Kadouche Mohamed de Sid-Ali Moussa est plus nuanc�: �On avait un burnous,
et aujourd�hui, on ne l�a plus. Vous me comprenez? Chez nous, nous avons
fait pi�ce aux terroristes et les avons pourchass�s. Mais actuellement,
nous ne savons plus qui est qui. Il y a quelques jours, un voisin criait
de douleurs toute la nuit, et je n�ai pu aller lui pr�ter main forte. En
fait, je doutais qu�il s�agissait d�une ruse pour me faire sortir et
m�attaquer (le villageois est arm�, comme bon nombre des hommes de Sid-Ali
Moussa, ndlr). Ce n�est que le lendemain matin que je l�ai trouv� ligot�,
rou� de coups et se tordant de douleur. Il avait �t� attaqu� par deux
jeunes qui avaient pu s�introduire chez lui. Mais je me demande d�o� ils
�taient venus...�
La voiture Peugeot 405 de mon accompagnateur ne s�arr�te pas. On sillonne
la r�gion et la curiosit� de voir les petits villages accroch�s aux
contrebas des collines nous fait oublier que parfois, nous nous incrustons
dans des coupe-gorges du Gspc.
Partout, dans les villages entourant Souk El Thenine, Mechtras, Bounouh,
Frikat et Tirmitine, on sent les appr�hensions diffuses sur les portes
blind�es, les fen�tres aux barreaudages �pais, des maisons entour�es de
fils barbel�s ou d�une haie d�arbres de figues de barbarie qui cl�turent
un chez-soi incertain.
Alma, le �Hamiz local�, se d�veloppe dans l�anarchie. Les jeunes ne
trouvent pas de quoi s�occuper et le ch�mage aboutit � des tensions. La
r�gion pr�sente depuis trois ans le taux de suicide le plus �lev� du pays.
Le commerce informel, qui fait perdre aux communes des centaines de
milliards par an, s�y d�veloppe rapidement, comme � Ma�tkas et Souk El
Thenine. Les maux sociaux s�y noient dans l�alcool et les femmes pour
certains jeunes d�soeuvr�s. R�sultat : il y a une semaine, un vendeur de
liqueurs s�est attaqu�, en p�n�trant dans la mosqu�e, � un des fid�les qui
lui demandait d�aller vendre plus loin ses produits. Cela s�est pass� �
Souk El Thenine, et aussi � Hasnaoua.
A Ma�tkas, un mari a tu� sa femme, m�re de dix enfants, il y a une semaine,
et l�a tra�n�e jusqu�� Takhoukht. Pris de remords, il se livre au
groupement de gendarmerie de Tizi Ouzou. En fait, c�est le crime parricide
qui semble inqui�ter les gens. La quasi-totalit� des vieux interrog�s
pensent que �l�euro est l�enjeu�.
Les anciens de la r�gion ont pour la plupart travaill� en France et leur
retraite leur est vers�e en euros. Si dans le pass�, et le respect de ce
pass�, les enfants demandaient au p�re de les aider par quelques centaines
d�euros, aujourd�hui, certains exigent du p�re la signature du ch�que, la
paie cash, et cela aboutit � des disputes, des discordes, puis des
parricides. �Si on avait un peu plus de s�curit�, la situation aurait �t�
moins dramatique. Les parents, dans ces cas, n�ont plus o� aller se
plaindre.�
Ainsi parlent les �rchs
�Allez voir du c�t� de Thala Athmane, Azzeffoun et Azzazga�, nous lance un
jeune. Les cannettes de bi�re et les bouteilles de vin jonchent les routes
des deux c�t�s. Les femmes viennent de partout et cela donne lieu � une
prolif�ration de lieux de d�bauche. A certains endroits de la ville m�me
de Tizi, des p�ripat�ticiennes de fortune donnent des allures de Pigalle �
Tala Athmane, �la Madrague� locale.
Dans ces fiefs de la boisson �la Vieille Marmitte�, Thala Athmane, �la rue
des Douze S...�, ainsi nomm�e par l�humour populaire, vous ne risquez pas
de voir un policier dehors. En dehors de Tizi Ouzou, Ouaguenoun, Boudjima,
Fr�ha, Makouda et Aghribs connaissent une pouss�e d�actes li�s aux vols de
voitures et de brigandage.
Que faut-il faire? On pose la question � deux membres du mouvement citoyen
�les archs�, un ancien et un de la nouvelle �quipe. Pour Sadek Yousfi,
signataire d�un communiqu� avec Bouzidi Ahmed et A�ssa Arab, r�clamant le
retour des services de s�curit� en g�n�ral, et de la Gendarmerie nationale
en particulier, le probl�me se pose en termes de s�curit� locale. Il
pr�cise: �Pas de s�curit�, pas de d�veloppement dans la r�gion. Les gens
pillent le sable et saccagent, ce faisant, la canalisation. R�sultat,
l�eau de l�oued Sebaou n�arrive pas jusqu�aux villages environnants comme
Tacht, Redjaouna et El-Vor. J�ai milit� pour le d�part de la gendarmerie
et je milite aujourd�hui pour son retour. Ce qui se passe aujourd�hui
exige de nous cette lucidit�. Ahmed Za�d Ferhat, qui fait partie de
l�actuelle �quipe des archs, et qui avait �t� condamn� pour ses prises de
position en faveur de la Kabylie en 2002 � deux mois de prison ferme, dit:
�Moi je pense que c�est une question de temps. Les blessures sont encore
vives, mais la gendarmerie doit revenir prendre poste un jour. C�est une
question majeure qui exige beaucoup de courage et de patience, car il faut
dire que l�ins�curit� r�gne aujourd�hui�.
Voil� donc, en images �parses, la situation de la Kabylie. R�gion meurtrie
et soign�e par des rem�des exutoires et ludiques, et qui ont pour effet
d�en faire une zone de non-droit, sorte de no man�s land s�curitaire, au
moment o� le Gspc se r�organise dans les maquis de la r�gion et rejette
toute option de r�conciliation.
Les �concessions s�curitaires� d�cid�es au plan politique ont men� droit �
une situation d�ins�curit�, dont les premiers effets ont �t� de faire
partir les investisseurs venus prospecter dans la r�gion. Un groupe de
Saoudiens apr�s avoir visit� Azzefoun, a aussit�t pli� bagage, tandis
qu�un second groupe d�Allemands est vite reparti apr�s avoir constat�
qu�au plan de la s�curit�, beaucoup de choses restaient � faire. La
conjoncture perdure et les maux risquent encore de s�exacerber...
Avant de rentrer � Alger, on a pr�f�r� donner la parole au commandement de
la Gendarmerie nationale de Tizi Ouzou le colonel Hocine Gahfez: �Nous
n�avons pas d�sert� notre travail de s�curisation et nous n�avons pas
abandonn� les populations. Il existe sept barrages routiers �extra muros�,
c�est-�-dire situ�s en dehors des agglom�rations pour contr�ler et
s�curiser. Ici m�me, je re�ois quotidiennement des citoyens et je
solutionne leurs dol�ances dans la mesure de mes possibilit�s actuelles.
J�ai d�senclav� l�ann�e derni�re des villages isol�s par la neige avec
l�aide de l�arm�e et notre travail se fait plus ou moins normalement. J�ai
organis� r�cemment une �journ�e portes ouvertes� sur la Gendarmerie
nationale � Dra� Ben Khedda�.
Nomm� au poste au d�but 2004, le colonel Hocine Gahfez a conscience de la
t�che difficile qui lui a �t� attribu�e, mais aussi des responsabilit�s
qui p�sent sur lui: �La premi�re chose que j�ai faite apr�s mon
installation � Tizi Ouzou, c��tait de me recueillir sur la tombe de
Guermah Massinissa, puis sur celle de mon ami Ramdane, enterr� aux
Ouadhias. La population kabyle a �t� meurtrie. Si je dois implorer son
pardon, je le fais sans h�siter. Je dois donner l�exemple sur tous les
plans. Je veux regagner une cr�dibilit�, je veux regagner la confiance des
citoyens. Mais moi, j�ai une loi et je l�applique. Je veux que ma
cr�dibilit� r�side dans l�application des lois pour tous, et l� o� je peux
intervenir et aider les gens, je le fais sans r�fl�chir une seconde.
Retour sur Alger en repassant en sens contraire notre longue route en
zigzag. Paysages de villes, paroles d�hommes serviront � noircir mes
feuilles et � alimenter l�espoir de revoir bient�t une Kabylie des
meilleurs jours.
Fay�al OUKACI
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