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Mr Ould Slimane Salem, ancien militant de l'Acad�mie berb�re t�moigne : �Bessaoud r�vait d'une nation berb�re qui reconna�t ses enfants�

http://www.racines-izuran.com/index.php?action=article&numero=488

Ould Slimane Salem, dit Salem Ath Slimane, fut l'un des membres les plus actifs de l'Acad�mie Berb�re � Paris entre 1967 et 1978, ce qui lui a valu un vibrant hommage de la part du p�re fondateur de Agraw Imazighen, Bessaoud Mohand A�rav, dans son dernier livre sur l'Histoire de l'Acad�mie Berb�re (Voire encadr�). Salem Ath Slimane est n� en 1930 dans le village des Ath Hichem sur le flanc nord du majestueux Djurdjura. Il fr�quenta l'�cole fran�aise d�s l'age de sept ans. L'une des premi�res � avoir �t� construites en Kabylie, et o� fut scolaris�e m�me sa grand-m�re. C'est, raconte-t-il, dans les manuels de g�ographie de l'�poque qu'il d�couvre le mot Berb�rie qui d�signait l'Afrique du Nord. Il fera ses premiers contacts avec les id�es berb�ristes � partir de 19 ans, gr�ce � Sedikki M'hand dit Si M'hand N'Boualem qui l'avait embauch� dans son restaurant � Michelet et qui ne cessait de r�p�ter qu'ils n'�tait ni arabe ni fran�ais mais berb�re. C'est l� aussi qu'il entendra parler de Khelifati Mohand Amokrane. Et c'est le d�but de sa prise de conscience.

Racines - Izuran : Comment �tes-vous rentr� dans l'Acad�mie berb�re ?

M. Ould Slimane Salem : En 1962, je suis parti travailler en France. Je travaillais dans le b�timent. C'est en 1967 que j'ai d�couvert une affiche sur le mur d'un caf� en revenant du march� un samedi. L'affiche qui annon�ait un gala portait l'inscription Acad�mie Berb�re - Agraw Imazighen. Je me suis dit, pardi ! Cela doit me concerner, je suis berb�re. C'est ainsi que je me suis retrouv� au si�ge de cette Acad�mie, 05 Rue d'Uzes au 2�me arrondissement, le lendemain m�me de cette d�couverte, un dimanche.

Avez-vous entendu parler de l'Acad�mie berb�re avant ce jour l� ?

Non, n'en n'avait jamais entendu parler auparavant. Arriv� l�-bas, je ne connaissais personne, je ne connaissais m�me pas Bessaoud Mohand Aarav. Beaucoup d'�migr�s y venaient. Les uns rentraient et d'autres sortaient.

Comment se faisait le travail au 05 rue d'Uzes et dans quelle ambiance ?

Il y avait beaucoup de visites. C'�tait une fourmili�re. On avait une machine � �crire et une Ron�o qui nous servaient � taper puis � tirer les tracts ou les bulletins. L'ambiance �tait d�contract�e avec toutes ces all�es et venues. Bessaoud Mohand Aarav s'improvisait conf�rencier et nous donnait des cours sur l'histoire des Berb�res, des Almoravides, d'Ibn Tachfine, d'Ibn Toumert, de la Kahina et de Koceila. C'est l� que nous avons entendu parler de Charles Andr� Julien et de bien d'autres historiens et personnages historiques dont nous n'avions jamais entendu parler. Bessaoud enseignait les caract�res tifinagh � tous ceux qui se rendaient � Rue d'Uzes, pour leur d�montrer que nos anc�tres �crivaient leur langue depuis la nuit des temps. Car la majorit� des visiteurs venaient avec l'id�e que notre langue ne s'�crivait pas. L'Acad�mie berb�re a �norm�ment contribu� � l'�veil des consciences et vous en voyez le r�sultat aujourd'hui. Gr�ce au travail de l'Acad�mie, la cause berb�re �tait connue du monde entier, au Niger, au Tchad, au Mali en Lybie en Tunisie. Oui il y avait des Berb�res libyens et tunisiens qui y venaient. Vous n'avez qu'� voir ce qui se fait au Maroc actuellement. Le si�ge de l'Acad�mie servait m�me de refuge � des �migr�s au ch�mage qui venaient y passer la journ�e voir m�me la nuit.

Bessaoud vous a rendu un vibrant hommage dans son dernier livre Des petites gens pour une grande cause ou l'Histoire de l'Acad�mie Berb�re. Il a �crit que vous faisiez le travail de dix personnes !

J'�tais jeune et plein de fougue. Il devait y avoir 2000 caf�s tenus par des Kabyles uniquement � Paris. Nous faisions la tourn�e pour distribuer soit des tracts soit le bulletin de l'Acad�mie qui paraissait tous les mois. Nous avons divis� Paris en Zones, et chaque week-end nous couvrions une zone donn�e. Certains tracts �taient destin�s � sensibiliser la population fran�aise � la question berb�re. Dans ce cas l�, nous les mettions dans les boites aux lettres.

Est-ce que Bessaoud participait � ce travail ?

Il prenait part � toutes les t�ches qu'il y avait � faire. Il n'obligeait personne � travailler. Les gens venaient de leur propre gr�s et chacun faisait ce dont il �tait capable. Malgr� sa maladie qui lui causait souvent des difficult�s respiratoires, Bessaoud ne ratait jamais une tourn�e de distribution de tracts ou de vente de bulletins et pr�chait la bonne parole jusqu'� tard dans la nuit. Arriv�s au dernier caf�, nous d�nions tous ensemble.

Comment �tiez-vous re�us ?

Cela d�pend des personnes qu'on trouvait. Vous savez, les ouvriers �migr�s �taient en majorit� illettr�s, m�me si le bulletin ne co�tait que un (01) franc, ils ne pouvaient pas le lire. Je me souviens, une fois, je suis rentr� dans un caf�, un �migr� me demanda le prix du bulletin. Je lui r�pondis qu'il co�tait un franc. Il s'emporta de col�re : �Comment cela, la langue kabyle ne vaut qu'un mis�rable franc. Voil� ! Je t'en donne dix francs.� Mais ce type de r�action �tait plut�t rare. Une autre fois, nous sommes partis du c�t� de la place d'Italie, nous sommes rentr� � trois, Berkouk Ahmed d'Azefoune, un autre militant et moi, dans un caf�-h�tel appartenant � un richissime originaire de Boghni, nous d�pos�mes les bulletins sur le comptoir et command�mes trois tasses de caf�s. Il y avait seulement deux clients dans le caf�. Nous r�gl�mes les consommations qui valaient trois francs, et propos�mes au patron du caf� de nous acheter un bulletin pour un (01) franc. Il nous r�pondit en kabyle : �Je ne suis ni amazigh ni arabe�.

Vous es t-il arriv� d'�tre emp�ch� d'activer ?

L'Acad�mie berb�re �tait une association l�galement agr��e. De ce fait, personne ne pouvait l'emp�cher d'organiser ses activit�s. Seulement, les ennemis de notre cause, notamment l'Amicale des Alg�riens du FLN faisait tout pour saborder nos actions, notamment nos galas, en programmant d'autres galas le m�me jour et � la m�me heure ou bien en intimidant les gens � leur descente de m�tro, et en les renvoyant chez eux pour emp�cher la r�ussite de nos galas. Seuls les plus militants les plus aguerris passait outre les ordres des barbouzes de l'Amicale.

Qui sont les militants que vous rencontriez � l'�poque ?

Parmi les fid�les de l'Acad�mie, je peux citer Idjekouane Belkacem de Boghni, le chanteur Farid Ali, Hemiche Med Said d'Iflissen, Berkouk Ahmed d'Azeffoune, Bounab Mustapaha et Aouchiche Mustapaha de Sidi Aich, et bien d'autres dont j'ai oubli� les noms. Il y avait d'autres militants qui activaient du c�t� de Vincennes � l'image de Hand Saadi, Redjala Mbarek et Mohia qui �ditaient m�me un bulletin �Tisuraf�. Ces militants nous rendaient visite � l'Acad�mie. Nous mangions souvent ensembe au restaurant universitaire � Vincennes.

Y avait-il des intellectuels qui fr�quentaient l'Acad�mie berb�re ?

Non, je n'en voyais pas beaucoup � part quelques �tudiants qui venaient au si�ge de l'Acad�mie comme Mohia et Hand Sadi. Par contre, Mouloud Mammeri n'y a jamais mis les pieds. D'ailleurs, Bessaoud reprochait souvent � Mammeri sa froideur et son manque d'engagement sur le terrain, car il pouvait faire beaucoup plus qu'il n'a fait pour les Berb�res. Mohamed Harbi est venu une fois � l'Acad�mie. Je me souviens, une fois, en voulant le sensibiliser, il m'avait dit : �vous pr�chez � un convaincu�. Il critiquait le r�gime arabo-islamique et se revendiquait m�me de la berb�rit�. Je le voyais � l'Universit� de Vincennes o� il animait des conf�rences. Il y avait �galement Malek Ouary qui animait des conf�rences � Vincennes. Quelle �tait l'attitude des m�dias et des partis politiques � votre �gard � cette �poque ? On travaillait en marge de la soci�t� politique et des m�dias. La presse ne nous accordait aucune attention et encore moins les partis politiques. Y compris le Parti Communiste Fran�ais, qui �tait � l'�poque dirig� par George Marchais. Cependant, le PRS de Mohamed Boudiaf �tait contre nous, ainsi que ce qui restait du FFS, qui �tait r�duit � une peau de chagrin.

Quelle �tait l'attitude des chanteurs Kabyles envers l'Acad�mie berb�re ?

Je n'�tais pas tout le temps au si�ge de l'Acad�mie berb�re, mais je sais que Farid Ali �tait un assidu. Ait Ali Slimane Djaffar y venait aussi. Slimane Azem je l'ai vu une fois. Taleb Rabah m�me s'il refuse de chanter pour l'Acad�mie mais il ne nous �tait pas hostile. Ferhat Mhenni est �galement venu. Cheikh El hasnaoui est pass� une fois et nous a donn� � sa b�n�diction (Daawa l'khir). D'autres chanteurs � l'instar de Akli Yahiaten �taient toujours pr�ts � chanter pour l'Amicale du FLN. Quant � nous, ils ne cessaient de nous d�nigrer en nous qualifiant de racketteurs, d'escrocs et de voleurs. Ils �taient les ennemis de notre cause parce que les frais d'adh�sion s'�levaient � 20FF l'ann�e. Akli Yahiaten est arriv� m�me jusqu'� insulter Bessaoud Mohand Aarav au t�l�phone. Ils ne savaient pas que nous ne pouvions m�me pas payer le loyer du local qui nous abritait et qui �tait pris en charge par Hanouz (pharmacien). Ceux qui r�pondaient favorablement pour les galas de l'Acad�mie sont entre autres, Farid Ali, Slimane Azem, Idir, et Ait Ali Slimane Djaffar.

Bessaoud Mohand Aarav �crit dans son livre �des petites gens pour une grande cause ou l'Histoire de l'Acad�mie Berb�r�, que Slimane Azem exigeait des cachets faramineux pour participer � ces galas ?

Personnellement, je ne m'occupais pas de la gestion financi�re de l'Acad�mie. Tel que je le connais Bessaoud Mohand aarav est un homme honn�te et un r�volutionnaire. Il ne ment pas. S'il le dit c'est que cela doit �tre vrai. Mais je peux vous dire qu'en ce qui me concerne quand je trouvais Slimane Azem dans un caf�, il m'achetait tout le paquet de bulletins d'Agraw Imazighen (une vingtaine ou une trentaine) qu'il me payait sur le champ pour les distribuer gratuitement aux clients du caf�.

Bessaoud Mohand Aarav a souvent �t� d�crit, m�me par d'autres berb�ristes, comme un homme autoritaire et un raciste. Vous qui l'avez approchez, quel souvenir gardez-vous de lui ?

Personnellement, je ne l'ai pas connu comme un homme autoritaire. Je l'ai toujours vu tol�rant et tr�s poli. Je ne l'ai jamais vu se mettre en col�re ou �lever la voix. C'est le pouvoir qui voulait lui coller l'�tiquette de raciste. Et les autres Kabyles ne faisaient perp�tuer l'id�ologie ambiante. Bessaoud, ne faisait que se d�fendre. En quoi le fait de s'affirmer Corse ou Berb�re fait-il de quelqu'un une personne raciste. Bessaoud se proclamait Berb�re et affirmait ne pas �tre Arabe. En quoi ceci est-il raciste ? Bessaoud �tait un homme de paix. C'�tait un homme qui ne voulait pas dispara�tre.

De quoi vivait Bessaoud � l'�poque ? Avait-il un travail ?

Il ne travaillait pas. D�s qu'il rentrait au si�ge de l'Acad�mie, il posait son chapeau � l'entr�e, et chacun y d�posait ce qu'il pouvait, 5 centimes, 10 centimes. Bessaoud est un combattant et un maquisard, s'il l'avait voulu, il aurait eu un haut poste de responsabilit� en Alg�rie, mais pour cela il aurait fallu qu'il applaudisse Ben Bella et Boumediene. Mais Bessaoud est un homme qui r�fl�chit, ce n'est pas un �mouton�. Mohand Aaarav Bessaoud ne poss�dait rien. M�me la maison de ses parents au village �tait tomb� en ruines. Bessaoud r�vait d'une nation berb�re qui reconna�t ses enfants � l'instar des Corses, des Catalans, des Basques, des Irlandais, Etc.

Lui arrivait-il de se d�courager ?

Jamais. Il ne baissait jamais les bras. Il n'�tait pas du genre � se d�gonfler. Son chemin �tait trac�.

La d�cennie 1970 a connu l'affaire dite des �poseurs de bombes�. Les militants emprisonn�s � l'�poque fr�quentaient-ils l'Acad�mie berb�re ?

Je n'ai jamais rencontr� Mohamed Haroun, Mais Medjeber Smail �tait venu plusieurs fois � l'Acad�mie. Il �tait jeune et na�f, il s'est fait avoir par un agent double. Toute cette affaire �tait un complot pour �liminer des militants actifs qui �tait d�sign�s � l'avance. Gr�ce � cette affaire, le pouvoir a instaur� un climat de terreur et de suspicion dans les milieux berb�ristes. Depuis cette affaire, la fr�quentation de l'Acad�mie berb�re a beaucoup chut�.

La fermeture de l'Acad�mie berb�re est survenue suite � une accusation de racket contre Bessaoud Mohand Aarav, avez-vous des d�tails sur cette accusation ?

Il faut dire que vers l'ann�e 1977, Mohand Aarav a commis quelques erreurs. Lass� par les attaques virulentes et r�p�t�es de certaines personnes malveillantes � l'instar de Akli Yahiaten, il a voulu riposter. Il a donc envoy� des gens casser les vitrines de leurs caf�s. Les propri�taires de ces caf�s �taient des ennemis d�clar�s de l'Acad�mie. L'arrestation de Bessaoud est survenue suite � un coup mont� par la police fran�aise avec la complicit� du nomm� Oukaci, qui �tait propri�taire d'une agence de voyage. Ce dernier lui a t�l�phon� pour, soi-disant, lui remettre une somme d'argent. Il faut signaler que celui-ci n'a jamais aid� l'Acad�mie auparavant. Bessaoud est malheureusement tomb� dans le guet-apens.

C'�tait donc la fin de l'Acad�mie berb�re ?

Oui c'�tait l'objectif du complot. Mettre fin aux activit�s de l'Acad�mie berb�re en neutralisant Bessaoud Mohand Aarav, � qui on a signifi� la d�cision d'expulsion du territoire. Il a choisit alors de partir en Angleterre.

Qu'est-il advenu des militants de l'Acad�mie berb�re ?

Nous nous sommes tous dispers�s. Nous nous connaissions surtout par nos pr�noms et nos villages d'origine. Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouv�s orphelins, sans point de chute et sans aucun contact entre nous. Nous avons perdu ce qui nous unissait et nous r�unissait. Moi-m�me, je suis rentr� au pays en 1978.

Avez-vous pour autant arr�t� le militantisme, sinon sous quelle forme avez-vous poursuivis ?

Ah non, �a jamais. Je ne veux pour preuve que ma pr�sence ici aujourd'hui.

Avez-vous revu Bessaoud apr�s son retour au pays ?

Oui, je suis all� le voir � Ath Aissi. On s'est regard� longuement. (Long silence) Que voulez-vous qu'on se dise ? J'ai �galement assist� � son enterrement. Les hommes comme Bessaoud sont rares et on en aura peut �tre jamais comme lui. Etant maquisard et instruit, il pouvait mener une belle vie sous le r�gime de Ben Bella et Boumediene.

Avec le recul comment voyez-vous cette p�riode de militantisme ?

Moi je suis rest� le m�me. Je pense que nous avons fait notre devoir. Nous avons fournis des efforts que nous ne pouvons plus fournir aujourd'hui. Et pour reprendre Edith Piaf, je dirai que je en regrette rien. Les fruits de notre travail sont l�, mais j'estime que ce n'est pas assez.

Comment voyez-vous le combat pour l'amazighit� aujourd'hui ?

Je dois dire que nous n'avan�ons pas assez vite. Pas aussi vite que d'autres peuples tels les Catalans et les Basques. Parce que le Berb�re n'a pas de sixi�me sens. Il n'en a que cinq. Nous avons beaucoup de Berb�res milliardaires, mais ils ne d�pensent pas un centime pour leur identit�. Mais que cela ne nous emp�che pas de continuer le combat jusqu'au bout. Un vrai militant ne baisse pas les bras car il travaille pour un id�al.

Quel message voudriez-vous transmettre aux nouvelles g�n�rations ?

Il nous appartient � nous de leur inculquer cette conscience, � travers l'�crit et la parole.

Avez-vous une anecdote � nous raconter ?

Vers 1972, nous sommes rentr� � trois dans une salle o� Taos Amrouche devait animer un gala. La cantatrice nous laissa entrer sans payer, mais voyant que nous avions des tracts de l'Acad�mie berb�re entre les mains elle nous dit : �Mais ne politisez pas mon gala�. Ce n'est qu'� la sortie du spectacle que nous avons distribu� nos tracts.

Mardi 09 Janvier 2007

Entretien r�alis� par M. Azwaw

 

 

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