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LA D�P�CHE DE KABYLIE | QUOTIDIEN D'INFORMATION - Edition n� du MARDI 17/02/2004
 

Maestro et po�te accompli

CH�RIF KHEDDAM

Lorsqu'on �voque Ch�rif Kheddam, c'est in�vitablement au musicien qu'on pense en premier lieu. C'est que ses notes et ses partitions sont d'une pr�gnance assez forte pour marquer le plus b�otien d'entre les auditeurs.
 

IL est maintenant �tabli que c'est lui qui a mis sur l'orbite de la modernit� la chanson kabyle avant que perce d'une mani�re �clatante la g�n�ration des ann�es 1970 avec Idir, Ferhat Imazighen Imula. Il a, de ce fait, innov� d'une fa�on extraordinaire dans le domaine musical si bien que beaucoup de gens "oublient" que ses musiqus sont mont�es sur des chansons, c'est-�-dire des po�mes. Et dans ce chapitre pr�cis, Ch�rif Kheddam s'est r�v�l� un grand po�te lyrique et romantique qui a compos� des textes que ni le temps ni les vicissitudes de la vie ne pourront effacer. Son r�pertoire est d'une diversit� �tonnante. L'auteur a chant� l'amour avec une rare sensibilit� dans des tableaux magnifiques pleins d'�motion et de subtile tendresse. Il a chant� la patrie, l'Alg�rie, la Kabylie, avec la conviction in�branlable d'un patriote doubl� d'un esth�te �clectique, ce qui lui a permis de fouiller dans les pierres, les ravins et les monts du pays, de h�ler � partir des buttes et des collines ses compatriotes exil�s en ville ou � l'�tranger, de chanter le hosanna pour le basilic du jardin, la rose des haies, l'herbe des pr�s, l'arbre des for�ts et les cailloux des sentiers et des raidillons. N� le 1er janvier 1927 au village des Ath Bou Messaoud (Ferhoun�ne), dans la wilaya de Tizi Ouzou, Ch�rif Kheddam est l'a�n� de cinq enfants dont le p�re, Omar, ne savait ni lire ni �crire, mais, muezzin, il �tait un homme pieux et respect�. Achour Cheurfi donne une biographie assez compl�te du chanteur dans son Dictionnaire biographique des �crivains alg�riens (Editions Casbah, 2003). Il nous apprend que Ch�rif Kheddam appartient � une modeste famille maraboutique affili�e � la confr�rie des Rahmania. En 1932, le p�re �migre en France, et � son retour en 1936, il d�cide d'envoyer son fils � l'�cole fran�aise situ�e � 17 km. Toutefois, les conditions �tant dures, il change d'avis et l'envoie chez Cheikh Oubelkacem de la zaou�a des Boudjellil, situ�e en face de Tazmalt, dans la wilaya de Bgayet. "C'est � la zaou�a, en internat, que l'on appr�cie sa voix pour la premi�re fois en psalmodiant le Coran", �crit A. Cheurfi. En 1942, il termine son cours coranique apr�s avoir appris par c�ur les soixante versets du Coran. N'ayant pas d'occupation pr�cise au village, il finit par d�barquer � Alger � l'�ge de 12 ans pour travailler comme journalier dans une entreprise de construction � Oued Smar. Il y reste trois ann�es pendant lesquelles il fait connaissance avec des militants nationalistes et prend conscience des rapports de domination �tablis entre les colons et les "indig�nes". Suite � une dispute avec son patron, il quitte Oued Smar pour se rendre en m�tropole en septembre 1947. Il s'�tablit � Saint-Denis puis � Epinay. De 1947 � 1952, il exerce dans une fonderie et, de 1953 � 1961, dans une entreprise de peinture. Parall�lement � son dur m�tier, C. Kheddam prend des cours de solf�ge le soir chez des particuliers. On le retrouve en 1954 au sein d'une troupe de musiciens qui jouait dans des caf�s. Accompagn� de leurs morceaux, Ch�rif chantait. Il lui arrivait de taquiner la muse en grattant la guitare au milieu du groupe. Ses compagnons artistes se rendent compte que son passage par la zaou�a n'�tait pas inutile puisque sa voix �tait d�j� travaill�e par l'exercice de la psalmodie. Cheurfi �crit � ce sujet : "Mais, ayant rompu avec le sacr�, rien ne lui interdit de prendre en charge le profane. Parce qu'il ne pouvait pas se dresser comme son p�re au fa�te d'un minaret, il chercha donc, par des voies d�tourn�es, comment agencer des notes de musique et plus tard diriger un orchestre." Tahar Djaout �crit � propos de l'exil de Ch�rif Kheddam : "C'est en France o� il arrive � l'�ge de 21 ans qu'il d�couvre vraiment l'art : la chanson maghr�bine, arabe ou occidentale, les films �gyptiens. Ch�rif Kheddam s'int�resse � tout cela de fa�on presque ludique. S'il y a chez lui une "arri�re-pens�e" professionnelle, il ne se prend pas pour autant au s�rieux, ne pense pas pouvoir un jour vivre de l'art. Pour la chanson kabyle de l'�poque, la sc�ne �tait occup�e par Slimane Azem, Cheikh El-Hasnaoui et Alloua Zerrouki. (...) Tout en demeurant sensible � toute belle musique, Ch�rif Kheddam se sent de plus en plus attir� par l'art occidental. Il d�couvre la musique classique, s'en impr�gne, �prouve pour elle un grand penchant." (Ruptures, n�3 du 27 janvier au 2 f�vrier 1993).

L'ascension depuis A yellis n'tmurtiw C'est en 1955 qu'il compose sa premi�re chanson A yellis n'tmurtiw enregistr�e le mois de juillet sur un disque 78-tours gr�ce au concours d'un ami fran�ais, libraire de profession, qu'il avait connu en 1949 � Montmorency. Ce premier enregistrement fut r�alis� � compte d'auteur au prix de 600 francs anciens. La diffusion du disque par la RTF (Radio-T�l�vision fran�aise) lui assura un certain succ�s. Remarqu� d�s cette premi�re �uvre, Ch�rif Kheddam fut recommand� � la bo�te Path�-Marconi EMI (filiale italienne) qui lui �tablit un contrat en 1956. Il compose pour Radio Paris, puis pour l'ORTF plusieurs morceaux ex�cut�s par le grand orchestre de la radio sous la direction de Pierre Duvivier. D'autres pi�ces sont interpr�t�es en 1963 par l'orchestre de l'Op�ra comique. "D�s ses d�buts, �crit Tahar Djaout, Ch�rif Kheddam a �t� consid�r� comme un r�volt�, un enfant indocile qui bouscule les conventions et les tabous. Dans une soci�t� aussi aust�re que la soci�t� kabyle traditionnelle, o� la beaut� m�me est suspecte, les chansons de Ch�rif Kheddam ont paru, � la fois par leur �laboration harmonique et leurs th�mes souvent hardis notamment dans le registre amoureux, d�routantes, presque inconvenantes. Mais du c�t� de ses confr�res chanteurs, on a compris que la d�marche de Ch�rif Kheddam est une d�marche d'avenir. Son exemple ne tarde pas � �tre suivi. A tel point qu'une sorte d'�cole s'est constitu�e juste apr�s l'ind�pendance." Ch�rif Kheddam acquiert les bases de la musique orientale aupr�s du grand Mohamed Jamoussi, et pour d�velopper sa technique musicale, il prend des cours chez le professeur Fernand Lamy, inspecteur des conservatoires nationaux de musique en France, ma�tre du grand orchestre italien Roberto Benzi. Cela lui permit d'�tablir un �quilibre harmonieux entre les m�lodies orientales et les influences occidentales. Apr�s l'�tude du solf�ge, de l'harmonie, les le�ons de luth et de piano, le voil� arm� pour affronter la composition. Avec plus d'ouverture sur le monde ext�rieur, il conserve la base m�lodique de la chanson kabyle, mais la transforme, la fa�onne, la r�nove pour lui donner un style", �crit � ce propos A. Cheurfi.

Nadia, Djurdjura et la nouvelle m�taphore Pendant l'ann�e 1958, Ch�rif Kheddam composa et enregistra certaines de ses plus belles chansons : Nadia, Djurdjura, Khir Ajellav n'Tmurtiw, entre autres. Ch�rif Kheddam, qui a une tr�s haute id�e de la po�sie, ne se consid�re pas comme un po�te : il a r�p�t� � qui veut l'entendre que, pour lui, la musique est plus importante que les paroles, t�moigne Tahar Djaout. Et pourtant, les compositions po�tiques de notre chanteur sont d'une extr�me sensibilit�, d'une rythmique envo�tante faisant mouvoir un appareil m�taphorique d'une originalit� certaine. Qu'il chante la femme kabyle, la montagne du Djurdjura, l'exil, la patrie, l'ind�pendance, l'amour et ses d�boires, Ch�rif Kheddam exalte des valeurs esth�tiques ind�niables et s'�loigne du moralisme ambiant ayant marqu� certains chanteurs de l'�poque. La chanson Alemri est un exemple de r�ussite po�tique et musicale qui fait partie des �uvres �ternelles de l'auteur. T. Djaout, marqu� par ce po�me, en a traduit quelques strophes : "O miroir, ton destin est plus enviable que le mien. Je suis comme un d�ment Et n'aspire qu'� te ressembler. L'amour te visite � tout moment Lorsque la belle descend Et devant toi se teint au henn�. Colombe se pavanant dans les pr�s, Elle est exempte de tout d�faut Ne se laisse pas s�duire par l'inconnu. Nous demandons � Dieu aim� Que notre tour arrive De c�l�brer ensemble notre joie. Elle te fixe sans fausse pudeur. C'est ta compagnie qu'elle sollicite Si tu avais su comprendre. Ami, sois heureux avec elle, Enivre-toi de son parfum ; Je sais que tu me surpasses en chance. Elle se peigne, parfait sa coiffure, Se regarde soigneusement Pour rep�rer le d�faut. Sa beaut�, sa taille sont impeccables, Tout en elle crie la perfection. Elle est pareille au fruit m�r." Les ann�es alg�riennes En 1963, Ch�rif Kheddam rentre au pays et prend contact avec la Cha�ne II de la radio nationale qui l'engage aussit�t. Il avait anim� plusieurs �missions de radio, mais c'est avec Ighennayen Uzekka qu'il sera connu et hautement appr�ci� pour avoir d�nich� des talents, conseill� et encourag� les nouveaux venus au monde de la chanson. Son �mission �quivalait � un s�v�re jury qui donnait le quitus � un avenir artistique pour le candidat ou le conseil pour s'�loigner d'une aventure o� il risquerait de perdre du temps et de l'�nergie pour rien. A�t Menguellet passa "l'examen" avec succ�s. Dans un t�moignage vid�o (Meskud igenni), Lounis avoue sa surprise et en m�me temps sa joie lorsque Ch�rif Kheddam lui demanda si c'�tait lui-m�me qui avait compos� la chanson qu'il venait d'ex�cuter. Puisque C. Kheddam en �tait frapp� � ce point, il n'y avait donc rien � redire : le chemin vers la gloire est tout trac�. D'autres futures vedettes comme Idir, Imazighen Imula et le groupe Yougourten sont pass�s par les services pr�cieux de C. Kheddam. Il est aussi sollicit� comme professionnel dans une commission d'�coute en kabyle et en arabe au sein de l'ex-RTA. C'est gr�ce � lui que la chorale du lyc�e Fadhma-N'soumer fut cr��e. L'id�e se propagea aux autres �tablissements jusqu'� s�lectionner plus tard les chorales du lyc�e Amirouche et du lyc�e El Khensa, d'o� sortira par exemple la c�l�bre Malika Domrane. Ch�rif Kheddam prit sa retraite administrative en 1988 et vit � Rouiba. D'apr�s certaines informations, il serait fatigu� et malade. Longue vie � Dda Ch�rif ! Une th�matique dense et plurielle

La chanson de Ch�rif Kheddam traite merveilleusement de tous les th�mes de la vie. L'on peut affirmer que le point de rencontre ou le sujet f�d�rateur de ces th�mes est l'amour : amour de la beaut� f�minine, amour pour sa patrie, sa r�gion et son identit� et enfin amour pour l'art : "La beaut� et l'art ont pris Toute ma vie Mon �me va avec eux ; Jusqu'� m'oublier." Que voit l'artiste dans son r�ve ? Une belle m�lodie qui chasse son ennui. Il a chant� la libert� de la femme qui "ne doit avoir d'autre voile que celui de sa pudeur et de sa dignit�" dans une chanson qui date de 1961 : "Quel est le voile d'une femme libre ? C'est le sens, la dignit� qu'elle poss�de, Elle se passe all�grement du voile et du ha�k. Puisque nous nous disons modernes, Laissons-la travailler et �lever ses enfants. Elle doit avoir sa part dans la r�flexion." Hymne au pays natal, odes d�di�es � la terre nourrici�re et chant pour la patrie �ternelle sont les grandes �pop�es musicales et po�tiques de Ch�rif Kheddam. Ainsi dans Aha kker zwi imanik, il appelle la jeunesse � se r�veiller et � prendre en charge le patrimoine fabuleux laiss� par nos anc�tres : "L�ve-toi et d�poussi�re-toi ; T'est pris par la somnolence ! Les richesses que rec�le ton pays Attendent un geste de ta part. Jette un regard vers le legs de tes anc�tres Regarde un peu en arri�re. Tu as bien des a�eux Et ne d�rive pas d'un ch�ne." Peut-on parler de Ch�rif Kheddam sans citer Nouara, la diva qui l'a accompagn� dans un grand nombre de ses chansons et � qui il a compos� des po�mes et des musiques ? Cet heureux mariage artistique entre deux sommets de l'art est sans doute un exemple unique dans la chanson kabyle en mati�re d'harmonie, de symbiose esth�tique et d'affinit�s �lectives. Monument de la chanson dans ses corpus po�tique et instrumental, Ch�rif Kheddam demeure un exemple d'artiste humble et profond, de visionnaire en mati�re d'art et de p�dagogue pour avoir form� et propuls� de grands talents devenus c�l�bres par la suite. Il marque d'une empreinte ind�l�bile la chanson et l'art kabyles.

Amar Na�t Messaoud

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