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Sur les traces de Che�kh Aheddad
Par Djamel Alilat  

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=24349             Journal Libert�,  Reportage (Editions du 24 et 25/5/2004)

 

Des hommes mais aussi des femmes qui ont marqu� l�histoire de la Kabylie et de l�Alg�rie. Figures de la r�sistance contre les invasions ennemies, ils sont devenus, chacun � sa mani�re, des l�gendes vivantes dans la m�moire collective du pays.
Que reste-t-il de leur passage ? Notre reporter est parti � leur recherche.

C�est le 8 avril 1871, � Souk El-Djem�a (Seddouk), au milieu d�une foule compos�e de plusieurs personnes, que Cheikh Aheddad a d�clar� la guerre � l�occupant fran�ais.
Pour retrouver des bribes de la m�moire de Cheikh Aheddad, il faut aller � Seddouk Oufella, son village natal. Un petit village pittoresque accroch� au flanc d�une montagne des Bibans. Beau comme une carte postale. 
Cependant, derri�re cette image d��pinal se cache une r�alit� triste et difficilement admissible : la maison familiale de Cheikh Aheddad, qui renferme encore takhelouith n�cheikh, la cellule o� il menait une vie d�asc�te et dereclus, est dans un �tat plus que lamentable. C�est une ruine qui menace de s��crouler d�un jour � l�autre. Et pour cause, ce site historique n�a fait l�objet d�aucune restauration, d�aucune attention. Pourtant, ce ne sont pas les visites officielles de ministres et autres grands pontes qui ont manqu� en ce lieu. Dekkouche Bouzid, le gardien des lieux qui habite la moiti� r�nov�e de la demeure depuis qu�il a �pous� une descendante du cheikh, est formel : �Beaucoup de ministres et de personnalit�s sont venus ici, entre autres Ben Bella, A�t Ahmed, Ben Bitour, Mouloud Kassem n�A�t Belkacem et Kasdi Merbah, un mois avant sa mort. Ghozali aussi en tant que Premier ministre est venu. Il aurait donn� 100 millions � la wilaya pour la r�fection de la maison mais on n�a toujours pas vu la couleur de cet argent.�
La vieille maison est fissur�e de toutes parts et le dernier s�isme, celui de 2001 qui avait pour �picentre Beni Maouche, � quelques encablures de l�, l�a encore fragilis�e. Comme toutes les maisons traditionnelles kabyles, elle est pourvue d�un asqif qui abrite une porte d�entr�e en bois massif qui permet d�acc�der � la cour int�rieure, afragg. La partie droite a �t� reconstruite en briques et parpaings. Une maison moderne s�y �l�ve. Elle abrite la famille de Bouzid. La partie gauche, celle o� habitait le v�n�rable cheikh, est demeur�e telle quelle. Takhamt n�cheikh, ta�richt avec, dans le toit, des trous b�ants qui laissent voir les nuages, et par terre quelques vieux ustensiles datant de plus d�un si�cle et demi et qui collectent l�eau de pluie qui p�n�tre du toit ab�m�. Juste � c�t�, une petite porte en bois s�ouvre sur takhelouith n�cheikh, sa cellule d�asc�se o� il priait et m�ditait. Deux vieilles dames en tenue traditionnelle, qui se compose du dil et de la fouta, arrivent et s�engouffrent dans la maison en pronon�ant la formule d�usage rituelle :  �S�awanuz � Cheikh Aheddad.�
Lorsque nous interrogeons notre h�te pour savoir si des visiteurs viennent encore en ces lieux, il r�pond que la fr�quentation a beaucoup baiss�. Avant, �norm�ment de gens venaient faire la ziara. Principalement des malades et des impotents venus solliciter la baraka du cheikh. Aux plus atteints, on permettait de passer la nuit dans takhelouith n�cheikh. � en croire notre h�te, le lendemain, il y avait souvent des gu�risons miraculeuses. Bouzid poursuit : �On ne peut plus permettre aux gens de passer la nuit ici, c�est trop dangereux. Voyez vous-m�me�, fait-il en d�signant du doigt les fissures qui l�zardent les murs. C�est dans cette petite pi�ce sombre que les Fran�ais l�ont arr�t� en 1871. � 80 ans pass�s, il �tait pratiquement paralys� des membres inf�rieurs et avait beaucoup de difficult�s � se mouvoir.
Son grand �ge, son statut de guide spirituel de la tarika Rahmania et ses ennuis de sant� ne les ont nullement emp�ch�s de l�envoyer en prison pour le r�le �minent qu�il a jou� lors de l�insurrection de 1871 � c�t�, bien s�r, de Hadj M�hamed El-Mokrani. Sur les murs ext�rieurs de la maison, Bouzid nous montre des traces de peinture bleue. Des ing�nieurs sont venus ici pour �tudier la meilleure mani�re de restaurer le site. Ils sont rest�s quelques semaines et ils sont partis pour ne plus jamais revenir. �On vient, on trace et on s�en va !�, se d�sole Bouzid. �Les autorit�s ne nous ont m�me pas donn� un sac de ciment pour r�parer.� Il note �galement que depuis les �v�nements de Kabylie, plus aucune visite officielle n�a �t� enregistr�e ici. Triste �poque o�, dans une Alg�rie riche � milliards, des responsables politiques aux caisses bourr�es d�argent oublient de sauvegarder la m�moire des g�ants qui ont fa�onn� ce pays.
Naissance et mort d�une l�gende Cheikh Aheddad, guide spirituel de la confr�rie Rahmania, � qui on doit en partie l�insurrection de 1871, a pay� de sa vie son engagement pour son pays. � Seddouk, chef-lieu de commune, en face du si�ge de l�APC, une statue le repr�sentant a �t� �rig�e sur une place publique. C�est ici, � Souk El-Djema�, que le 8 avril 1871, au milieu d�une foule compos�e de plusieurs milliers de personnes, qu�il a d�cr�t� le djihad contre l�occupant fran�ais. Apr�s avoir dirig� la pri�re, il a jet� son b�ton par terre et s�est �cri� : �Inch Allah nous jetterons iroumyen en mer comme je jette ce b�ton par terre !� Une d�claration de guerre sans �quivoque. Il s�agissait bien de bouter le colonisateur hors du territoire alg�rien. 150 000 Kabyles se soul�vent aussit�t. C�est le d�but de l�insurrection. Une dame, que nous avons rencontr�e un peu plus loin et qui tient � garder l�anonymat en se d�finissant comme une simple takhounith, nous raconte : �� l��ge de 12 ans, il a �t� envoy� par son p�re � la zaou�a de cheikh Abderrahmane � Ath Sma�l. Il emmenait sur son dos du sel des Ath Alloune pour les talebs de tima�mart. C�est cheikh Abderrahmane qui lui a donn� la tarika.� Il est vrai que la direction spirituelle de la tr�s puissante tarika Rahmania, fond�e par Sidi Abderrahmane Bou Qobrin � Ath Sma�l dans la wilaya de Tizi Ouzou, a �chu � Cheikh Aheddad en 1860, lorsque la zaou�a m�re fut ferm�e par les Fran�ais apr�s le r�le jou� par son leader, El-Hadj Amar, dans le soul�vement de 1857.
Notre takhounith nous offre un portrait du cheikh et nous r�cite avec �motion un po�me qu�un de ses a�eux a compos� � la m�moire du cheikh : �Bel Haddad id yehyane eddine, ghar el havss ithgouine, ichoura� di qsentina, ma nithni hekmenass assouguass mad rebbi yiguass, lama�na ourfhimn ara.� Lorsqu�il a �t� jug� � Constantine au printemps 1873, il a �t� condamn� � cinq ans de prison.
Au juge qui a prononc� la sentence, il a eu cette r�ponse rest�e dans la post�rit� : �Vous me donnez cinq ann�es, Dieu ne m�accorde que cinq jours.� Le cinqui�me jour, il d�c�de dans sa cellule. Il repose aujourd�hui au cimeti�re de Sidi Mabrouk o� sa tombe fait encore l�objet de d�votions quotidiennes. Il y a encore quelques ann�es, les khouan venaient � Seddouk Oufella par centaines. Ils remplissaient des cars entiers pour venir se ressourcer et honorer la m�moire du cheikh. � cause des circonstances p�nibles et souvent tragiques que vit le pays ces derniers temps, le flot s�est tari. Le silence r�gne dans la zaou�a ferm�e et tima�mart, l��cole coranique, fond�e par le p�re du cheikh et qui n�est plus aujourd�hui qu�une �cole primaire.
Cheikh Aheddad avait deux fils qui ont tous deux encadr� l�insurrection de 1871. Cheikh M�hand, ancien lieutenant de Boubeghla en 1851 et tel que le d�crivent beaucoup d�historiens, �tait un homme profond�ment pieux et port� au mysticisme. Le cadet, Cheikh Aziz, a jou� un plus grand r�le dans la direction de cette guerre. � son terme, tous les biens de la famille Belhaddad ont �t� s�questr�s et les deux fils d�port�s en Nouvelle-Cal�donie. Aziz ne reverra jamais son pays.

Apr�s quelques ann�es dans ces �les perdues du Pacifique, Aziz Aheddad, matricule num�ro 2937, s��vade vers l�Australie en 1881. Ce sera la premi�re �vasion d�un insurg� d�Alg�rie, suivie d�autres un peu plus tard.

L�ombre immense de cheikh Aheddad a quelque peu cach� celle de ses fils qui ont �galement jou� un grand r�le dans l�insurrection de 1871. Sp�cialement Aziz, le cadet, dont on dit qu�il maniait aussi bien le verbe que les armes et qu�il �tait destin� � prendre la succession de son p�re. Tous les historiens qui se sont pench�s sur l�insurrection men�e par les Belhaddad et les Mokrani sont unanimes sur le fait que c�est l�imp�tueux Aziz qui a persuad� son p�re de lever l��tendard de la r�volte. La guerre d�clar�e, cheikh Aziz regroupe les hommes pr�ts au combat et divise son arm�e en deux groupes de 5 000 hommes chacun. Il prend aussit�t la direction de l�un des deux groupes et le commandement des archs de la rive droite de Oued Sahel-Assif A�bb�s. Au bout de p�rip�ties sur lesquelles nous n�allons pas nous �tendre, Aziz d�pose les armes vers le 30 juin 1871. Son fr�re cheikh Mhand l�imitera quelques jours plus tard.
Toute la famille est arr�t�e et emprisonn�e. Tous ses biens sont mis sous s�questre. � Constantine au printemps 1873, au proc�s des insurg�s, Aziz pr�sente un m�moire d�une centaine de pages qu�il adresse � ses juges pour sa d�fense. Il �crit : �Quant � la prison, � l�opprobre, � la mort, � la spoliation, � l�incendie et aux coups, tout cela ne ram�ne pas les gens � l�ob�issance�� Il sera reconnu coupable et condamn� � mort comme beaucoup d�autres chefs, tels que Boumezrag El-Mokrani qui avait pris le leadership de la lutte lorsque son fr�re le bachagha El-Mokrani est tu� au combat le 5 mai 1871 � Oued Soufflat pr�s de Bouira. �tant membre de la L�gion d�honneur comme pour beaucoup d�autres co-inculp�s, la condamnation � mort de Aziz sera commu�e en d�portation en Nouvelle-Cal�donie.
Les prisonniers sont tout d�abord envoy�s � Toulon et � Brest avant d��tre exp�di�s en Nouvelle-Cal�donie. Encha�n�s, enferr�s, affam�s et continuellement malades, ils subissent une interminable travers�e de Brest � Noum�a qui dure cinq longs mois. � cause des conditions de vie et d�hygi�ne, certains y laisseront la vie. Lorsqu�ils d�barquent, enfin, les survivants ne quittent l�enfer sur mer que pour le retrouver sur terre. Leurs conditions d�exil et de d�tention ne s�am�lioreront que petit � petit, mais ils garderont toujours la nostalgie de leur pays et de leurs familles, pour de plus amples informations, voir l�excellent livre de Mehdi Lalloui Les Kabyles du Pacifique). Apr�s quelques ann�es dans ces �les perdues du Pacifique, Aziz Aheddad, matricule num�ro 2937, s��vade vers l�Australie en 1881. Ce sera la premi�re �vasion d�un insurg� d�Alg�rie, suivie d�autres un peu plus tard.
Il voyage sur de petites barques d��le en �le �[�] � travers une mer affreuse [�]� et arrive en Nouvelle-Z�lande. De l�, il s�embarque vers l�Australie et se d�brouille comme il peut avec les quelques mots d�anglais qu�il apprit aupr�s de ses amis, les communards fran�ais, compagnons d�infortune, d�port�s comme lui apr�s une insurrection r�prim�e dans le sang. De Sydney, Aziz s�embarque pour l��gypte.
Le consul de France � Suez charge ses espions de lui signaler l��ventuel passage de Aziz Ben Cheikh El-Haddad. En vain. Sa pr�sence sur le sol �gyptien n�est signal�e que deux mois plus tard. Il �tait cach� sous un faux nom et se faisait appeler El-Tahar Ben Hassan. Le 5 ao�t 1881, il part pour La Mecque pour accomplir le p�lerinage. Il s�installe l�-bas, se remarie et tente de refaire sa vie. Entre-temps, l�amnistie pour les insurg�s de 1871 est enfin acquise mais les autorit�s fran�aises ne veulent toujours pas entendre parler de son retour en Alg�rie. Aziz est jug� l�un des chefs les plus dangereux et il faut le maintenir �loign� du pays. �Si Aziz ne doit pas rentrer en Kabylie. J�estime qu�il y a lieu de l�inviter � se rendre en Tunisie, sinon je lui indiquerai la r�gion dans laquelle je l�autoriserais � r�sider en Alg�rie�, �crit le gouverneur g�n�ral de l�Alg�rie. Le 22 ao�t 1895, � l��ge de 55 ans, Aziz Aheddad d�c�de � Paris. Venu de Djeddah au mois de juin r�clamer la restitution des terres de sa famille, il s��teignit au domicile de son ami et compagnon de d�portation, le communard Eug�ne Mourot. Ses amis se cotis�rent pour rapatrier la d�pouille en Alg�rie.
La dame que nous avons rencontr�e � Seddouk Oufella a, cependant, une autre version : �� Paris, il est rentr� � l�h�pital pour un simple bouton. L�, ils se sont rendu compte qu�il s�agissait de cheikh Aziz Belheddad et ils l�ont empoisonn�. Non, il n�est pas mort de mort naturelle.� Elle se lamente du fait que beaucoup de souvenirs aient �t� perdus ou �gar�s comme les lettres que Aziz �crivait � sa femme en kabyle. Elles ont �t� emprunt�es par une coll�gienne qui a omis de les r�cup�rer.
Notre takhounith nous raconte encore que le jour de l�arriv�e de la d�pouille de cheikh Aziz au port d�Alger, des milliers de personnes s��taient mass�es sur les quais. Cheikh Salah, son fils, �tait � ses c�t�s. En voyant l�autorit� morale dont jouissait encore Aziz au vu de l��norme foule qui avait afflu� de partout, les autorit�s coloniales ont eu peur d�un autre soul�vement s�il venait � �tre enterr� chez lui � Seddouk en Kabylie o� la confr�rie Rahmania �tait toujours tr�s puissante et le ressentiment envers les Fran�ais encore tr�s vif. Il a alors �t� inhum� � Constantine aux c�t�s de son d�funt p�re, au cimeti�re de Sidi Mabrouk. Cheikh Aziz, mort ou vivant, �tait un danger pour la France.

 

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