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Tiddukla Tadelsant Tamazight di Ottawa - Hull
Association Culturelle Amazighe � Ottawa-Hull
 Amazigh Cultural Association in Ottawa - Hull
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MOHIA  

G�ANT DE LA CULTURE AMAZIGHE:      Muhend U Yahia (Mohia) nous quitte
l' Expression 09 d�cembre 2004 -

http://www.lexpressiondz.com/T20041209/ZA4-3.htm

La culture amazighe et la culture kabyle viennent de perdre un homme immense. Mardi dernier, dans une clinique parisienne, s�est �teint, � la suite d�une longue maladie, Mohya Abdallah, plus connu sous le nom de Muhend U Yahia. Po�te et dramaturge de talent, Mohya a traduit des oeuvres th��trales universitaires et les a introduites dans la soci�t� kabyle. Plus de quarante de ses pi�ces sont d�sormais, dans leur traduction, du domaine amazigh. Gr�ce � Mohya, un nouveau mouvement th��tral en kabyle a vu le jour au d�but des ann�es 1980. Plusieurs troupes ont repris les adaptations de Mohya et les ont mises en sc�ne et interpr�t�es. La majeure partie des pi�ces traduites par Mohya ou adapt�es par lui ont �t� pr�sent�es lors de festivals de th��tre amazigh, organis�s en Kabylie. Beaucoup d�oeuvres de Mohya ne sont pas connues. Seules quelques oeuvres �dit�es sous forme de livres et/ou de cassettes audio et vid�o sont connues du public. Mohya a traduit en kabyle des oeuvres de po�tes, comme celles de l�opposant turc, Nazim Hikmet, ou encore Boris Vian. Il a de m�me compos� et �crit des po�mes, dont le plus c�l�bre Ah ! Ya ddin quessam !, en hommage aux d�tenus du Printemps berb�re d�avril 1980.
Apr�s des �tudes au lyc�e de Tizi Ouzou en 1967, Mohya entame des �tudes universitaires en math�matiques � Paris dans les ann�es 70. C�est l� qu�il c�toie l�acad�mie berb�re. Puis il rejoint le �groupe d��tudes berb�res� de l�universit� de Vincennes o� il �tait l�une des chevilles ouvri�res des publications �dit�es par le groupe, comme le bulletin d��tudes berb�res et la revue Tisuraf.
Un hommage lui a �t� rendu, hier, � la clinique Jeanne Garnier de Paris. Sa mise en terre et pr�vue en Kabylie. Le porte-parole du MAK, Ferhat M�henni, un homme engag� est un chanteur aux mots d�airain qui traversent les murs de plomb, a rendu public un communiqu� dans lequel il rend un vibrant hommage � l�immense homme que fut Muhand U Yahia. Ferhat s�est �cri� si justement � propos de Mohya: �...Il continuera de nous �clairer par les multiples lumi�res dont il avait tiss� les mots de ses po�mes, le sens de ses phrases et le lyrisme de ses pi�ces de th��tre... Il �tait un g�ant, il est d�sormais un soleil...!� Ferhat souligne �la modestie l�gendaire et la r�serve naturelle qui fleuraient bon l�intelligence de l�immense homme de culture...�, le monde amazigh en g�n�ral et la Kabylie en particulier sauront toujours honorer la m�moire de l�homme et la richesse monumentale de son oeuvre immortelle. �Le MAK appelle la population � se d�placer en masse pour rendre � Mohya un vibrant hommage en l�accompagnant � sa derni�re demeure...� Il semble que les mots soient pauvres pour d�crire l�immense peine de ceux-l� qui, gr�ce � la veuve de Muhand U Yahia, ont pu s�approprier la culture universelle. Homme juste, sage et effac�, Mohya devient l�une des �toiles qui pareront le ciel de la culture amazighe.  A. SA�D

Le g�ant malgr� lui par Mohamed BOUKETOUCHE
 

L'Expression: le 13 d�cembre 2004 - Page : 21
http://www.lexpressiondz.com/T20041213/ZA5-14.htm

En Muhend U Yehya, la culture alg�rienne d'expression berb�re perd non
seulement l'un des hommes qui a le plus contribu� � son d�veloppement
mais aussi un auteur de g�nie, un artiste hors-pair.
Muhend U Yehya, de son vrai nom Mohya Abdellah, math�maticien de
formation, a consacr� sa vie au service de l'art et de la culture.
Quoique loin de son pays, il a gard� des liens �troits avec la
m�re-patrie pareils au cordon ombilical. Sa parfaite ma�trise de la
langue et sa culture universelle lui ont permis de d�crire avec
path�tisme la douleur de l'exil et, avec douceur, les sc�nes
pittoresques de la vie kabyle.
Mohya �tait (sommes-nous toujours condamn�s a parler de nos hommes les
plus valeureux � l'imparfait?) un r�volt� contre l'ordre �tabli,
contre l'injustice des �tres et des choses. Tel un Kateb Yacine qui
�crirait en kabyle, sa verve po�tique lui fera composer des vers o� il
tourne en ridicule les int�grismes, l'ineptie et l'arbitraire. En
satires ou en pamphlets, il se moque du s�rieux des bien-pensants, de
la richesse mal acquise et du pouvoir assis sur la force. Ses sources
litt�raires montrent bien de quel bois il se chauffe.
Car, et c'est l� l'un de ses m�rites, Mohya n'h�site pas � s'abreuver
dans la culture des autres peuples pour la rendre accessible � ses
concitoyens. Boris Vian, Jacques Pr�vert, sont parmi ses po�tes
favoris. Mais ces emprunts ne ternissent nullement l'�clat de son
g�nie propre. On ne peut que s'�merveiller en �coutant ses textes
chant�s par nos plus grands chanteurs : Ferhat, ldir. Ali Idefl.awen,
Slimane Chabi, Takfarinas, Malika Doumrane... D'Amzirti � Berrouaghia,
ils rallument la fibre militante, ces chants de r�volte d'un peuple
qui refuse de se soumettre, d'une identit� qui refuse de s'ali�ner,
d'une langue qui refuse de mourir.
Et si Muhend U Yehya nous a fait frissonner par ses textes po�tiques,
il nous a fait mourir de rire par ses pi�ces th��trales. Inspir�es du
terroir, adapt�es d'ailleurs ou imagin�es par lui, ses oeuvres
bouillonnantes de vie et d'�nergie sont le miroir fascinant o� nous
sommes forc�s de regarder pour voir nos vices et nos faiblesses. De
m�me que ses po�sies ont berc� notre jeunesse pleine d'esp�rance, ses
personnages continueront � nous enchanter longtemps encore malgr�
l'amertume et la d�sillusion. Sa�d Bu Tlufa et les lutins de
Yakour�ne. Mohand U Chabane et son ressuscit�, Djeddi Yebrahim ou
encore Sinistri, d�sormais orphelins, continueront � vivre de la vie
magique de l'art immortel.
Autant Mohya emploie sa po�sie � d�noncer l'arbitraire des
gouvernants, autant il emploie son th��tre pour d�crier les d�fauts
des gouvern�s. Mais au-del� de la soci�t� kabyle qu'il d�crit, il nous
fait d�couvrir d'autres cultures, parfois tr�s �loign�es de nous dans
l'espace et dans le temps. Si La Jarre ou Le M�decin malgr� lui
peuvent facilement s'adapter chez nous � cause de la proximit�
g�ographique et du fonds m�diterran�en commun, qui croirait que
derri�re Mohand U Chabane se cache un drame chinois? Et le m�rite du
po�te est non seulement d'avoir adapt� le drame en kabyle mais de le
faire sentir en kabyle. Lu Xun narrait une histoire de la Chine
m�di�vale, Mohya la transpose dans l'Alg�rie ind�pendante. Peut-on
encore soup�onner sous la peau du m�me Mohand U Chabane un personnage
voltairien, Memnon? On br�le d'enthousiasme en �coutant les textes de
Muhend U Yehya ou en voyant ses pi�ces mais il faudrait avoir lu les
oeuvres qui les ont inspir�s pour pouvoir appr�cier le degr� de son
g�nie et l'importance de son effort, car le g�nie sans effort est un
feu de paille. Avec lui, Pr�vert ou Beckett ne parlent pas seulement
berb�re, mais ils parlent en Berb�res. Cr�er En attendant Godot en kabyle!
Y a-t-il un secret derri�re une telle prouesse? Oui, certainement, Car
en plus de son talent, Mohya aimait son travail et s'y donnait � fond.
Derri�re son travail, il ne cherchait ni gloire ni fortune. Lui qui
maudissait quiconque commercialiserait ses cassettes et qui
travaillait loin des feux de la rampe, avait �t� d'un apport
incommensurable � notre culture et � notre langue. Car une langue a
autant besoin de d�fenseurs que de producteurs, et si les premiers
sont l�gion, les seconds sont rares.
Le hasard (ou plut�t les vicissitudes d'une am�re destin�e collective)
a voulu qu'il vive et qu'il meurt, comme beaucoup de nos grands
hommes, loin des siens et de la terre qui l'a vu na�tre. Nous laissant
plus orphelins encore, il s'en va rejoindre les Azem et les Matoub,
les Mammeri et les Haroun, et tant d'autres. et je rougis d�j� de la
r�ponse qu'il leur donnera quand ils voudront savoir si le flambeau
est toujours allum�. Cependant, avec son humour mordant, il ne pourra
s'emp�cher de leur lancer: Mazal l'xir ar zdat!
 

Edition du 23 f�vrier 2005 > Idees-debat

 http://www.elwatan.com/2005-02-23/2005-02-23-14099

�vocation 
Mohia, � L��uvre qui a mang� l�auteur �
D�abord nous sommes rest�s cois en nous demandant comment parler de quelqu�un qui n�a jamais parl� de lui, si ce n�est par son gigantesque travail th��tral et po�tique, lui qui a toujours mis en avant la cr�ation pour promouvoir la revendication linguistique kabyle. M�me de son vivant nous nous sommes souvent pos� cette question : � Et si Mohia avait raison ? �.

Quoiqu�attendue depuis de longs mois, la terrible nouvelle a coup� le souffle � ses rares amis et ses dizaines de milliers d�admirateurs qui sont tous un peu morts cette journ�e de d�cembre 2004. On les a vus � la maison de la culture Mouloud Mammeri, se recueillant devant sa d�pouille, et � ses fun�railles, les tempes grisonnantes, le visage burin�, le regard �prouv�, le ventre bedonnant, ils sont venus remercier l�auteur qui a su chanter les angoisses et les aspirations de leur jeunesse : ils savent qu�ils lui sont tous redevables de quelque chose. C�est, en effet, l�idole incontest�e, la r�f�rence des jeunes contestataires kabyles, �tudiants ou pas, d�avant et apr�s-avril 1980, donc de beaucoup de citoyens aujourd�hui �g�s de 35 � 45 ans, la g�n�ration des victimes de l��cole fondamentale, mais aussi de milliers de cadres en fonction. Ils se sont, toutes ces ann�es, accroch�s � son �uvre comme on s�accroche � une bou�e de sauvetage : ils ont pu, ainsi, contrarier l�irrationnalisme ambiant. C�est en grande partie gr�ce � la sagacit� et � l�ironie dites et r�p�t�es dans ses splendides po�mes et � ses in�gal�s monologues qu�ils n�ont pas bascul� dans les moyens de lutte violents. Ses K7 rappelaient � longueur de bande magn�tique, sur les tables de chevet ou dans les salles de caf�, que la victoire �tait possible autrement. Il ne faisait pas rire � la mani�re d�un humoriste ordinaire, il faisait plut�t grincer les dents et serrer les poings pour ne pas d�sesp�rer de lendemains meilleurs. En 1978, son g�nie explosa apr�s des ann�es de travail et de longues �tudes. A l�heure de la pens�e et des m�dias uniques, ses K7 commen�aient � �tre dupliqu�es � des milliers d�exemplaires, � partir d�une ordinaire bande enregistr�e dans un banal magn�tophone, en exil. Comme illustration sonore de ses �uvres, pour fuir toute pol�mique sur la paternit� des cr�ations musicales kabyles, il a surtout utilis� soit idhebbalen, soit des chants kurdes, avec la permission des Kurdes c�toy�s en exil : ces chants au demeurant sont assez proches des chants kabyles. Contrairement � ce qui s��crit ou se dit �� et l�, Muhend Uyehya est le nom sous lequel il signait ses �uvres. Son vrai nom est Mohia, son pr�nom Abdellah. Il est n� au milieu du si�cle au village Ath Rbah, Iboudraren. Il a v�cu, enfant, la guerre de Lib�ration nationale. Les enfants de la guerre n�en sortent jamais psychologiquement indemnes : ils vieillissent tr�s vite et portent dans le regard cette nostalgie d�une enfance quelque part rat�e, amput�e d�insouciances inconnues. La guerre de Lib�ration et l�ind�pendance, si durement acquise, dans une fr�n�sie de g�n�reuse et inconsciente destructuration sociale ont chamboul� le milieu dans lequel �tait immerg�e cette g�n�ration d�adolescents.

En 1969, il est � l�universit� d�Alger

Pour Abdellah, s�ensuit une s�rie d�exils, donc de d�chirements successifs. D�Ibudraren, il se retrouve � Azazga, puis � Tizi Ouzou au lyc�e Amirouche. Sous des allures d�sinvoltes, c� �tait un �l�ve brillant, mais tr�s �clectique dans ses relations et ses lectures, il portait d�j� ce regard critique, caustique sur les choses de la vie, que l�on retrouvera plus tard dans ses �uvres. Ses habitudes frugales, quasi asc�tiques, d�tonnaient parmi les lyc�ens plus ou moins zazous et y�y� de la fin des ann�es 1960. Outre ses excellences en sciences dures, sa timidit�, sa douceur et sa r�serve naturelles font obtenir � Abdellah le prix du � meilleur camarade du lyc�e �. Pendant au moins trois ans, il participe aux cours de Mouloud Mammeri, dont il est un �l�ve tr�s assidu et, Dieu Sait qu�ils �taient loin d��tre nombreux autour du ma�tre. Il l�aidait �galement dans des travaux de recherche, de collecte et de mise en page lors de longues s�ances de travail au CRAPE. C�est � cette �poque qu�il commence timidement, presque � contrec�ur, � r�citer ses merveilleux et incisifs po�mes. Nous nous souvenons de m�moire : Numember yewwi-d axbir, yebrez abrid amellal, i t-igerrzen d irgazen, wadak ireznen awal ! Ayen righ ma��i d awal mi t-tennid yeddem-itwadu. Ayen righ ma��i d uffal... Et bien d�autres qu�il livrait � doses hom�opathiques � un entourage restreint mais connaisseur : � Isefra � ceux qui les m�ritent �. Mais ils faisaient exception, la r�gle g�n�rale �tait l�hostilit� envers toute po�sie atypique tant dans le fond que dans la forme. Une politique culturelle niveleuse ne tol�rait aucune asp�rit�, surtout si cette asp�rit� s�exprimait dans une langue autre, et a fortiori la langue kabyle. En 1972, et le 4 d�cembre, un mercredi eut lieu un festival universitaire de la po�sie sur le th�me � Po�sie et r�volution. � Le doyen de la facult� des lettres n�a �pargn� aucun obstacle pour refuser � Mohia et ses compagnons de participer � ce festival. L�argument massue avanc� par ce doyen directement sorti de l�espace mental m�di�val �tait le suivant : � Votre langue n�est qu�un dialecte ! � Il refusa que le 1er Novembre soit dit en kabyle ! En 1973, Muhend Uyehya quitta l�universit� d�Alger et l�Alg�rie qu�il ne revit qu�en 1993, en pleine d�cennie rouge. D�cennie que Mohia voyait venir et ne cessait de tirer la sonnette d�alarme dans ses �uvres. Les fr�res izerman. A cette �poque, en parlant de Mohia, regrettant son long exil, quelqu�un disait de lui : � Tamurt mezziet, abrid yedyeq, argaz meqqer, dunnit tewsa�. � Traduisons-le ainsi : � Le pays est petit, la voie �troite, le gars est grand, le monde est vaste. � Son exil �tait in�vitable, en r�alit�, c��tait une question de survie pour lui. C�est pendant cette p�riode de 20 ans, dans la solitude et souvent dans la douleur, qu�il r�alisa l�essentiel de son �uvre, d�abord autour de la revue Tisuraf : un v�ritable collier de pi�ces de th��tre, de po�mes, cr��s ou adapt�s � partir d�auteurs illustres mais parfois aussi... d�illustres inconnus. Nous entamerons p�le-m�le, � la Pr�vert, cette liste d�auteurs qu�il a traduits en kabyle : Brecht, Pirandello, Pr�vert, Moli�re, Becket, Mrozek, Brassens, F�lix Leclerc, Philippe Soupault, Boris Vian, de Beranger, J. B. Cl�ment, G. Conte, Jouang Tse, W. Blake, P. Seghers, Racine, J. Brel, E. Potier, G. Servat, J. Ferrat, Platon, Jules Boscat ( ?), Tristan Corbi�re, Lu-Xun, Francis Quimcampoix ( ?), etc. Mohia s�est souvent content� de nous livrer des extraits des �uvres de cette multitude d�auteurs, except�es les �uvres th��trales qu�il nous a l�gu�es dans le texte int�gral. Il a d�montr� avec talent que la langue kabyle a acc�d� � l�universel. Tous ces auteurs, et certainement bien d�autres encore, ont �t� traduits, adapt�s, malax�s par Mohia pour qu�ils soient � la port�e de n�importe quelle oreille kabyle, sans d�naturer une once de leur �uvre. Mohia, en plus de la fibre po�tique, ma�trisait, plus que tout autre, la langue fran�aise et la langue kabyle. Il en connaissait les moindres m�andres. Au fil des ans, les conditions de l�exil aidant, la solitude, son travail acharn� pour la langue kabyle ont eu raison de sa sant�. Comme on dit : � L��uvre qui a mang� l�auteur. � Pendant pr�s de 30 ans, une bien maigre partie de l�Alg�rie le portait aux nues, alors que l�immense partie ignorait jusqu�� son existence, m�me en Kabylie ! A la d�charge de l�Alg�rie et pour soulager les consciences, nous rappellerons qu�il existe beaucoup de pays qui n�ont jamais m�rit� leurs artistes. � Eyya, terbeh, Win yebghan ad iru, ad iru f qerru-s ! �

Amer Mezdad

 

Le d�fenseur des langues populaires : � Nous ne sommes pas sortis de l�auberge � Dicton populaire

http://www.elwatan.com/2004-12-16/2004-12-16-9944

Auteur prolifique, militant d�termin�, humaniste � une culture immense, Mohand Ouyahia (de son vrai nom Abdellah Mohia ) est m�connu du public alg�rien. M�me son auditoire naturel, le public kabyle dans son �crasante majorit�, ne le conna�t pas.

Sa perception des choses de la vie a fait qu�il �vitait les journalistes. Avant sa disparition, le 7 d�cembre dernier, dans un h�pital parisien, il n�avait accord� qu�un seul entretien � la revue clandestine Tafsut (le printemps) et ce, au milieu des ann�es 1980. Apr�s son d�c�s, les titres de la presse nationale n�ont pu publier qu�une seule photo de lui, et de profil. Rares sont les jeunes g�n�rations de journalistes qui l�ont connu. Aussi, �crire sur Mohand Ouyahia n�appara�t pas comme une simple besogne. L�essentiel des sources �crites est cons�quemment limit� au site Internet de l�association Tamazgha �tablie en France qui a reprodui, avant m�me la mort de Mohand Ouyahia in extenso, l�interview parue dans Tafsut en 1985. Pour n�avoir pas connu une cons�cration populaire, c��taient plut�t des �tudiants, des cadres, des universitaires, des hommes de culture, des militants associatifs et politiques qui, dans leur majorit�, ont tenu � rendre hommage � cet enfant du village d�A�t Arbah (Iboudrarene, Tizi Ouzou), lors de l�exposition de la d�pouille � la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, lundi dernier. Mohand Ouyahia avait 54 ans. Ceux qui l�ont connu le plus �taient, entre autres, les jeunes qui avaient 20 ans dans les ann�es 1980, qui s��changeaient ses cassettes audio, utilis�es comme support m�diatique pour la diffusion de ses monologues. Les auditeurs adoraient son extraordinaire talent de conteur et appr�ciaient intens�ment l�originalit� de ce cr�ateur hors pair ; des textes incisifs et simples mettant en sc�ne des situations loufoques, transformant en absurdit� l�autoritarisme, l�ostracisme et le nihilisme, catalogu�s dans le registre des b�tises humaines. Ses produits �taient de merveilleux moments de bonheur pour un public sevr� de libert� d�expression, �cras� par l�oppression d�un r�gime militariste. Il tournait en d�rision et ridiculisait l�ordre �tabli, d�sacralisant le fait politique.

La d�rision, l�ultime arme contre l�oppression

Bien que discret et modeste de son vivant, Mohand Ouyahia n�est pas mort dans l�anonymat. Bien au contraire, de plus en plus, des personnes d�couvrent sa grandeur. Ceux qui l�ont connu t�moignent. L�un des plus grands po�tes alg�riens, Lounis A�t Menguellet, d�clare : � Je l�ai connu en 1974 en France. Il �tait militant dans l�Acad�mie berb�re. Sa disparition aujourd�hui est une immense perte pour la culture alg�rienne, notamment kabyle. En fait, beaucoup ne connaissent pas ses cr�ations et ses talents et de ce fait ignorent ce qu�il aurait pu donner � notre culture, car il �tait encore jeune. � A 30 ans, il �tait d�j� un immense cr�ateur. Certains de ses po�mes ont �t� repris par Idir et Ferhat Imazighen Imoula, notamment Tahia Briziden et Ah ya din kessam. Mais, Mohand Ouyahia �tait surtout connu pour ses adaptations de pi�ces de th��tre, tir�es des �uvres des monuments universels de la litt�rature, tels l�Allemand Bertolt Brecht, le Fran�ais Moli�re, l�Anglais Samuel Becket, le Chinois Lou Sin, etc. Bien que dipl�m� en math�matiques, Mohand Ouyahia s�est d�couvert une �me litt�raire, une sensibilit� artistique. Dans la revue Tafsut il raconte son parcours : � J�ai connu deux p�riodes assez distinctes : la premi�re s��tendait de 1974 jusqu�� 1980, et la seconde de 1982 jusqu�� aujourd�hui (1985, ndlr). Une vision simpliste semble dominer la premi�re p�riode. Selon cette vision, ce serait dans les agressions en provenance de l�ext�rieur que se situerait l�origine de tous nos maux ; les totalitarismes d�aujourd�hui ne faisant ainsi que remplacer le colonialisme d�hier. D�o�, il d�coule que je me faisais peut-�tre une trop haute id�e des petites gens de chez nous, en qui je voyais les victimes innocentes de l�app�tit des grands de ce monde (...). Je me rendais bien compte qu�au moment o� leurs propres int�r�ts sont touch�s, ceux-ci se comportent bel et bien comme ceux-l� �. Dans ce sens, Mohand Ouyahia d�veloppe une perception similaire � celle des plus grands auteurs africains, tels que Kateb Yacine, le K�nyan James Ngugi ou le Nig�rian Wole Soyinka, dans les �uvres desquels on retrouve trois rep�res : lutte pour la lib�ration, d�nonciation des r�gimes post-ind�pendance et critique de sa propre soci�t�. Dans la deuxi�me partie de sa carri�re, Mohand Ouyahia explique : � C�est nous-m�mes surtout qui sommes responsables de nos d�boires. Et, j�essaies partant de l�, de lever le voile sur nos faiblesses, tout au moins les plus criantes, car si nous ne les localisons pas, comment pourrions-nous un jour les surmonter. �

La reconnaissance d�A�t Menguellet

Selon Lounis A�t Menguellet, Mohand Ouyahia disait sans calcul tout ce qu�il pensait et ne faisait pas de concessions. Il avait une aversion pour les gens qui instrumentalisent la question amazighe. Lui, il travaillait beaucoup, essayait d�apporter des choses tout en restant dans l�ombre. Ainsi, ceux qu�il appelait � les brobros � (berb�ristes de fa�ade) disaient qu�il �tait un solitaire, un marginal. Certains avouent ne pas saisir ses pens�es et ses visions, lorsqu�il dit : � Nous sortons � peine du moyen Age, par cons�quent, notre culture traditionnelle est, � bien des �gards, encore une culture moyen�geuse, donc inop�rante dans le monde d�aujourd�hui. Et, d�aucuns veulent encore nous ramener au temps de Massinissa. � Ainsi, explique-t-il les raisons des adaptations des auteurs contemporains, en relevant : � La chose au demeurant ne peut que nous aider � faire l��conomie de certaines erreurs, quand il se trouve que celles-ci ont d�j� �t� commises par ces autres hommes. Cela revient assur�ment aussi � compl�ter, sinon � remplacer nos vieilles r�f�rences culturelles par d�autres r�f�rences moins d�su�tes �. A ce propos, le po�te Ben Mohamed, dans un t�moignage publi� lundi par le quotidien Libert�, �crit : � (...) C�est ce Mohia qui refusait de r�duire la berb�rit� � la seule exhibition du signe Z de amazigh ou du seul salut par azul. Pour lui, la berb�rit� est un art de vivre selon un certain nombre de valeurs. Comme il faisait une lucide distinction entre valeurs et traditions, entre militantisme et manipulation, il r�agissait de mani�re parfois violente contre toute forme de suivisme irrefl�chi. Ce qui d�routait beaucoup de nos militants berb�ristes exalt�s. En fait, toute la vie et l��uvre de Mohia ont consist� � d�mystifier et d�mythifier. � Evoquant les adaptations magistralement r�ussies de Mohand Ouyahia, Ben Mohamed �crit encore : � Le g�nie de Mohia est de nous amener � oublier que ses �uvres sont des adaptations. Sous sa plume, elles passent all�grement pour des �uvres kabyles authentiques. Parfois, on se laisse aller jusqu�� croire que leurs auteurs nous ont spoli�s de nos �uvres. � Sur le plan linguistique, Mohand Ouyahia partage le m�me point de vue que Kateb Yacine.

Un d�fendeur acharn� de la tradition

Un d�fenseur acharn� et un chantre du d�veloppement d�une tradition litt�raire en langues populaires ; tamazight et l�arabe alg�rien. La marginalisation de la culture populaire l�avait interpell�e mais, pour lui, il fallait renouveler les exp�riences et proc�der par �tape. Les textes de Mohand Ouyahia �taient �crits en kabyle ; c��tait pour lui un acte militant et une n�cessit� sociologique : � Dans l�Alg�rie d�aujourd�hui, on constate premi�rement qu�en d�pit de toutes les vicissitudes de l�histoire, la sensibilit� de la langue maternelle est peut-�tre plus vive qu�elle ne l�a jamais �t�. Deuxi�mement, pour la majorit� des Alg�riens, la langue maternelle est toujours, quoi qu�on dise, la langue la mieux ma�tris�e. � Cette hauteur de vue sur le fait sociolinguistique de l�Alg�rie illustre, si besoin est , la perspicacit� de son auteur, les projections dans l�avenir, mais aussi l�in�branlable attachement � la culture populaire, dont les langues vernaculaires sont le socle. � Si on veut �tre compris de la majorit�, on ne peut que s�exprimer dans nos langues vernaculaires, c�est-�-dire le berb�re et l�arabe populaire. � Pour lui, une vie culturelle f�conde et digne � d�pend en premier lieu des efforts que fournit chacun d�entre nous pour se r�approprier sa langue maternelle �. Mais il rel�vera, avec une certaine amertume, gris� par ses innombrables exp�riences que � l�avenir ne d�pend pas de ce que fait un individu en particulier mais bien de la conjugaison des efforts de tous. Or, il faut bien dire que ces efforts, aujourd�hui, sont pour le moins trop in�gaux. Ce qui fait que nous ne sommes pas encore sortis de l�auberge �. Ces propos qui �taient tenus en 1985 sont toujours d�actualit�. Ceux parmi ses amis qui le rencontraient ces derni�res ann�es rapportent qu�il �tait profond�ment d��u par des ingratitudes exprim�es par ceux-l� m�me, avec qui il partageait l�histoire et l�avenir, croyait-il. Ceux qui l�ont bien connu partagent le m�me avis sur lui ; quand certains se sont enrichis de tamazight en privil�giant l�accessoire, lui l�a enrichie en allant � l�essentiel. Mohand Ouyahia �tait rong� par des d�ceptions incalculables et emport� par une maladie incurable. Derni�rement, il travaillait sur une �uvre de Platon. Une voie vers le savoir, utile pour les jeunes , disait-il. Mohand Ouyahia est mort la m�me ann�e o� une partie de son �uvre est entr�e dans un manuel scolaire de son pays. Les �l�ves liront ses contes. Amachahu commence. Mohand Ouyahia est dans le ciel, dans la post�rit�.

 

Parcours

C�est au d�but des ann�es 1970 que Mohia �tudiant d�couvre Mouloud Mammeri et ses recherches sur la langue berb�re. Une fois � Paris pour poursuivre ses �tudes de math�matiques, il rejoint l�Acad�mie berb�re fond�e par feu Bessaoud Mohand Arab, o� il se lance r�ellement dans le combat identitaire. A la m�me �poque, il entame vraiment sa carri�re de dramaturge, par des traductions de pi�ces de th�atre. La g�n�ration de militants berb�res de l��poque d�couvre alors le talent de Mohia. Il ne se limite pas au th�atre et traduit des po�mes de Boris Vian, de Nazim Hikmet et autres. Il �crit aussi des chansons devenues de v�ritables hymnes � la d�mocratie et aux libert�s. Mais en dehors des chansons chant�es par Ferhat, Ideflawen, Malika Domrane et quelques pi�ces de th�atre jou�es par des troupes g�n�ralement amateurs, ses �uvres restent inconnues du grand public. Quelques-unes ayant fait l�objet d�enregistrement audio ou vid�o �taient distribu�es sous le manteau en Kabylie par des �migr�s qui les ont ramen�s de France. Toute sa vie, Mohia est rest� modeste, simple, mais son g�nie �tait immense. De toutes les pi�ces �crites ou traduites, une quarantaine, on peut citer : Si Pertuff, traduction de la pi�ce Tartuffe de Moli�re, Muhend Ucaban adaptation de Le ressuscit� de Lu Sin ou alors Am win Yettrajun Rebbi tarduction de la pi�ce de Bekett En attendant Godot. Durant plus de trente ans, Mohia n�a eu besoin ni de t�l� ni de radio pour se faire conna�tre. Son g�nie �tait suffisant. Il serait peut-�tre utile aujourd�hui que son �uvre ne reste pas m�connu et que ceux qui en ont la capacit� ou les moyens mettent � la disposition du public les chefs-d��uvre de Mohia.   Sa�d Gada

 

Mohand Ouyahya est d�c�d� mardi dernier dans un h�pital � Paris

La culture alg�rienne perd en Mohia un chantre de l�amazighit�

La Tribune Jeudi 9 d�cembre 2004  Par Farida Belkhiri

Mohand Ouyahya, plus connu sous le nom de Mohya, est d�c�d� mardi dernier des suites d�une longue maladie dans un h�pital parisien. C��tait l�un des rares traducteurs alg�riens qui a fait des adaptations en kabyle de plusieurs �uvres universelles.Le premier article de cet homme de lettres ayant pourtant re�u une formation en math�matiques, est �crit en tifinagh. Il a �t� publi� dans Imazighen, un bulletin de l�Acad�mie berb�re de Paris auquel le traducteur collaborait.Le th��tre est l�un de ses terrains de lutte et de cr�ation pr�f�r�s. Il l�a investi en optant pour la traduction d��uvres du th��tre universel. Pr�s d�une quarantaine de pi�ces de th��tre reposent dans le r�pertoire litt�raire et artistique kabyle.Cependant, Mohya ne s�est pas content� de traduire. Son travail a �t� l�un des catalyseurs, dans les ann�es 1980, qui ont aid� � l�av�nement d�un mouvement th��tral en langue amazighe. Des troupes th��trales ont commenc� � reprendre ses adaptations th��trales pour les mettre en sc�ne. Le th��tre alg�rien s�est enrichi de pi�ces en tamazight dont beaucoup ont �t� interpr�t�es dans plusieurs �ditions de festivals de th��tre berb�re.Parall�lement au th��tre, Mohya travaille la rime et tutoie la po�sie. Mais il ne se contentera pas de traduire des �uvres de grands po�tes comme, entre autres, Nazim Hikmet et Boris Vian. Po�te jusqu�au bout, Mohya versifie ses id�es et pens�es et compose po�sies et textes de chansons. En 1981, il compose Ah Ya din qessam pour rendre hommage aux berb�ristes d�tenus dans les prisons alg�riennes. Le po�me d�nonciateur et revendicateur � la fois sera repris par plusieurs artistes, dont Ali Ideflawen, Bahi, le groupe Imuzagh� �Pour commencer, disait Mohya, je dois dire la chose suivante : c�est que faire des po�sies ou des pi�ces de th��tre n�a jamais �t� pour moi un but en soi. Ce qui m�a toujours int�ress� le plus, c�est tout ce qu�il y a au-del�. C�est-�-dire, en un mot, tout ce qui pourrait nous faire parvenir � une r�elle maturit� d�esprit. Or, une langue est, en m�me temps, me semble-t-il, le ciment de la soci�t� qui la parle, et encore la caisse de r�sonance dans laquelle sont r�percut�s tous les �l�ments de la vie de cette soci�t�. Je ne vois pas comment on peut s�int�resser � une soci�t� d�hommes dans leur devenir sans s�int�resser � leur langue. Et puis, la facult� de parler, n�est-ce pas ce qui distingue l�homme de l�animal ?�Ces quelques phrases r�sument la pens�e de Mohand Ouyahya et la ligne directrice de son travail et de ses cr�ations encore m�connues. En effet, comme c�est le cas de beaucoup d�auteurs alg�riens, les �uvres de Mohya ne sont pas toutes connues du grand public. Un vide qu�on pensera peut-�tre � combler en diffusant les �uvres� apr�s la mort de l�homme.     F. B. 

 

Grande figure de la culture amazigh
Mohia est d�c�d�
Par L. OUBIRA

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=32057

Le po�te et dramaturge d�expression amazigh, Mohand ou Yahia, s�est �teint, avant-hier, � l��ge de 55 ans dans un h�pital parisien, � la suite d�une longue maladie. Cet enfant, originaire de Tassaft, ayant grandi � Azazga, �tait port� sur la rime surtout pendant son cursus universitaire � Alger, apr�s son cycle secondaire au lyc�e Amirouche de Tizi Ouzou. En 1972 apr�s sa licence de math�matiques, Mohand ou Yahia s��tait install� en France. Parall�lement � son activit� de commer�ant, il n�a cess� de se consacrer � la cr�ation culturelle, notamment l�adaptation des �uvres universelles de Brecht, Moli�re, Lu xun en tamazight.
Adaptations qui ne manqueront pas de faire vibrer les planches du th��tre berb�re. Il en est le pr�curseur incontest� et incontestable dans ce domaine. Son �uvre po�tique, elle aussi, est une source intarissable dans laquelle de grands chanteurs engag�s kabyles � l�exemple de Ferhat,  sont venus puiser abondamment.
Beaucoup s�en sont d�ailleurs servis sans m�me l�aviser. Un abus qui lui a beaucoup d�plu.
Ces derni�res ann�es, il a cess� toute cr�ativit� artistique par d�pit ou pour des raisons de sant�.
Toujours est-il, il a l�gu� une �uvre culturelle d�expression amazigh incommensurable.

 

Ils �taient nombreux � venir voir Mohya au sous-sol de la Maison M�dicale Jeanne Garnier (Paris 15�me) ce mercredi 8 d�cembre 2004 entre 14H00 et 17H30. Certains �taient inform�s du d�c�s la soir�e du mardi 7 d�cembre, d�autres l�ont appris, notamment par le biais d�internet, le matin du mercredi 8 d�cembre. La plupart des amis de Mohya qui r�sident en r�gion parisienne �taient l� pour pr�senter leurs condol�ances � son fils, son fr�re et sa s�ur. Cette derni�re a expliqu� comment il a rendu l��me sereinement entre ses bras le mardi 7 d�cembre 2004 � 18H10.

Sur les visages des vieux compagnons de l�illustre traducteur et homme de th��tre, on pouvait lire une grande tristesse. Certains ont partag� pr�s jusqu�� 40 ans de travail et de combat avec lui. A la Maison Jeanne Garnier, il y avait des artistes, des militants culturels et politiques. Parmi eux, nous pouvons citer : Mouhoub Na�t-Maouche, Sa�d Doumane, Ferhat Mehenni, Benmohamed, Madjid Soula, Nafaa Moualek, Akli D., Mohand Ch�rif Bellache, Ameziane Kezzar, Shamy, Tayeb Abdelli, Youn�s Boudaoud,... et beaucoup d�autres personnes amis, proches et admirateurs.

Mohya sera inhum� sur la terre qui l�a vu na�tre en Kabylie. Une veill�e fun�bre sera organis�e � Paris pour permettre � tous ceux qui le souhaitent de lui rendre hommage avant son rapatriement en Kabylie. Nous vous tiendrons inform�s de la date et de l�adresse o� elle aura lieu.
La R�daction.

Takasit' n Muh'end u Yah'ya


As-tesled'
Ad ughaled'
Ad d-tinid'
Arnu-d tayed'
Ad d-nernu, ad d-nernu...
Mazal lxir gher zdat )

Nunamber
Ulamma z'righ nunamber-agi si dipasi, a t-id-nawi kam mam allih...

Nunamber yerra-d axbir
Yebrez abrid d amellal
Medden ghilen d ttmesxir
Ma d irgazen rez'nen awal
Aqlagh la t-id-nettfekkir
Ar tura la d-yessawal

Ar tura la d-yessawal
Mbe3id la d-yeggar tighri
As-tinid' yebgha ad d-yughal
Nekwni d ayen i nettmenni
Ma yeqqim-ed kra bbwawal
Ar ass-a mazal tefri

Ar ass-a mazal tefri
Anda igh-yegg^a igh-mazal
Yiwen yugh ula d Rebbi
Wiyid' yerra-ten d lmal
Wigi ugaren Ar'umi
Ur yid-sen nemyeqbal

Ur yid-sen nemyeqbal
Ur yid-sen s'ellat nbi
Snen kan tinna bbwuzal
Tinna bbwuzal ad d-tezzi
Yerna ad mech'en akal
S wass-is akw d kunwi

Ad ghergh di llakul

Ad ghregh di llakul
Idell'i kan i d-nlul
Yetcha-yi baba am-mewtul
Ifka-yi ur diy-ighul
Ad ghregh di llakul

Ad ghregh di llakul
A yemma a kem-djagh lh'asul
Ulamma tugid' ay ul
Inehr'-iyi baba s rrkul
Ad ghregh di llakul

Ad ghregh di llakul
Di tr'umit nessmeckukul
Tura d ayen d lefh'ul
Ssnegh ad d-inigh lful
Ad ghregh di llakul

Ad ghregh di llakul
Matci am yizgaren immul
Mulac ad d-neffegh d aghyul
A gh-dstixren ur nennul
Ad ghergh di llakul

Ad ghergh di llakul
Deg uqerru tettenququl
Am winna yetchan ah'lul
Ma d nekk zgigh d amerhul
Ad ghergh di llakul

Ad ghergh di llakul
Tura abrid-iw idul
Haca assen mi neggul
Tughalin yerr'ez uqessul

Ad ghergh di llakul
Saha ur nessin I lmul
Nettagh awal I wt'ermul
D netta i ybettun ahbul
Ad ghregh di llakul

Ad ghergh di llakul
Fkigh-as udem-iw mellul
Tura nettu anda i nlul
Nennza nekkwni nettmuqul
Ad ghregh di Lakukl

Et oui!
Ad ghregh di Llakul
Mbaayd ad d-nettmuqul�

MUHYA

 

Uh ya ddin qessam !


D ameh�bus d bu ykurdan,
Di Ber�wageyya
Ččiγ aγrum aberkan,
Di Ber�wageyya
Tinn�akken i ğğiγ tettru,
Mi εeddan leεwam
Ugadeγ a yi-tettu,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus s dduw ssnasel,
Yern�ur xdimeγ
Di Ber�wageyya ncekkel,
Akken ad issineγ
Refdeγ tit�-iw s igenni,
Yeγli-d fell-i tt�lam
Yebεed wayen i nettmenni,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus dagi yewεer�,
Di Ber�wageyya
Am ttejr�a i nettγar,
Di Ber�wageyya
Zikenni mi nesfillit,
Ad xedmeγ lewqam
Ziγemma zzher�-iw diri-t,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus anda-tt tura ?
Akkin i wedrar
Akkina ternud� kra,
Izad neγ ugar
Mi r�uh�eγ a d-zziγ γures,
A d-zzuγ fell-am
Yettgammi a yi-d-yas yid�es,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus teγzi n wud�an,
Di Ber�wageyya
Ner�wa tilkin d ilefd�an,
Di Ber�wageyya
Wagi d imi-s tigi d allen-is,
Mi d-yusa nadam
Tikwal ttarguγ lexyal-is,
Uuh ya ddin qessam...

Zriγ d acu i yi-iggunin,
Dagi ara mmteγ
Imett�awen dg-i ur llin,
Ass-en ad ffγeγ
A d-asen ad iyi-awin,
Ad beddleγ axxam
A d-net�qeγ seddaw tmedlin,
Uuh ya ddin qessam...

 

A yixef-iw rfed asefru

D awh'id i d-tegg^a yemma-s
Ccafu3a dinna ur telli
Lqa3a ntteddu fell-as
Ma d nekk la tteddun fell-i
Ssawlegh ulac wi d-yerran
Yiwen ur d-yedli
A yixef-iw fred asefru
ula i wumi ma nettru

Yellexlas bab n tuyat
yettawi s teghwzi s tehri
tawant-sen teqher-iyi
aqlagh am wid-ak yerfan
deg wayen i nettwali
A yixef-iw rfed asefru
accu i nerbah' ma nettru

Ugadagh ad tent'iwel
Medden as-inin d imenfi
aqlagh kan seddaw snasel
am 'zal am yid' d akwerfi
Ahya a yaghrum aberkan
Cc^igh d ah'erfi
a yixef-iw rfed asefru
Nnigh-ak s'ber ur ttru

Zewg^ent akw tezyiwin-iw
Ma d nekk la regwlent fell-i
Anida tella temz'i-w
Anda-t wayen i nettmenni
A h'es'ra 3eddan wussan
am zun d id'elli
a yixef-iw fred asfru
nnigh-ak d l3ib ma nettru

Ssefragh ad ssefrugh
D aya igh-d-yegwran tura
Wid-ak-nni imi i d-h'ekkugh
ahat agh-h'emlen kra
zemragh ad inigh llan
Macc^i kan weh'di
A yixef-iw rfed asefru
Mi neqqim a nd'es nettru


A nnegr-ik a yul!

A nnegr-ik a yul rrsegh di Lzzayer
Sligh i wezger sligh i wezger
Sligh i wezger m'ar a yettghenni
MOUUUUUUUUUUUUUUUUUH
MOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUH
MOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUH
Ayg-geh'nin ss'ut-ines
MOUUUUUUUUUUUUUUUUH
MOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUH
Ad d-aghegh ddisk-ines
MOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUH

A nnegr-ik a yul, rrsegh di Paris
Sligh i ykerri mi la yettghenni
BAAAAAAAAAAAAAAAAAA
BAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
BAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
Ayg-h'law ss'ut-ines
BAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
Ad ad-aghegh ddsik-is
BAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

A nnegr-ik a yul beddegh di Tizi
Sligh i yizi sligh i yizi
Sligh i yizi mi la yettgehnni
ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ
ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ
ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ
Ayg-h'law ss'ut-ines
ZZZZZZZZZZZ WEZZZZZZZZZZZZZZZZZ BEZZZZZZZZZZZZZZZ

A nneghr-ik a yul mi bedlegh tamet'
Sligh i taghat sligh i taghat
Sligh i taghat mi la tettghenni
MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
Ayg-geh'law ss'ut-ines
MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
Ad d-aghegh ddisk-ines
MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

A nnegr-ik a yul izad lh'as'ul
Sligh i weghyul, sligh i weghyul
Sligh i weghyul mi la yettghenni
IIIIIIIIIIIIIIIIII AAAAAAAAAAAAAA
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIII AAAAAAAAAAAAAAAAAA
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
Ayg-geh'law ss'ut-ines
IIIIIIIIIIIIIIII AAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
Ad d-aghegh ddisk-ines
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

Tura tskemmilet kan akka s lewhuc yellan di lexla
D LMAL YELLAN DEG WEXXAM...ALAMMA TAAYAM...

MUHYA



 

 

A yarrac-nnegh

Awal ma nenna-t
yerna kkes akw urfan
Lxir gher zdat
Am ass-a d wussan
Attayen tizi macci am yid'elli
Tidett a d-tezzi
Yerna dayen yellan

Xas iruh' welbaad
Xas yella wi yenfan
Ad kren wiyid'
As-nedmen amkan
Ghurwat a wi berrun
i t'bel deg umdun
Negh win iteddun
Yettbeddil zman

Abrid yessawen
Si zik ay nez'ra
Drus igh-yughen
Seg wasmi i d-necfa
Tirugza a yecnan
Tetteli igenwan
Ma nedder ad iban
Ma deg-negh kra

D tinaxs'as' nerwa
Igh-d-yessent'aqen
Ur nebbahba 'ra
Macci d imcumen
Tagi d ddunit
yiwen tugar-it
Teddukel tcemlit
Adrar as-zemren

Yettnagh wid' d wass
Nekk ur uminegh
Am wi t'sen yina-s
ad d-yeglu s yisegh
A wid ixedmen
A wid yeqqaren
A wid mezz'iyen
A yarrac-negh !

 

Uh ya ddin qessam !


D ameh�bus d bu ykurdan,
Di Ber�wageyya
Ččiγ aγrum aberkan,
Di Ber�wageyya
Tinn�akken i ğğiγ tettru,
Mi εeddan leεwam
Ugadeγ a yi-tettu,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus d bu ssnasel,
Yern�ur xdimeγ
Di Ber�wageyya ncekkel,
Akken ad issineγ
Refdeγ tit�-iw s igenni,
Yeγli-d fell-i tt�lam
Yebεed wayen i nettmenni,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus dagi yewεer�,
Di Ber�wageyya
Am ttejr�a i nettγar,
Di Ber�wageyya
Zikenni mi nesfillit,
Ad xedmeγ lewqam
Ziγemma zzehr�-iw diri-t,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus anda-tt tura ?
Akkin i wedrar
Akkina ternud� kra,
Izad neγ yugar
Mi r�uh�eγ a d-zziγ γures,
A d-rzuγ fell-am
Yettgammi a yi-d-yas yid�es,
Uuh ya ddin qessam...

D ameh�bus teγzi n wud�an,
Di Ber�wageyya
Ner�wa tilkin d ilefd�an,
Di Ber�wageyya
Wagi d imi-s tigi d allen-is,
Mi d-yusa nadam
Tikwal ttarguγ lexyal-is,
Uuh ya ddin qessam...

Zriγ d acu iy-iggunin,
Dagi ara mmteγ
Imett�awen dg-i ur llin,
Ass-en m�ara ffγeγ
A d-asen ad iy-awin,
Ad beddleγ axxam
A d-net�qeγ seddaw tmedlin,
Uuh ya ddin qessam...


Muhya


 

 

Entretien avec Mohya 

 Revue Tafsut n�10 avril 1985 - Universit� Tizi-Ouzou

Mohand-ou-Yahia est surtout connu pour les adaptations qu�il nous a donn�es d�un grand nombre de po�sies et textes de chansons tir�s notamment des �uvres de Brecht, Pr�vert, Cl�ment, Potier, Vian, B�ranger, etc. Il a aussi adapt� des contes et nouvelles de Voltaire, Lou Sin, dont "La v�ritable histoire de Ah Q" (l983), Singer, Maupassant... Ainsi que les pi�ces de th��tre suivantes : "L�exception et la r�gle" de Brecht (1974), "Le ressuscit�" de Lou Sin (1980), "La jarre" de Pirandello (1982), le "�Tartuffe" de Moli�re (1984), "Ubu Roi" de Jarry (1984), "Le m�decin malgr� lui" de Moli�re (1984), "En attendant Godot" de Beckett (l985).

Tafsut : Commen�ons par une question d�ordre g�n�ral : l�apr�s-guerre n�a pas donn� naissance � une g�n�ration d��crivains qui aient la taille d�un Mammeri, d�un Yacine ou d�un Feraoun. La production en langues populaires peut-elle prendre la rel�ve ?

Mohand-ou-Yahia : C�est une chose que tout le monde constate en effet... L�apr�s-guerre n�a pas donn� naissance � une g�n�ration d��crivains qui aient l�envergure d�un Mammeri, d�un Yacine ou d�un Feraoun. Certes des noms �mergent d�ici, de l� mais, outre que ce sont malheureusement des exceptions qui confirment la r�gle, ceux-ci, apparemment, ne parviennent pas � susciter cette esp�ce de complicit� du public � d�faut de laquelle il me para�t difficile d�utiliser � leur endroit l�expression de g�n�ration d��crivains.

Quant � savoir si la production en langues populaires peut prendre la rel�ve, que puis-je r�pondre ?... Car justement, toute la question est l�. Bien qu�� proprement parler la question ne soit pas tellement d�assurer la rel�ve de qui que ce soit mais bien plut�t d�essayer de d�velopper une tradition litt�raire en langues populaires, et ce, ind�pendamment de ce qui pourrait se faire par ailleurs. Mais, pour revenir � cette production en langues populaires, tout d�abord celle-ci est aujourd�hui ce qu�elle est ; c�est � dire en r�alit�, peu abondants et puis trop marginalis�e et ce, entre autres, parce qu�elle consiste surtout en po�sies et chansonnettes. Pourtant, et pour ne nous tenir qu�� ce qui se fait en kabyle, puisque c�est ce que connaissons le mieux, on constate que ce qui a marqu� notre histoire culturelle de ces dix derni�res ann�es, c�est bien le fait que ces po�sies, dites ou chant�es, soient encore ce qui refl�te le mieux les r�alit�s v�cues par notre soci�t�. Et je dis ceci en tout �tat de cause, dans la mesure ou les faiblesses et les maladresses qu�on ne manque pas d�y relever sont elles-m�mes significatives du niveau culturel des gens de chez nous.

Maintenant, pour r�pondre plus pr�cis�ment � la question du d�veloppement d�une tradition litt�raire en langues populaires, je dirai qu�au vu des exp�riences r�alis�es jusqu�ici, oui, il est tout � fait possible de d�velopper une tradition litt�raire en langues populaires. Il reste que pour vraiment concr�tiser les choses et aller encore plus loin dans ce domaine, les plus grands efforts sont n�cessairement demand�s au plus grand nombre. Je m�empresse d�ajouter, n�anmoins, qu�il serait illusoire de viser tout de suite � produire des �uvres de la classe de "l�opium et le b�ton", enti�rement r�dig�es en langue vernaculaire. En fait, le public lui-m�me n�est pas pr�t � accueillir des ouvrages d�une telle importance. Par cons�quence, ce qui serait plus r�aliste, serait de multiplier les exp�riences et de proc�der par �tapes. La plus petite r�alisation devenant ainsi un gage pour l�avenir.

D�autre part, il conviendrait peut-�tre de reconsid�rer la question sous l�angle plus g�n�ral qui est celui de la communication. Le probl�me � r�soudre devenant ainsi celui de faire passer le maximum d�informations, au sens large du terme, avec le minimum de moyens, aussi bien linguistiques, techniques, que mat�riels. C�est ce qui permettrait de recourir, selon les cas, aux moyens les plus opportuns, lesquels pourraient �tre ceux de l��crit ou ceux de 1�audio-visuel ; et ceci sans le moindre complexe, il va de soi.

Du point de vue pratique donc, � supposer que nous voulions r�ellement faire quelque chose, ce qui reste encore � prouver, un effort consid�rable doit �tre fait en premier lieu en vue de recenser le maximum des possibilit�s de dire les choses qu�offre la langue vernaculaire. Ces possibilit�s sont offertes, entre autres, par le syst�me lexical, la syntaxe, la grammaire, les locutions, les apophtegmes, les mimiques et, j�ajouterai m�me, les silences dans certains cas. En un mot, si nous voulons nous exprimer dans notre langue, la condition n�cessaire, sinon suffisante, est d�abord et avant tout de bien �tudier cette langue, c�est � dire de l��tudier � la lumi�re des acquis de l�analyse linguistique. Ceci afin de toujours mieux en conna�tre les ressources.

Je dis peut-�tre une banalit�, mais tant pis. Je vois trop de gens jouer aux grands artistes et qui n�ont qu�une connaissance infuse de leur langue. Cela ne pr�terait pas � cons�quence si, de surcro�t, ils ne se pr�tendaient les d�fenseurs acharn�s de cette langue. Mais passons... Je veux surtout dire par l� qu�il serait peut-�tre l�heure de mettre un terme au temps des incantations et de se mettre un peu au travail.

En tous cas, ce qui transpara�t � travers cette question de la rel�ve, c�est bien le d�fi auquel nous devons aujourd�hui faire face. Car tout est de savoir si effectivement nous sommes d�ores et d�j� en mesure de parler de notre soci�t� aussi bien, sinon mieux, que ne l�ont d�j� fait des �crivains tels que Mammeri ou Feraoun, et ceci dans uns langue accessible � tous les �l�ments qui composent cette m�me soci�t�.

Pour ma part, je dois dire que je ne vois pas d�autre alternative qui r�ponde � ce d�fi en dehors de celle qui consiste � �crire dans la langue vernaculaire. Car, dans le contexte de l�Alg�rie d�aujourd�hui on constate, premi�rement, qu�en d�pit de toutes les vicissitudes de l�histoire, la sensibilit� � la langue maternelle est peut-�tre plus vive qu�elle ne l�a jamais �t� ; deuxi�mement, que pour la majorit� des alg�riens la langue maternelle est toujours, quoi qu�on dise, la langue la mieux ma�tris�e. Par cons�quent, la r�ponse qui serait apport�e � ce d�fi est pour elle, pourrait-on dire, une question de vie ou de mort.

Mais qu�est-ce qui peut amener quelqu�un aujourd�hui � s�exprimer dans la langue vernaculaire ? Il fut un temps o� l�arabe classique aussi bien que le fran�ais conf�raient � ceux qui les poss�daient prestige et s�curit� de l�emploi. Or tel n�est plus le cas aujourd�hui o� l�arabe classique devient une langue de p�dants et o� nous voyons tant de bacheliers ne trouver, au mieux, qu�� s�employer comme veilleurs de nuit � Paris. Et ceci remet d�j� les choses � leur juste place ; je veux dire que la langue redevient de fait, et ce aux yeux de la plupart des gens, ce qu�elle n�aurait jamais d� cesser d��tre, c�est-�-dire un outil de communication et rien de plus. Alors, outil de communication pour outil de communication, pourquoi pas la langue maternelle ? Ceci pour dire que s�il reste une seule chose qui puisse pr�sider au choix d�une langue, c�est uniquement le souci de se faire entendre de telle ou telle cat�gorie de gens. On peut aussi bien entendu choisir de s�exprimer dans une langue pour plaire � certains ou encore pour d�plaire � d�autres, mais ce qui n�en demeure pas moins vrai cependant, c�est que si l�on veut �tre compris de la majorit�, on ne peut que s�exprimer dans nos langues vernaculaires, c�est � dire le berb�re ou l�arabe populaire.

En somme donc, et pour parler d�ailleurs en termes plus g�n�raux, il n�est pas du tout impensable qu�une vie culturelle d�expression populaire - une vie culturelle digne de ce nom, je veux dire - puisse voir le jour chez nous. Cela d�pend en premier lieu des efforts que fournit chacun de nous pour se r�approprier sa langue maternelle. Le reste est une question d�intendance et une question de techniques, (techniques litt�raires, techniques audio-visuelles, etc.). Or, l�intendance, cela s�organise et les techniques s�acqui�rent.

Car en d�finitive, qu�est-ce qu�une oeuvre litt�raire, artistique, cin�matographique ? C�est une combinaison de signes linguistiques, de formes, de couleurs... reflet de la vie d�un groupe et au fil de laquelle passe, comme un �cho, le souffle de la vie.

Dans ton travail, le point de d�part est presque toujours un auteur �tranger. Ne penses-tu pas �crire un jour une oeuvre plus personnelle ?

Oui, je fais surtout des adaptations d�auteurs �trangers. Je crois que pour �laborer des choses de son propre cru, il faut tout de m�me jouir de beaucoup de disponibilit� d�esprit et peut-�tre aussi se d�tacher quelque peu des contingences mat�rielles. Car on peut focaliser ainsi toute son �nergie sur le travail qu�on entreprend. Personnellement, je n�ai jamais pu travailler dans des conditions, disons tr�s propices. Mais ne nous �talons pas l�-dessus car des conditions trop faciles font souvent qu�on se compla�t dans la facilit� justement. Donc, travaillant dans des conditions relativement peu favorables, il m�a toujours paru plus ais� d�adapter des auteurs �trangers que de noircir des pages et des pages de mon cru. Ceci lorsque, naturellement, je trouve chez ces auteurs des pr�occupations parall�les aux moyens. La fin - n�cessit� de produire vite et bien - justifiant les moyens, c�est une fa�on de se faire m�cher le travail pour ainsi dire.

Mais ceci n�est que l�aspect le plus imm�diat de la chose. L�autre aspect, et de loin le plus important, r�side dans le fait, me semble-t-il, que l�adapation d�auteurs �trangers nous donne le moyen concret de renouveler notre production, de la revivifier. Quand on fait le tour de tout ce qui s��crit et de tout ce qui se dit chez nous, et on en fait vite le tour, croyez le bien, on ne manque pas de ressentir un certain sentiment d�insatisfaction. Car on constate que tout cela est un peu rudimentaire par rapport � ce qui se dit sous d�autres latitudes. Quelles attitudes peuvent alors d�couler de cette insatisfaction ? La premi�re attitude, qui est st�rile � mon sens, est celle qui aboutit au rejet pur et simple de tout ce qui �mane des gens de chez nous. Cela se fait souvent avec des sourires condescendants mais le r�sultat est bien s�r le m�me. Et encore je parle ici de ceux qui font tout de m�me l�effort (louable) de pr�ter quelque oreille � ce qui se passe dans notre soci�t�. Ne parlons pas des autres. L�autre attitude est celle de celui qui se dit, toute vanit� mise � part, est-ce que, moi, je ne pourrais pas faire mieux ? Et qui se met donc au travail sans se douter du danger qui le guette, celui de retomber dans les sentiers battus. En reprenant des th�mes �cul�s dans des formes tellement rab�ch�es (la forme des po�mes de Si Moh-ou-Mhand par exemple), en prenant toutes ces id�es saugrenues que chacun de nous se forge dans sa petite t�te pour des v�rit�s essentielles, inutile d�insister... On ne va pas tr�s loin. C�est qu�en d�pit de la meilleure volont� du monda, on reste inconsciemment prisonnier des sables mouvants de certaines traditions, lesquelles, bien entendu, ne manquent pas d�offrir l�avantage de maints aspects s�curisants. Il n�en reste pas moins que, sous tous leurs attraits, ces traditions cachent pour nous aujourd�hui des pi�ges dans lesquels nous voyons beaucoup de gens s�emp�trer h�las trop facilement.

L�enjeu est de taille car il s�agit pour nous de devenir pleinement adultes ou d�en rester � l��ge infantile, c�est-�-dire � l��ge o� l�on a besoin, parcs que d�pass�s par les �v�nements, de s�entourer du cocon douillet de fausses s�curisations. Celles-ci rev�tant des formes diverses bien entendu. Au-del� de nos "traditions litt�raires", c�est aussi la berb�risme de "l�Oasis de Siwa jusqu�aux Iles Canaries" chez nous encore, mais aussi 1�arabo-islamisme, et puis tous ces r�ves, bien s�r, qui puisent leur consistance dans le d�sir de changer le monde avec des mots.

Mais, pour en revenir au sujet qui nous pr�occupe, celui de l�adaptation d�auteurs �trangers, personnellement, c�est de ce c�t� que j�ai trouv� une certaine issue. Evidemment, je n�ai qu�une petite exp�rience en la mati�re, aussi faut-il bien se garder d�en tirer des conclusions h�tives. Ce dont je me suis rendu compte cependant, c�est que, outre qu�elle permet d��viter les pi�ges �voqu�s plus haut, la pratique de l�adaptation offre des possibilit�s r�elles de tirer profit de l�exp�rience des autres.

Entendons-nous bien, je dis tirer profit de l�exp�rience des autres, je ne dis pas mimer stupidement les autres. Car l�adaptateur est celui qui s�int�resse en premier lieu au canevas sur lequel- est construite une oeuvre, aux proc�d�s d��laboration, aux mots-cl�s et � la structure de celle-ci. Ceci, lorsque l�oeuvre on question semble faire �cho � ses pr�occupations, bien entendu. Ce qui supposa encore un choix conscient de sa part, il va de soi. Ce n�est donc qu�apr�s avoir diss�qu� une oeuvre, afin d�en percer les secrets, que l�adaptateur proc�de au travail d�adaptation proprement dit, c�est-�-dire � la reconstruction de celle-ci au moyen de mat�riaux qu�il puise dans son environnement culturel. Il est visible qu�en fin de compte, la mise en oeuvre de cas mat�riaux donne du m�me coup � l�adaptateur la moyen d�ancrer et finalement d�inscrira son ouvrage dans son propre univers culturel.

Sortir la langue vernaculaire et donc aussi notre culture traditionnelle de son confinement, ce dernier mot rimant avec d�p�rissement est apparemment aujourd�hui, malgr� tout, l�un des soucis majeurs de la plupart d�entre nous. Mais est-ce vraiment rendre service � notre soci�t� que de remettre � l�honneur des r�surgences du pass� comme le font certains ? Car, quelle que soit notre susceptibilit�, il faut bien admettre que nous sommes d�j� suffisamment en retard comme cela. Nous sortons � peine du Moyen-�ge, par cons�quent notre culture traditionnelle est � bien des �gards encore une culture moyen�geuse, donc inop�rante dans le monde d�aujourd�hui. Et d�aucuns veulent encore nous ramener au temps de Massinissa ! ...

Le fait d�adapter des auteurs contemporains, et d�une mani�re g�n�rale des auteurs appartenant � des civilisations diff�rentes de la notre, revient encore � situer notre exp�rience v�cue par rapport � celle v�cue par d�autres hommes sous d�autres deux. A d�faut d�en tirer des r�gles de conduite, la chose au demeurant ne peut que nous aider � faire l��conomie de certaines erreurs, quand il se trouve que celles-ci ont d�j� �t� commises par ces autres hommes. Cela revient assur�ment aussi, oui, � compl�ter, sinon � remplacer, nos vieilles r�f�rences culturelles par d�autres r�f�rences moins d�su�tes.

Et puis nous ne pouvons pas nous couper du reste du monde. Voyez par exemple l�insistance avec laquelle des milliers de nos compatriotes cherchent � se faire �tablir des titres de s�jour en France. Cette insistance parle d�elle-m�me. Le monde �tant mouvement, mouvements des hommes, des biens, des id�es, nous devons bien au contraire chercher � dominer ces mouvements si nous ne voulons pas �tre mis sur la touche. Aussi devons-nous chercher par tous les moyens � nous tenir au fait de ce qui se passe dans le monde d�aujourd�hui, et cela si nous avons simplement pour ambition d��tre de ce monde. Or, si j�ai bien compris, non seulement c�est l� l�ambition de notre soci�t�, mais celle-ci encore veut �tre de ce monde sans pour autant se voir assimil�e ni aux uns ni aux autres. II tombe sous le sens que ceci nous commande donc de travailler et retravailler nos langues vernaculaires de telle sorte qu�elles puissent nous faire acc�der � tous les domaines de la connaissance. Et, dans cette perspective, je suis enclin � penser que la pratique courante de l�adaptation, si elle venait � se r�pandre chez nous, devrait jouer un r�le d�cisif. Ce serait v�ritablement le raccourci qui nous permettrait de rattraper des si�cles de retard en quelques ann�es.

Sinon, et pour toutes les raisons cit�es plus haut, non, je ne pense pas �crire quelque chose de mon cru, tout au moins dans l�imm�diat. Ceci d�autant plus que je n�ignore pas les dangers d�une telle entreprise. Et puis, j�ai assez de pain sur la planche comme cela.

Pourquoi as-tu abandonn� la po�sie ? Tes derni�res productions concernent toutes le th��tre. Est-ce d�finitif ? Et pourquoi ?

Pour commencer, je dois dire la chose suivante : c�est que faire des po�sies ou des pi�ces de th��tre n�a jamais �t� pour moi un but en soi. Ce qui m�a toujours int�ress� le plus, c�est tout ce qu�il y a au-del�. C�est-�-dire, en un mot, tout ce qui pourrait nous faire parvenir � une r�elle maturit� d�esprit. Or une langue, en m�me temps, me semble-t-il, qu�elle est le ciment de la soci�t� qui la parle, est encore la caisse de r�sonance dans laquelle sont r�percut�s tous les �l�ments de la vie de cette soci�t�. Donc, je ne vois pas comment on peut s�int�resser � une soci�t� d�hommes dans leur devenir sans s�int�resser � leur langue. Et puis, la facult� de parler, n�est-ce pas ce qui distingue l�homme de l�animal ? Car les hommes s�expriment d�abord et surtout par leur langage. D�s lors que ceci est pos� on est amen� directement, bien s�r, � prendre en consid�ration toutes les formes d�expression qui constituent ce langage. Et de l�, il n�y a qu�un pas � faire pour se retrouver dans le domaine si vari� des genres litt�raires.

Revenons � ce qui se passe chez nous. La po�sie, la chanson, le conte, le r�cit, sont les genres auxquels nous sommes le plus familiaris�s. Si on se rappelle le traditionnel amghar uceqquf et, plus pr�s de nous, les pi�ces radiophoniques diffus�es par la cha�ne II, on peut ajouter aussi que le th��tre ne nous est pas, en fait, totalement inconnu. A partir de ce qui pr�c�de, et pour �tre logiques avec nous-m�mes, nous devons amener notre langue � couvrir l�essentiel du devenir de notre soci�t�, un peu � la mani�re dont un journal couvre l�essentiel de l�actualit�. Et si je me hasarde � tenir ces propos, c�est que je crois la chose tout � fait faisable, et cela d�ores et d�j�... dans l�imm�diat. Car, aujourd�hui, il ne reste plus � d�montrer que nous pouvons travailler dans tous les genres, cela a d�j� �t� prouv�. Nous devons, bien s�r, enrichir les genres qui nous sont familiers, et ce, aussi bien sur le plan du contenu que sur le plan formel, mais je ne vois pas ce qui doit nous emp�cher de nous int�resser plus profond�ment aux genres auxquels nous sommes moins habitues. Car, une chose est certaine, c�est qu�on ne peut pas tout dire avec des po�sies et des chansonnettes, � moins de faire de l�op�ra, et encore... Nous retomberions l� encore dans un genre lequel a aussi ses limites.

Maintenant, pour revenir � ma personne, je dois donc d�abord lever l��quivoque. Je ne me suis jamais mis dans l�id�e de devenir po�te, et mieux, je crois que je ne me suis jamais senti l��me d�un po�te. Je suis peut-�tre un grand na�f, mais pas � ce point. L�adaptation d�auteurs �trangers proc�dait encore, tout au moins dans ma t�te, d�une autre d�marche tr�s simple ; il s�agissait pour moi de voir concr�tement jusqu�o� nous pouvions aller avec notre langue vernaculaire. En d�autres termes, je voulais, par l�entremise de l�adaptation, mesurer les potentialit�s de notre langue vernaculaire � l�aune des auteurs que j�adaptais. Or, il se trouve que j�ai adapt� des po�tes, des chansonniers et autres faiseurs de rimes... D�o� l��quivoque signal�e plus haut. Mais je pr�cise, encore une fois, qu�il n�a jamais �t� question pour moi de m�en tenir � un genre quelconque.

Et puis, j�ai comme l�impression que ce qui caract�rise la po�sie, c�est de focaliser l�attention sur des sujets, des points de vue ou des sentiments bien d�termin�s. Cela vient peut-�tre de ce c�t� un peu parano�aque facile � d�celer chez presque tous les po�tes. Il me semble par cons�quent que la po�sie ne saurait en aucun cas permettre une vision tr�s �largie des choses. Alors que ce dont nous avons le plus besoin aujourd�hui c�est au contraire d��largir justement quelque peu nos champs de vision. En abordant le terrain de la po�sie, j�avais tout � fait � l�esprit que c��tait l� un genre particulier, puisque celui-ci jouit chez nous d�un statut privil�gi�. Donc qui dit statut privil�gi� dit possibilit� d��tablir rapidement le contact avec le public et ce, afin de l�int�resser, autant faire se peut, � la suite des �v�nements. La suite des �v�nements �tant dans mon esprit tout le travail qui devrait finalement aboutir � l�instauration d�une tradition litt�raire moderne et diversifi�e, c�est-�-dire d�une tradition litt�raire au sens le plus complet du terme. On comprendra certainement aussi, bien s�r, que si nous voulons que ce travail ait quelque chance d�aboutir, il est indispensable que le plus grand nombre de gens soient dispos�s � mettre la main � la p�te.

C�est ainsi que pour ma part donc, et pour toutes les raisons cit�es plus haut, j�essaie de faire ce que je peux, en particulier dans les domaines de la nouvelle et du th��tre. Ceci pour nous en tenir � mes derni�res compositions. Mais, il est bien �vident que pour le moment tout cela reste encore, je crois, plus du bricolage qu�autre chose, et cela dans la mesure o� rien n�est encore acquis de mani�re irr�versible.

Autre �volution, dans le th�me cette fois-ci. De Brecht � Beckett... Et pourquoi ce ton de la d�rision ? ...

D�abord, les th�mes, c�est comme tout... A force de ressasser toujours la m�me chose, on finit, par se lasser et lasser les autres. D�o� la n�cessit� de se renouveler constamment. Et, pour ce faire, il suffit en r�alit� de regarder autour de soi. Nous vivons dans un monde contradictoire et multiforme... R�duire tout ce qui nous entoure � quelques grandes id�es, fussent-elles des id�es ma�tresses, c�est faire preuve, il faut bien le reconna�tre, d�une grande �troitesse d�esprit.

Pour revenir � mes petites bricoles, je crois pouvoir dire que j�ai connu deux p�riodes assez distinctes : la premi�re s��tendrait de 1974 jusqu�� 1980 et la deuxi�me de 1982 jusqu�� aujourd�hui. Une vision des choses peut-�tre un peu simpliste semble dominer la premi�re p�riode. Selon cette vision, ce serait dans les agressions en provenance de l�ext�rieur que se situerait l�origine de tous nos maux ; les totalitarismes d�aujourd�hui ne faisant ainsi que remplacer le colonialisme d�hier, par exemple. D�o� il d�coule que je me faisais peut-�tre une trop haute id�e des petites gens de chez nous, en qui je voyais les victimes innocentes de l�app�tit des grands de ce monde. Comme dirait Lou Sin, je croyais qu�ils valaient mieux que les gens des classes sup�rieures. Je me rendais bien compte, pourtant, qu�au moment o� leurs propres int�r�ts sont touch�s, ceux-ci se comportent bel et bien comme ceux-l�, mais je trouvais qu�ils avaient d�j� assez d�ennemis comme cela. Par cons�quent, je r�servais mes petites m�chancet�s pour ces ennemis en question.

La deuxi�me p�riode �quilibre peut-�tre la premi�re. Si je devais la r�sumer en une phrase, je dirais, pour parodier l�autre : "La nature a horreur de la faiblesse". De veux dire par l� que c�est nous-m�mes surtout qui sommes responsables de la majeure partie de nos d�boires. Et j�essaie, partant de l�, de lever le voile sur nos faiblesses, tout au moins les plus criantes d�entre elles. Car, si au pr�alable nous ne localisons pas nos faiblesses, je me demande comment nous pourrions un jour les surmonter.

D�autre part, une litt�rature qui est cens�e �tre destin�e au grand public ne peut se pr�senter sous la forme d�expos�s froids et r�barbatifs ; ceci dans l��tat actuel des choses tout au moins. Aussi est-il n�cessaire de recourir � des techniques litt�raires qui permettent d�int�grer la "substantifique moelle", si tant est qu�on en d�tient quelque peu, dans des compositions accessibles � tous. Et ces techniques, si j�en parle, c�est que je m�en sers �videmment ; le conte voltairien demeurant pour moi un mod�le en la mati�re.

Et puis, je ne cherche surtout pas � convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. Personnellement, je n�ai absolument rien � vendre. Etant donn� que je ne suis plus moi-m�me s�r de quoi que ce soit. Je pense par cons�quent que chacun doit s�assumer, aller jusqu�au bout de sa logique. Mais, on ne peut s�assumer vraiment en jouant � des jeux dont on ignore les r�gles, ou encore � des jeux dans lesquels les d�s sont pip�s d�avance. N�ayant moi-m�me aucune certitude ni rien de bien net � proposer, je ne peux d�s lors que m�amuser � d�celer la taille dans ce qui nous est propos� par ailleurs. Se moquer de nos faiblesses, de nos illusions, prendre � contre-pied les id�es re�ues, pousser certains raisonnements jusqu�� l�absurde, d�mythifier ce qui nous entoure, c�est finalement ce � quoi je m�amuse le plus souvent. Et il est �vident que ceci ne peut se faire sur le ton de la trag�die nos plus. D�o� ce ton de la d�rision qui accompagne � peu pr�s tout ce que j�ai pu faire.

Mais, � ce propos, et avant de clore ce chapitre, on pourrait se demander s�il n�y a pas dans le ton de la d�rision quelque chose de salutaire. On voit tellement de choses qui donnent envie de pleurer. Or, il ne sert � rien de pleurer. A cet �gard, il me revient une phrase que j�ai lue quelque part : "L�homme a pu survivre au grand stress historique et plan�taire en arrivant parfois � se tenir les c�tes". Et je pr�cise � ma d�charge que celui qui s�exprimait ainsi est quelqu�un d�autrement plus s�rieux que moi.

Un mot sur la langue utilis�e... Pourquoi les recours fr�quents aux emprunts ? Cela est sans doute efficace face � un public... Mais pour l��crit, pour le long terme... Ne penses-tu pas fixer autrement par �crit ton travail ?

La langue que j�utilise, c�est tout simplement la langue des gens auxquels je suis cens� m�adresser. Comme dirait Djehha, celui qui n�en est pas convaincu peut toujours v�rifier. Et je ne dis pas cela pour me justifier. Car, en fait, si je devais justifier quelqu�un, ce serait pr�cis�ment ces gens que je devrais justifier. On peut lire dans n�importe quel manuel de linguistique g�n�rale qu�une langue est un fait social. Donc, � ce titre, une langue est sujette � �volution, et ceci du simple fait que la soci�t� qui la parle �volue elle-m�me tout au long de son histoire. Voil� pour les g�n�ralit�s.

Maintenant, pour le cas pr�cis des mots que nous empruntons � l�arabe et au fran�ais, je crois qu�ils t�moignent tout simplement du d�s�quilibre des �changes que nous entretenons avec les soci�t�s qui nous entourent. S�il faut donc que soit pos� le probl�me, celui-ci doit �tre pos� enti�rement. Il y a, je crois, deux grandes cat�gories de litt�rateurs. La premi�re est celle de ceux, et ce sont de loin les plus significatifs qui se contentent de refl�ter aussi fid�lement que possible l�image de la soci�t� dans laquelle ils vivent. Libre � ceux qui les lisent, �videmment, de faire de cette image �a que bon leur semble. La deuxi�me cat�gorie est celle de ceux qui voudraient voir la soci�t� en question se conformer � une image pr��tablie. C�est � cette cat�gorie qu�appartiennent, entre autres, les tenants de la veine du r�alisme socialiste dans saversiondes ann�es 60, lesquels poussent la manie jusqu�� ne plus d�biter que des inepties.

Si j�avais donc r�ellement voulu faire oeuvre de litt�rateur, je n�aurais rien pu faire de mieux que d�essayer de refl�ter, aussi fid�lement que possible, l�image de la soci�t� dans laquelle nous vivons. D�o� je d�duis la chose suivante : d�s lors que le recours aux emprunts est un des traits caract�ristiques de notre soci�t�, il n�y avait pour moi rien de mieux � faire que refl�ter aussi bien ce trait dans mes compositions. Je veux surtout dire par l� que le probl�me des emprunts est un probl�me de soci�t� et que, s�il doit �tre pose, il doit l��tre au niveau de toute la soci�t� et non au niveau d�un auteur ni m�me au niveau d�un sp�cialiste, quel qu�il soit. Car le r�le de ces derniers est uniquement de prendre acte de ce qu�ils sont amen�s � constater.

Il reste une chose dont il faudrait peut-�tre aussi avoir conscience, c�est que, dans la r�alit� de tous les jours, � vrai dire, tout le monde n�utilise pas les emprunts de la m�me mani�re. Premi�rement, la fr�quence des emprunts varie suivant l�exp�rience v�cue du sujet parlant ; plus on s��loigne du monde paysan traditionnel, plus cette fr�quence augmente. Deuxi�mement, les mots emprunt�s subissent des distorsions par rapport � ce qu�ils sont dans les langues d�origine, distorsions dans la prononciation et distorsions aussi dans le sens.

Mais, cette fois-ci, plus on se rapprocha au contraire du monde paysan, plus ces distorsions deviennent importantes. S�il devait �tre permis � celui qui �crit de ne reculer devant rien lorsqu�il s�agit d��tre expressif au maximum, on s�apercevra je crois facilement de ce que cet �tat de fait lui offre comme marge de manoeuvre. Un simple petit exemple : que celui-ci ait, et la chose est fr�quente, � camper un personnage, le seul fait de mettre dans la bouche du personnage en question tel ou tel type d�emprunt lui donne la possibilit� de le situer pr�cis�ment et � moindre co�t dans telle ou telle cat�gorie sociale.

En dernier ressort, il faut quand m�me dire aussi qu�il vaut encore mieux emprunter un vocable � une autre langue que rester muet. Ceci �videmment lorsque la langue vernaculaire, telle que nous l�avons h�rit�e de nos a�eux, n�offre pas d�autre ressource. Le drame de la situation, en l�occurrence, car il y a tout de m�me un drame, vient � mon avis du fait que beaucoup de nos emprunts peuvent para�tre totalement gratuits ; ce qui est d�ailleurs tr�s souvent le cas, il faut bien le reconna�tre. Tout se passe dans ces cas l� comme si le recours aux emprunts devenait un palliatif, non pas au manque de ressource dont souffrirait la langue vernaculaire mais � la m�connaissance de ces ressources. Et, chose certainement plus grave encore, un palliatif qui renforce cette m�connaissance. Nous avons le sentiment, d�s lors que les emprunts concurrencent et finalement court-circuitent les ressources propres � la langue vernaculaire.

Tout ceci pour dire que l�emprunt peut se justifier chez celui qui y recourt en toute connaissance de cause mais qu�il peut effectivement pr�ter � discussion lorsque celui qui en fait usage le fait � tort et � travers. Ne perdons pas de vue, au demeurant, qu�une situation quelle qu�elle soit n�est jamais d�finitive. Le propre d�une langue vivante, tout comme celui d�un organisme vivant, est de passer par une succession d��tats transitoires, succession � laquelle la mort seule peut mettre un terme. Le passage d�une langue d�un �tat transitoire � l��tat suivant, lequel sera fatalement tout aussi transitoire, entre parenth�ses, est dicte de mani�re imp�rative par le besoin qu�ont les hommes qui parlent cette langue de faire toujours mieux r�pondre celle-ci � leurs besoins en mati�re de communication. Or, il se trouve que jusqu�� pr�sent ces besoins en mati�re de communication ont trouv� une r�ponse dans l�utilisation que nous faisons des termes provenant d�emprunts. Mais, il est bien �vident que de nouveaux besoins surgissent tous les jours, auxquels il faudra bien trouver de nouvelles r�ponses. Donc, il ne s�agit pas, � mon avis, de proscrire les termes provenant d�emprunts, surtout ceux bien acclimat�s. En revanche, il faut bien s�r souhaiter la renaissance d�une cr�ativit� propre au berb�re pour r�pondre aux besoins de d�signation des choses nouvelles.

A cet �gard, nous pouvons consid�rer que l��laboration du lexique de math�matiques paru r�cemment pourrait devenir une exp�rience exemplaire pour ce qui est de l�introduction des n�ologismes, Car, s�il r�pond vraiment � un double besoin, celui des �l�ves et celui des professeurs, et surtout, ceci est capital, s�il a �t� �labor� par ceux-l� m�me qui s�en serviront, ce lexique de math�matiques devrait avoir toutes les chances d�entrer dans les moeurs. Et puis, imaginons un instant que chaque branche de l�activit� humaine se donne aussi son nouveau lexique ; celui-ci, d�s lors qu�il se serait d�abord impos� aux gens concern�s, finirait fatalement par s�imposer aussi aux autres et donc aussi � ceux qui seront les �crivains de demain.

Mais c�est � ces gens concern�s qu�il appartient d�abord de faire le premier pas. Car un auteur n�invente jamais une langue. Un auteur ne peut �crire que dans la langue commun�ment admise autour de lui, parce que son unique but, pr�cis�ment, est d��tre avant tout efficace face � un public. Je veux citer un exemple : l�auteur de la chanson de Roland ne pouvait pas �crire son texte dans le fran�ais d�aujourd�hui, puisque � son �poque, c�est � dire au XI�me si�cle, ce fran�ais n�existait m�me pas encore. Un auteur t�moigne donc de l��tat d�une langue � un moment de l�histoire. Par contre, on peut dire qu�il n�est en rien responsable de l��volution de celle-ci, car cette �volution est en r�alit� l�affaire de tous. Dans cet ordre d�id�e on peut dire que si la langue de Dante s�est vue consacr�e, la responsabilit� de cette cons�cration incombe � tous les italiens et non � Dante lui-m�me.

Si je voulais aller jusqu�au bout de mon raisonnement, je dirais aussi la chose suivante : l�oralit� �tant encore une des caract�ristiques de notre langue vernaculaire, la publication sous forme de cassettes audio et/ou vid�o est encore ce qui correspond le mieux aux exigences de l�heure. Ceci dit, il va de soi en r�alit� que le probl�me de l��crit entre aussi dans mes pr�occupations. Dois-je pr�ciser que tout ce que j�ai publi� sur cassettes a d�abord �t� �labor� par �crit ? II reste que pour r�gler la question de l��crit de mani�re d�finitive, il conviendrait peut-�tre de se pencher s�rieusement sur les deux points suivants : premi�rement, celui de la notation des intonations, ceci sur le plan purement technique, et, deuxi�mement, celui de l�analphab�tisme ambiant, lequel malheureusement s�vit encore au niveau de notre soci�t�.

Toujours est-il que je publierais volontiers par �crit si le manque de temps ne m�en emp�chait.

Ton travail occupe une place singuli�re dans la litt�rature berb�re ( !) o� l�essentiel de la production consiste en chansons... Comment vois-tu l�avenir de tout cela ?

Je crois que je me suis suffisamment �tal� dans ce qui pr�c�de sur ce qui pourrait faire la singularit� de l�entreprise. Il reste que cette singularit� n�est pas si singuli�re que cela. Il serait peut-�tre bon de rappeler qu�il y a plus de cent cinquante ans que les japonais ont commenc� � songer � sortir de leur coquille pour s�adapter au monde contemporain. Chose qui, au demeurant, ne leur pas fait trop de mal dans l�ensemble, bien au contraire.

Quant � l�avenir de tout cela... seul l�avenir le dira. Car l�avenir ne d�pend pas de ce que fait un individu en particulier mais bien de la conjugaison des efforts de tous. Or, il faut bien dire que ces efforts, aujourd�hui, sont pour le moins trop in�gaux... Ce qui fait que nous ne sommes pas encore sortis de l�auberge !

II y a dans ce que tu fais une pr�sence de l��migration, mais, tu ne sembles pas tr�s int�gr� dans le mot "beur". Comment te situes-tu ? ... (racisme, avenir de l��migration...)

II y a quarante ans, ainsi que le dit Feraoun, le s�jour des �migr�s en France pouvait encore appara�tre comme une parenth�se dans le cours de la vie des �migr�s en question ; parce que l�immense majorit� de ceux-ci reprenaient, d�s leur retour dans leur pays d�origine, les us et coutumes de celui-ci. Or, il semblerait que ceci ne soit plus du tout vrai aujourd�hui ou il y a 800 000 alg�riens en France alors qu�ils �taient � peine 200 000 en 1950. Aujourd�hui, les s�jours en France sont beaucoup plus longs qu�ils ne l��taient il y a quarante ans. Une proportion consid�rable des n�tres se sont install�s en France avec femme et enfants. De plus, le d�veloppement des moyens de communication fait qu�il s�est �tabli des liaisons quasi-permanentes entre les communaut�s �migr�es et les terroirs d�origine. Et, qui dit liaisons dit transferts, surtout de biens mat�riels, en direction de ces terroirs d�origine mais aussi transferts de nouvelles r�f�rences culturelles li�es � l�acquisition et � la consommation de ces biens. Il s�ensuit que la communaut� �migr�e ne peut plus nous appara�tre de nos jours comme un il�t compl�tement d�tach� de la soci�t� qui lui a donn� naissance. Ce qui serait peut-�tre plus juste serait d�y voir un prolongement de cette soci�t� mais aussi et surtout un prolongement qui replace le centre de gravit� de cette soci�t� quelque part au beau milieu de la M�diterran�e.

Il d�coulerait de ceci que les probl�mes sp�cifiques de 1��migration ne sauraient en aucun cas �tre dissoci�s du probl�me g�n�ral de la confrontation de notre soci�t� avec celles qui nous entourent. Et c�est pour cette raison, au fond, que lorsque je mets sn sc�ne des �migr�s dans mes compositions, c�est le plus souvent pour traiter de th�mes relevant de pr�occupations qui pourraient tout aussi bien �tre celles ce nos compatriotes demeur�s au pays.

Et les "beurs" dans tout cela ?

Les "beurs" sont, � mon avis, la preuve vivante d�une double faillite, faillite de nos cultures traditionnelles face aux nouvelles r�alit�s que nous vivons et, faillite pareillement de la culture officielle pr�n�e par le pouvoir politique alg�rien face � ces r�alit�s.

Il est, remarquable de voir, � cet �gard, que nos "beurs" n�ont pas d��quivalents chez les espagnols ni chez les portugais lesquels sont pourtant deux fois plus nombreux en France que les alg�riens. On va dire : �Oui... Mais... Les espagnols et les portugais sont des europ�ens... Et puis ce sont des chr�tiens... etc., etc." Mais croyez-vous que les fran�ais leur fassent des cadeaux pour autant ?... D�j� que ces derniers se font rarement de cadeaux, m�me entre eux. La r�alit� est que les enfants d�espagnols ou de portugais s�appliquent � tirer partie au maximum des possibilit�s que leur offre le pays d�accueil. Et ceci parce qu�ils sont d�j� mieux arm�s que les enfants de nos �migr�s. Ensuite, ils demeurent quand ils grandissent presque toujours attach�s � la culture de leur pays d�origine. Mais qu�est-ce qui rend cet attachement possible ? C�est bien s�r essentiellement le fait qu�il n�existe aucune contradiction majeure entre cette culture d�une part et l�exp�rience v�cue d�autre part. Ce qui suppose bien s�r encore que la culture des espagnols et des portugais se renouvelle chaque jour en s�alimentant � la source vive de cette exp�rience v�cue.

Or, tel n�est pas le cas chez les alg�riens, lesquels commencent d�abord par affirmer avec force des principes rigoureux, principes qu�ils s�empressent ensuite de d�tourner � qui mieux. Car, le plus souvent, il s�av�re qu�� l�usage nos valeureux principes sont bien �videmment, impossibles � assumer. A moins de se tenir prudemment � l��cart de tout. Et comment ? En faisant l�autruche. D�o� cette cassure tr�s nette qui existe entre nos vieilles r�f�rences culturelles, si riches et si g�n�reuses, tout au moins � ce nous imaginons, et nos pratiques quotidiennes, lesquelles sont trop souvent des pratiques de chacals. Et cela � tous les niveaux de la soci�t�, si bien qu�on pourrait se demander si la tartufferie n�est pas devenue chez nous un art de vivre. L�-dessus, pour compl�ter l�ensemble, il y a ceux qui poussent des soupirs du style : "O� va la jeunesse d�aujourd�hui ?..." Viennent ensuite ceux qui, pour bien arranger les choses, donnent t�te baiss�e dans 1�arabo-islamisme et puis ceux qui, pour faire pi�ce � 1�arabo-islamisme, nous d�terrent le tifinagh parce que n�ayant rien d�autre sous la main. Ceux-ci d�un c�t�. De l�autre c�t�, il y a les "beurs" lesquels �videmment envoient promener tout le monde.

Puisqu�il m�est demand� de me situer, je dirai la chose suivante : certes je fais bien s�r grand cas de toutes les mouvances que j��voque ici. N�anmoins, ce que j�ai publie doit donner, je crois, clairement � entendre que je ne m�inscris dans aucune d�entre elles. Car, si les premi�res m�apparaissent comme frapp�es de st�rilit� en d�bouchant sur des impasses, je ne crois pas, non plus, que les "beurs" soient des exemples � suivre. Et ceci pour la simple raison que les "beurs" sont avant tout une population d�racin�e voire d�stabilis�e.

Finalement, et ceci r�sumera peut-�tre les quelques indications �parses que j�ai donn�es plus haut concernant mes pr�occupations, ce que je fais est une chose tr�s simple : je m�efforce de dire dans notre langue maternelle l�essentiel de notre exp�rience v�cue. Et ceci au del� de tous discours doctrinaires d�une mani�re g�n�rale et au-del� du discours doctrinaire de gauche en particulier, lequel, il faut bien le dire, a, � for�a d��tre galvaud�, perdu toute esp�ce de cr�dibilit�. Ceci dit, j�ai le sentiment, tout de m�me, que cet effort pourrait encore r�pondre � deux n�cessit�s d��gale importance. D�une part, le fait de s�exprimer en langue maternelle pourrait � bien des �gards r�pondre � la n�cessit� dans laquelle nous nous voyons de trouver rem�de au d�racinement qui frappe beaucoup d�entre nous. D�autre part, dire l�essentiel de l�exp�rience v�cue, cela ne revient-il pas en quelque sorte � faire le point sur les r�alit�s dans lesquelles nous vivons ? Et, faire le point de temps en temps, c�est peut-�tre une chose encore qui pourrait justement nous aider � ne pas �tre d�bord�s par ces r�alit�s.

Si ce que je dis venait � �tre v�rifi�, il y aurait peut-�tre l� l�esquisse de ce qui pourrait �tre un lien allant d�un extr�me � l�autre de notre soci�t� ; c�est-�-dire un lien qui permettrait � un grand-p�re de comprendre son petit-fils "beur" et � celui-ci de comprendre ce grand-p�re lequel, sinon, est � des ann�es-lumi�re loin derri�re lui.

Mais ne r�vons pas trop... Et puis qu�est-ce qui prouve qu�il n�est pas d�j� trop tard ?

Ensuite, les �migr�s et le Fascisme. Je ne veux pas m��taler sur ce sujet parce que ce serait trop long. Je dirai seulement qu�il est trop facile de brandir le spectre du racisme chaque fois qu�un conflit �clate entre des fran�ais et des alg�riens, comme cela se fait souvent. Rappelons-nous les 36 000 marocains r�sidant en Alg�rie, qui en 1976 se sont vus intimer l�ordre par les autorit�s alg�riennes de quitter le pays sous 48 heures. Et l�-dessus on nous chante le grand maghreb arabe sur tous les tons !... Comment admettre que ceux qui ont cautionn� une telle d�cision, ne serait-ce que par leur silence, viennent aujourd�hui nous rebattre les oreilles � propos du racisme auquel seraient en butte les alg�riens r�sidant en France ?... Et puis m�me si le racisme existe en France, et il existe de la m�me mani�re qu�il existe dans tous les pays du monde, ce n�est pas, � ma connaissance, un fait institutionnalis� ; c�est un fait de soci�t�. Et, l�un dans l�autre, notre soci�t� a au moins autant de responsabilit� que la soci�t� fran�aise � cet �gard.

Une seule chose encore. Imaginons nos "beurs" d�barquant du jour au lendemain en Alg�rie. Comment seraient-ils re�us ? Je parie qu�ils seraient mis dans des camps de concentration. Donc, avisons-nous d�abord de nous occuper de nos faiblesses et de nos d�fauts avant de nous occuper de ceux des autres.

Concernant l�avenir de l��migration alg�rienne en France, �videmment je ne suis pas devin. Il reste tout de m�me que si on veut y regarder d�un peu plus pr�s, on constate que le ph�nom�ne s�est d�velopp� sur la base d�une certaine convergence d�int�r�ts entre, d�un c�t� des gens qui avaient besoin de main-d�oeuvre et, de l�autre, des gens qui avaient besoin de vendre leur force de travail. Convergence d�int�r�ts in�gaux s�rement, mais convergence d�int�r�ts tout de m�me. Pour ce qui est de l�avenir donc, je ne vois pas comment l��migration pourrait se maintenir en France sur d�autres bases que celles-ci. Car il appara�t que la tendance chez les �migr�s eux- m�mes est bel et bien, me semble-t-il, au maintien du statu quo. Et ceci, en d�pit de tous les drames individuels qu�ils connaissent souvent ; je veux dire des drames li�s au fait de s�expatrier, � la solitude, � la d�tresse, etc.

Les pays occidentaux en g�n�ral, et la France en particulier, connaissent depuis une dizaine d�ann�es une r�cession �conomique, et ceci n�est pas du tout une plaisanterie. Il est � parier n�anmoins que tous ces pays d�passeront cette crise d�une mani�re ou d�une autre et ce pour la bonne raison suivante : ils en ont vu d�autres. Au reste, aujourd�hui, c�est ce � quoi ils s�emploient le plus. C�est ainsi que les mots les plus couramment repris en ce moment en France sont ceux de comp�titivit�, restructuration de l��conomie, r�novation de l�appareil productif, rentabilit�, etc... La logique qui d�coule de cette situation voudrait que le crit�re de rentabilit� s�applique aussi � l�endroit des immigr�s. Et du fait, c�est ce qui se produit. En d�pit des discours et autres manifestations de soutien, lesquels ne servent � rien d�autre en r�alit� qu�� "noyer le poisson", l�immigration alg�rienne se voit peu � peu faire l�objet d�un laminage. Mais si la plupart de nos compatriotes, lorsqu�ils se retrouvent au ch�mage, pr�f�rent rentrer d�finitivement, il est encore permis de penser qu�� l�avenir ceux qui resteront en France seront ceux, salari�s ou travailleurs ind�pendants, qui auront su acc�der � des situations moins pr�caires que celles �tant en g�n�ral le lot de la plupart d�entre nous. Mais, combien feront l�effort de chercher � acc�der � des situations moins pr�caires et combien y parviendront ?

Le pays change vite et profond�ment. Quelle attitude pr�conises-tu par rapport � l�islam et � l�arabe classique entendu comme langue nationale ? (leur utilisation ou leur rejet...)

La premi�re chose que je dirai ici est que je ne me sens bien �videmment aucune qualit� pour pr�coniser quoi que ce soit. Ce qui ne m�emp�che pas, au demeurant, d�avoir mon opinion sur les sujets �voqu�s ici.

Il y a peut-�tre un an de cela, quelle n�a pas �t� ma stup�faction d�entendre Lakhdar Hamina, qu�on interrogeait sur Radio n Tmazight � Paris, dire textuellement ceci : "II y a 20 millions d�habitants en Alg�rie, �a sont 20 millions de tubes digestifs" ! ! !... J�en suis encore � me demander ce qu�il voulait dire par l�. Voulait-il dire que les alg�riens ont mal tourn� depuis qu�ils sont ind�pendants ? Mais alors � qui la faute ? Ceux qui nous gouvernent ont au moins une responsabilit� � cet �gard. Or, Monsieur Hamina, cin�aste tout ce qu�il y a de plus officiel et ce surcro�t haut fonctionnaire alg�rien, appartient bel et bien � la famille de ceux qui pendant vingt ans ont eu la haute main sur le destin des alg�riens.

Voulait-il dire que les alg�riens consomment plus qu�ils ne produisent ? Mais, l� encore, l�exemple vient de haut. La politique d�arabisation co�te des milliards d�investissement � l�Alg�rie et produit des "infirmes mentaux", et ceci est encore une expression de Monsieur Brerhi, notre ministre de l�enseignement sup�rieur. A moins que Monsieur Hamina n�ait voulu dire par l� que les alg�riens ne m�ritent m�me plus l�air qu�ils respirent, auquel cas la chose est simple, cela voudrait dire que ceux qui nous gouvernent "ne sont pas contents de leur peuple. Ils doivent donc �lire un nouveau peuple.

Ce qui pr�c�de pourra peut-�tre sembler une mani�re d�esquiver la question qui m�est pos�e, Mais c�est que le spectacle de ces changements rapides et profonds qui interviennent chez nous a souvent de quoi d�router le plus d�sabus� des hommes. Et puis, il se pourrait aussi que la d�mythification conduise au pessimisme...

Je trouve � peine la force de dire qu�il faut quand m�me oser regarder loin devant soi. Il me semble que le prochain grand rendez-vous de l�Alg�rie avec l�histoire sera celui de l�apr�s-p�trole. Car, si aujourd�hui encore la rente p�troli�re autorise le pouvoir politique alg�rien � pers�v�rer dans toutes ses fuites en avant ou � se livrer � des contorsions, le jour, lequel n�est peut-�tre pas si loin, o� cette rente viendra � manquer, il lui faudra bien trouver autre chose.

En attendant chacun doit �tre libre d�agir suivant ce qu�il croit �tre ses int�r�ts. Ce qui n�emp�che pas qu�on puisse songer s�rieusement, et ce d�s � pr�sent, � chercher les issues qui nous permettraient d��chapper � l�obligation qui nous est faite d�avoir � choisir entre l�abrutissement par 1�arabe-islamisme ou l�abrutissement par l�alcool.

Revue Tafsut n�10 avril 1985 - Universit� Tizi-Ouzou'

 

Actualit�s : ARRIV�E DE LA D�POUILLE MORTELLE DE MOHYA A TIZI-OUZOU
L�hommage � un monstre sacr� de la culture amazighe
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Il y avait foule, hier, � la Maison de la culture de Tizi- Ouzou o� �tait expos�e la d�pouille mortelle du po�te, dramaturge et traducteur d�expression kabyle, Abdellah Mohya, d�c�d� mardi dernier � Paris des suites d�une longue et p�nible maladie. Dans la matin�e d�j�, au moment m�me o� la d�pouille �tait attendue � l�a�roport Houari-Boumediene d�Alger, le hall de la Maison de la culture grouillait de monde.
Des visiteurs int�ress�s sont � l�aff�t de la moindre information sur la vie et l��uvre de celui qui s�est volontairement confin� dans le silence, il y a de cela plus d�une dizaine d�ann�es. Sur les murs du hall d�exposition de la Maison de la culture, des photos, des articles de presse, des hommages posthumes, une exclusive et unique interview accord�e � la d�funte revue Tafset... Un ensemble de documents qui rendaient par bribes l�image et l�itin�raire de Mohya dont la mort a r�veill� bien des nostalgies chez beaucoup de personnes impliqu�es ou qui �taient tout simplement contemporaines des premi�res et difficiles ann�es de lutte et de revendications pour la reconnaissance de l�identit� berb�re. Pour tous ceux-l�, et aussi pour ceux qui le d�couvre seulement maintenant, Mohya est le t�moin d�une �poque, d�un combat et d�une certaine id�e de la libert� qu�il a su rendre et traduire avec sa faconde et son g�nie cr�ateur de po�te et de dramaturge qui a r�ussi � faire la symbiose entre l�humus et les r�f�rents du terroir natal et l�universalit�, dimension qu�il sut transcrire � travers des traductions adoptions, d��uvres litt�raires (po�sie, th��tre, contes...) du domaine universel. Gr�ce � lui, Pr�vert, Nazim Hikmet, Boris Vian, Pirandello, Lou Sin, Brecht, S. Bichett, Moli�re... sont disponibles en kabyle dans le texte. Durant toute l�apr�s-midi d'hier, des flux ininterrompus de visiteurs ont �t� visibles � la Maison de la culture. Des foules d�anonymes o� l�on apercevait des visages connus du monde politique et artistique local. Les m�mes flux de citoyens seront certainement visibles aujourd�hui � l�occasion de son enterrement dans son village natal, A�t- Eurbah, dans la commune d�Iboudrar�ne. Un bel hommage pour celui qui de son vivant �tait reconnu comme �tant un monstre sacr� de la culture amazighe et qui a d�sormais rejoint sa place dans la post�rit� des grands po�tes.
S. A. M.

 

 

 

l sera inhum� aujourd�hui
Mohia ou la rigueur personnifi�e
Par Ben Mohamed

Mohia �tait la rigueur personnifi�e. Il �tait sans concession tant dans sa vie quotidienne que dans sa po�sie, son th��tre, son enseignement ou ses relations. Dur avec lui-m�me, il l��tait parfois avec les autres aussi. Il ne supportait pas l�hypocrisie. Le �forgeron de mots� qu�il �tait, n�acceptait pas les paroles truqu�es, celles qui n��taient pas � leur place ou qui �taient d�vi�es de leur sens. En math�maticien pratique, il ne supportait pas que l�on privil�gie l�accessoire pour d�laisser l�essentiel.
C�est ce Mohia qui refusait de r�duire la berb�rit� � la seule exhibition du signe Z de amazigh ou du seul salut par le mot azul. Pour lui, la berb�rit� est un art de vivre selon un certain nombre de valeurs. Comme il faisait une lucide distinction entre valeurs et traditions, entre militantisme et manipulation, il r�agissait de mani�re parfois violente contre toute forme de suivisme irr�fl�chi. Ce qui d�routait beaucoup de nos militants berb�ristes exalt�s.
En fait, toute la vie et l��uvre de Mohia ont consist� � d�mystifier et � d�mythifier. � un jeune venu lui dire qu�il �tait pr�t � mourir pour tamazight, Mohia r�pond :�Tu seras un Homme quand tu sauras vivre pour tamazight.�
Un soir, en rentrant chez lui, il voit un livre dans une poubelle, il le ramasse, car la place du livre n�est pas dans une poubelle. C��tait un livre de Platon. C�est ainsi que Mohia d�couvre une �uvre sur laquelle il travaillera le reste de sa vie. Il constitue un atelier de jeunes et moins jeunes auxquels il ouvre la voie vers cette fabuleuse source du savoir.  Il me confia un jour que les philosophes grecs ont tout dit. Pour comprendre le monde, il nous suffit donc de revisiter ces �uvres anciennes. C��tait bien apr�s qu�il eut fait parler en kabyle Jean-Paul Sartre, Brecht, Lu Xun, Samuel Beckett et bien d�autres encore.
Le g�nie de Mohia est de nous amener � oublier que ses �uvres sont des adaptations. Sous sa plume, elles passent all�grement pour des �uvres kabyles authentiques. Parfois m�me, on se laisse aller jusqu�� croire que leurs auteurs nous ont spoli�s de nos �uvres comme cela se fait encore, aujourd�hui, pour les peintures rupestres de notre Tassili.
Aujourd�hui on te pleure, mais je sais que tu ne seras fier de nous que le jour o� nous saurons distinguer l�essentiel de l�accessoire.
Et en attendant, repose en paix  Mohia !
Paris, le 11 d�cembre 2004.

Adieu l�artiste !
Par Mohamed Haouchine      http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=32243

Ils sont venus, ils �taient tous l� ! comme dirait l�artiste. Il y avait ses amis d�enfance d�Azazga, ses copains du lyc�e de Tizi Ouzou, ceux de la Fac d�Alger, les anciens �l�ves du cours berb�re du regrett� Mouloud Mammeri, mais aussi les militants de la cause berb�re, ceux qu�on appelle respectueusement les �anciens�. Les tempes grisonnantes pour la plupart, tout ce beau monde se mit � rem�morer toutes les boutades et les com�dies �made by Mohia� au moment o� les micros diffusaient � coups de d�cibels des extraits de �Mohand U Yahia�. Il a eu en tout cas de belles obs�ques, lui qui n�aimait pas les honneurs et la grande foule. Et quel parterre d�artistes il y avait tout autour du cercueil drap� dans l�embl�me national ! A�t Menguellet, Ali Ideflawen, Hac�ne Ahr�s, Amour Abdenour, Boudjema� Agraw, B�la�d Tagrawla, Salah M�amar, Cherif Hamani, Slimane Chabi et toute une pl�iade de com�diens du terroir, ceux-l� m�mes qui ont pris le relais de Mohia pour jouer �Tachbalit� (la jarre) de Pirandello ou encore �Amin yatsradjoune Rabi� inspir� de En attendant Godot. Au milieu de cette foule consid�rable, toute sa famille et son village d�A�t Eurbah �taient fiers, tr�s fiers de leur enfant prodige. En d�pit de la douleur de l��tre cher disparu et du recueillement � la m�moire d�un g�nie, il y avait suffisamment de place pour le sourire et l�ironie car les �Brobros�, comme dirait Mohia, se sont donn�s � c�ur joie pour rendre un bel hommage � l�artiste, le com�dien, le po�te, et surtout le bon vivant que fut Mohia.
Adieu l�artiste !

Obs�ques de Mohia � A�t Eurbah
L�hommage de la Kabylie
Par YAHIA ARKAT    http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=32242

Muhand u Yahia a tir� sa r�v�rence presque sur la pointe des pieds. Ses obs�ques ont �t� boud�es par les officiels, mais les �Brobros� �taient l�. Mohia n'est pas mort ! Hier �tait jour de deuil en Kabylie � l'occasion des fun�railles du dramaturge Muhand u Yahia, de son vrai nom Abdallah Mohia, d�c�d� mardi dernier � l'�ge de 54 ans dans un h�pital parisien des suites d'une longue maladie.
� l'entr�e de son village natal, pr�s de Tassaft, une banderole accueille fi�rement les visiteurs venus nombreux pour l'ultime hommage : �A�t Eurbah est fier de son fils.� Des milliers de personnes ont fait le d�placement des quatre coins de la Kabylie et d'Alger pour assister aux obs�ques de feu Mohia, dont la d�pouille mortelle a �t� rapatri�e de Paris avant-hier.
Des t�tes connues du monde culturel, universitaire et politique �taient l� : des repr�sentants de partis politiques, dont le Dr Sa�d Sadi, pr�sident du RCD, Mustapha Bouhadef du FFS, des artistes dont certains avaient c�toy� de son vivant le d�funt, comme Ali Ideflawen, Slimane Chabi, A�t Menguellet� Des anciens camarades du milieu militant artistique et estudiantin des ann�es 1970, des hommes de culture, des universitaires et bien entendu des repr�sentants de la soci�t� civile et du mouvement associatif, tout ce beau monde a tenu � accompagner Mohia � sa derni�re demeure o� il repose en paix. � 13h, c'est la lev�e du corps.
L'�motion �tait � son comble lorsque des youyous fusent d'un groupe de femmes comme pour rendre l'ultime hommage au p�re fondateur du th��tre d'expression amazigh. Le cort�ge fun�bre s'�branle en direction du cimeti�re du village ; la Chahada est psalmodi�e par des vieux et des jeunes volontaires. 14h, la pri�re du mort avant la mise en terre.
Par ailleurs, une st�le sera bient�t �rig�e � la m�moire de l'artiste, avons-nous appris aupr�s du comit� du village qui a organis� des obs�ques � la hauteur de ce que fut Mohia, lui qui l�gue � la post�rit� une �uvre incommensurable, dont la g�n�ration d'aujourd'hui gagnerait � d�couvrir si l'on veut perp�tuer le message de �Muhend u Caban�, �Lallam Gilette�, �Sinistri� et tous les autres �Brobros�. Mohia est parti comme il a v�cu : dans l'humilit� et la discr�tion. Les �Brobros� �taient l� pour l'hommage. Un hommage m�rit� comme le r�sume cet �criteau sur un morceau de tissu : �Izwir ay Abrobro !�

�VOCATION 
Muhend Uyahia Mohya
Le passeur de m�moires

http://www.elwatan.com/2005-01-12/2005-01-12-11521

Son nom et son �uvre sont incontournables pour qui veut conna�tre la culture amazighe sous son angle moderne. Il en est la figure embl�matique, puisque pr�curseur en la mati�re. N�a-t-il pas tutoy� le gotha mondial de la po�sie et du th��tre ? Un tr�sor inestimable nous a �t� l�gu� par Mohya � travers ses traductions-adaptations.

Gr�ce � son g�nie, les pi�ces de Brechet, de Moli�re, de Pirandello, ainsi que la po�sie de Pr�vert, de Boris Vian et de Maupassant ont int�gr� le patrimoine amazigh. Rien que �a ! Cet inlassable travail de cr�ation en vue de valoriser sa langue maternelle, Mohya l�a r�alis� dans la plus parfaite des humilit�s. Loin des feux de la rampe m�diatique, au-dessus des clivages partisans et en dehors de tout int�r�t bassement mat�riel : ainsi se r�sume le parcours de l�enfant d�Ath Arvah. A ce titre, il est respect� de tous. Nul ne peut nier que de son vivant Mohya aura �t� l�un des plus sinc�res serviteurs du combat pacifique pour la reconnaissance de tamazight. L�homme de culture nous a quitt�s. Il a tir� sa r�v�rence dans un h�pital de Paris. � Pourquoi Paris ? �, diront les mauvaises langues. Qu�elles se rassurent, ce n�est point une prise en charge officielle qui l�a fait atterrir dans la Ville lumi�re. Il y trouva refuge - au vrai sens du terme - � la fin des ann�es 1970, apr�s de brillantes �tudes universitaires � Alger. Cette derni�re �touffait � l��poque sous la chape de plomb du parti unique. Les militants de la d�mocratie, des droits de l�homme rasaient les murs � d�faut de croupir dans les prisons. Impossible, dans ce climat, d�alimenter le feu qui couvait dans l�esprit et le c�ur de Mohya. Il lui fallait l�oxyg�ne de la libert� pour assouvir sa passion. Et quelle passion. Revaloriser le statut de la langue amazighe par la cr�ation, l�innovation l�a physiquement consum�. Sa mort intervient � un moment-cl� de la vie culturelle alg�rienne. Ce qui fut un tabou, passible de prison, est admis de nos jours comme langue nationale. L�id�al de Mohya a pris forme sur la terre de ses anc�tres. Il ne sera pas l� pour servir davantage, emport� par la faucheuse, � l��ge de 55 ans. Il ne go�tera pas aux fruits d�une victoire arrach�e de haute lutte. Et d�ailleurs, les privil�ges n��taient pas dans ses cordes. Il les laissait aux opportunistes. Il reste aux vivants d�honorer cet infatigable � passeur de m�moires �, et ce, en faisant bon usage de son �uvre. Dans cette optique, les manuels scolaires de tamazight gagneraient en qualit�, si le minist�re de l�Enseignement national d�cidait de les enrichir de textes p�dagogiques sign�s Mohya. Ce serait un bel hommage � rendre � cet homme de culture p�tri de cr�ativit�.
 

Ahmed Tessa

 

 

 

 

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