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�Chants berb�res de Kabylie�
de Jean Amrouche en �dition bilingue
http://www.depechedekabylie.com/read.php?id=4062&ed=ODk3
S��mouvoir et se confesser en kabyle
Une grande partie
de la litt�rature francophone produite par des �crivains kabyles est
inspir�e du patrimoine oral. C�est un ph�nom�ne commun � plusieurs auteurs
alg�riens et africains.
Qu�auraient �t� le
roman et la po�sie de Mohamed Dib si on lui enlevait l��me et le charme
tlemc�niens ? Que serait devenue l��uvre de Malek Haddad sans les
fragrances et les couleurs de Constantine ?
Quelle que soit la mani�re � consciente ou inconsciente � dont est utilis�
le substrat culturel originel, il donne � l�esth�tique g�n�rale du texte
son identit�, son souffle est son halo ; en d�finitive, il lui conf�re sa
dimension civilisationnelle qui l�inscrit dans la culture universelle.
Le ph�nom�ne prend une valeur encore plus prononc�e quand les auteurs en
question se penchent sur la mati�re brute de leur culture d�origine pour
en r�habiliter les �l�ments les plus essentiels par les moyens
technologiques modernes li�s � l��criture. Si Sa�d Boulifa, Bensedira,
Taous Amrouche, Mammeri, Feraoun, Malek Ouary, � ont essay� de faire
revivre ce patrimoine en faisant la recension permise par les conditions
de leurs �poques respectives et en proc�dant � la traduction fran�aise de
ces produits. Le r�sultat obtenu finit toujours de faire des �mules tant
sont nombreux et diversifi�s les pi�ces po�tiques, les contes, les
apologues et les aphorismes jaillis des tr�fonds de l�histoire culturelle
kabyle.
Nous nous souviendrons toujours de cette image de Malek Ouary qui compare
un chercheur qui r�colte et traduit les textes kabyles anciens � un
oiseleur qui met en cage le produit de ses conqu�tes, les oisillons
vivants ; c�est triste, d�plore-t-il, mais il vaut mieux un oisillon
encag� mais vivant qu�on oisillon libre et perdu. Dans la m�me crainte
d�une possible alt�ration du texte originel, Mouloud Mammeri parle de la
traduction �la moins infid�le possible�, sachant, depuis l�Antiquit�, que
traduire, c�est quelque part trahir.
Parmi les �crivains et hommes de lettres qui se sont pench�s sur la
litt�rature kabyle orale, Jean El Mouhoub Amrouche est sans doute l�un des
mieux inspir�s au vu d�une sensibilit� po�tique exacerb�e par les
d�chirements identitaires et les fid�lit�s difficilement conciliables.
Kabyles, Fran�ais, Maghr�bin, il a, sa vie durant, essay� de concilier ces
diverses �vocations�. Il a pu th�oriser cette position dans son Eternel
Jugurtha, un essai paru en 1946 dans la revue L�Arche.Jean Amrouche se
r�v�lera un po�te d�une grande sensibilit� chez qui se joint le souci de
la perfection formelle. Ses deux premi�res recueils de po�mes, Cendres
(Tunis-1/934) et Etoile secr�te (Tunis-1937) ont �t� accueillis par la
critique de l��poque comme un �v�nement litt�raire majeur en langue
fran�aise. Il d�crit, dans Etoile secr�te le po�te comme quelqu�un qui a �ancr�
ses mains aux continents immobiles. /Il est une �le dans la mer d�ombre/la
t�te au sein des �toiles/les pieds emm�l�s aux racines de la terre. Dans
l�univers o� il est dieux/o� il est celui qui voit Dieu. /Il a des bras
immenses/scell�s �trangement � ses �paules �troites (�) On le voit comme
un �le, immobile/Quand les mar�es d�hommes obscurs/d�ferlent contre les
flancs�.
Comme dira Aim� C�saire, la religion de Jean Amrouche est la po�sie. �Il
fut en qu�te d�un langage inaccessible, primordial, celui qu�un mystique
comme Ibn Arabi a approch�. Pour cela, Jean Amrouche traverse par moment
le verbe biblique pour s�enraciner dans une terre m�diterran�enne acquise
depuis des si�cles � l�Islam (Tahar Benjelloun)�.
�Petit Kabyle chr�tien, j��tais (�) ren�gat pour les musulmans, carne
vendetta (viande vendue) pour les Italiens, bicot au regard des Fran�ais�,
�crit-il dans L�Eternel Jugurtha.
Langue de la
terre et de la m�re
Ecrivain francophone accompli, Jean
Amrouche parle de �monstres culturels� pour d�finir sa condition double
d�h�ritier de la culture kabyle et d�intellectuel fran�ais, de religion
chr�tienne et de famille �largie musulmane, comme le rappelle Daniela
Merolla de l�universit� de Leyde/Inalco-CRB dans Hommes et femmes de
Kabylie (Edisud-2001). Mais, comme il l�avouera plus tard, il ne sait
pleurer qu�en berb�re. C�est la langue des intimes profondeurs et de
l�insondable moi. C�est pourquoi il a eu une oreille attentive aux
l�gendes, po�sies et r�cits que lui a transmis, de fa�on naturelle et
spontan�e, sa m�re, Fadhma Ath Mansour Amrouche. Sur ce plan, Jean El
Mouhouv constituera le compl�ment incontournable de sa s�ur, Taous. Son
Chants berb�res de Kabylie parut, pour la premi�re fois � Tunis en 1939,
aux �ditions Monomotapa. Ce sont des po�mes traduits du kabyle dont la
premi�re motivation, soutient Merolla, �rel�ve du po�tique et du spirituel
: Amrouche �crit que la beaut� et la puret� des chants kabyles, en tant
que cr�ation orale des hommes et des femmes qui ont chant� � l�unisson du
monde, on peut toucher � l�unit� de la cr�ation et de l��tre, dont on a
�t� s�par� par la �civilisation��
Exil, douleur, sentiment de d�r�liction humaine ; ce sont l� des �tats et
des sensations qui mettent les hommes en �communaut�, dans un destin
partag� dans l�universelle angoisse : �La grande douleur de l�homme est
d��tre - et d��tre s�par�... La m�re qui nous a nourris de sa chair, la
terre maternelle qui nous recevra sont les corps qui nous rattachent au
non-�tre, ou si l�on veut, � l�origine ineffable, au Tout dont nous nous
sentons cruellement s�par�s. Ainsi, l�exil et l�absence ne sont que les
manifestations dans le temps d�un exil qui les transcende, d�un exil
m�taphysique. Par-del�, le pays natal, par-del� la m�re terrestre, il faut
percevoir l�ombre faiblement rayonnante du Paradis perdu, et l�Unit�
originelle�, �crit l�auteur des Chants.
Ces chants recueillis de sa m�re mat�rialisent quelque part ce lieu
filial, affectueux avec la m�re consid�r�e comme un des maillons de la
longue cha�ne des a�des de Kabylie. �Je ne saurai pas dire le pouvoir
d��branlement de sa voix, sa vertu d�incantation�, dit-il � propos de
Fadhma Ath Mansour. Il ajoute : �Mais, avant que j�eusse distingu� dans
ces chants la voix d�un peuple d�ombres et de vivants, la voix d�une terre
et d�un ciel, ils �taient pour moi le mode d�expression singulier, la
langue personnelle de ma m�re�.
Po�sie souvent anonyme, dite dans des circonstances particuli�res de la
vie dure et aust�re des habitants de Kabylie, ces chants ont pu trouver le
creuset fertile dans la sensibilit� et la plume de Jean El Mouhoub qui en
a fait un br�viaire pr�cieux en traduction fran�aise.
�(Ma m�re) chante � peine pour elle-m�me ; elle chante surtout pour
endormir et raviver perp�tuellement une douleur d�autant plus douce
qu�elle est sans rem�de, intimement unie au rythme des gorg�es de mort
qu�elle aspire. C�est la voix de ma m�re, me direz-vous et il est naturel
que j�en sois obs�d� et qu�elle �veille en moi les �chos assoupis de mon
enfance ou les interminables semaines durant lesquelles nous nous
heurtions quotidiennement � l�absence, � l�exil, ou � la mort�, avoue Jean
El Mouhoub.
Paroles
immacul�es des bardes
Tous les th�mes relatifs � la vie des
montagnards y passe : complaintes d�exil, chants des berceuses, douleur de
la s�paration, poids du labeur, instants de m�ditation...
�Eboulez-vous montagnes
Qui des miens m�avez s�par�,
Laissez � mes yeux la voie libre,
Vers le pays de mon p�re bien-aim�.
Je m�acharne en vain � l�ouvrage;
Mon c�ur l�-bas est prisonnier.
Paix et salut, � mon pays !
Mes yeux ont parcouru des mondes.
Ma vue est orage de printemps
Dans le tumulte des neiges fondantes.
M�re, � m�re bien-aim�e,
Ah ! l�exil est un long calvaire !�
Pour un lecteur kabyle, des Chants
berb�res de Kabylie, dans sa premi�re �dition telle que publi�e du vivant
de l�auteur, le premier sentiment est certainement celui d�un autre exil,
l�exil dans la langue de traduction, ce qui signifie nonobstant le g�nie
du traducteur � une forme de l�gitime frustration de ne pas pouvoir
conna�tre la version originale en kabyle des po�mes traduits.
Cette �lacune�, si on peut se permettre ce mot, est combl�e depuis 1988
par le travail de recherche accompli par Tassadit Yacine qui a pu r�aliser
une �dition bilingue du recueil aux �ditions l�Harmattan. En reconstituant
le texte kabyle, Tassadit Yacine offre une occasion pr�cieuse aux jeunes
g�n�rations pour se p�n�trer de la quintessence de la culture kabyle. En
cela, elle poursuit un travail d�j� bien lanc� par feu Mouloud Mammeri,
lui qui nous a fait rencontrer �en direct� la parole lyrique de Si Mohand
U M�Hand et le verbe sapiential de cheikh Mohand Oulhocine.
Ressusciter Jean Amrouche en kabyle, c�est aller dans le sens de
l�histoire et des nouveaux acquis de la culture berb�re en Alg�rie. Si le
travail de traduction des �uvres du patrimoine oral est toujours une
avanc�e pour faire conna�tre notre culture aupr�s des autres peuples, la
transcription de ces m�mes �uvres sur des supports modernes est un
imp�ratif que commande la sauvegarde des produits du patrimoine immat�riel,
patrimoine souvent anonyme m�me si, de temps � autre, on peut �coller� un
nom ou un visage � une composition c�l�bre.
Replonger dans les formes et les mots originels des Chants berb�res de
Kabylie est, � coup s�r, un exercice fabuleux qui consiste � faire le
chemin inverse de l�auteur. Le nouveau lecteur et l�ancien traducteur se
croisent sur les chemins qui m�nent � l�universalit� de la condition
humaine, des sensations profondes et, en apoth�ose, de la po�sie.
Tassadit Yacine conclut son introduction : �Publier donc la version
originale de ces textes, c�est � coups s�rs r�aliser le v�u profond du
po�te, de celle qui les lui a dict�s et, par-del� eux, celui des hommes et
des femmes pour qui ces musiques et ces rythmes sonnent comme l��cho des
voix profondes sans lesquelles ils ne seraient pas ce qu�ils sont�.
Amar Na�t
Messaoud
Chants berb�res de Kabylie
par Jean Amrouche
Edition en bilingue
r�alis�e par Tassadit Yacine.
L�Harmattan, 1988
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