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40e anniversaire de la disparition de Fadhma Ath Mansour Amrouche

 
Une m�moire exil�e

http://www.depechedekabylie.com/read.php?id=42424&ed=MTU1MA==

 

"Je te salue, Fadhma, jeune femme de ma tribu. Pour nous, tu n�es pas morte ! On te lira dans les douars, on te liras dans les lyc�es, nous ferons tout pour qu�on te lise ! ", �crivait Kateb Yacine dans la pr�face de  �Histoire de ma vie�, roman merveilleusement  tiss� par  Fadhma Ait Mansour Amrouche, premi�re romanci�re alg�rienne d�expression fran�aise, disparue un certain 8 juillet 1967.

Une �uvre   hautement autobiographique �crite par une dame au destin exceptionnel, mais surtout douloureux  durant le mois d�ao�t 1946 � Maxula-Rad�s en Tunisie. Combien sommes-nous � avoir lu l�histoire poignante de cette vieille femme au courage et � la pugnacit�  in�narrables. D�positaire d�une tradition orale ancestrale, Fadhma Ait Mansour  dont la vie se confond avec un floril�ge am�re  de privations, de drames et de pleurs a su pr�server de l�oubli des  chants berb�res imm�moriaux en passant le flambeau � ses enfants dont Jean et Taos, descendants d�une lign�e de clairchantants.  D�s sa prime enfance,  n�e pr�sum�e en 1882, Fadhma,  fille de l�amour, devenue par un glissement s�mantique, " fille du p�ch� " en compagnie de sa m�re Aini Ath La�rbi Ou-said  originaire de Tizi Hibel , avait appris les rudiments de l�errance et des souffrances. Sa naissance augurait d�j� de mauvais pr�sages "  La nuit  de ma naissance, ma m�re �tait couch�e seule, avec ses deux petits ; personne aupr�s d�elle pour l�assister ou pour lui porter secours : elle s�est d�livr�e seule, et coupa le cordon ombilical avec ses dents. Une seule vieille vint  le lendemain avec un peu de nourriture ". Esseul�e et incapable de subvenir �  ses besoins, A�ni d�cida de confier sa fille  aux S�urs blanches des Ouadhias. La petite fille fut soumise aux pires s�vices. " Mais je vois une image affreuse : celle d�une petite fille debout contre le mur d�un couloir : l�enfant est couverte de fange, v�tue d�une robe en toile de sac, une petite gamelle pleine d�excr�ments est pendue � son cou, elle pleure ". Auparavant, toute petite, Fadhma  fut  fouett�e  jusqu'au sang par les S�urs blanches. Scandalis�e par tant de sauvagerie, A�ni, reni�e par les siens, ne tarda pas �  retirer son enfant des mains ind�licates des religieuses. Fadhma se souvint aussi de cette sc�ne terrible  o� elle fut jet�e par un garnement dans une haie � cactus. La m�re accul�e par le d�sespoir tenta de noyer son enfant au fond de l�eau, qu�elle retira aussit�t. Ultime geste d�un amour  maternel  qui  avait pr�f�r� se battre pour sa fille malgr� les pr�jug�s.    Derechef, confront�e  au regard  intol�rant  d�une  soci�t� traditionnelle, A�ni consentit encore un autre geste difficilement surmontable  : envoyer sa fille � l�orphelinat de Taddart Oufella, devenu un cour normal en 1893.  Dans cet espace d�apprentissage  fond� en 1882, en compagnie de ses camarades, Fadhma s�initi�t � l�abcidariaus de la culture fran�aise  et aux randonn�s p�destres aupr�s de son ruisseau  tenue au fond d�elle tel un petit secret,  r�miniscences de joies infantiles et insouciantes. Ces moments furent  �court�es par la fermeture du cours  normal de Taddart Oufella, malgr� les efforts de Mme Malaval. Encore un saut dans l�inconnu attendit la petite Margueritte. " Je partis la mort dans l��me, car, bien que tr�s jeune, l�adversit� m�avait m�rie et je savais que j�aurais � souffrir, mais je n� pouvais rien ". Retour � la maison � Tizi Hibel, o� la jeune Fadhma, malgr� la tranquillit� doucereuse avec sa m�re et ses deux fr�res, continua de poser  de lancinantes et angoissantes  interrogations : " Que vais-je faire ? jusqu'� quand pourrais-je rester dans cette maison ? ".  Partag�e � vivre entre un pass�  d�une �me en peine et la crainte de l�avenir, Fadhma,  �ternelle transplant�e, fut aussi  soumise  � la difficile �preuve de quitter sa m�re et ses fr�res. "  J�avais moi-m�me bien pleur� mais je m��tais dit : il faut partir ! partir encore ! partir toujours ! tel a �t�  mon lot depuis ma naissance, nulle part, je n�ai �t� chez moi ". La providence c�leste  coupl� � un  r�ve pr�monitoire  l�emmena � l�h�pital des Ait Menguellat, o� elle passa plus de deux ans.   "  Je me trouvais dans un ravin profond .(�) soudain je vis planer au dessus de ma t�te un oiseau immense aux ailes d�ploy�es. Je le regardais tournoyer avec terreur. Je le vis enfin descendre des nues, s�approcher de moi et me soulever. J�ignore combien de temps je suis rest� sur ses ailes ; il survola bien des villages, bien des rivi�res et me d�posa enfin sur un plateau o� se dressait l�h�pital de Michelet avec ses arcades. ". Durant son s�jour, le P�re Carisson  lui proposa  d��tre la bonne d�un administrateur-adjoint de Michelet. R�volt�e et scandalis�e, elle lui r�torqua dare dare : "  Je ne serais jamais la bonne de personne, surtout en pays kabyle ". Entre temps, Belkacen-Antoine d�Ighil Ali  venait tenir compagnie avec le portier de l�h�pital. Il  fut s�duit par la saisissante  beaut� de Fadhma. Il demanda sa main au P�re Baldit. L�alliance sacr�e du mariage fut scell�e le 24 ao�t 1899. "  J�avais seize ans, le jeune homme dix-huit ans, nous n�avions pas de logis, pas d�argent, nous ne poss�dions que notre jeunesse et notre esp�rance. Et le bon Dieu fit le reste : un v�ritable miracle ".  Bien que le miracle fut r�alis�, les p�r�grinations de Margueritte, baptis�e ainsi lors de son mariage, ne sont  qu�au d�but. La vie de la jeune mari�e, une fois � l�int�rieur  de la maison familiale des Amrouche, � Ighil Ali, fut ponctu�e de jalousies mesquines et de suspicion, envers celle qui  a " reni� " sa religion et  " vol� " Belkacem � sa famille.. Elle ne pouvait m�me pas exercer  librement sa religion de chr�tienne  sans �tre �pi�e et mal consid�r�e. " Il faut vous lever avant la premi�re pri�re , et ne revenir qu�� la nuit afin que personne au village puisse dire qu�il vous a  vue aller chez les Roumis", lui indiqua, Thaidelt, �pouse de Hac�ne Ou Amrouche et grand m�re de Belkacem. Ce � que Fadhma ob�it � la lettre afin de ne pas susciter l�opprobre, la honte aux Amrouche. La vie devint insupportable et intenable dans ce gu�pier familial . Ce qui amena l��poux  � aller vers la Tunisie chercher du travail, suivie de Fadhma, o� il occupa le poste au chemin de fer tunisien. De cette union sacr�e sont n�s beaucoup d�enfants, lesquels portaient � la fois un pr�nom fran�ais  et l�autre musulman : Paul-Mohand,  Henri- Achour, Jean-El Mouhoub, Louis-Seghir, Marie Louise-Taos, Noel-Sa�di et Ren�-Malek. L�installation dans un quartier populaire, m�me s�il a permis un tant soit peu de soulagement, ne fut pas synonyme de d�livrance. La nostalgie du pays perdu refusa � Margueritte la paix de l��me. Les Amrouche ont d� changer de logis plus d�une dizaine de fois en quelques ann�es."  J��tais rest�e la Kabyle. Jamais malgr�, les quarante ans pass�s en Tunisie�je n�ai pu me lier intimement ni avec les Fran�ais , ni avec les Arabes. Je suis rest�e l��ternelle exil�e, celle qui ne s�est jamais sentie chez elle nulle part. ". Fadhma est revenue vers 1953 � Ighil Ali avec  son ami de route pour  �tre confront�e � d�autres conditions  douloureuses et blessantes. "  Pour les Kabyles, nous �tions les Roumis, des ren�gats. Pour l�arm�e fran�aise, nous �tions des bicots comme les autres".  Malgr� l�acharnement impitoyable du sort, six deuils successifs, Fadhma  a su  se frayer un chemin lumineux  en  gardant l��me fra�che d�un enfant  "  Je peux encore  �tre utile � ma fille, et j�essaie de la consoler un peu. Je voudrais lui laisser plus de po�mes, de proverbes, de dictons". Elle a su et pu pr�server de l�oubli des pans entiers de la culture orale kabyle, notamment des contes, des po�mes, des proverbes et des chants, un patrimoine qu�elle a d�ailleurs fait passer � ses enfants. "  Ah, elle est si jolie la langue kabyle, combien po�tique, harmonieuse, quand, on la conna�t� les hommes de chez nous sont si endurants au malheur, si dociles � la volont� de Dieu, on ne les comprend vraiment que si on entre dans cette langue qui me fut un r�confort tout au long de mes exils "  Le travail remarquable de Taos et Jean, qui se sont attel�es � les transcrire et � les traduire, a donn� naissance � des �uvres magnifiques dont " Chants berb�res de Kabylie " de Jean El Mouhoub, le po�te,  et  " Grain magique " de Marie Louise- Taos, la cantatrice et l��crivaine . Aujourd�hui plus que jamais, la question de la r�appropriation de  la m�moire de Fadhma, et de ses enfants se posent de mani�re urgente. "Puisse l�Alg�rie libre ne plus pr�ter l�oreille aux diviseurs hypocrites qui voudraient faire de tout un tabou et de tout �tre un intouchable. Et qu�on ne vienne pas me dire : Fadhma  �tait une chr�tienne ! une vraie patrie se doit d��tre jalouse de ses enfants, et d�abord de ceux qui, toujours exil� n�ont jamais cess� de vivre pour elle ", notait avec une subtile justesse  Kateb Yacine dans la pr�face d�Histoire de ma vie. L�urgence est de briser le proc�s scandaleux   des vigiles intol�rants  gardiens du temple de la morale, lesquels avaient impun�ment d�clar�  l�exclusion de ces  trois exil�s de leur " patrie humaine " .  Consacrer les Amrouche  au Panth�on de la m�moire est un  devoir de m�moire et de conscience . Un acte de justice � rendre dans l�urgence pour exhumer cette m�moire exil�e�                        

 

Hocine Lamriben

 

NB :  Toutes les citations sont tir�es  du roman  �Histoire de ma vie�, de Fadhma Ait Mansour. Editions Bouch�ne 1990.

 

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