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Tiddukla Tadelsant Tamazight di Ottawa - Hull
Association Culturelle Amazighe � Ottawa-Hull
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Berb�re, pass�, pr�sent et avenir

LA DEPECHE DE KABYLIE:    M. A. Haddadou

Les origines d�une langue

Par le pass�, et aujourd'hui encore, dans une certaine mesure, la question de l'apparentement de la langue berb�re a �t� sous-tendue par des consid�rations beaucoup plus id�ologiques que scientifiques.

C'est ainsi qu'on a attribu� les anc�tres les plus divers � cette langue : s�mitique, �gyptien, ph�nicien, arabe, indien, latin, grec... L'objectif avou� ou non, a souvent �t� de rattacher les Berb�res et leur langue � des civilisations et � des cultures exog�nes pour leur �ter toute originalit� et, partant, pour justifier leur domination.. .
L'un des principaux apports de la linguistique moderne est d'avoir montr� qu'une langue est une r�alit� vivante qui ne cesse d'�voluer. C'est l'�volution qui fait, qu'au cours des si�cles, la langue change et que les textes datant des �poques lointaines sont difficilement accessibles aux usagers contemporains.

Les couches
Si, dans le domaine berb�re, les textes libyques sont aujourd'hui si difficiles � d�chiffrer, c'est parce que nous ignorons une grande partie du vocabulaire libyque et que les seuls mots que nous pouvons expliquer sont ceux dont le sens est donn� par des traductions latines ou puniques ou pour lesquels il existe des pendants berb�res actuels.
Et encore, seuls les sp�cialistes de la langue et le public averti peuvent �tablir, � cause des alt�rations que les mots ont subi, des rapports entre les mots anciens et nouveaux.
Le vieux fonds libyque peut �tre �galement saisi dans la toponymie - les noms de lieu- et l'onomastique -les noms de personnes- anciennes dont un grand nombre d'�l�ments ont � peine chang� depuis 2000 ans et qui peuvent �galement s'expliquer par le berb�re moderne.
Les ressemblances relev�es sont suffisamment nombreuses pour poser de fa�on certaine la filiation entre le libyque et le berb�re actuelle. Autrement dit, le berb�re actuel est le descendant direct du libyque.

Les familles de langues
Si on disposait, en berb�re, comme c'est le cas dans d'autres langues, de documents �crits plus anciens encore que ceux de l'Antiquit�, on pourrait ais�ment remonter dans le temps et atteindre les �tats ant�rieurs de la langue et m�me en retrouver la forme premi�re, c'est-�-dire ant�rieure � la diversification dialectale.
Mais celle-ci a d� se produire � une p�riode tr�s �loign�e o� les hommes n'utilisaient pas encore l'�criture. On ne saura donc d�crire l'�tat primitif de la langue parl�e par les anciens Berb�res, mais on peut supposer que c'est cette langue qui est � l'origine des dialectes berb�res, aussi bien anciens que modernes.
On peut supposer aussi que les dialectes ne d�rivent pas directement de la langue primitive mais de branches de cette langue et m�me de langues d�j� constitu�es, ce qui expliquerait les divergences, parfois tr�s fortes, qui existent entre les dialectes actuels, mais le tronc reste le m�me et l'existence, en d�pit des divergences, de structures communes, � tous les niveaux, a �t� d�montr�e, � plusieurs reprises.
On peut supposer encore que cette premi�re langue berb�re n'est elle-m�me que l'�tat d'une langue encore plus primitive dont seraient issus non seulement le berb�re mais
aussi d'autres langues dites parentes. L'hypoth�se d'une langue premi�re qui se diff�rencie en langues distinctes, est � l'origine du concept de familles de langues auquel fait �cho celui de parent� g�n�tique des langues.
Ces notions se sont constitu�es au 19e si�cle avec l'�tude des langues indo-europ�ennes qui pr�sentent justement, en d�pit de leur diversit� et de leur dispersion sur une aire consid�rable, des similitudes dans le vocabulaire mais surtout dans les structures formelles.
Le hasard peut rapprocher les langues les plus �loign�es mais quand les correspondances sont tr�s nombreuses et surtout r�guli�res, elles cessent d'�tre le fait du hasard et deviennent les indices de l'existence de rapports historiques entre ces langues

L'apparentement du berb�re
Des tentatives d'apparentement du berb�re � d'autres langues ou groupes de langues ont �t� faites d�s la fin du 18e si�cle. On l'a ainsi rapproch� du ph�nicien, de l'arabe et du s�mitique en g�n�ral, de l'�gyptien, de langues africaines, du basque et de l'indo-europ�en.
La plupart de ces apparentements sont souvent sous-tendus par des consid�rations id�ologiques : il s'agit le plus souvent de rattacher les Berb�res � des cultures et � des civilisations exog�nes, orientales ou occidentales, pour justifier, � certaines �poques, leur colonisation...
On citera les th�ories fumeuses (qui n'ont plus cours aujourd'hui) d'un commandant Rinn qui, au 19e si�cle, s'est appuy� sur les ressemblances phon�tiques entre des noms de lieu berb�res et des noms de lieu indiens, a fait provenir les tribus berb�res de... l'Inde : ainsi les populations de Batna viendraient de Patna, ceux de B�ja�a descendraient du peuple de B�ja etc...
A la m�me �poque, le docteur Bertholon rapprochait des mots berb�res (et m�me des mots arabes emprunt�s en berb�re) pour donner � la langue berb�re une origine europ�enne !
Certains auteurs arabophones ne font pas mieux aujourd'hui, en rapprochant des mots berb�res avec des mots arabes qui leur ressemblent pour soutenir l'origine arabe de la langue berb�re !
On oublie que des mots relevant de langues diff�rentes peuvent se ressembler sans qu'il y ait de rapports g�n�tiques entre les langues en question, des mots peuvent aussi �tre emprunt�s et �tre int�gr�s dans la langue r�ceptrice au point o� on les reconna�t difficilement.
Il faut dans ce cas parler, non plus de parent� linguistique mais de contact entre les langues.

Le berb�re et les langues en contact
M�me si le berb�re n'occupe plus aujourd'hui un espace continu et homog�ne, en raison des aires d'arabophonie qui le traversent, la r�partition de ses locuteurs montre qu'il s'�tendait, autrefois, sur une grande aire, qui englobait la totalit� des pays du Maghreb et s'�tendait, � l'est jusqu'en Egypte et, au sud, jusqu'aux confins du Sahara, atteignant la Haute Volta et le Nig�ria. Le berb�re a �t� ainsi en contact avec les langues africaines et l'�gyptien ancien.
On sait que les Pharaons d'Egypte ont eu maille � partir avec les Berb�res, appel�s Lebu, et que ces derniers sont parvenus, � certaines �poques, � r�gner sur le pays (voir F. Colin, 1996). Les Berb�res ont eu aussi, � cause des vicissitudes de l'histoire, � cohabiter avec d'autres peuples et d'autres langues.
Les Ph�niciens, peuple s�mitique, s'�taient �tablis au Maghreb, au 9e si�cle avant J.-C, exer�ant une influence culturelle non seulement sur les Berb�res mais aussi sur les autres peuples du Bassin m�diterran�en. Les contacts avec les Europ�ens remontent � la Gr�ce antique mais c'est Rome qui a domin� le Maghreb pendant plusieurs si�cles, imposant sa langue et sa culture. C'est Rome �galement qui a d�truit Carthage et effac� sa langue, mais un autre peuple s�mitique, les Arabes, l'ont chass�e � son tour, et ont �tabli leur domination sur le pays et y ont r�pandu l'usage de leur langue.
Le flux continu des conqu�rants et les contacts prolong�s entre les peuples et les civilisations ont d� provoquer des brassages de population mais aussi des interf�rences culturelles et linguistiques.
C'est ainsi qu'on rel�ve aujourd'hui de nombreux mots ph�niciens ou plut�t puniques, latins et arabes en berb�re. Si la plupart des emprunts arabes sont reconnaissables, beaucoup d'emprunts anciens ne le sont pas.
C'est le cas des mots puniques, en grande partie recouverts par l'emprunt arabe, ainsi que des mots �gyptiens qui doivent remonter � une p�riode recul�e. Et puis, les mots �trangers sont parfois si bien int�gr�s dans la langue que le seul crit�re d'identification reste alors celui d'une influence culturelle au demeurant incertaine.
C'est sur la foi d'emprunts grecs et latins ou parfois seulement de la ressemblance de mots berb�res avec des mots grecs et latins qu'on a postul�, autrefois, l'appartenance du berb�re � la famille indo-europ�enne.
Si les th�ories fumeuses d'un Bertholon d'un commandant Rinn n'ont plus cours de nos jours, des rapprochements entre le berb�re et des langues comme le latin, le celtique, l'irlandais sont faits aujourd'hui.
Ici, il est surtout question de substrats, de fonds communs � des langues qui ne sont pas apparent�es ou alors qui le sont dans le cadre de regroupements plus larges comme le nostratique, suppos� �tre l'anc�tre commun de l'indo-europ�en et du chamitos�mitique, dont lequel on classe maintenant depuis plusieurs d�cennies maintenant le berb�re.
On sait depuis longtemps que des langues africaines comme le haoussa ou le songhay ont exerc� des influences sur certains dialectes berb�res comme le touareg qui est en leur contact.
Des �tudes r�centes ont �galement montr� des similitudes lexicales importantes entre le berb�re et les langues nubiennes, parl�es dans la vall�e du Nil, entre Assouan et Khartoum et class�es dans la famille nilo-saharienne. Ici aussi, il s'agit de similitudes, d'interf�rences et non d'un apparentement.
Les ressemblances lexicales entre deux langues ne doivent pas faire illusion m�me quand il s'agit de termes usuels communs.
En l'absence de correspondances phon�tiques et morphologiques, � la fois suffisantes et r�guli�res, il est pr�alable de parler d'emprunts, de contacts ou encore, bien que le terme ne soit pas �l�gant, de contamination.

 

Les origines d'une langue (2)

Selon l'hypoth�se la plus courante aujourd'hui, le berb�re fait partie des langues chamito-s�mitiques. Contrairement aux hypoth�ses anciennes, celle-ci s'appuie sur des ressemblances � la fois nombreuses par rapport � ces anciennes langues.

L'hypoth�se chamito-s�mitique La classification du berb�re dans la famille chamito-s�mitique est ancienne puisqu'elle a �t� propos�e d�s 1844 par T. N. Newman, mais il faut attendre la fin du XIXe si�cle pour voir le berb�re d�finitivement int�gr� dans le groupe (travaux de Zimmerman, Noldeke, Brockelmann..)
En 1924, le Fran�ais, Marcle Cohen affirme, I'unit� de la famille chamito-s�mitique et la subdivise en quatre groupes distincts :
- le s�mitique, avec des langues, aujourd'hui �teintes, comme l'ougantique, le ph�nicien, l'h�breu ancien, le sab�en, ou vivantes, comme l'h�breu, l'arabe, l'�thiopien
- I'�gyptien, disparu dans l'antiquit� mais survivant dans le copte, la langue liturgique des chr�tiens d'Egypte
- le libyco-berb�re, repr�sent� par le libyque dans l'Antiquit�, et aujourd'hui, dans les dialectes berb�res, comme le kabyle, le chleuh ou le touareg; on int�gre aussi dans le berb�re, le guanche, la langue des �les Canaries dont la population a �t� extermin�e par les coIons espagnols.
- le couchitique, repr�sent� par les langues de la Corne de l'Afrique.
On ajoute � ces groupes, un cinqui�me groupe, le tchadique, d'abord aux contours mal connus, mais aujourd'hui pris en charge dans les comparaisons L'hypoth�se de l'origine chamito-s�mitique du berb�re est aujourd'hui admise par les chercheurs, � l'exception de ceux qui pr�f�rent l'apparenter directement � des langues pr�cises (s�mitiques, basque) ou de ceux qui, sans remettre en cause l'appartenance chamito-s�mitique, pr�f�rent �largir la famille � d'autres aires linguistiques et proposent de nouveaux regroupements, comme celui des langues euro-sahariennes (H.G. Mukarovsky, 1981) ou des langues m�diterran�ennes (H. Stumfohl, 1983) .

Le fait que deux langues d�signent de la m�me fa�on les m�mes r�f�rants peut �tre l'indice d'un apparentement. Ainsi, le fran�ais raide et l'italien rigido ( latin regidos), l'h�breu et l'arabe baraq ��clair� , le kabyle et le chleuh argaz �homme� .
Mais des ressemblances peuvent se produire entre les langues qui ne sont pas n�cessairement apparent�es : ainsi le berb�re argaz et l'italien raggazo, le kabyle e�� et l'anglais each �manger�, le targui aleo et le latin olea �olive, huile� etc

Dire que le berb�re fait partie des langues chamito-s�mitiques ne signifie pas qu'il est une langue s�mitique, encore moins qu'il descend de l'une de ces langues (comme le sab�en ou l'arabe) : cela signifie seulement qu'il partage avec ces langues un pass� linguistique, pass� qui transpara�t encore, quand on fait des comparaisons, avec les structures et le vocabulaire de ces langues.

Contact et apparentement
On sait depuis Ferdinand de Saussure qu'il n'y a pas de rapport entre le nom et la chose que ce m�me nom d�nomme, autrement dit, il n'y a pas de rapport naturel entre l'objet et son nom : la preuve c'est que dans d'autres langues, I'objet est appel� diff�remment.
C'est le fameux principe de l'arbitraire linguistique. La seule exception � cette r�gle est celle des onomatop�es ou mots qui reproduisent les bruits de la nature et encore, les mots ne reproduisent pas fid�lement les bruits. Chaque langue utilise les sons dont elle dispose pour le faire .
Le fait que deux langues d�signent de la m�me fa�on les m�mes r�f�rants peut �tre l'indice d'un apparentement. Ainsi, le fran�ais raide et l'italien rigido ( latin regidos), l'h�breu et l'arabe baraq ��clair� , le kabyle et le chleuh argaz �homme� .
Mais des ressemblances peuvent se produire entre les langues qui ne sont pas n�cessairement apparent�es : ainsi le berb�re argaz et l'italien raggazo, le kabyle e�� et l'anglais each �manger�, le touareg aleo et le latin olea �olive, huile� etc.
Dans ces cas, il faut parler soit d'emprunts, soit de ressemblances fortuites, soit encore de mots voyageurs, c'est-�-dire d'un vocabulaire circulant dans une aire linguistique sans qu'on puisse d�terminer avec exactitude l'origine des mots. Dans le cas de l'apparentement g�n�tique entre deux ou plusieurs langues, le nombre de mots se ressemblant est en nombre �lev� mais surtout les correspondances sont plus r�guli�res. Ainsi, ce n'est pas un hasard si, dans les langues chamito-s�mitiques, dans lesquelles on classe le berb�re, les mots qui d�signent les id�es de clart� et de lumi�re, se ressemblent fortement. s�mitique akkadien: (w) ap� (m) ��tre ou devenir visible, clair�. c�p� �rendre brillant�
ougaritique : ype �appara�tre�
amorite : ypx, h�breu hopwe "faire briller, rayonner, �tre cIair"
couchitique saho : ifo "lumi�re", somali : if  "jour, lumi�re du jour"
berb�re kabyle tafat �lumi�re�, asafu �flambeau� rifain tafawt �lumi�re� , n�fousi : asf �jour� etc.
Les ressemblances sont encore plus frappantes quand on se penche sur l'organisation des syst�mes morphologiques. Ainsi, par exemple, dans la conjugaison, les affixes qui servent � donner les deux formes du verbe, accompli et inaccompli, les indices de personne, les suff�xes qui marquent le r�gime du verbe (direct ou indirect) sont, � quelques d�tails pr�s, les m�mes dans l'ensemble du chamito-s�mitique.
S�mitique (akkadien) :
singulier . -1re personne : ya / -i, 2e -k (a), f�m. -k (i), 3e -s (u), f�m. -s (a) pluriel : 1re personne, -ni, 2e -kun(n), f�m.-kin (a), 3e -sun (u) f�m.-sun (a)
�gyptien :
singulier : -1re personne : y, 2e -k, f�m. �-, 3e -f, f�m. -s
pluriel : 1re personne :-,n-, 2e -�n, f�m. �n-, 3e -�n, - f�m. -�n
berb�re :
singulier : 1re personne : -i/-n, 2e -ke, f�m.-m/-km, 3e -s/-t
pluriel 1re personne :, -negh, 2e -wen, f�m. kent-, 3e -sen, -f�m. -sent
couchitique (b�ja) :
singulier : 1re personne : n, 2e -n-k, f�m.u-ki-, 3e u-s, f�m.
pluriel : 1re personne: u, 2e -n-k, f�m. ukn-, 3e -usn,- f�m. -usn
On ne peut invoquer ici le hasard pour justifier les ressemblances. En effet, rien n'explique que le syst�me des oppositions du berb�re 1re p. du sg. : -i/-w /1re p. du pl. negh soit identique � celui du s�mitique ya/-i /ni ou � celui de l'�gyptien -y/-n. Rien n'explique non plus que la marque de la 2e p. des langues cit�es comporte, au masculin comme au f�minin, au singulier comme au pluriel, I'�l�ment formateur-k.
Il ne peut s'agir, pour expliquer ces similitudes, que d'un apparentement, du moins d'une origine commune du syst�me.
Le principe de la r�gularit� des ressemblances signifie que diff�rents �l�ments se correspondent de fa�on r�guli�re dans toutes les s�ries de mots envisag�s. Cela signifie que si un son est conserv� dans un mot, il est �galement conserv� dans tous les mots o� il appara�t et dans les m�mes conditions. Pour citer de nouveau le chamito-s�mitique, en comparant d'une part l'h�breu pah'd �cuisse�, I'arabe faxd, ms., le berb�re afud �genou� et d'autre part l'h�breu psy �se r�pandre�, I'�gyptien pcc, ms., I'arabe fcw  "se propager" et le berb�re fsu �diss�miner�, on peut relever une correspondance r�guli�re : p  h�breu et �gyptien = f arabe et berb�re.
Les correspondances s'exercent en vertu d'un principe dit de constance des lois phon�tiques que l'on utilise pour �tablir la classification des familles de langues.
Le principe de la r�gularit� des correspondances phon�tiques peut �galement se v�rifier � l'int�rieur d'une m�me langue qui s'est diversifi�e en dialectes, parfois �loign�s les uns des autres. Ainsi, une grande partie des h qui apparaissent dans le vocabulaire du targui de l'Ahaggar correspondent � z dans les autres dialectes, au g des dialectes occidentaux, correspondent r�guli�rement des dj en mozabite et en targui, aux I du berb�re commun correspondent des r en rifain etc.
Dans les travaux sur le chamito-s�mitique, les recherches ont surtout port� sur la morphologie qui est, il est vrai, le domaine o� les correspondances entre les langues sont les plus frappantes. Le lexique, lui, a suscit� peu d'�tudes et depuis l'Essai comparatif sur le vocabulaire et la phon�tique du chamito-s�mitique de M. Cohen (1947) , il n' y a pas eu d'ouvrage sur le sujet.
Des articles sont signal�s p�riodiquement, mais pas d'ouvrage g�n�ral, encore moins, comme en indo-europ�en, de dictionnaire de racines.
C'est que le vocabulaire est plus vaste que les r�gles de la morphologie ou de la syntaxe et que l'�volution peut masquer de fa�on � les rendre imperceptibles les similitudes.

Les origines d'une langue (3)

Dans l'apparentement du berb�re, il faut tenir compte des emprunts ainsi que des mots voyageurs, termes relev�s dans des aires linguistiques vari�es et parfois �loign�es, sans que l'on connaisse l'origine exacte de ces mots.

Il est difficile, en raison de l'absence d'un dictionnaire de chamito-s�mitique (comme il en existe, par exemple, en indo-europ�en), d'�valuer la proportion du vocabulaire commun aux diff�rentes langues du groupe. Pour ce qui est du berb�re, on ne dispose m�me pas d'un dictionnaire de racines berb�res qui permettrait d'�tablir les comparaisons avec les autres branches de la famille. Le seul ouvrage � proposer des donn�es importantes reste l'Essai comparatif de Marcel Cohen, publi� il y a plus d'un demi-si�cle, mais on peut encore l'exploiter, � condition de corriger certains rapprochements et d'en ajouter d'autres. Dans cette question du vocabulaire chamito-s�mitique il faut aussi consid�rer ce que l'on appelle les mots voyageurs, c'est-�-dire des termes que l'on rel�ve dans des aires linguistiques vari�es et parfois �loign�es, sans que |'0n connaisse l'origine exacte de ces mots. l! y a aussi l'hypoth�se que certains mots berb�res consid�r�s comme faisant partie du vocabulaire chamito-s�mitique soient des emprunts, notamment au s�mitique. On peut citer quelques exemples caract�ristiques :

-iles "langue" (s�mitique : Icn; �gyptien : ns, copte : las)
-idamen "sang" (s�mitique : dm)
annas "cuivre" (s�mitique : h�breu : neh'set, arabe : nah'as
-isem "nom" (s�mitique ism)
Il peut s'agir de mots effectivement apparent�s, d'emprunts ou alors de formations propres � chaque langue et dont la ressemblance est alors due au hasard.

Les cas douteux et les r�p�titions retranch�s, il reste moins de deux cents rapprochements o� les correspondances de formes et de sens semblent �tablies de fa�on r�guli�re et qui pourraient donc remonter, avec toutes les r�serves qu'une op�ration de reconstruction impose, � une p�riode de communaut� entre le berb�re et le chamito-s�mitique.
Le vocabulaire comprend principalement, comme on peut s`y attendre s'agissant d'un fonds ancien, de notions de base : parties du corps, animaux, objets divers, �tats et actions . Les mois relev�s par Cohen ne sont pas toujours les plus r�pandus en berb�re. Certains sont m�me isol�s et n'apparaissent que dans un ou deux dialectes. Mais d'une fa�on g�n�rale, cela ne diminue pas la valeur des rapprochements : ou les autres dialectes n'ont pas gard� les mots en question ou la documentation utilis�e est d�faillante. Il faut signaler que les sources de M. Cohen se limitent pour le berb�re � quelques dialectes, ceux pour lesquels il existait, �  l'�poque des outils lexicographiques, dictionnaires ou glossaires.
Voici quelques exemples de rapprochements :

-afud (berb�re) "genou"
(S�mitique : h�breu : pah'od, arabe : faxd, akkadien : puridu "jambe" �gyptien : p 'd, pd "genou", couchitique : somalien ba'uda "hanche, cuisse" )
-ellegh "l�cher"
(s�mitique : h�breu, arabe : Iqq "l�cher", h�breu, aram�en, arabe : l�k "l�cher" ; �gyptien : Ikh, cop.: ldjeh "l�cher" ; couchitique : agga : langi, bedja : lak, somalien : raq "l�cher" Haoussa :  lasa, Iase "l�che")
-aman "eau"
(s�mitique : akkadien : mu, h�breu : mayim, arabe : ma'un (ajouter : tayamum "ablutions s�ches") �gyptien : mw, my "eau (x); couchitique : bedja :  yam "eaux", somalien : mah  "eau courante") etc...

Le fonds hamitique en berb�re
Bien que l'expression chamito-s�mitique soit une d�nomination conventionnelle (les noms qui le composent, Cham et Sem, sont des personnages de la Bible), on a voulu parfois isoler dans l'ensemble, un groupe chamitique ou hamitique, qui formerait une sorte de famille � part et qui s'opposerait ainsi au s�mitique. Le berb�re figurerait dans ce groupe o� on classe �galement l'�gyptien, le couchitique et le tchadique.

Au 19e si�cle d�j�, le Fran�ais Ernest Renan r�servait le nom de chamitique � l'�gyptien auquel il rattachait les dialectes non s�mitiques de l'Abyssinie et de la Nubie et, avec quelques r�serves il est vrai, le berb�re.
Plus tard, c'est un auteur aIlemand, F. Calice qui, apr�s avoir compar� une liste de mots �gyptiens avec des mots s�mitiques , couchitiques et berb�res, conclut que l'�gyptien se rapproche le plus du berb�re et du couchitique que du s�mitique. Calice discute les vues d'un autre auteur, Zylharz, qui soutenait l'id�e d'une surimposition du s�mitique au fonds �gyptien. Pour lui, Zylharz n'a tenu compte, dans son �tude, que des textes litt�raires qui, effectivement contiennent beaucoup de s�mitismes. Il y va autrement quand on envisage les formes dialectales de l'�gyptien qui, elles, ont subi d'autres influences.
M. Cohen qui rend compte de l'ouvrage de Calice conclut : "En for�ant � peine les termes de Calice, on pourrait dire que la langue du delta orientaI aurait volontiers pr�f�r� les formes s�mitisantes, celle du delta occidental les formes berb�risantes, celles de la haute Egypte les formes couchitisantes."

Il y a quelques ann�es W. Vycichl a de nouveau oppos� un hamitique, form� de l'�gyptien, du berb�re et des langues couchitiques, au s�mitique. Le m�me auteur fait de nouveaux rapprochements lexicaux entre le berb�re et l'�gyptien mais ceux-ci sont trop peu nombreux (et de plus les termes rapproch�s, comme berb�re tinelli, �gyptien newt, sont attest�s en s�mitique !) pour justifier une classification � part des deux langues.

D'ailleurs, dans son lexique chamito-s�mitique, M. Cohen ne rel�ve que 10 rapprochements �gyptien-berb�re et huit berb�re-couchitique, en revanche, il y a 30 rapprochements s�mitique-�gyptien-berb�re, 50 s�mitique-berb�re-couchitique et, pour n'envisager que le s�mitique et l'�gyptien, 100, ce qui est la plus forte proportion des rapprochements de la liste

Le fonds hamitique en berb�re est bien maigre : une vingtaine de mots � peine, mais il est vrai que les recherches dans ce domaine ne sont pas tr�s d�velopp�es et que des �tudes plus pouss�es pourraient r�v�ler d'autres similitudes.

Le fonds m�diterran�en en berb�re
On utilise parfois les expressions vocabulaire pr�-m�diterran�en, vocabulaire circum�diteran�en et substrat m�diterran�en, pour postuler l'existence d'un fonds lexical commun aux langues m�diterran�ennes (on y ajoute parfois celles du Sahara et de l'Afrique sah�lienne), ind�pendamment de la classification de ces langues en familles. En fait, il s'agit de d�nominations vagues qui ne pr�cisent ni l'importance de ce vocabulaire ni ses limites. Le plus souvent on se contente d'y ranger des mots isol�s, que |'on retrouve dans plusieurs langues sans que l'on puisse d�terminer s'il s'agit de mots
emprunt�s par les autres � une langue de la r�gion ou d'un vocabulaire commun, reste d'une p�riode de communaut� de ces langues.

On a cru reconna�tre, en berb�re, un certain nombre de mots m�diterran�ens que des auteurs ont rapport�, parfois au punique ou au latin; ainsi:

-asaku (kabyle) "grand sac" , rapport� au latin saccum mais attest� en h�breu : saqq, en akkadien suqqum "sac, grosse toile"

-aghanim (kabyle, chleuh etc.) "roseau", rapport� au punique qanim "roseau", attest� en latin : cana "roseau"

-tasaft (kabyle, chaoui etc.) "ch�ne", latin sapinus, arabe safina et h�breu sapinah " embarcation", hispanique �apar, �apirro "ch�ne" etc.

Il faut sans doute ajouter les nombreux noms de plantes traditionnellement rapproch�s au latin. Nous pensons principalement au nom du poirier, ifires, g�n�ralement rapport� au latin pirus, mais que les dictionnaires �tymologiques du latin mentionnent comme d'origine inconnue.

Vers une classification plus large du berb�re
D�s la fin des ann�es �950, plut�t que d'enfermer le berb�re dans le chamito-s�mitique qui ne tient compte que des langues du Moyen-Orient et d'une partie de l'Afrique (nord, Sahel et Corne de l'Afrique) des chercheurs ont propos� de l'int�grer dans un ensemble plus vaste. C'est ainsi qu'en 1949, le linguiste am�ricain, Joseph Greenberg, �tudiant les langues du continent africain, propose pour celles-ci une classification en quatre familles : le kho�san, le nilo-saharien, le niger-congo-kordofanien et l'afro-asiatique dans laquelle se trouve le berb�re, toutes issues d'une m�me langue primitique. La famille afro-asiatique est elle m�me divis�e en six branches : l'omotique (par r�f�rence aux langues de la vall�e de l'Omo, en Ethiopie), le couchitique, le tchadien, l'�gyptien, le berb�re et le s�mitique. L'omotique serait la branche la plus ancienne, le berb�re, l'�gyptien et le s�mitique les plus r�centes, ce qui explique sans doute que le berb�re pr�sente plus de ressemblance avec l'�gyptien et le s�mitique qu'avec les langues �thiopiennes. Des travaux sur la famille afro-asiatique sont en cours. Les r�sultats qu'on va obtenir � l'avenir vont changer probablement l'id�e que l'on se fait de l'apparentement du berb�re, mais on peut d�j� affirmer sans risque de se tromper que le berb�re fait partie de la grande famille des langue africaines � laquelle sont associ�es des langues d'Asie.

M. A. Haddadou

 

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