"Le vampire"
de



John William Polidori
(1819)


Présentation de Thérèse-Isabelle Saulnier


Référence: "Les cent ans de Dracula", une anthologie présentée par  Barbara Sadoul, Librio 1997, p. 17 à 38.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

L'auteur

Polidori a été le secrétaire, médecin et ami de Byron, à qui revient l'idée originale de la nouvelle. Byron avait, raconte Mary Shelley, auteure de Frankenstein, lancé un défi à ses amis, celui d' écrire une histoire de mort-vivant. Lui-même a commencé l'ébauche d'un roman vampirique, mais il l'a abandonné et c'est Polidori qui poursuivit seul l'histoire en la modifiant. Au lieu d'en faire un être repoussant, il a choisi de créer un vampire de type aristocratique dangereusement pervers, basé sur le caractère même de Byron (il en aurait fait une satire, une caricature de ses traits et de sa personnalité). D'ailleurs, on a d'abord attribué à ce dernier la paternité de la nouvelle. Le nom de "Lord Ruthwen" vient de la nouvelle "Glenarvon", de Lady Caroline Lamb, une ancienne maîtresse de Byron, qui trace, via ce personnage, un portrait peu flatteur du célèbre poète et dandy anglais.



Les principaux personnages



Genre de vampire


Ce vampire, le premier de la littérature anglaise, s'appelle Lord Ruthwen (ou Ruthven), qui deviendra, plus tard, Lord Marsden. Il ne s'agit pas d'un vampire à la Dracula, mais de quelqu'un de spécial, d'à part des autres. C'est le type du séducteur pervers et corrupteur. Il est attiré presque uniquement par la beauté, mais qu'il détruit aussitôt par un seul regard (un beau sourire de la belle, par exemple, se fige alors d' "effroi suave"!) Il prend son plaisir en précipitant sa victime "du pinacle d'une vertu intacte au fond de l'abîme de l'infamie et de la dépravation." (p.21) - En effet, toutes les femmes qu'il a séduites et qui l'ont aimé sont devenues dépravées.


Le thème de l'amitié


Le vampirique Lord Ruthwen est littéralement un sans coeur. Il est non seulement incapable d'aimer, mais il tire son plaisir et sa jouissance à démolir tout ce qui s'appelle vertu, innocence, fraîcheur, naïveté, beauté, bonté... Tout cela l'attire irrésistiblement, mais ce n'est que pour mieux les détruire, les annihiler complètement et, même, les tourner en leur contraire: le vice, la dépravation, la laideur, la méchanceté. Toutes les femmes qui sont tombées sous son charme diabolique sont devenues dépravées ou, alors, laides et amorphes. On dit qu'il n'avait pas d'amis, ni dans la nouvelle de Polidori, ni dans les suites qu'on en fit plus tard, sauf le jeune et crédule Aubrey. A examiner de plus près leur relation, on peut dire que s'il s'agissait d'une amitié, elle était à sens unique: c'est Aubrey qui considérait Ruthwen comme son ami, et non l'inverse. Lorsque ce dernier manifestait des marques d'amitié ou de simple intérêt envers Aubrey, ce n'était qu'à la seule fin de se servir de lui pour réaliser ses horribles desseins. La pire de toutes est vraiment cette promesse qu'il exige d'Aubrey, au moment de sa soi-disant mort, de ne rien révéler à quiconque de ce qu'il sait de lui et de sa vie, avant un an et un jour... Un an et un jour, c'est le temps maximum pendant lequel un vampire peut se priver de sang  mais, évidemment, Aubrey n'en sait rien. Et, comble de l'ignominie, c'est à la propre soeur de son meilleur ami qu'il s'attaquera. L'année précédente, c'est à Ianthe, la bien-aimée d'Aubrey, qu'il s'était attaqué violemment en la vidant de son sang.

Durant la période fixée d'un an et un jour, Aubrey, qui s'est aperçu de l'existence de Lord Ruthwen, bien en vie et fréquentant les salons londoniens, sombre dans le désespoir et presque la folie. Torturé mentalement et, surtout, moralement, ne pouvant briser le serment qu'il a si généreusement et si inconsidérément prononcé, ses tuteurs le reprennent en charge, le soupçonnant d'être réellement tombé dans l'aliénation mentale. Lorsque Ruthwen apprit la nouvelle, il eut peine à cacher sa joie triomphante et, pour augmenter encore celle-ci, il s'attacha alors à séduire et conquérir le coeur de "Miss Aubrey" et ce, sans peine, on peut l'imaginer.

Etablir une amitié pour, ensuite, mieux détruire l'autre et le réduire à rien, et jouir d'un tel spectacle, tel pourrait être le résumé de cette nouvelle de Polidori.



Texte intégral anglais du Vampire de Polidori
Texte intégral en français (précédé d'une petite étude sur l'origine des vampires)





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