La morte amoureuse

(1836)

de



Théophile Gautier



Présentation et commentaires de Thérèse-Isabelle Saulnier


Référence: "Les cent ans de Dracula", une anthologie présentée par  Barbara Sadoul, Librio 1997, p. 39 à  65.

NOTE:
Cette histoire de Théophile Gautier est tellement bien écrite que j'aurai sans doute tendance à en citer de nombreux extraits. Qu'on ne m'en veuille surtout pas et, au contraire, que l'on jouisse d'une si belle écriture! Du grand art!



Les principaux personnages



Le type de vampire qu'est Clarimonde



L'histoire

C'est Romuald, âgé maintenant de 66 ans, qui est le narrateur et qui raconte sa propre histoire, répondant ainsi à une demande qu'on lui a faite: "Avez-vous déjà aimé?" - Oh! Que si! Il a vécu, pendant trois ans, un amour extrêmement violent, "insensé et furieux", trois ans pendant lesquels, dit-il, il fut "le jouet d'une illusion singulière et diabolique" (p.39) et "victime d'une fascination inexplicable" (p. 40).

Le jour même de son ordination - il a 24 ans à ce moment-là et n'a connu du monde que le séminaire - , lui apparaît Clarimonde. Alors qu'il était si sûr de sa vocation, le voici tout à coup extrêmement troublé, et sa seule vue provoque en lui une véritable transformation: "Ce fut comme si des écailles me tombaient des prunelles. J'éprouvai la sensation d'un aveugle qui recouvrerait subitement la vue."
(p.40)  Mais il dit "oui" tout en voulant dire "non" pour son ordination. - Malheureuse Clarimonde, déjà amoureuse, qui voit son amour "volé" par nul autre que Dieu en personne! Juste avant qu'il ne sorte de l'église, une main prend la sienne, et c'est celle de Clarimonde. Et un peu plus tard, un page lui remet un petit portefeuille dans lequel est écrit: "Clarimonde, au palais Concini". Romuald n'a plus alors qu'un seul désir, la revoir. Les premiers jours de sa prêtrise sont infernaux. Son supérieur, l'abbé Sérapion, le met en garde contre "les suggestions du diable" et lui conseille ceci:

"
Faites-vous une cuirasse de prières, un bouclier de mortifications, et combattez vaillamment l'ennemi; vous le vaincrez. L'épreuve est nécessaire à la vertu et l'on sort plus fin de la coupelle. Ne vous effrayez ni ne vous découragez; les âmes les mieux gardées et les plus affermies ont eu de ces moments. Priez, jeûnez, méditez, et le mauvais esprit se retirera." (p.46)

Or, voici qu'on lui donne une cure, assez loin de la ville où il se trouve, ainsi que Clarimonde. Juste au sortir de la ville, il distingue nettement un château et s'informe. Sérapion lui répond: "C'est l'ancien palais que le prince Concini a donné à la courtisane Clarimonde; il s'y passe d'épouvantables choses."
(p.47)

Un an se passe, pendant lequel la pensée de Clarimonde l'obsède toujours et sans répit. Une nuit, il est appelé au chevet d'une mourante. Après une course échevelée à cheval, il arrive dans un château, mais trop tard,  la femme est déjà morte... et c'est, bien sûr, Clarimonde elle-même. Réaction de Romuald, en prière au pied du lit:

"
Je me mis à réciter les psaumes avec une grande ferveur, remerciant Dieu qu'il eût mis la tombe entre l'idée de cette femme et moi, pour que je pusse ajouter à mes prières son nom désormais sanctifié." (p.51)

Finalement, il ose regarder le corps et constate que c'est bien Clarimonde, morte, ou plongée dans un profond sommeil? Quoi qu'il en soit, dans cet état, elle était plus séduisante que jamais. Se penchant sur son visage, il pleure et des larmes tombent sur les joues de la morte et, avant de partir, il éprouve le désir fulgurant de déposer sur ses lèvres un baiser d'adieu, dès lequel, comme la Belle au Bois Dormant, Clarimonde se réveille.

"
Ah! c'est toi, Romuald, dit-elle d'une voix languissante et douce comme les dernières vibrations d'une harpe; que fais-tu donc? Je t'ai attendu si longtemps, que je suis morte; mais maintenant nous sommes fiancés, je pourrai te voir et aller chez toi. Adieu, Romuald, adieu! je t'aime; c'est tout ce que je voulais te dire, et je te rends la vie que tu as rappelée sur moi une minute avec ton baiser; à bientôt." (p.53)

La revoici à l'état de morte et Romuald s'évanouit sur elle...  A son réveil, il est au presbytère, dans son lit. Cela faisait trois jours qu'il était inconscient. L'abbé Sérapion vient le voir, et lance, tout à coup:

"
La grande courtisane Clarimonde est morte dernièrement, à la suite d'une orgie qui a duré huit jours et huit nuits. Ç'a été quelque chose d'infernalement splendide. On a renouvelé là les abominations des festins de Balthazar et de Cléopâtre. Dans quel siècle vivons-nous, bon Dieu! Les convives étaient servis par des esclaves basanés parlant un langage inconnu, et qui m'ont tout l'air de vrais démons; la livrée du moindre d'entre eux eût pu servir d'habit de gala à un empereur. Il a couru de tout temps sur cette Clarimonde de bien étranges histoires, et tous ses amants ont fini d'une manière misérable ou violente. On a dit que c'était une goule, un vampire femelle; mais je crois que c'était Belzébuth en personne." (p.55)

Voyant le trouble de Romuald à cette annonce, il l'avertit de faire bien attention et précise que, à ce qu'on dit, ce n'est pas la première fois que cette Clarimonde meurt, et insinue qu'il pourrait bien s'agir de Satan en personne...

Tout se passe bien jusqu'à ce qu'une nuit, Clarimonde lui apparaisse, vêtue du suaire de lin transparent dont il l'avait vue recouverte, au château. Son corps est d'une blancheur mortuaire, ses beaux yeux verts ont perdu leur éclat et ses lèvres sont devenues d'un rose très pâle.

"
Je me suis bien fait attendre, mon cher Romuald, et tu as dû croire que je t'avais oublié. Mais je viens de bien loin, et d'un endroit d'où personne n'est encore revenu: il n'y a ni lune ni soleil au pays d'où j'arrive; ce n'est que de l'espace et de l'ombre; ni chemin, ni sentier; point de terre pour le pied, point d'air pour l'aile; et pourtant me voici, car l'amour est plus fort que la mort, et il finira par la vaincre. Ah! que de faces mornes et de choses terribles j'ai vues dans mon voyage! Que de peine mon âme, rentrée dans ce monde par la puissance de la volonté, a eue pour retrouver son corps et s'y réinstaller! Que d'efforts il m'a fallu faire avant de lever la dalle dont on m'avait couverte! Tiens! le dedans de mes pauvres mains en est tout meurtri. Baise-les pour les guérir, cher amour!" (p.56)

"Je t'aimais bien longtemps avant de t'avoir vu, mon cher Romuald, et je te cherchais partout. Tu étais mon rêve, et je t'ai aperçu dans l'église au fatal moment; j'ai dit tout de suite: "C'est lui!" Je te jetai un regard où je mis tout l'amour que j'avais eu, que j'avais et que je devais avoir pour toi; un regard à damner un cardinal, à faire agenouiller un roi à mes pieds devant toute sa cour. Tu restas impassible et tu me préféras ton Dieu. Ah! que je suis jalouse de Dieu, que tu as aimé et que tu aimes encore plus que moi! Malheureuse, malheureuse que je suis! je n'aurai jamais ton coeur à moi toute seule, moi que tu as ressuscitée d'un baiser, Clarimonde la morte, qui force à cause de toi les portes du tombeau et qui vient te consacrer une vie qu'elle n'a reprise que pour te rendre heureux !" (p.57)

Le lendemain soir, elle revient le chercher. Elle est "non pas, comme la première fois, pâle dans son pâle suaire et les violettes de la mort sur les joues, mais gaie, leste et pimpante, avec un superbe habit de voyage en velours vert orné de ganses d'or et retroussé sur le côté pour laisser voir une jupe de satin". (p.58) Elle le vêt de somptueux habits, et l'habit faisant le moine, le voilà transformé en quelqu'un d'autre! Et les voici, tous deux, filant à vive allure vers... Venise, où il est il signor Romualdo, l'amant en titre de Clarimonde, et mène une vie de luxe et de débauche, tout en lui restant fidèle, et elle à lui. Mais Clarimonde se met à dépérir: son teint pâlit de jour en jour,  et elle devient de plus en plus froide et blanche. Mais voilà que...

"
Un matin, j'étais assis auprès de son lit, et je déjeunais sur une petite table pour ne la pas quitter d'une minute. En coupant un fruit, je me fis par hasard au doigt une entaille assez profonde. Le sang partit aussitôt en filets pourpres, et quelques gouttes rejaillirent sur Clarimonde. Ses yeux s'éclairèrent, sa physionomie prit une expression de joie féroce et sauvage que je ne lui avais jamais vue. Elle sauta à bas du lit avec une agilité animale, une agilité de singe ou de chat, et se précipita sur ma blessure qu'elle se mit à sucer avec un air d'indicible volupté. Elle avalait le sang par petites gorgées, lentement et précieusement, comme un gourmet qui savoure un vin de Xérès ou de Syracuse; elle clignait les yeux à demi, et la pupille de ses prunelles vertes était devenue oblongue au lieu de ronde. De temps à autre elle s'interrompait pour me baiser la main, puis elle recommençait à presser de ses lèvres les lèvres de la plaie pour en faire sortir encore quelques gouttes rouges. Quand elle vit que le sang ne venait plus, elle se releva l'oeil humide et brillant, plus rose qu'une aurore de mai, la figure pleine, la main tiède et moite, enfin plus belle que jamais et dans un état parfait de santé.- "Je ne mourrai pas! je ne mourrai pas! dit-elle à moitié folle de joie et en se pendant à mon cou; je pourrai t'aimer encore longtemps. Ma vie est dans la tienne, et tout ce qui est moi vient de toi. Quelques gouttes de ton riche et noble sang, plus précieux et plus efficace que tous les élixirs du monde, m'ont rendu l'existence." (p.61-62))

C'est là que Romuald se rend compte que Clarimonde est bel et bien une vampire, mais il ne peut s'empêcher de l'aimer et d'entretenir sa vie factice. Pendant le jour, cependant, le prêtre qu'il est a de plus en plus de scrupules, jusqu'à tenter de ne pas s'endormir, mais en vain. L'abbé Sérapion décide alors d'utiliser les grands moyens pour en finir:

"
Pour vous débarrasser de cette obsession, il n'y a qu'un moyen, et, quoiqu'il soit extrême, il le faut employer: aux grands maux les grands remèdes. Je sais où Clarimonde a été enterrée; il faut que nous la déterrions et que vous voyiez dans quel état pitoyable est l'objet de votre amour; vous ne serez plus tenté de perdre votre âme pour un cadavre immonde dévoré des vers et près de tomber en poudre; cela vous fera assurément rentrer en vous-même." (p.63)

A bout de forces, fatigué de mener cette double vie, Romuald accepte: l'un des deux hommes qu'il est doit mourir. Au cimetière, ils trouvent le tombeau, et Sérapion se met à l'oeuvre pour dégager le cercueil. Dedans, Clarimonde, "pâle comme un marbre, les mains jointes; son blanc suaire ne faisait qu'un seul pli de sa tête à ses pieds. Une petite goutte rouge brillait comme une rose au coin de sa bouche décolorée"
(p. 64-65).  C'est l'eau bénite qui aura raison de Clarimonde la vampire:

"Et il aspergea d'eau bénite le corps et le cercueil sur lequel il traça la forme d'une croix avec son goupillon. La pauvre Clarimonde n'eut pas été plus tôt touchée par la sainte rosée que son beau corps tomba en poussière; ce ne fut plus qu'un mélange affreusement informe de cendres et d'os à demi calcinés." (p,65)

La nuit suivante, Clarimonde lui apparaît pour une dernière fois, lui disant: 
"Malheureux! malheureux! qu'as-tu fait? Pourquoi as-tu écouté ce prêtre imbécile? n'étais-tu pas heureux? et que t'avais-je fait, pour violer ma pauvre tombe et mettre à nu les misères de mon néant? Toute communication entre nos âmes et nos corps est rompue désormais. Adieu, tu me regretteras." (p.65)

* * *

Commentaires


- Vampirisme et religion

Ce qui fait le charme particulier de ce récit, c'est le fait que le héros soit un prêtre, et de la plus pure innocence que l'on puisse imaginer (toute sa vie, depuis sa tendre enfance, il n'a désiré qu'une seule chose: devenir prêtre). C'est donc l'illustration des tentations sensuelles, érotiques et sexuelles qui peuvent s'emparer d'un religieux et le posséder comme s'il était sous l'emprise d'un démon ou de Satan en personne. Clarimonde, c'est la beauté, la jeunesse, la vie, l'amour et la liberté. La prêtrise, c'est le tombeau, la mort, l'état de mort-vivant! En ce sens, Gautier rejoint ici l'idée même que Goethe développa dans sa "Fiancée de Corinthe". Mais laissons l'auteur parler des deux vies.

"Être prêtre! c'est-à-dire chaste, ne pas aimer, ne distinguer ni le sexe ni l'âge, se détourner de toute beauté, se crever les yeux, ramper sous l'ombre glaciale d'un cloître ou d'une église, ne voir que des mourants, veiller auprès de cadavres inconnus et porter soi-même son deuil sur sa soutane noire, de sorte que l'on peut faire de votre habit un drap pour votre cercueil!  - Et je sentais la vie monter en moi comme un lac intérieur qui s'enfle et qui déborde; mon sang battait avec force dans mes artères; ma jeunesse, si longtemps comprimée, éclatait tout d'un coup comme l'aloès qui met cent ans à fleurir et qui éclôt avec un coup de tonnerre. " (p.45)

Et encore (admirez le style!):

"Ah! si je n'eusse pas été prêtre, j'aurais pu la voir tous les jours; j'aurais été son amant, son époux, me disais-je dans mon aveuglement; au lieu d'être enveloppé dans mon triste suaire, j'aurais des habits de soie et de velours, des chaînes d'or, une épée et des plumes comme les beaux jeunes cavaliers. Mes cheveux, au lieu d'être déshonorés par une large tonsure, se joueraient autour de mon cou en boucles ondoyantes. J'aurais une belle moustache cirée, je serais un vaillant. Mais une heure passée devant un autel, quelques paroles à peine articulées, me retranchaient à tout jamais du nombre des vivants, et j'avais scellé moi-même la pierre de mon tombeau, j'avais poussé de ma main le verrou de ma prison!" (p. 45)



- Vampirisme et amour: l'amour plus fort que la mort

L'amour plus fort que la mort. Tel pourrait fort bien être le thème central de ce récit. D'abord, Romuald lui-même parle de lui et de Clarimonde comme de deux âmes sympatiquement liées, qui ressentent le moindre sentiment qui s'agite dans celle de l'autre. "Je t'ai attendu si longtemps que je suis morte", lui dit-elle. (p.53) - "Me voici, car l'amour est plus fort quee la mort, et il finira par la vaincre", lui dit-il. (p.56) - "Malheureuse, malheureuse que je suis! Je n'aurai jamais ton coeur à moi toute seule, moi que tu as ressuscitée d'un baiser, Clarimonde la morte, qui force à cause de toi les portes du tombeau et qui vient te consacrer une vie qu'elle n'a reprise que pour te rendre heureux!" (p. 57)
Clarimonde est morte, et c'est lui qui lui redonne vie. Lorsqu'il est appelé à son chevet pour les derniers sacrements, il se dit: "J'aurais voulu pouvoir ramasser ma vie en un morceau pour la lui donner et souffler sur sa dépouille glacée la flamme qui me dévorait." (p.53)

Autre thème fort possible, c'est le mourir d'amour. Aller jusqu'à sacrifier sa vie pour l'autre. Vivre l'un par l'autre, l'un dans l'autre, dans et par l'autre. On le voit bien lorsque Clarimonde, si amoureuse qu'elle ne peut plus s'approcher de quiconque autre que son amant, dépérit à vue d'oeil: elle est en train, littéralement, de mourir d'amour! Quant à Romuald, il est prêt à lui donner tout son sang pour qu'elle vive.


- Quand un vampire tombe amoureux

Quand un vampire tombe amoureux, réellement amoureux, quelque chose le retient. Ainsi, Clarimonde met un certain temps avant la première "prise de sang", qui s'effectue, d'ailleurs, un peu par hasard, suite à une blessure que Romuald s'est faite au doigt. Depuis sa rencontre avec lui, elle refuse le contact de tout autre homme, comme si leur amour était le premier et le dernier, de sorte qu'elle perd la santé de jour en jour. Elle pâlit à vue d'oeil et devient de plus en plus froide, presque aussi blanche et aussi morte qu'à sa "présumée" mort au château. Elle dépérit. (C'est le cas de le dire, elle est littéralement en train de mourir d'amour!!)  Et c'est d'une admirable manière, marque d'amour en soi, qu'elle prélève le précieux sang dont elle a tant besoin: d'abord, elle verse de la poudre dans la coupe de vin de son amant, qu'elle lui prépare après le repas. Elle le pique ensuite au bras avec une épingle d'or qu'elle retire de ses cheveux, ne prenant chaque fois que ce qu'il faut pour ne pas laisser s'éteindre sa propre vie. Après l'absorption de quelques gouttes, ne voulant surtout pas épuiser son amant, elle entoure le bras de ce dernier d'une petite bandelette, après avoir frotté la plaie d'un onguent qui la cicatrise instantanément! Et elle dit:

"
Une goutte, rien qu'une petite goutte rouge, un rubis au bout de mon aiguille!... Puisque tu m'aimes encore, il ne faut pas que je meure... Ah! pauvre amour! Ton beau sang d'une couleur pourpre si éclatante, je vais le boire. Dors, mon seul bien; dors, mon dieu, mon enfant; je ne te ferai pas de mal, je ne prendrai de ta vie que ce qu'il faudra pour ne pas laisser éteindre la mienne. Si je ne t'aimais pas tant, je pourrais me résoudre à avoir d'autres amants dont je tarirais les veines; mais depuis que je te connais, j'ai tout le monde en horreur... Ah! le beau bras! comme il est rond! comme il est blanc! Je n'oserai jamais piquer cette jolie veine bleue."  Et, tout en disant cela, elle pleurait, et je sentais pleuvoir ses larmes sur mon bras qu'elle tenait entre ses mains. Enfin elle se décida, me fit une petite piqûre avec son aiguille et se mit à pomper le sang qui en coulait. Quoiqu'elle en eût bu à peine quelques gouttes, la crainte de m'épuiser la prenant, elle m'entoura avec soin le bras d'une petite bandelette après avoir frotté la plaie d'un onguent qui la cicatrisa sur-le-champ. " (p. 62-63)


- Quuand vous devenez en amour avec un vampire

Quelques mots pour cerner la nature de cet amour: séduction totale et subite, coup de foudre absolument foudroyant et indestructible, ravissement, séduction, subjugation, possession. Romuald parle d'un amour qui, au premier regard, s'enracine indestructiblement. "
Cet amour né tout à l'heure s'était indestructiblement enraciné; je ne songeai même pas à essayer de l'arracher, tant je sentais que c'était là chose impossible. Cette femme s'était complètement emparée de moi, un seul regard avait suffi pour me changer; elle m'avait soufflé sa volonté; je ne vivais plus dans moi, mais dans elle et par elle." (p. 44) Et "je sentais la vie monter en moi comme un lac intérieur qui s'enfle et qui déborde." (p.45)

Quant à lui, comme bien des victimes ensorcelées par un vampire, il s'exclame: "Malgré cette certitude (qu'elle est un vampire), je ne pouvais m'empêcher d'aimer Clarimonde, et je lui aurais volontiers donné tout le sang dont elle avait besoin pour soutenir son existence factice" et: "Je me serais ouvert le bras moi-même et je lui aurais dit: 'Bois! et que mon amour s'infiltre dans ton corps avec mon sang!" (p.63)


Histoires de vampire: la confusion entre le rêve et la réalité

Cette confusion se retrouve dans bien des histoires de vampire. Tout se passe la nuit, bien entendu, et tout se passe comme dans un rêve, aussi. En ce qui concerne Romuald, prêtre de son état, il vit une double vie, l'une diurne et l'autre nocturne, tout à fait différentes l'une de l'autre, voire même tout à fait opposées. "
Le jour, j'étais un prêtre du Seigneur, chaste, occupé de la prière et des choses saintes; la nuit, dès que j'avais fermé les yeux, je devenais un jeune seigneur, fin connaisseur en femmes, en chiens et en chevaux, jouant aux dés, buvant et blasphémant; et lorsqu'au lever de l'aube je me réveillais, il me semblait au contraire que je m'endormais et que je rêvais que j'étais prêtre." (p.39) - "A dater de cette nuit, ma nature s'est en quelque sorte dédoublée, et il y eut en moi deux hommes dont l'un ne connaissait pas l'autre. Tantôt je me croyais un prêtre qui rêvait chaque soir qu'il était gentilhomme, tantôt un gentilhomme qui rêvait qu'il était prêtre. Je ne pouvais plus distinguer le songe de la veille, et je ne savais pas où commençait la réalité et où finissait l'illusion. Le jeune seigneur fat et libertin se raillait du prêtre, le prêtre détestait les dissolutions du jeune seigneur. Deux spirales enchevêtrées l'une dans l'autre et confondues sans se toucher jamais représentent très bien cette vie bicéphale qui fut la mienne." (p.59-60)

Après sa première nuit avec elle, c'est comme si sa nature s'était dédoublée: il y avait désormais deux hommes en lui, dont l'un ne connaissait pas l'autre, sans compter la confusion entre la veille et le sommeil, la réalité et l'illusion, tant ce qu'il vivait la nuit avec Clarimonde semblait réel.



Le texte intégral de la nouvelle sur abu. cnam






Hosted by www.Geocities.ws

1