Réflexions à partir du film
"Bram Stoker's Dracula"
de Francis Ford Coppola
par
Thérèse-Isabelle Saulnier
Gary Oldman dans le rôle du comte Vlad Dracula
- sous son plus bel aspect!! -
Vampirisme et sexualité
On dit que les vampires font des orgies nocturnes. Il y a effectivement
un aspect sexuel très prononcé dans la morsure du ou de
la vampire, et même dans l'état de faiblesse, souvent
extrême, qui s'ensuit (quand la victime n'est pas
complètement vidée de son sang et ne meurt pas sur le
coup). La morsure vampirique est, en soi, un acte sexuel, mais
comme transfiguré ou, mieux, transposé,
déplacé, peut-être même sublimé au
sens freudien du terme. La morsure et l'aspiration du sang, c'est
l'équivalent de l'acte sexuel, c'est l'état orgasmique
suivi d'une presque complète baisse de tension (l'état de
faiblesse, plus ou moins grave selon la quantité de sang
prélevée). "Vampirisée" une première fois,
Lucie devient presque une "maniaque du sexe" lorsqu'une "crise" lui
prend, et pratiquement aucun homme ne peut résister à son
"appel", à son invitation. Comme s'ils devenaient
hypnotisés ou irrésistiblement attirés
sexuellement. Jonathan se retrouve, lui aussi, dans la même
situation et ce n'est que par un effort surhumain qu'il réussit
à s'enfuir.
On retrouve cette même idée dans plusieurs autres contes
ou récits de vampires, dont celui de Crawford, "Car la vie est
dans le sang", mettant en scène le couple Christina et Angelo,
et celui de Théophile Gauthier, "La morte amoureuse", avec
l'admirable couple Clarimonde et Romuald.
Le christianisme, en particulier, a dévalorisé et
déprécié la sexualité. On pourrait dire,
alors, que le vampirisme est... une revanche de la nature! Le
vampirisme, c'est... la revanche d'Eros!! La sexualité,
dans ce qu'elle a de plus "sauvage", de plus "jouissif" (la recherche
du plaisir intense, orgasmique) y reprend ses droits, mais c'est dans
le cadre de ce qu'on qualifie généralement comme
étant des orgies. (Le désir furieux.)
Transgression
Une autre idée reliée au vampirisme, et proche de la
sexualité, est celle de la transgression. Transgression des
lois, de toutes les lois mais, surtout, des lois morales,
évidemment. Transgression aussi des lois de la vie
elle-même, qui implique la mort. Le vampirisme est le refus et la
négation de la mort, la recherche de l'immortalité.
Vampirisme et amour
L'amour vampirique est un amour DÉVORANT, qui se nourrit de la
vie - et de l'énergie vitale - de l'autre. C'est aussi un amour
CONSUMANT, qui épuise complètement les forces et fait
dépérir progressivement et inéluctablement celui
ou celle qui en est victime. Le vampire dévore, la victime se
consume. Mina, complètement amoureuse du prince Vlad alias comte
Dracula, est prête à mourir pour lui et lui demande de la
rendre comme lui pour pouvoir partager entièrement ce qu'il vit.
L'amour consumant fait disparaitre la personnalité propre de
celui ou celle qui en est victime au profit exclusif de l'être
aimé. Les hommes amoureux d'une vampire sont toujours
prêts à donner jusqu'à leur dernière goutte
de sang pour maintenir en vie leur maîtresse.
L'amour consume quand seul l'autre compte, comme s'il ne pouvait y
avoir de vie sans l'autre. (Mina ne dit-elle pas qu'elle ne s'est
jamais autant sentie vivre, vivante, qu'en présence de son
prince?) Comme s'il ne pouvait y avoir d'absences, tant la
présence de l'autre est devenue un besoin. C'est la totale
dépendance, l'archi-dépendance. Vivre sans l'autre
à ses côtés, c'est comme ne pas vivre, ne pas
être. C'est vivre "en attente", dans une sorte de
léthargie, de vague-à-l'âme, dans un état
à-demi hypnotique, dans une langueur... S'il faut faire quelque
chose, on s'y met, mais dès qu'on peut, on se retrouve dans le
monde de l'Autre. En société, on se montre aimable, mais
dès qu'on peut.... - C'est
ainsi que vivrait Isadora, la victime de mon vampire amoureux..
Quand un vampire tombe amoureux
Un vampire strictement séducteur n'aime pas.C'est un
véritable Don Juan, mais sanguinaire. Il séduit une
jeune fille pure, vierge, innocente, vertueuse et
inexpérimentée, et une fois qu'elle est tombée en
son pouvoir, il la vampirise, il la vide de son sang et "bye, la
visite"! Et la pauvre victime devient alors une
dépravée. Les femmes vampires sont appelées
"les putains de l'enfer", "les amantes de Satan".
Le comte Dracula est AMOUREUX de Mina, comme il l'était de son
épouse Elisabetha il y a de cela quatre siècles. La
première fois qu'il veut la mordre, il se retient, il ne peut
pas la mordre. Il commence à se transformer en vampire (yeux qui
s'injectent de sang et canines supérieures qui allongent), mais
redevient "homme", reste homme. C'est l'amour qui le rend....
impuissant ou respectueux!!
La "séduction vampirique", pourrait-on dire, est une
sexualité sans amour. A l'opposé, l'amour d'un vampire
est comme un amour sans sexualité, un amour platonique,
idéalisé. (Quoique cela ne soit pas sûr. Les
récits ne sont pas clairs, ne sont pas explicites sur ce point.)
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